« I watch the sunset out of my cove, the older I get, the less that I know my feet slippin' on that ice in the road. I'm going, frostbitten heart, watchin' me grow, yah »
Automate au sourire angélique. Tes gestes qui s’envolent vers le haut, vers le bas, ton bassin qui vient traquer la barre, le bruit métallique de ta colonne qui se cogne contre elle. On t’acclame, on te siffle, on te jette billet à travers la cage qui te séparent d’eux. Animal sans vie, injecté de produit calmants. Tes gestes sont automatiques, sourire envoyés aux fantômes de la salle. Tes mains qui brûlent contre cette barre qui t’fait tourner, le grand manège enchanté. A quatre pattes, sur le dos, sur le ventre, tout pour attirer davantage de cris, d’érections, de plaisirs. Y’a l’manager qui vient t’ôter d’la scène, un regard froid et ses mains qui divisent les billets pour t’en donner moins de la moitié. Tiens gamin. Ça t’fera la semaine. De quoi t’payer ta dose, juste assez pour en vouloir plus, juste assez pour te revoir ramper jusqu’à nous. Tu prends ce qui te reste sans un mot, le vide dans ton cœur et ton âme alors que tu cherche ton biggo dans le vestiaire pour envoyer un texto au fournisseur de malheur. Une dose. Un peu de skag dans l’sang pour pouvoir t’aider à finir la soirée. On t’propose plusieurs lits alors que tu t’rhabilles et que tu t’approches du bar. Les mâles en besoin de chaleur viennent se serrer à toi. Ils te lorgnent, te désire juste pour cette nuit. A trois ça te tenterait ? On fait une petite fête privée chez moi, viens donc. Tu seras grassement payer je te promets. Tu prends combien pour un supplément ? Tu vois c’que j’veux dire… ? T’évalues tes chances, t’évalues celui qui aura le plus de came à te proposer. Ton cœur bat sans vie. Tes yeux perdus dans l’vide. Objet destiné à se piquer pour vivre. Depuis elle. Depuis cette erreur.
Finalement c’est un beau jeune homme de ta tranche d’âge qui t’propose le plus. Une soirée. Avec pleins de célébrités. Tu feras la nuit. T’auras ton lit et plus si tu le souhaite. On veux juste se divertir. On veut juste un peu de chair fraîche. Un baiser dans ton cou pour te promettre qu’il sera doux avec toi. T’acceptes, une pilule d’ecsta pour t’faire tenir la route, qu’il passe de ses lèvres aux tiennes. Objet de luxure, Milo.
Dans la limousine, il y’a plusieurs filles et garçons bien habillés. Jeunesse dorée. Les filles sont ivres, le champagne coule à flot, leur rire te réveillent alors que ta tête se laisse bercer par la route, cogne doucement contre la vitre tinté. Elles te posent des tas de questions, pose leur main lentement sur ta cuisse, ton torse. Les premiers baisers arrivent. Elles s’amusent à t’habiller, comme une poupée. T’ornent un beau manteau en fourrure, des traits de maquillage sous les yeux, du rouge sur tes lèvres quand elles t’embrassent encore et encore. Ton corps se laisse faire, ta tête est en plein trip. Ça serait presque du bonheur si tu savais réellement ce qu’il en est. La limousine s’arrête devant un immense palace. Tu sors, bras dessus bras dessous ces trois filles, les quatre hommes derrières vous. Ils portent du champagne, des bouteilles de vodka dans leurs mains, leur iphone X immortalisent la soirée, tous fières de leur conquête. Mais t’es défoncé, Milo. Tu ne vois rien de claire, tu souris bêtement, te tais gentiment et te laisse tripoter sagement.
La suite du palace est remplie de monde. Pleins de jeunes riches qui saccagent les lieux, qui sabre le nectar à bulle, qui dansent frénétiquement. Tu reconnais deux trois collègues Escort qui s’empressent de te sourire et te promette que ça sera OK, qu’ils sont sympa… Tu ne penses à rien. Les lustres de la suite t’obnubilent. Des paillettes couvrent ton corps, des billets dans tes poches, un monde irréel de vanité qui s’ouvre encore à toi. C’est quand tu te retrouves accoudé au bar, que tu trouves un peu de répit. Une vodka glaçon dans tes mains et un soudain parfum réveille tes sens. Tu crois le connaitre. Plus que le connaitre. Ca t’fout la gerbe rien qu’d’y penser. Elle commande au bar à côté de toi. Sa peau t’effleure, sa robe brille et tu relève enfin la tête pour voir son visage.
Fucking Noé.
Ca explose dans tout ton être. Une bombe dans ton ventre, un éclair dans ta tête. Ca irradie ton corps d’un coup. Premier sentiment, première fois que tu t’réveilles depuis trois ans. Depuis qu’elle t’a abandonné à ton sort. Fuck regarde ce que t’as fait de moi. Elle n’a pas du t’remarquer tout de suite. Alors tu attrape son poignet, la serre aussi forte que tu peux, l’envie irrésistible de le tordre mais la force qui te manque. « Tu t’rappelles de moi ? Ou j’suis juste un jouet parmi tant d’autres que t’a balancé aux ordures ? » Ta main qui serre plus fort son poignet tu souffles ces mots dans le creux de son oreille, approchant dangereusement ta bouche de sa nuque. La colère qui fait trembler ta voix, la rage qui t’fait souffler plus fort et ton cœur qui s’remet à battre à la chamade. Tu lache violemment son poignet, la toise, colère brûlante dans tes pupilles. Et tu fuis, avant qu'elle ouvre la bouche. Tu fuis jusqu'à une chambre vide où tu claque la porte derrière toi. Les haut le coeur, la nausée, la tête prête à exploser. Tu te laisse tomber sur le lit king size, ferme les yeux pour pouvoir te calmer. Tu sens que la porte s'ouvre, tu devines que c'est elle. Et quelque part ça te rassure aussi de la retrouver.
Car t’as compris qu’t’étais jamais aussi vivant qu’avec elle.
Froncement de sourcils dû à la lumière agressive qui s’éteignait, les caméras qui tiraient leur révérence et le personnel qui pliait bagage une fois l’ultime scène de la journée achevée. Cette risette aux lèvres, éternellement figée, elle disparaissait immédiatement dans sa loge, tourmentée. L’on remerciait Noé pour sa patience et sa bonne humeur, quand bien même les matériaux avaient été infernaux toute la journée, que sa migraine persistait. La tête proche de l’explosion, un long soupir s’échappait, si profond qu’elle manquait de se dégonfler, Noé : lassée, lessivée par ce nouveau film dans lequel elle jouait le rôle principal. La comédie l’animait, mais le monde autour l’accablait, bien que ses parents étaient ceux qui la tendaient au maximum. Quelques secondes de répit et ils arrivaient dans la loge, en claquant la porte derrière eux, haussant le ton quant à la fuite trop rapide de celle-ci… « J’avais mal à la tête. » Qu’elle lançait dans le vide, tandis qu’une claque rencontrait l’arrière de son crâne, l’obligeant à baisser le visage, signe de soumission, reconnaissance d’autorité. Les propos menaçants qui manquaient de l’achever et cette mâchoire trop serrée, les dents qui grinçaient et le mutisme qui s’ensuivait, la peau nettoyée des impuretés, soignée, puis une énième tenue inconfortable, pour faire bonne impression devant les médias. Ceux qui attendaient impatiemment la jeune star devant le plateau de tournage et qui lui donnaient la nausée, le tournis : parce que les flashs l’aveuglaient, les cris lui déchiraient les tympans. Alors, comme à son habitude, se complaisant dans son malheur, elle prenait des photos, signait des papiers, des accessoires et répondait aux questions, Noé, moment de gloire illusoire, puisque dans la voiture aux vitres teintées, elle baissait les yeux, s’enfermait dans un monde musical en retenant cette haine destructrice qui l’animait.
Puis, dans l’obscurité, lorsque les parents s’éclipsaient pour la laisser seule dans son loft, ses poings s’écrasaient sur les nouveaux miroirs, précédemment éclatés à coup de rage, le goût de la destruction dans les veines. Le plasma plein les mains, Noé s’acharnait sur l’immobilier, la vaisselle, en hurlant à s’en éclater les poumons, sous le regard apeuré de son chat. Son ancrage, sûrement, parce qu’il fallait qu’elle pose son regard sur lui, pour se calmer, arrêter de tout retourner. Tremblante, l’adrénaline, sûrement, elle se laissait tomber sur le divan pour enlacer son animal, les ronronnements suffisaient à l’apaiser, pour le reste de sa maigre soirée. Dérangée par la sonnerie de son téléphone et ses amis qui lui proposaient LA soirée de l’année dans un palace, pas loin de chez elle, elle acceptait l’invitation. Peut-être que boire, fumer un peu l’aiderait à relativiser au lieu de tout retourner chez elle ? Il ne lui en fallait pas plus pour se vêtir d’une longue robe noire, alternant entre transparence et tissu, pour sublimer la sirène. Chevelure flamboyante lâchée le long de ses épaules et ses talons aiguilles aux semelles rouges chaussés, avec un maquillage rapide, Noé s’en allait, superbe dans son accoutrement macabre. Quelques minutes de battement pour arriver au lieu, accrocher les regards et les réactions sur la star des écrans, elle reprit son rôle, la Beauchamp, comme face aux caméras. Et ça l’épuisait, la brune, quelques bouffées prises sur un joint, des rires échangés avec ses amis pour enfin s’éclipser jusqu’au bar, les lèvres commandant un alcool fort, pas dilué, pour embrumer son esprit comme son coeur.
Et y’a le sursaut de son coeur, qui manquait de la faire vomir, tressaillir, Noé. Cette paume qui venait enlacer fermement, lacérant la poupée, sous son regard clair, détaillant l’individu en face. Maîtrise et contrôle de rigueur, elle ne laissait rien apparaître d’autre qu’un rictus, Noé, amusée, divertie d’apparence. Milo. Putain de Milo, dictait son esprit et ce palpitant qui s’emballait, la culpabilité revenant à grandes enjambées. Et elle agissait continuellement comme une connasse, Noé, à lui rire à l’oreille, se foutre de lui en lâchant un : « Excusez-moi, on se connaît ? » La langue claquant le palais, détonation provocante et la colère de Milo comme élixir de jouvence, un breuvage superbe duquel elle se récréait. Les pas, comme son ombre, il s’éclipsait, suivi du chat noir, qui ne voulait pas le lâcher, quitte à torturer cette essence qui foutait déjà le camp. Dans cette chambre peu éclairée, la porte claquait derrière elle et ses talons, martelant le parquet, juste assez pour le priver d’air pur, elle s’asseyait sur le bord du lit, les mirettes ensorcelées, l’aura dangereuse. « Cap ou pas cap.. » Murmure s’échouant, corps qui basculait sur le sien et son visage de prédatrice penché au-dessus du sien, à effleurer ses pulpes des siennes. « De me faire l’amour ? » Pour les retrouvailles, chéri.
« I watch the sunset out of my cove, the older I get, the less that I know my feet slippin' on that ice in the road. I'm going, frostbitten heart, watchin' me grow, yah »
T’as les tripes en vrac. Le sang qui bouillonne dans chacune de tes veines. Ca tambourine contre ton torse. Elle entre. Elle est là. Quatre ans sans nouvelles. Quatre ans de dérives. Quatre ans de haine, de rage, de violence et d’autodestruction. A cause d’elle. Elle t’avait lâché comme on abandonne un chien sur le bord de la route. Sans laisse. Sans rien. La piqure d’héro planté dans le bras, tatouage à vie d’une amour brisé. Rien que l’entendre respirer te donne la gerbe. Savoir qu’elle est là, en vie te donne la pire des nausées. Mais c’est sa voix qui te provoque la pire sensation. Un murmure qui brule tes tympans « Cap ou pas cap…de me faire l’amour » Et le jeu reprend. Sans jamais s’être vraiment arrêter. Elle attrape sa poupée vaudou pour en faire ce qu’elle souhaite. T’es sa marionnette, son jouet Milo, et ce qui te détruit d’autant plus c’est que t’adores ça. Marionnette laissé sur le bord du lit reprend petit à petit vie lorsque les mots l’invoquent « cap ou pas cap »
Alors en silence tu te lèves et fais le tour du lit, elle est assise face à toi, tes yeux ne respirent que de la rage. Du moins l’ennui c’est envolé. Ta ceinture tombe sur le sol, tu t’agenouilles près d’elle pour glisser tes mains sur sa jambe nue, tes dents attrape la chair de son mollet, avance jusqu’à ses cuisses et ton cœur continue de tambouriner plus fort que ta respiration. De l’autre main tu force son dos à cogner le matelas, tu grimpes lentement sur elle, escaladant son corps pour t’allonger sur sa peau. Tu remontes sa robe et ta main vient délicatement se poser sur son cou alors que tu serres ton étreinte espérant ne plus jamais entendre son souffle. Qu’il s’éteigne entre tes doigts. « J’ai rêvé tellement de fois ta mort » que tu glisses dans le creux de son oreille, ton bassin se rapprochant dangereusement du sien. Tu fais glisser ton bas, mais ta bouche est toujours collée à son oreille « Mais t’es déjà morte à l’intérieur pas vrai Noé ? » Mais tes mots ne la blessent pas, on dirait qu’ils lui provoquent davantage de plaisir, ta colère gronde encore plus. La danse macabre est enclenchée, sa main vient s’approcher de toi, tu la plaque violemment et serre son poignet aussi fort que tu le peux pour te rapprocher encore d’elle, de sa bouche, de son lobe. « Je n’y prend aucun plaisir, c’est mon putain de métier de baiser contre des ordres. La seule chose qui m’fait vibrer, c’est l’héro. T’es plus rien qu’une cliente parmi d’autres. » Que tu siffles brutalement alors que tu arrives enfin à t’insérer en elle, à retenir un grognement de plaisir. Tes yeux lui crachent ton venin.
Mais ca explose dans ton corps. Les retrouvailles avec la mort, avec la vie, car sans elle tu ne faisais que survivre. Elle te réveille, ton corps, ton esprit, ton âme. Tu vis pour l’aimer, tu vis pour la haïr. Mais elle ne devra plus jamais le savoir, car quand elle l’a su elle t’a tué. Pour de bon. Elle a fait de toi un objet dirigé par son addiction, un putain de pantin langui de drogue. Peut-être que t’es né pour ça, être addict. Si c’est pas elle c’est l’héro, si c’est pas l’héro c’est la haine, si c’est pas la haine c’est l’amour, si c’est pas l’amour c’est elle. Et ainsi de suite. Manège enchanté dirigé par ses doigts de fée. Pas ses « cap ou pas cap » maléfique.
T’es soudain effrayé par ta propre soumission, tu t’éloignes d’elle, la laisse sur le lit et te rhabille en silence. Sans avoir fini. Sans avoir atteint l’apogée. Car tu sais que c’est ça qui va vous faire replonger. La redescente te fait trembler. Ou bien le manque. Merde comme ça va vite. Tu sens la sueur qui perle, l’appel à un nouveau rail, un nouveau pique, une nouvelle pilule. N’importe quoi. T’en oublierait ta Némésis. Tu renfile ton mentaux, renifle alors que les premiers symptômes te foutent des vertiges. « T’as pas fini de jouer…Il y a quatre ans. T’as perdu. » Et sans un regard tu quitte la chambre pour retrouver les invités. Ton corps est faible, tu t’approches de ton hôte qui te jette des regards amusés. Tu lui murmures quelques mots et dans un rire impérieux il te fait passer un petit sachet entre les mains. Tes doigts tremblent, tu supplie la came de faire l’effet escompté. C’est plus facile d’en être accroc que de l’être avec Noé. Tout sauf Noé.
Sidérée de le revoir, de croiser son chemin, elle en oubliait presque de respirer, Noé, à en juger l’apocalypse naissant chez elle, bien que son visage s’affairait à illustrer l’exact opposé de ses pensées en vrac. Il ne lui fallait que quelques secondes pour rejoindre son objet préféré et replonger quelques années en arrière, peu avant sa fuite, se remémorant le monstre qu’elle était devenue, la femme odieuse qu’elle s’était amusée à incarner, pour le plaisir de la souffrance des autres. Terrifiée lorsque ses semelles frôlaient le sol, que son regard se posait sur Milo, son palpitant s’emballait, reprenant ce même rôle laissé au placard, l’incarnant avec perfection, un sourire en coin, la chevelure qui virevoltait d’un coup de main précis. Le jeu accepté, l’actrice le fixait lorsqu’il s’approchait d’elle, à se déshabiller sans la lâcher, la haine dans les yeux, les mirettes amusées de Noé dans les siennes. La rouquine écartait ses cuisses, dévoilant sa chair face à lui, les premiers soupirs qui s’échappaient, frissons dévalant le long de ses gambettes, la chaleur augmentant progressivement dans son enveloppe charnelle. Allongée, une main autour de sa nuque, la violence comme péché capital, Noé soupirait, passant sa langue le long de ses pulpes humides, murmurant une réponse affirmative à son oreille, parce qu’il avait raison, Milo. Oui, Noé était morte à l’intérieur, ravagée par une vie désastreuse menée, sans solutions ni débouchées possibles. Les os qui craquaient sous sa poigne, un rire s’échappait d’entre ses lèvres, récrée par son comportement, la colère qui satisfaisait la poupée. « T’es qu’une pute, Milo, ça m’a jamais étonné… La merde des autres. T'es rien, insignifiant... » Odieuse, quand bien même il se faufilait en elle, sentiment de plénitude et son bassin qui s’animait, provocante, lueur espiègle dans les mirettes, une main glissant sur sa poitrine, qu’elle venait caresser, sans rompre la proximité des prunelles, ponctuée par des gémissements brûlants.
Et il s’en allait, Milo, tremblant, en sueur, son corps qui semblait réagir autrement face à la situation. Puis, il y avait cette étincelle qui s’allumait dans son esprit et les liens qui se faisaient, l’évidence qui sautait au visage : l’addiction animait son jouet, les chimères qui riaient dans le fond. Elle était fautive, à n’en pas douter : le dernier cap ou pas cap lancé avait eu des effets néfastes sur le jeune homme, qui n’était plus enclin à la lumière ni aux choses saines de la vie. Ça la foutait en rogne, Noé, au lieu de verser des larmes et ses jambes s’activaient, lui courant après, juste le temps de regarder le sachet entre les mains de Milo, ses ongles l’arrachaient, pour se l’accaparer en panique. « On brûlera ensemble. » Dans l’ambre de ses yeux, l’on voyait la culpabilité, la honte également et l’urgence dans ses agissements, Noé le regardait, puis reculait rapidement pour retourner dans la pièce. Elle ignorait ce qu’elle faisait, mais c’était la précieuse brisée qui s’exprimait, à vider la poudre puis à approcher une narine, à respirer la poudre à la place de Milo, déstabilisée par ce qu’elle avait préféré fuir avant. Il y avait toutes ses erreurs qui surgissaient, subitement, dans son esprit, son comportement scandaleux avec l’homme qu’elle aimait, puis les larmes qui coulaient le long de ses joues lorsque la poudre blanche disparaissait de la table de chevet, la connerie inhalée pour se rattraper, prouver qu’elle avait changé, maintenant qu’il était trop tard et ses larmes qui déversaient toute sa peine, détruite.
« I watch the sunset out of my cove, the older I get, the less that I know my feet slippin' on that ice in the road. I'm going, frostbitten heart, watchin' me grow, yah »
Son ombre te suit. Partout où t’iras. L’ombre de la faucheuse rousse. Ses mains qui te volent ton dû, ton esprit trop brouillé pour comprendre quoi faire, quoi dire. Paumé, le garçon. Tes yeux éteint, la langue pâteuse en manque de substance. Elle fuit avec ta coke, s’enferme dans le cocon qu’elle a créé. Chambre du diable où elle sied sur le lit, fière d’elle se penchant sur ton besoin. Elle ne te remarque pas quand tu rentres et reste droit face à elle. Le visage terne, l’émotion qui disparait peu à peu. Pantin, Milo, pantin sans vie. Tu ne bronches même pas lorsqu’elle étale la poudre et s’y approche dangereusement. Elle semble secouée par quelque chose, des sanglots. T’as plus la force de rien. Tu t’assois lentement face à elle. En tailleur, les épaules affaissé et l’expression triste accroché à ta gueule de camé. Elle sniffe. Elle pleure.
Ton regard reste sur la poudre qui s’envole, qui rentre en elle. Un murmure qui s’échappe de ta gorge faiblement. « Pourquoi t’es partis Noé ? »
Comme si c’était encore qu’une chimère, qu’un fantôme du passé qui ne pourrait pas te répondre. Comme si elle aurait su quoi répondre. Y’a le monde qui s’effondre autour de toi. L’apocalypse quand t’es avec elle. Rien qui compte. Tout qui explose. Et le bilan, là, face à elle. L’âme est morte pour le gamin. L’âme git dans la seringue qu’elle lui as planté. Son visage baigne de larmes. T’aurais pu la prendre dans tes bras, la rassurer. Mais le cœur n’y est plus. Elle a tout tué en toi. Tu t’agenouille faiblement, en prenant appui sur tes bras maigre. Et c’est du sachet que tu décides de t’approcher. C’est la substance qui fait battre ton cœur, pas elle. Tes narines viennent à ton tour renifler la poudre, tu te ressers plusieurs fois, l’habitude qui ne te fait pas crier, ou sauter de joie.
Tu sniff, las de ne plus t’arrêter. Et le pire c’est que tu sais que ce n’est plus assez. L’héro revient te piquer le cerveau et te faire tourner la tête. L’héro qui vient manquer à tes veines qui palpite faiblement. L’héro te manque à t’en faire gerber. « C’est quoi ton plan maintenant ? » tes mains arrachent une feuille slim que tu tournes entre tes doigts. Un peu de tabac et de beuh pour faire passer la réalité. Tu roules lentement et coince ton joint derrière ton oreille en cherchant ton briquet. « Vas y Beauchamps, j’veux tout savoir…T’es là pour voir si tu m’as assez amochée, bonne pioche. J’suis foutu alors quoi ? Tu veux sombrer avec moi ? Chercher un nouveau jouet ? Me sauver... ? » la dernière proposition t’arrache un ricanement amer. Le joint, tu le coinces entre tes lèvres te l’allumes enfin. La première bouffée t’apaise alors que les premiers effets de la coke viennent faire rougir ton teint pale et excite tes mouvement faible. Tu t’réveilles petit à petit, peut-être de quoi reprendre le jeu. « Ou alors c’est à moi de te sauver ? Te pardonner, te faire soigner, t’aimer, te faire l’amour, te faire crier, pleurer, jouir ? Te faire vivre parce que t’es morte ? Ton plan c’est être sur que je sois ton pantin toute ta putain de vie ? Qu’j’te relance à coup de cap ou pas cap pour te faire vibrer ? Venger tes parents c’est ça ? J’suis une pute Noé, lance mes des billets et je danserais pour toi. Un peu comme toi avec tes parents, c’est ça l’ironie. On revient toujours vers son dresseur » Ton rire s’échappe une nouvelle fois, tu lui passes le joint en souriant, l’élan de vérité qui relâche un poids dans ton cœur.
Au point où vous en êtes, plus rien ne pourrait vous toucher.
Elle refusait de le voir se détruire sous ses yeux, l'égoïste, désirant le briser de ses propres mains, maniaque du contrôle, pantin toxique qui déambulait, criait lorsque les choses n'allaient pas dans son sens, à s'en rompre le palpitant. Tout était un prétexte pour combler ses carences affectives, ceux créées par ses parents, des tyrans dont Noé ne parvenait pas à se défaire et pourtant, elle crèverait sous les coups, Noé, à n'en pas douter. Alors, à son tour de prendre le contrôler, d'extirper le sachet de poudre et de s'en aller, disparaître dans la chambre, où les corps ne s'étaient pas pleinement retrouvés. Le retrouver, c'était inespéré et il y avait toujours ces mêmes sentiments dans son ventre, les papillons du premier jour, le sourire qu'ils s'étaient échangé, si seulement cette innocence avait été préservée. Mais non, il fallait bien que le caractère destructeur de la belle s'en mêle et réduise tout à néant. Assise sur le lit et penchée en avant, de manière à ce que son regard croise celui de Milo lorsqu'il la retrouvait, la poudre glissait dans ses narines, rapidement prise de vertige, si bien qu'elle s'allongeait, les paupières closes. Si elle avait fuit face aux drogues, ce n'était pas pour rien, un cadenas qui sautait, celui de sa pudeur, de sa retenue et de toutes ses souffrances. « J'ai eu peur. » Que ses lèvres murmuraient, le regard vitreux et sa carcasse pivotait, allongée sur le côté, à fixer l'amour de sa vie, sans qu'un sourire ne s'invite sur son visage. « De ce que je devenais. » Et cela n'avait fait que s'intensifier, avec le temps, pauvre demoiselle abusée, qui ne voyait plus le bout de sa souffrance, chaque jour intensifiant son mal-être.
Et puis il se servait à son tour, avant de rouler un joint, se lançant dans un long monologue, sans que Noé ne vienne l'interrompre, glissant le joint entre ses pulpes charnues, tirant quelques bouffées qui lui faisaient tourner la tête, ses prunelles rougies. Il avait besoin de se vider, de laisser un poids en arrière et Noé comprenait, d'où ce silence qui régnait, lui tendant en retour le joint. « Non, je voulais que tu me pardonnes, qu'on se retrouve. » Happée par la défonce qui montait, elle devenait plus tendre, Noé, le cadenas qui venait de sauter. « Je veux qu'on se sauve, qu'on se tire, qu'on vive au jour le jour comme on en a toujours rêvé. » Parce qu'il avait toujours eu ce rôle de héros à ses yeux, celui qui l'animait, lui faisait voir la vie autrement et qui, pendant un long moment, lui avait fait croire à une vie différente. « Avec toi, tout était mieux, je ne pensais plus à mes parents, je me sentais si heureuse, putain… Et je suis partie. Partie, ouais, comme une lâche, parce que j'étais effrayée de te voir ainsi, à cause de moi, puis aujourd'hui... » Elle se redressait en tailleur, passant une main dans sa chevelure rousse. « T'es ravagé par ma faute. Je veux te sauver, me sauver. Que tu ne sois plus mon pantin. » Ce qui restait d'innocent en eux, alors, elle le chevauchait, Noé, son regard dans le sien, longuement, cherchant les séquelles des sentiments encore présents, tandis que ses hanches ondulaient, son intimité contre la sienne, satisfaite de sentir une réaction. « Je veux qu'on baise, que tu me fasses crier et jouir. » Que ses lèvres murmuraient, sans quitter son regard, les prunelles étincelantes, la Noé sincère saisissable.