(wp #03) / denzel grayson.

Spoiler:

Une autre journée. Comme les autres. Elle aurait dû l’être du moins. Pas de choses rocambolesque de prévu, juste trainer jusqu’à la soirée où il bosse. Il n’a rien prévu, car de toute façon à chaque fois que Denzel prévoit quelque chose qui ne soit pas un impératif alors il change ses plans à la dernière minute. Tout ce temps passé à organiser quelque chose pour au final rien. Denzel n’a pas beaucoup d’impératif dans sa vie, mais s’il y a bien quelque chose qu’il ne supporte pas, c’est bien la perte de temps inutile. Avant quand il était incarcéré entre quatre murs, il avait du temps à planifier des choses qu’il ne ferait pas au final, il avait le temps d’imaginer le moindre scénario ; aujourd’hui qu’il a retrouvé le gout de la liberté il ne veut pas perdre du temps aussi bêtement. Alors il vague à des occupation, trouvé au coup par coup. Là par exemple, il compte se rendre au centre-ville pour faire quelques magasins, et commencer pourquoi pas ses achats de noël. Après avoir pris le métro, il marche dans la rue, les magasins ne sont plus qu’à quelques rues et il retrouvera d’autant plus l’esprit de noël qu’il n’est pas certain d’apprécier à sa juste valeur. Plus que quelques mètres. Plus que quelques minutes et il y est. C’était sans compter sans cette petite dame d’une cinquantaine d’année, affolée qui fait son apparition, d’un coup, juste face à lui avec un air de panique.

« Monsieur, j’ai… j’ai besoin de vous ? » Des tas de questions lui traversent la tête, surtout avec l’affolement qu’il peut lire dans son regard. « En quoi est-ce que je peux vous aider ? » Pas sa façon de parler, mais le respect des anciens est primordial. « C’est très long à expliquer, je ne voulais pas je… suivez-moi je ne peux pas en parler ici ! » Et sans qu’il ait dit quoi que ce soit, elle empoigne sa main pour l’emmener plus loin, dans une rue déserte. « Alors ? dites-moi » S’impatiente-t-il. « C’était un accident, j’ai cru qu’il était armé… je me suis défendue et… » Son discours est quasi incohérent, mais il comprend peu à peu la situation est tout cela est loin d’être très joyeux. « Je ne peux pas appeler la police, il en est hors de question… » Elle continu d’expliquer le pourquoi du comment mais Denzel est déjà loin dans ses pensées. Il ne l’écoute plus, lui il a l’impression d’avoir pris un truc lourd sur la tête. Il n’arrive qu’à entendre ses dernières paroles. « Vous m’aideriez à cacher son corps ? »

L’esprit de noël est bien loin maintenant.

L’esprit de Denzel aussi. Soudain, il rit, un rire nerveux. Avec tout ce qu’il a pu faire d’illégal dans la vie, là c’est la première fois qu’il tombe sur ce genre de situation, surtout auprès d’une inconnue qu’il ne connait ni d’Eve ni d’Adam. Il ne sait pas trop croire. D’un côté il veut aider cette pauvre femme, d’un autre il a un dégout qui le force à vouloir partir pour être loin de toute cette affaire et de tout ce qu’il risque s’il est un témoin clé. De toute façon, maintenant qu’il est au courant, ça le concerne non ? A moins qu’il appelle la police ? A moins qu’il la dénonce pour ne pas avoir ses propres ennuis ? Il n’a pas écouté toute l’histoire, alors il ne connait pas toute les raisons. De ce qu’il a compris c’était de la légitime défense. A ce compte-là, pourquoi ne veut-elle pas appeler d’elle-même la police pour signaler l’accident ? Des tas de questions lui traversent l’esprit, avant que l’une d’elle prenne plus de place dans sa boite crânienne :

Va-t-il accepter de l’aider ?

D’un côté, si ça avait été lui, il aurait voulu qu’on l’aide. De l’autre côté, il ne peut pas retourner en prison pour un crime qu’il n’a pas commis. De toute façon si ça se trouve, ce n’est qu’une blague ? Une blague de mauvais gout c’est certain, mais tout cela relève d’une caméra cachée dont il ne ferait mieux pas de tomber dans le panneau pour ne pas s’afficher. Il y a vraiment trop de choses en jeu.
D’un autre côté, cette dame lui fait penser à sa propre mère et il sait que pour sa mère, il serait capable de soulever des montagnes pour l’aider dans n’importe quelle circonstance. Il voit la peur dans ses yeux, il voit qu’elle a besoin d’aide et tout cela ne peut pas être fictif, à moins qu’il tombe sur une comédienne qui aurait le droit de recevoir n’importe quel prix Hollywoodien.  

Avalant difficilement sa salive, il finit par prendre une décision pouvant influencer toute sa vie :

« Je vais vous aider ! »

Même en l’ayant dit, il n’est pas certain d’avoir pris la bonne décision.

A suivre  

Silence sur silence. Personne ne parle alors qu’il conduit une voiture qui n’est pas la sienne. La dame à côté émet quelques injures en sa propre encontre. Elle n’est pas bien et Denzel peut bien comprendre pourquoi elle le vit mal. « Vous êtes sûre, on peut encore faire demi-tour ! » C’est sans doute la centième fois qu’il lui propose ça, qu’elle ne regrette pas, alors qu’il est encore temps d’appeler la police plutôt que de couvrir cette mort dont Denzel n’était même pas témoin au premier abord. « Oui, oui, pas de machine arrière » Denzel prend une grande respiration. Il n’était pas au bon endroit au bon moment et maintenant, il s’en souviendra à vie.

Pourquoi il fait ça, pourquoi il se met dans cette galère ?

Denzel est loin d’être quelqu’un qui fait toujours les bons choix, il a fait pleins d’erreurs dans son passé, et il semble qu’il n’a pas franchement appris de celles-ci. Plus les kilomètres passent dans le silence, plus Denzel se pose des tas de questions et plus il pense au fait que ses empruntes sont partout, sur le corps, sur ce volant. Il aurait dû faire plus attention mais après qu’ils aient mis le cadavre dans le coffre, la femme à ses côtés tremblait comme une folle, elle divaguait un peu alors Denzel s’était proposé pour conduire. Mauvaise idée. Très mauvaise idée. Maintenant, il sait de toute façon qu’il ne peut pas faire de marche arrière.

Bientôt deux heures maintenant qu’ils roulent, la nuit commence à tomber et ce n’est pas plus mal. Ce qu’ils s’apprêtent à faire, il ne voit pas vraiment le faire en pleine journée. Creuser, cacher un cadavre, un homme qui a surement une vie remplie, des proches qui ne vont rien connaitre de toute cette histoire. Denzel avait essayé de voir s’il avait un portefeuille ou même un téléphone pour connaitre son identité mais rien. Pas un seul indice. Les prochains journaux parleront d’une disparition mais malheureusement, il y en a tellement dans le monde dans lequel on vit qu’il ne saura qu’en voyant des photos si c’est lui ou non. Peut-être qu’il oubliera, peut-être pas. Maintenant qu’ils sont assez loin, qu’ils sont dans un endroit assez paumé pour ne pas se faire choper la main dans le sac ; il se gare, éteignant les phrases pour ne pas se faire repérer. Avec l’obscurité, ils s’éclaireront avec la lampe de leurs téléphones. « Par ici ! » Dit-elle en montrant un endroit à l’abris des regards. Denzel a l’impression dans un sens de se faire utiliser, de l’autre il est un assez grand garçon pour prendre ses propres choix : il aurait pu dire non. « Vérifiez qu’il n’a pas de téléphone pendant que je creuse ! » Heureusement, il savait où trouver une pelle, avec cette escapade loin de tout. S’ils avaient regardé pour le téléphone, il ne faudrait pas qu’ils aient mal cherché et qu’ils se fassent avoir par la puce du dit téléphone. Avec un torchon, il essaye d’effacer ses empruntes, mais c’est sans doute peine perdue. Il fait son maximum, transportant le corps en montant les manches de son sweatshirt, sweat qu’il devra jeter voire faire cramer. Il a la nausée, l’envie de vomir mais il se contient. Il sait garder son sang-froid Denzel.

La nausée toujours présente. Chemin inverse. Ils rentrent. Tout cela doit rester derrière eux, mais les pensées, les souvenirs ne vont pas toujours de l’avant. Ils s’en souviendront, c’est certain alors qu’il a juste envie d’oublier. « Merci, merci beaucoup, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans vous ! » Elle aurait trouvé un autre pigeon. Denzel garde ça en tête, il a été trop bête d’accepter ; mais il ne peut pas changer les choses. C’est fait maintenant, à moins qu’il se livre à la police et qu’il retourne illico presto en taule à cause de son casier judiciaire, car il a fait beaucoup trop en déplaçant le corps, en l’enterrant dans un état voisin. Alors Denzel il ne répond pas. A peine le panneau de New York devant eux, il se gare à la première place qu’il voit. « Je vais me débrouiller pour rentrer ! » Il préfère marcher, prendre n’importe quel transport mais surtout ne demander à personne de venir le chercher pour ne pas inclure quelqu’un d’autre là-dedans, même en restant silencieux. « Je peux au moins savoir comment vous vous appelez ? » Denzel n’a même pas pensé à lui demander son nom ou à donner le sien, mais il n’est pas sûr de vouloir. « Non ! » Dit-il simplement en sortant de la voiture. Il veut oublier, oublier le visage de la dame, tout comme cela de la victime. S’ils savent qui ils sont, ça rendra cette journée encore plus réelle qu’elle ne l’est déjà.

fin