good as hell. (lilith)

- tu sors ce soir.
- bah non j’sors pas.
- c’était pas une question, tu sors, allez, j’ai des trucs à faire, je te veux pas dans mes pattes. il parlait tout en attrapant son frère par le bras, le trainant de force jusqu’à la porte d’entrée,
- eh mais, j’avais pas fini d’bouffer et j’ai pas envie d’sortir !
- je te revaudrai ça, promis, promis, promis… il avait des yeux de merlan frit, juste assez pour faire plier son frère, qui acceptait en ruminant dans sa barbe. Il lui revaudrait ça au centuple, il le savait, mais il en avait que faire Ismaël.
C’était Lilith qui gravitait dans son crâne.
C’était Lilith, qui bouffait chacune de ses pensées, ne lui laissant pas la moindre minute de répit. Il avait hurlé de rage quand elle avait refermé la portière de la voiture. Avait frappé le volant de son Aston Martin jusqu’à en perdre son souffle. Il s’était insulté de tout les noms, avait maudit son caractère de merde, le cœur au bord de l’explosion. Il ne se supportait plus Ismaël. Il n’arrivait plus à vivre avec cette partie de lui qui était vouée à le conduire vers un échec cuisant. Ce qu’il voulait, c’était lutter contre lui-même. Prendre le taureau par les cornes, une fois dans sa putain de vie. Il avait laissé son palpitant prendre la parole, le temps de quelques sms échangés, le regard suppliant derrière son écran comme si elle avait été à même de le voir.
(…)
Il tourne en rond dans le loft le blond, une clope accrochée aux lèvres.
Les cheveux autant en vrac que ses idées qui ne s’éclaircissaient pas.
La dégaine d’un adolescent, pieds nus, dans son t-shirt blanc et son slim délavé.
Il tourne en rond et il s’impatiente Ismaël, la peur au ventre qu’elle n’ait pas pris ce taxi, le laissant ainsi seul face à lui-même pour le reste de la soirée. Il était en cage Ismaël, il vivait sa vie de manière anarchique enfermant ses moindres sentiments. Jouant de sa place dans la société pour ne jamais se livrer au monde. Il suffoquait et si Lilith n’était pas réapparue comme par magie dans sa vie, il ne s’en serait jamais rendu compte.
Il eut un sursaut lorsque l’on toqua à la porte. Une énième clope entre les doigts, il ouvre la porte. Les battements de son cœur s’affolèrent en la voyant sur le pas de sa porte. Ses iris claires plongèrent dans les siennes. Cinq jours et elle lui avait terriblement manqué. Il aurait aimé l’embrasser, la serrer contre lui, mais il restait à distance, osant un sourire tendre. j’suis content… que tu sois là. il l’invita à rentrer, refermant la porte derrière leurs deux corps. Le loft avait gardé son caractère industriel, décoré avec goût mais non par ses soins. tu veux boire quelque chose ? … manger ? visiter ? m’en coller une ? il avançait au même rythme qu’elle, les entrailles tordues par la honte, c’était honteux, ce qu’il avait fait. C’était stupide, puéril. Bête et méchant. j’ai viré mon frère, pour qu’on ait pas à le supporter, il tira sur sa cigarette, son regard lui demandant pardon.

A quel moment ça avait vrillé ? A quel moment elle avait sombré ? Elle ne savait pas, elle ne savait plus par où cela avait commencé, mais elle avait l'impression qu'il s'était faufilé jusqu'à son âme avec une facilité déconcertante, elle, qui dans sa haine avait tenté de faire un rejet du moindre de leurs souvenirs qui envahissaient sa tête. La douleur était forte, invasive, vibrant jusqu'au coeur de chacune de ses cellules nécrosées par son manque à lui. Elle le haïssait pour ça, parce qu'il la rendait faible, vulnérable, à la merci de la moindre tempête qui s’abattait sur elle, son myocarde s'écrasant en miettes sous le poids de ses mots acerbes. Elle avait fait en sorte de l'éviter, Ismaël. Quand ses collègues lui répétaient en boucle qu'il l'attendait devant le Closer, Lilith sortait par la sortie arrière juste pour ne pas se tenir devant ses prunelles. Parce qu'il aurait sans doute encore gagné, et qu'elle se refusait à s'abandonner aussi facilement à sa volonté. Elle était blessée, l’hémorragie émotionnelle que contenait son prénom ouvrait des plaies sur son épiderme, aux endroits qu'il avait effleuré par le biais de sa tendresse. Ce qui faisait encore plus mal, c'est qu'elle l'attendait quand même Ismaël, qu'elle n'arrivait pas à s'empêcher de le vouloir malgré tous les mecs qu'elle accueillait contre elle, personne n'avait son goût, Lilith, qui l'avait dans les veines. Alors elle avait fini par accepter de le revoir, au détour des sms échangés, juste par curiosité, tentant de se fermer pour se protéger. Elle s'attendait à rien, et en même temps à tout, sentant son sang pulser dans ses tempes alors qu'elle entra dans le taxi en direction de son loft, ses doigts jouant nerveusement avec les trous qu'elle arborait sur son jean usé, Lilith qui avait sans doute fait exprès de se vêtir d'un pull arboré d'un décolleté pour mettre en valeur ses courbes féminines. Elle arriva devant l'immeuble d'un haut standing, traversant les portails et autres sécurités pour finalement se présenter devant sa porte d'entrée, son regard trouvant rapidement le sien quand elle eut toqué, le coeur à la renverse devant sa beauté, Lilith qui se rendait compte à quel point ses traits lui avait trop manqué. Elle ne laissait pourtant rien paraître, plissant les lèvres à sa remarque dans un léger sourire, entrant dans le lieu en laissant son regard se déposer sur la décoration intérieure qu'elle trouvait soignée. Elle pouffa légèrement de rire à ce qu'il vint ajouter, son sourire malicieux laissant percevoir son envie de mettre en pratique la dernière option.

- Tu vas finir par avoir le tatouage de ma main incrusté sur ton visage à force toi. C'est pas l'envie qui me manque, j'avoue. T'as quoi à me servir d'alcoolisé ?

Elle luttait pour garder une distance de sécurité, Ismaël qui représentait son plus gros danger, le seul qui arrivait à la déstabiliser.

- Je sais pas c'est qui le plus insupportable de vous deux à ce stade.

Elle haussa les épaules, un air taquin sur le visage, sa main venant doucement effleurer la sienne, cet unique contact suffisant à électriser son organisme.

- Fais moi visiter. J'espère juste que t'as rangé les petites culottes de toutes les meufs qui sont venues ici en cinq jours.

Elle roula des yeux, reprenant de la distance, tentant de s'enlever ces images acides de sa conscience.

Cinq jours.
Qu’il se sentait vide. Que son palpitant se contractait nerveusement dans sa poitrine, réclamant la présence de la brune pour réguler sa symphonie. Les sentiments s’étaient accrochés à lui comme du lierre, grimpant petit à petit, s’immisçant dans le moindre recoin de son organisme.
Cinq secondes.
C’est le temps qu’il lui avait fallu pour respirer à nouveau, lorsqu’il posa ses yeux clairs sur elle. C’était un soulagement immense de la voir là, en face lui. De la savoir ici, chez lui, avec lui. Il avait le cerveau qui tournait à plein régime, les questions qui fourmillaient, l’euphorie qui s’implantait lentement.
Il la regardait avec des yeux d’enfants Ismaël, incapable de se défaire d’elle alors qu’elle avançait dans son antre. Il osait un sourire à sa réponse, passait sa main libre sur sa joue en se souvenant de la gifle qu’elle lui avait mise. Il avait jeté son frère dehors, elle se moquait gentiment de lui qui se mettait à froncer les sourcils comme un gamin vexé. c’est forcément lui, le plus insupportable, crois moi sur parole. il levait les yeux au ciel, terminant sa clope avant de laisser s’échouer le mégot dans le cendrier en cristal. Elle effleura sa main et il sentit son cœur s’emballé le blond. C’était un contact furtif qui ravivait tous ses sens.
j’ai du bourbon,
Qu’il lâcha finalement, avançant jusqu’au mini-bar pour en servir deux verres. Il lui en donnant un, buvant déjà dans le siens.
ok, je te fais visiter. il se mit à marcher en direction du premier couloir, le salon n’ayant plus rien à lui faire découvrir, et j’ai couché avec personne, depuis cinq jours, puis généralement, j’les fais rarement venir ici. il haussait les épaules l’héritier, à demi-tourné vers elle. Le couloir gigantesque mené à la chambre de son Timothée, reflétant parfaitement l’artiste talentueux et bordélique qu’il était, c’est la chambre de Tim, je t’avoue que j’y mets rarement les pieds, il est pas foutu de ranger, tout traine tout le temps, partout, ça rend malade la femme de ménage, il regardait Lilith, un sourire en coin sur sa gueule d’ange, ouais, j’ai une femme de ménage, elle s’appelle Louisa et elle est complétement folle. il fit demi-tour, ouvrit la première porte dans le couloir, là, t’as une salle de bain, une annexe de celle de mon frère, il continuait sa route, de retour dans le salon ouvert sur la cuisine, j’ai une cuisine aussi, toute équipée, tu veux savoir le plus drôle, il la regardait d’un air amusé, avalant une nouvelle gorgée d’alcool avant de reprendre, j’sais même pas où sont rangés les ustensiles, j’sais même pas cuisiner. je me rappelle même pas avoir vu ma mère ou mon père déjà le faire, j’ai l’impression qu’elle est là juste pour faire « jolie » cette cuisine, il parlait, plus qu’il ne l’avait jamais fait en sa compagnie, avançant jusqu’à la porte coulissante de la terrasse, on a une terrasse, de la même taille que l’appartement je suppose, avec un jacuzzi qui ne fonctionne plus depuis le jour où tim et moi l’avons remplis de champagne, il ne s’attardait pas, grimpant plutôt les escaliers deux à deux, là-haut un pans entier de mur était consacré à des bouquins qu’il n’avait jamais ouvert, et au bout de cette allée de culture : sa chambre, sans porte, un lit gigantesque et des baies vitrée offrant une vue imprenable sur les buildings illuminés. ma chambre, il restait sur le pas, regardant son lit beaucoup trop grand pour une seule personne, un tableau était accroché au mur, il n’avait qu’une table de chevet en guise de meuble, un dressing et une salle de bain attenante où les choses étaient en ordre, depuis la prison, j’ai du mal à rester dans des endroits exiguës, moins il a de meubles, mieux je me porte. j’ai besoin d’espace, il terminait son verre, qu’est-ce que tu en penses ? de tout ça ? de mon antre ? de tout ce luxe qui n’est là que pour habiller l’espace ?[/color] les femmes qu’il emmenait rarement ici, ne voyaient que son canapé d’angle, rarement le reste, rarement la chambre.

Elle savait qu'elle aurait dû s'abstenir de venir, parce qu'elle ne faisait que d'entretenir son addiction à lui dès que ses opales se perdaient dans ses iris. Mais c'était plus fort qu'elle, ça n'obéissait à aucune règle, juste celle de vouloir se perdre encore un peu plus dans ce cauchemar déguisé en rêve, Lilith qui sentait son cœur s'activer en voyant le sourire d'Ismaël, roulant des yeux en imaginant le bazar qu'ils devaient faire à deux, lui et son jumeau, Lilith prenant son verre de Bourbon qu'elle siroterait bien comme si c'était de l'eau, parce que c'était le genre d'alcool hors de prix qui n'arriverait jamais chez elle. Lilith décida de le suivre à travers les pièces, son regard détaillant l'espace qui semblait les absorber dans une bulle fait de pierres, de bois et de métal, les matériaux étant tous placés de sorte à rendre la décoration agréable. Si elle ne le montrait pas forcément, elle était ravie d'apprendre qu'il n'accueillait pas n'importe qui dans son antre, et qu'il n'avait reçu personne contre son corps qui agissait avec le sien comme un aimant, Lilith laissant ses yeux détailler ses traits bien plus que les pièces qui s'ouvraient à elle.

- En même temps, votre femme de ménage peut que être folle avec des fous comme vous.

Un sourire taquin sur les lèvres, elle arpentait les longs couloirs pour s'arrêter devant la salle de bain, jusqu'à la cuisine, écoutant avec amusement ce qu'il avait à lui dire, buvant quelques gorgées de whisky avant de rire, le regard illuminé par ses anecdotes alors que son regard se posait sur le mobilier.

- J'ai quelques notions. Je pourrais toujours t'apprendre si t'es gentil. Je trouve ça sexy un homme qui cuisine moi.

Elle gardait un air naturel trahit par la lumière charmeuse de ses prunelles, Lilith se prenant déjà à les imaginer tous les deux foutre le feu à la gazinière. Elle se sentait presque chez elle ici, à s'imaginer toutes les conneries qu'il avait pu faire, s'imprégnant de son aura qu'elle aimait faire danser tout autour de son être, comme de ses bras qu'elle aimait sentir contre elle. Lilith pouffa de rire à sa remarque sur le jacuzzi, le laissant l'attirer progressivement mais sûrement jusqu'à sa chambre, son regard devenant soudainement plus timide, plus doux suite à ce qu'il vint lui confier, celui-ci valsant entre ses yeux et les buildings extérieurs illuminés qu'elle pouvait percevoir à travers l'immense baie vitrée. Tout était plutôt simpliste, l'air était loin d'être alourdi par des lustres imposants comme elle se l'imaginait.

- J'aime bien la déco. J'imagine que le loyer pour vivre ici doit être inestimable...

Elle but une dernière gorgée de son verre, laissant sa phrase en suspens entre les murs habillés de pierres.

- C'est bizarre que la pièce la plus vide et la plus simple ce soit la tienne. Je crois que ça veut dire beaucoup, l'air de rien.

Elle posa son verre vide sur la table de chevet pour s'approcher doucement d'Ismaël, les traits marqués par la tendresse et plus du tout par la colère.

- Je me sens libre ici. Je me sens libre avec toi. J'aime bien savoir tout ça de toi... T'es moins énervant.

Elle rit doucement, se mordant légèrement la lèvre en le regardant.

Elle pourrait lui confier ses notions de cuisine, mais serait-il bon élève ?
Il avait beau chercher, il n’en trouvait aucun, des souvenirs de lui en train de se préparer à manger. La seule chose qu’il savait faire, s’était vider des céréales dans un bol en porcelaine. Et là encore, durant toute son enfance, une bonne le faisait pour lui. Ismaël était un prince, un prince qui n’avait eu à se soucier de rien jusqu’à ce qu’on lui passe les menottes. Mais là encore, en prison, on les lui servait les plateaux repas. De la bouillie infecte la plupart du temps, mais il n’avait pas besoin de lever le petit doigt. Ils étaient dans sa chambre et il confiait rapidement les angoisses qui l’habitaient. Celles de se voir de nouveau enfermé entre quatre murs de béton armé, à dormir avec un co-detenu à l’odeur douteuse. Il avait fait de sa chambre un havre de paix. Une pièce ouverte sur le monde où ne régnait pas un chaos de mobilier. Au milieu de tout ce luxe, il avait cherché la simplicité.
Concrètement, le loft est à nos deux noms, il n’y a pas de loyer. Nos parents ont su se montrer généreux pour ne plus nous avoir dans leurs pattes.
Qu’il raillait en posant ses yeux clairs sur la belle. Il était chanceux, dans un sens il en avait conscience, d’un autre il n’en avait que faire. C’était, pour lui, une normalité. Quand on s’appelle Sartier, on ne doit se soucier de rien, encore moins de l’argent qui sort du compte en banque. Puisque la banque où dormait son argent -non mérité- était gérer par son père lui-même. Sa famille n’était qu’un banc de requins sanguinaires, ayant fait fortune sur le dos de pauvres gens durant les périodes les plus dures de ce monde. Tout le monde le savait, tout le monde le taisait. Elle parlait Lilith, elle s’appropriait l’espace et il la regardait faire d’un air attendri. C’est qu’il l’imaginait bien, ici, dans cette pièce, dans cet appartement à partager des moments simples. Ils pourraient en faire une nouvelle bulle. Un nouvel endroit rien que pour eux. C’était son cœur qui dictait la marche de ses pensées.
J’sais pas ce que ça veut dire. Je pense que j’suis trop sauvage pour m’imaginer en cage.
Elle s’approchait, il restait adossé au mur.
Gardant ses distances pour ne pas se ruer sur ses lèvres avec un appétit d’ogre. Elle se sentait bien, ici. Lui, se sentait bien avec elle. Peu lui importait l’endroit en vérité, tant qu’il ne laissait pas la colère s’immisçait entre eux. C’était toujours cette rage qui le poussait à devenir idiot, qui le forçait à agir comme le dernier des connards. Cette rage, qui se confondait bien trop souvent avec des émotions bienveillantes qu’il refusait de ressentir.
Je suis moins énervant ? ah ouais ?
Il souriait en coin à présent, terminait lui aussi son verre puis s’avança jusqu’à la table de chevet pour le déposer. A coté de celui de la femme. Il se tourna vers elle, toujours à un mètre de distance.
Pourquoi tu es venue Lilith ? Pourquoi tu me laisses te traiter comme ça ? Vraiment, je ne le mérite pas. Je ne te mérite pas.
Il le disait et le pensait avec sincérité. Ses sourcils se froncèrent et quand il s’avança jusqu’à elle, ce n’était que pour sortir de sa chambre, rejoindre les escaliers tout en continuant à parler,
Puisqu’on est là, tu veux que j’essaie de te cuisiner quelque chose ? Genre … un bol de céréales ?
Il cherchait à noyer le poisson, descendant déjà les marches en courant, se laissant déraper sur le carrelage du salon. Une nouvelle clope, voilà ce qu’il lui fallait.

Elle le découvrait sous un nouveau visage, de manière plus intime, comme s'il acceptait lui-même de retirer le masque qui lui collait à la peau pour se dévoiler sous son regard qui le détaillait, Lilith, captivée par l'aura qu'il dégageait, par la sincérité qui dansait dans ses prunelles alors qu'il racontait ses histoires, ses déboires qui lui rendaient si humain. Et ça la faisait sourire Lilith, parce que sans même s'en rendre compte, elle tombait encore une fois sous son charme, se laissant entraîner dans le sillon de ses filets qu'elle suivait sans l'ombre d'un regret, happée dans l'humilité qui ne faisait pas souvent partie de son vocabulaire, de sa manière d'être. Comme lui, Lilith, elle se cachait, dissimulant ses frasques sous son maquillage, sous des mécanismes défensifs qui la rendaient plus que désagréable simplement pour se protéger, elle qui passait son temps à coller des pansements partout sur son être qui tenait à peine debout. Elle aimait tout ce qu'elle apprenait de lui au travers de sa décoration simpliste, cet espace qui lui donnait l'oxygène qu'elle perdait entre les murs de chez elle, la brune qui se confinait dans un endroit qui retenait les cris étouffants de ses secrets. Elle aussi, elle était sauvage, Lilith, comme un oiseau à qui on avait brisé les ailes, s'évertuant à se battre contre des courants d'air sans arriver à s'échapper de ses galères, tombant toujours par terre, le coeur amer, l'âme en Enfer.

- C'est ca qui me plait chez toi.

Elle avoua, l'air de rien, détournant rapidement le regard sur la vue extérieur pour ne pas s'intéresser de trop près à l'expression de son visage, à ses opales qui étaient surement aptes à sonder le moindre centimètre carré de ses pensées, Lilith, perdant pieds devant cette proximité qui ensorcelait ses émotions déchaînées. Elle réfléchissait à ses questions, aux écorchures qu'il avait parsemé sur chacune de ses cellules en la faisant valser entre le ciel et les ténèbres, avant de le voir s'échapper pour descendre les escaliers, Lilith riant légèrement à ce qu'il vint ajouter, à cette manière d'éviter les sujets troubles où même elle s'y perdait, ses doigts caressant les plaies du gouffre qu'ils ouvraient.

- Je serais pas là si tu t'étais pas battus un minimum pour que je revienne. Tu le mérites là. Mais ouais, y'a bien un moment où je reviendrais plus parce que tu m'auras eu à l'usure. Je m'y attends.

Elle haussa les épaules, tentant de feindre un air nonchalant pour amoindrir le sérieux de leur conversation, les iris sombres de Lilith captant ses yeux.

- Je sais pas ce sera quand, si ça se trouve ce sera demain, ou dans vingt ans, j'suis pas du genre à me projeter de toute façon. J'profite simplement du moment présent. Avec toi.

Ses prunelles ne le lâchaient pas et Lilith, elle ne jouait plus là, elle voulait juste être ce qu'elle était vraiment dans le fond ; intéressée par Ismaël, par ce qu'ils étaient.

- T'aimes bien la nourriture mexicaine ? Je peux nous faire un truc rapide là, si t'as les ingrédients qu'il faut. Puis tu pourras m'aider. Et puis, comme ça tu pourras me dire si ça peut rattraper le fait que j'suis très chiante parfois.

Elle rit légèrement, se permettant de rejoindre la cuisine pour inspecter le frigo.

Il voulait éviter les conversations trop profondes, même s’il en était l’auteur. Il tentait de s’échapper Ismaël, dévalant les escaliers, Lilith pas si loin derrière lui. Elle répondait à ses questions et il se tournait légèrement pour capter son regard. Ça lui tordait de le bide, d’imaginer qu’un jour elle ne revienne plus, ça secouer ses entrailles de se dire qu’il ne serait sûrement jamais à la hauteur pour la faire rester près de lui.
Ou peut-être que ça n’arrivera jamais,
À son tour d’hausser les épaules, sur sa gueule un sourire de gosse angoissé. Ismaël, il n’avait jamais eu peur qu’on le sépare de qui que ce soit, le monde avait fait en sorte qu’ils viennent au monde à trois, il n’avait toujours eu besoin que d’eux. Et aujourd’hui, la brune prenait de l’espace dans sa vie, jusque dans son cœur qui s’affolait sous le regard de Lilith.
T’as de la chance, j’suis pas doué pour prévoir quoi que ce soit... alors,
Il avait un sourire en coin, se hissa sur le plan de travail pour s’y asseoir alors qu’elle avançait dans la cuisine, la tête déjà dans le frigo. Se mordant la lèvre inférieure, il la regardait sans répondre le moindre mot. Laissant un silence s’installer entre eux.
Ouais, j’aime bien la bouffe mexicaine du moment que ça arrache et que ça me donne l’impression de manger en direct de Mexico,
Il ricanait, le sourire toujours accrochés aux lèvres. Il se sentait bien là, avec elle. Il avait envie que le moment dure des heures, puisque Lilith, elle réveillait des facettes de sa personnalité qu’il voulait appréhender à ses côtés. Lilith, elle ramassait les morceaux brisés et en faisait une nouveauté qu’il voulait toucher du bout des doigts. Puis, d’un seul coup, il se rendit compte qu’il ne connaissait rien d’elle le blond.
mais attend, t’es mexicaine bébé ?
Il posait la question avec stupeur.
La regardait avec les yeux écarquillés.
Un sourcil arqué.
putain, j’sais rien de toi. comment c’est possible d’être un tel enfoiré.
Il passait une main dans ses cheveux, levant les yeux au ciel.

Lilith, elle se faisait aucune illusion, l'âme déjà bien trouée par la destruction, épuisée par ses émotions, depuis qu'elle était petite, elle se perdait entre les abandons, la répétition des absences de tous ces gens qui auraient pu compter si seulement, ils s'étaient accrochés à elle, si seulement, elle ne les avait pas repoussé pour mieux se complaire dans ses échecs. Alors, quelque part, c'était une forme de protection que de se dire qu'ismaël, il allait partir, tôt ou tard, parce que sa vie était comme une pente glissante sur laquelle tout le monde tombait dans sa sa propre décadence.

- Qui sait.

Elle sourit d'un rictus imbibé de mystère et d'engouement, parce que Lilith, elle avait juste envie d'être surprise, qu'on ne la délivre de sa prison d'aigreur pour surprendre ses apprioris.

- J'aime bien qu'on se laisse du suspens. Si ça se trouve on finira mariés.

Elle rit avec un air espiègle, peinant à se voir dans une robe à la blancheur immaculée, celle contrastant avec l'ombre de son âme écorchée. Mais Ismaël, il semblait doué pour la changer, lui qui faisait pousser des milliers de sentiments dans la terre de son cœur asséché. Elle regardait dans le frigo, penchant ses courbes divines vers l'avant en sortant un à un les ingrédients, savourant leur complicité qu'elle voulait affûter en cuisinant.

- On va bien s'entendre alors.

Elle posa les aliments sur le plan de travail, son rire se joignant au sien, laissant son regard valser entre la nourriture et Ismaël qu'elle détaillait de ses opales habillés d'un voile de désir, sans le savoir, Lilith, ça aurait pu être lui qu'elle aurait pu dévorer ce soir. Elle pouffa à sa question, roulant des yeux devant la réponse qui se lisait sur son visage faussement atterré par sa réaction.

- T'es pas très observateur. Ou alors, t'observes que ce qui t'intéresses. Et puis, je sais que tu t'en fous d'apprendre réellement à me connaître. C'était pas forcément une condition dans nos retrouvailles.

Elle secoua la tête, faussement agacée, passant près de lui qui était toujours assis sur le plan de travail pour rechercher des ustensiles.

- J'aurais bien envie de te passer sur le corps pour prendre un couteau, mais j'suis sûre que tu peux m'éviter ça ce soir.

Ses prunelles se redressèrent vers les siennes, un sourire en coin, sa main caressant doucement sa cuisse pour l'inciter à bouger, mais surtout à le séduire en jouant sur les sous entendus, en s'amusant de cette proximité qui animait son obsession obscure.

Ridicule.
Il se sentait ridicule.
Il ne savait rien d’elle, de cette femme qui faisait battre son cœur beaucoup trop vite, rien de son passé, très peu de son présent encore moins de son avenir. Alors qu’il savait redessiner parfaitement ses courbes les yeux fermés. Il avait toujours été comme ça le blond, à ne se soucier que de sa petite personne. Trop peu habitué à ce qu’une femme entre à ce point dans sa vie, trop peu habitué à ce que quelqu’un lui manque de la sorte. Quand elle n’était pas là, il la regrettait Ismaël, amèrement. Et dans un sens, il lui en voulait pour ça. Pour tout ces papillons qu’elle foutait dans son bide, toute cette bienveillance qui l’envahissait quand elle était dans son champ de vision.
Elle se retournait vers lui et à son visage, il comprenait qu’il n’était qu’un abruti. Ses origines pouvaient se lire sur sa peau, dans ses yeux, jusqu’à la base de ses cheveux. Les gênes ne trompaient pas. Mais Ismaël, comme elle le notait si bien n’observait que ce qui l’intéressait. Cela avait été sa bouche et ses seins, son cul et ses reins. Le reste, c’était maintenant qu’il voulait en savoir plus.
Dis pas ça, j’ai envie d’savoir.
Visiblement, c’était sur la bouffe qu’elle voulait se concentrer, assis sur le plan de travail il ne la quittait pas des yeux. Elle voulait des ustensiles, caressait sa cuisse tout en soufflant des mots au double-sens aiguisé. Il aurait pu se laisser tenter l’héritier, se faisant déjà absorber par les abysses de son regard. Il attrapa sa main pour la tirer contre, l’enfermant entre ses jambes, ses talons appuyant à l’arrière de ses cuisses. Il laissa sa main glisser sur sa joue, dans ses cheveux avec une tendresse qu’il apprenait avec elle.
J’veux bien te laisser cuisiner, mais avant, j’veux que tu me racontes : d’où tu viens ?
Il demandait avec sincérité.
On sait déjà ce qu’il y a entre toi et moi. Qu’on serait pas foutu de passer une semaine entière sans se toucher. On le sait déjà. Alors, j’veux connaître le reste ?
Qu’elle ne soit plus juste une fille de passage. Qu’ils ne partagent pas que des disputes dévastatrices et des réconciliations enflammées. Il aimerait qu’elle s’ouvre à lui, juste un peu. Qu’elle lui confie ses rêves, pourquoi pas aussi ses craintes. Qu’ils se découvrent de manière différente, au risque de ne plus pouvoir faire marche arrière et de se laisser tomber dans un gouffre inconnu. Il ne sait pas Ismaël, s’il assumera demain, s’il assumera tout court.

Elle avait toujours eu peur de laisser des bouts d'elle s'éparpiller entre les murs d'une mémoire qui posséderait son souvenir, le son de sa voix qui s'affaiblirait lorsqu'elle murmurerait sa peine, l'image de sa mère qu'elle avait vu mourir sous ses prunelles écarlates dans les larmes, qui l'avait fait sombrer pour qu'elle ne devienne qu'une épave. Lilith, elle aimait n'être qu'un fantôme au milieu des autres, et en même temps, elle se battait pour ne pas disparaître de la vie d'ismaël. Elle le voulait, elle avait besoin de son contact pour éteindre son mal, et si elle l'avait compris, elle peinait toujours à admettre qu'il était devenu plus addictif que la cocaïne. Elle ne lutta pas, lorsqu'il l'approcha de lui, le corps enfermé entre ses cuisses qui réchauffaient ses flancs, son organisme entier prenant feu à sa caresse sur sa joue, à ses saphirs qui semblaient lire dans sa conscience. Hypnotisée par sa beauté, Lilith, elle avait envie de lui parler de ce gouffre qu'elle portait à la place du palpitant, de ce néant qui enveloppait ses sens quand il était absent. Mais elle était pas assez forte pour en supporter les conséquences qui en découleraient, ces regrets qui l'écorcheraient dans la douleur de son silence, qui nécroseraient son masque, celui qui l'aidait à cacher ses peurs qui la rendaient frêle.

- Je sais pas vraiment d'où j'viens. Je connais pas mon père. J'avais que ma mère. Et...

Son regard valsa autour d'elle alors qu'elle semblait chercher de l'air, abordant un sujet qui la privait soudainement d'oxygène.

- C'est elle qui m'a appris à cuisiner. J'ai grandis dans le Queens mais j'ai des origines mexicaines ouais. Je suis bilingue. Faut croire que ma langue a pas mal de faculté.

Elle s'amusait dans les sous entendus, tentant de noyer cette lueur triste qui avait pu danser dans ses iris.

- J'ai pas de frères ni de sœurs au dernière nouvelle. J'suis juste toute seule. J'ai toujours pu compter que sur moi-même, j'ai appris à vivre comme ça. Ça me va très bien.

C'était un mensonge, une simple manière de se révéler indépendante quand elle était complètement dépendante d'Ismaël qui faisait bouillir son sang dans ses veines.