embras(s)e-moi (clyde)

L'âme lacérée par les couteaux de ses pensées, Lilith, c'était la carcasse habillée d'une robe taillée pour ses courbes féminines qu'elle se rendait à un concert, la démarche plongée dans les ténèbres alors qu'elle foulait les pavés de la ville illuminée, sa peau halée égayée dans un camouflage maîtrisée, pour dissimuler les lambeaux des maux qu'elle n'avait jamais du expier, comme un démon dont elle n'avait jamais été exorcisée, plantant sa malédiction autour de son être, Lilith qui avait depuis longtemps signé pour sa propre destruction. Les opales attirées par la scène lumineuse, Lilith, c'était comme si son regard se remémorait tous les souvenirs putride d'une vie acide dans son esprit, ses pensées allant et venait sur son traumatisme, avant que ses opales ne viennent analyser l'artiste qui expiait ses douleurs dans ses dires, cette voix qu'elle connaissait par cœur, cet être qui avait déjà éteint ses pleurs, Lilith, le myocarde ne répondait plus, le trou s'ouvrait dans le plexus quand elle reconnut l'ange déchu qui lui avait offert son âme en pâture : Clyde. Sombre songe d'une vie volée dans le creux d'un espoir explosé, comme tous les sentiments qui avaient éclatés dans les débris de ses iris épuisés. Il était parti avec son cœur, elle avait plus rien à l'intérieur. Juste un écho douloureusement bruyant à son ancien amant qui se donnait sur la scène, les textes sortis de ses tripes, comme avant.

Il y avait plus rien qui fonctionnait en cet instant, le temps subissait son propre arrêt, Lilith, comme dans une bulle, transposée dans les images haletante de leurs soupirs qui se répondaient dans le creux des draps défaits, dans les baisers comme ses caresses sur leurs plaies, leurs secrets qui les rendaient complices dans leurs rêves, surplombant le ciel de leur Enfer. La rage bouillonnante dans les veines, Lilith, il y avait la haine qui la transperçait, éjectant le peu de bons sentiments qu'il lui restait pour Clyde dans la tête. Abandon mal géré, lui qui avait promis de rester, elle s'était retrouvée avec la peau trouée par son absence, les émotions sanguinolentes, appelant la chaleur de n'importe qui, de la cocaïne, à fermer l'ouverture de ses cicatrices.

Lilith, elle lança un regard désespéré à son client pour la soirée, l'homme qui avait pensé bien faire en l'amenant ici dans ce lieu qui respirait son amour damné. Lilith, elle avait pas envie de lui imposer sa détresse, mais quelque part, elle avait déjà accumulé trop de peine pour paraître assez sereine.

- Ca te dit pas qu'on parte ? j'étouffe ici.

Elle suffoquait dans les initiales de son prénom qui avait un jour représenté son monde.

@clyde maddox

Lilith, son visage devenait soudainement plus blême, le sang qui disparaissait sous sa chair pour nourrir son désespoir amer, Clyde, comme un délicieux mal qu’elle portait encore sur ses lèvres, les souvenirs de leurs échecs qui devenaient toujours des réussites quand ils laissaient tomber leurs armes à terre, mettant leurs maux au profit de la liaison de leurs corps chauds qui la rendait toujours complète. Lui, l’âme qui s’était mêlée à la sienne comme d’un poison dont elle n’avait jamais su se défaire, Lilith, elle crevait, la douleur la privant de mots, électrisant la totalité de son être quand il s’était avancée vers elle, quittant la scène, le coeur en perte sous l’effet de son regard dans lequel elle avait toujours apprécié plonger pour mieux s’y noyer, elle qui portait encore les traces de son ADN dans le creux de ses cellules agitées, son visage qu’elle ne faisait que de détailler, happée par son image qui n’avait pas changé. C’était lui, qui faisait palpiter tout ce qui était en cendres à l’intérieur, lui qui occultait toute la salle pour les étreindre dans un univers où ils étaient seuls, et Lilith, elle avait tellement de rage en elle, de son pouvoir sur ses sentiments, qu’elle aurait pu l’écraser encore une fois, son palpitant, arracher son sourire naissant pour le teinter de tous ses ressentiments, l’amertume qui dansait dans ses opales qui avaient été autrefois d’une lueur étincelante. Quand il était là, quand il la prenait sous son bras, eux deux contre le monde entier, trop proches de leur trépas, du massacre de leurs émotions déchaînées. Il était beau, Clyde. Il avait cette fougue dans le regard, ce charme qui l’avait toujours hypnotisé pour l’amener dans un exutoire où elle n’y avait vu que le reflet de cet amour noir. La foule en délire, Clyde, il les avait toutes conquises, et Lilith, elle peinait à apprécier l’effervescence qu’il décimait autour de lui, parce qu’il était à elle, encore attaché à son âme dans son esprit. Perdue dans ses iris, elle fût ramenée à la réalité par son client qui lui attrapa le bras, marquant son territoire.

- Ouais, t’as raison, on s’en va, il se la pète un peu celui-là.

Le show terminé, Lilith, elle se laissa entraîner à la sortie, peinant à se remettre de tout ce qu’elle avait ressenti, obligée de partir quand son coeur lui sommait de rester, obligée de fuir parce qu’elle ne voulait pas faiblir.

Elle perdait pieds dans les marécages de ses opales dans lesquels elle avait toujours aimé se noyer, Lilith, la respiration en apnée, la cage thoracique explosée sous l'effet de la goupille de son coeur qu'il avait arraché, elle criait à l'intérieur, elle sombrait dans sa noirceur, comme un retour à des souvenirs qui lui avaient laissés des marques indélébiles dans l'âme, ses initiales gravées dans le marbre de son visage glacé, Lilith, elle luttait pour ne pas se jeter dans ses bras, pour ne pas lui revenir tout entière, beaucoup trop fière pour laisser sa rage s'éteindre, les flammes de la passion la consumant dans l'ombre de son amour malsain, Clyde, il était beaucoup trop bien ou beaucoup trop mal pour elle, mais il la rendait vraie, le masque de ses mensonges amers s'effritant devant ses prunelles aux étoiles austères.

Elle fût tirée dehors par son client, la pénombre de la nuit s'infiltrant par tous ses pores, Lilith elle entendait le rythme effréné de son palpitant pulser dans ses tempes, l'image de Clyde qui revenait en boucle dans sa conscience, la haine, l'amour et un trop pleins de sentiments beaucoup trop intenses brûlant dans ses veines. Elle entendait plus rien, Lilith, les mots de ce type devenaient sourd, comme si elle plongeait dans un mauvais trip, et sans le voir venir, elle découvrit Clyde, à deux mètres de son physique, bondir sur l'homme comme s'il s'agissait de sa proie, cette colère acide qu'elle pouvait lire sur ses traits alors qu'il peignait la violence sur son visage sanguinolent. Lilith, elle serrait la mâchoire, regardait autour d'elle, la rage de le voir mettre à mal le semblant d'équilibre qu'elle essayait de feindre dans le noir, la panique qui se déversait dans le sang alors que celui de son client giclait par ses poings. Elle criait Lilith, d'une voix brisée par son attente, d'un ton accablé par son comportement. Et sans crier gare, elle se plaça dans son dos, tirant son bras pour arrêter sa main dans sa course mortifère, l'incitant à la regarder droit dans ses pupilles aux émotions délétères, à y lire tout ce qu'elle n'arrivait plus à lui dire.

- Laisse le partir. C'est avec moi que t'as des comptes à régler.

La respiration bouleversée, Lilith, elle peinait à rester concentrée, les maux obstruaient sa trachée, elle avait envie de le tuer, de l'aimer, de le torturer, de l'embrasser, il y avait plus rien de cohérent dans ses pensées.

Elle avait pas envie de tomber une nouvelle fois, pour Clyde, pour son désastre dans lequel elle avait joint le sien, tous deux s'affairant à tuer le vacarme qui s'agitait dans leur crâne à l'intérieur des draps, dans les addictions exécrables, mais Lilith, sa seule héroïne n'avait jamais été que lui, elle, tristement reine de leur monde crevé dans les abysses, le coeur piégé dans les abîmes d'une attente désespérée. Il était parti, elle n'avait pas pu le rattraper. Du jour au lendemain, tout s'était effondré, l'abandon, comme un poison qui avait dicté tous ses gestes déplacés, tous ses actes manqués, parce que c'était lui, la pièce manquante de son âme défenestrée.

Elle l'arrêta dans sa violence effrénée, les coups déployés contre le visage de son client à moitié conscient sur le sol de ses espoirs brisés, lui qui aurait sans doute aimé retrouver sa succube dans l'intimité de sa fortune, Clyde qui l'avait sans le savoir, délivré de son sort d'escort pour un soir. Incontrôlable dans sa rage, Clyde il était comme le mirage qu'elle n'avait plus attendu, détaillant son visage aux traits meurtris par la tempête qui traversait ses iris, le regardant payer rapidement le client pour qu'il parte courant, l'homme s'éclipsant dans la pénombre de cette nuit pesante, témoignant de leur retrouvaille haletante.

Elle savait plus quoi faire avec son corps, Lilith, comme si elle perdait le nord, Clyde qui avait toujours déréglé sa boussole et qui faisait toujours remonter des remords d'une histoire morte-née, achevée dans son départ précipité. Pourtant, la fébrilité de son coeur laissa rapidement place à un rire sans joie qui s'extirpa de sa voix, Lilith, secouant la tête, peinant à croire que c'était à elle de se justifier d'avoir tourné la page d'un livre qu'elle aurait du brûler, si le courage ne l'avait pas déserté.

- T'es sérieux là ? Y'avait que toi, Clyde. Que toi partout. Dans mes draps, dans mon âme, jusqu'à ce putain de coeur qui bat même plus. Jusqu'à ce que tu partes.

Elle enroula ses bras autour d'elle, entre le désir de se protéger et celui de se fortifier sous l'effet de sa présence irrésistible.

- Pourquoi ?

Qu'elle demanda simplement, cherchant les réponses à ses questions qui l'avaient rendu mourante.

Son départ avait laissé des traces indélébiles sur son âme, asséchée par son absence qui avait envahi l'intérieur de son myocarde, l'intérieur de sa vie jonchée de drames. Et Clyde, c'était le plus beau de ses drames, le plus triste, le plus sale, celui qui s'était terminé de la manière la plus froide, glaçant chaque parcelle de son être affaiblie par son image, lui qui hantait les recoins de son esprit malade, Lilith, elle était devenue encore plus instable, elle avait creusé sa tombe de ses mains écorchées par la souffrance, en se demandant tous les jours s'il viendrait au moins déposer des fleurs à l'endroit où reposerait ce qui était jadis celle qui lui avait volé son coeur. Elle était plus là la Lilith tendre et affligeante, il y avait que le démon dans son regard quand elle le posait sur celui qui avait été son seul échappatoire, et dans le fond, elle avait mal de le vouloir encore, de sentir son pouvoir sur son corps.

- T'as pas même pas pensé à m'appeler. A me prévenir. A me revenir.

Lilith, sa voix tremblait dans les larmes acides blottis dans sa cage thoracique. Elle réprimait le moindre de ses soupirs, de peur que sa douleur ne l'aspire, de crainte qu'il ne la fasse souffrir, elle qui était toujours cette gamine amoureuse de son souvenir. Lilith, elle plongea son regard dans celui de Clyde, regardant le joint qu'il tenait entre ses doigts, avant de laisser son corps s'asseoir à ses côtés, tentant de garder une distance de sécurité qu'elle avait du mal à ne pas dépasser, parce qu'elle avait entravé ses propres limites pour l'enfermer dans ses pensées.

- Tu me dois au moins ça.

Qu'elle ajouta, tirant sur le joint pour se faire du bien avant de lui retendre ce bâton gorgé de destruction.

- J'ai essayé de survivre sans toi. Mais j'suis plus la même, Clyde. J'suis plus celle que t'as connu. T'aimerais pas savoir ce que j'ai fait pour t'oublier. Le pire, c'est que ça a même pas marché.