fear it, or control it. (joy)

L’âme torturée. Torpillée, par une multitude de pensées. Elles se fracassent contre son crâne, toutes, les unes après les autres. Elles se fracassent contre son crâne, cherchant à tout prix à s’en échapper, lorsqu’elle se contente d’intérioriser. Et cela ne te ressemble pas, Joy, vraiment pas, de tout garder pour toi. Cela ne te ressemble pas, volcan en éruption permanente, explosant au gré de tes humeurs et de tes sentiments. Elle n’est pas de celles qui se taisent, pas de celles qui se soumettent, la lionne au cœur d’or. Elle n’est pas de celles-ci, pourtant elle ne dit rien, sur ce qu’elle éprouve. Rien, sur ce qui l’empêche de trouver le sommeil, chaque fois. Les questions qui tournent, encore, sur ses origines. Les réponses, qui ne viennent pas, laissant en elle les souvenirs de quelques mots couchés sur le papier. Ses mots à elle, sa mère. Sa véritable mère. Prostituée, déchirée, obligée de l’abandonner. Et si tu finissais comme elle, Joy. Si tu terminais exactement comme elle. Tu ne peux t’empêcher de l’imaginer, gamine aux rêves envolés, gamine aux rêves brisés. Parce que t’es pas l’élite. Parce que t’es qu’une fille d’artisans, une fille à qui les grandes écoles d’art n’ouvrent pas leurs portes. Pour s’en sortir, elle n’a pas trouver meilleure solution que cet hôtel, Joy. L’endroit dans lequel elle passe la plus grande partie de son temps, astiquant l’endroit de fond en comble. Il y a aussi les clients, riches clients, ceux qu’elle se plait à fréquenter loin de ces mûrs. Ceux de qui elle s’approche volontiers, contre quelques beaux cadeaux. Et puis Hera. Hera. Parfois douceur, parfois obscurité. Hera, qui peut aussi bien lui offrir le monde entier que la placer bien en-dessous. Ta relation avec elle, elle est particulière, Joy. Particulière, mais tu ne t’en détache pas. Tu ne t’en détache pas parce qu’au fond de ton être, t’as cette sensation d’être liée à elle. Véritablement liée à elle. Elle n’est pas surprise, lorsqu’elle sent sa main se glisser contre son dos. Pas surprise, lorsqu’elle lui demande de passer un moment avec elle. - Oui. Qu’elle souffle simplement, s’installant  à ses côtés. Il y aura toujours cette part d’elle, pleine de tendresse envers Hera. Peu importe ses comportements. Peu importe ce qui arrive. - Merci. Toi aussi. Toujours belle, somptueuse Hera. Elle est de ces femmes qu’on ne croisent qu’une fois. - Est-ce que tu vas bien ? Sa voix est douce, la question s’échappe de ses lèvres, impossible de la garder pour elle. En elle. Impossible, parce qu’elle voit bien que quelque chose ne tourne pas. Elle sent bien cette aura, cette noirceur vacillant autour de son être.

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Hera. Elle ne ressent jamais de colère, envers elle. Jamais cette envie de rugir telle la lionne sauvage qu’elle est, bien trop souvent. Elle ne ressent jamais de colère ni même d’inquiétude, parce qu’elle le sait, s’il le fallait, Hera serait présente pour elle. Elle serait présente pour elle, et c’est ce qu’elle veut faire à son tour, ce soir. Si elle lui demande un moment en sa compagnie, elle le lui offre, tout simplement et sans poser de questions. Parce que tu es bien plus fragile, bien plus faible que t’en as l’air, lorsque tu aimes, Joy. Parce que ton cœur est beaucoup trop doux, lorsque tu aimes, Joy. Ce dernier bien caché derrière ta carapace superficielle et révoltée, au fond, tu n’es rien de tout cela. Elle n’est pas ce qu’elle paraît être, pas ce qu’elle accepte de montrer. Et elle ne sait pas si Hera le voit, si Hera le perçoit, mais elle, en revanche, perçoit sans mal sa souffrance. Perçoit sans mal sa douleur. Et elle a envie de l’apaise, comme elle le peut. Envie d’effacer les brûlures démoniaques qui parcourent bien trop souvent son être, dévore son esprit. Est-ce qu’elle l’a remarqué ? Evidemment. Attentive à elle, qu’elle le veuille ou non. Préoccupée par son sort, qu’elle le désire ou non. - Oui, je l’ai remarqué. Tu as besoin de quelque chose ? Son regard se fait plus insistant, le bleu plus clair, digne d’un océan taché par les malheurs de la vie. Malheurs dont elle voudrait pouvoir préserver Hera, à sa manière. Même si elle arrive sûrement trop tard, assurément trop tard. La quadragénaire dévie le sujet, retournant les interrogations contre elle, pointant du doigt cet air préoccupé qui n’entre pas en communion avec la beauté de son visage. - Pas de problèmes. Des préoccupations. Le regard détourné, quelques instants, parce qu’elle ne sait pas si elle devrait lui parler. Parce qu’elle ne sait pas si elle devrait parler, tout simplement. Aborder le sujet douloureux ou continuer à l’éviter, quitte à ne pas en dormir la nuit. Elle est tellement changeante, Hera, que t’as peur de lui offrir un moyen de pression sur toi, Joy. Peur que selon la couleur du ciel un matin, elle ne soit plus là uniquement pour l’aider. - Merci… Mais… Je ne pense pas que quelqu’un puisse faire quoi que ce soit pour moi. Les vagues à l’âme, le chaos des sentiments, rien à voir avec ce monde louche dans lequel elle trempe. Rien à voir avec les soucis tous droits sortis des plus grands films. Non, il n’y a qu’elle. Qu’elle et les blessures de son cœur. Elle et les peurs de son esprit. Elle, et cette mère inconnue qui hante ses nuits.

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Touchée en plein cœur. Elle se sent touchée en plein cœur, avec elle. Toujours. Toujours. Sa présence venant à la fois réchauffer son être que lacérer ses entrailles. Elle est Hera, tout simplement. Et si nombreux sont les êtres qui la craignent, ce n’est pas le cas de l’artiste. Toi, ce n’est pas de la crainte, que tu ressens envers elle, Joy. Ce n’est que de l’amour. Cet amour particulier. Cet amour à ta manière, à la sienne, parce que vous n’êtes peut-être pas les meilleures personnes pour aimer, pour prouver, pour dévoiler. Et machinalement, au nom de ce même amour, elle accepte ce verre à ses côtés. Elle accepte de se tenir simplement là, près d’elle, pour lui tenir compagnie ou pour qu’elle ne soit pas seule. La blonde ne rebondit pas, ne souhaite pas s’immiscer dans les pensées les plus sombres de sa patronne, car si elle souhaite les lui dévoiler, elle le fera d’elle-même. Mais à la place, la conversation lui revient comme un boomerang. La rappelle à ses tourments, à ses désillusions, aux espoirs qui se sont envolés et qu’elle ne retrouvera jamais. Ses craintes, ses hésitations, ses peines. Tout ce qu’Hera semble percevoir alors même qu’elle ne sait rien. Et son don est peut-être là. Machinalement, Joy attrape avec douceur la main d’Hera, lorsque ses doigts viennent effleurer les siens. Il y a cette tendresse. Il y a cette passion. Et tout ce qu’elle ne dira pas, tout ce qu’elle taira. Ses mots sonnent comme douceur, apaisent son âme, calment son esprit. Doit-elle s’y fier ? Doit-elle reculer ? Peut-être qu’il est simplement déjà trop tard pour toi, Joy. - C’est… Une histoire de famille qui me ronge l’esprit… Qu’elle lâche, baissant la tête qu’elle secoue fébrilement. Une histoire de famille, beaucoup trop vague pour définir ce de quoi il s’agit réellement. - Quelqu’un que j’aimerais retrouver. Mais j’ai aussi très peur. Elle lui dévoile, à demi-mots, ce qui la bouleverse. Mais si elle savait, si elle connaissait toute l’histoire, Hera, elle comprendrait bien plus que ce qui la rend triste, aujourd’hui. Elle comprendrait son mécanisme tout entier. Parce que la recherche de ta mère, Joy, elle est directement liée à tes angoisses les plus profondes. A ta peur de ne jamais être assez bien. Ta peur de rester en bas, de stagner dans cette vie misérable.

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