laissez moi me débattre ((bobbie))

traits de caractère / à la base, tu es douce bobbie, d'une douceur aussi enivrante qu'ennuyante pour certains. un océan de volupté. mais depuis quelques temps, quelque chose a changé, et de jeune femme discrète, tu es devenue presque asociale. tu as toujours peu parlé, mais avant, tu riais. maintenant, tu te morfonds. tu ressasses le passé lointain et terminé sans cesse, et tu déchires ton âme en deux à penser à ce qui aurait pu advenir.

Avec ce visage, on pourrait te croire à peine majeure, et pourtant, t’as déjà la trentaine. Sous le soleil de tes cheveux blonds, le temps n’a pas d’emprise. Même ton corps est resté coincé à l’enfance. C’est ce qui arrive quand on vit un traumatisme. Quand t’es rentrée chez toi, vers 11 ans, et que t’as trouvé ton père, déjà froid, dans le salon, main serrée autour du flingue – c’est donc ça la rigidité cadavérique – il s’est passé quelque chose, et tout le mécanisme naturel a cessé de fonctionner. Machinalement, tu as saisis le téléphone, appelé le 911, et avant même que ta mère ne rentre, ton père était déjà parti en civière et la tâche de sang avait été essuyée. Il n’y avait que toi qui avait cette image en tête, toi et deux ou trois ambulanciers, mais pour eux, ce n’était que routine. Pour toi, c’était ton père.

C’est scientifique et médical, quand vos entrailles sont déchirées par la peine, elles restent déchirées tant que vous ne réglez pas le problème. Toi, tu l’as jamais fait. La quête de perfection éternelle t'as fait postuler aux ivy leagues uniquement - et ton cerveau bien rempli a fait le reste. tu es venue étudier la compta et les maths à columbia, tu as eu des bonnes notes, une belle vie sociale, tu as rencontré ton mec, et vous êtes devenus le couple idéal. diplômée, tu as fait le tour de l'amérique centrale, tu es rentrée, a trouvé un boulot et a emménagé dans un bel appartement avec ton bel amour. aucun nuage. tu cochais les cases, une par une, avec ferveur d'abord, par habitude ensuite.

la routine s'est installée, pendant quelques années, et un jour vous avez voulu la cassert - et reprendre le rythme des cases à cocher. Il t'as demandée en mariage et vous avez essayé de faire un enfant. c'est là que ça a coincé. c'est là que le bât blesse, bobbie.

"on ne comprend pas, tout fonctionne, chez l'un comme chez l'autre. il semblerait donc que ce soit psychologique. vous avez vécu un traumatisme, vers 10-12 ans ?"
le couperet tombe. c'est tes problèmes non réglés qui t'empêche d'avoir un gamin, et de devenir mère à ton tour. c'est pas plus mal, peut être, parce que c'est après cette annonce que tu as plongé. tu t'es mise à ressasser, encore et encore, ce passé qui devenait assez présent.

tout est parti en vrille. rien n'avait de sens. tu as commencé à picoler un peu le soir après le boulot, avec des collègues. et puis toute seule. et puis pendant le boulot. ton mec est devenu de plus en plus distant, conscient que tu n'enfanterais jamais sa descendance et que vous aviez donc une date d'expiration. mais que tu étais trop fragile pour te le dire maintenant. mais t'avais beau être beurrée, t'étais pas bête. et un jour, tu as compris. tu l'as suivi. et tu as vu cette jolie brune, l'opposée de toi, avec un corps de femme et des cheveux auburn. serena. tu l'as confronté, il t'as quittée, tu es tombée encore plus bas.

c'était il y a un an. tu as perdu ton boulot depuis. tu noies tes souvenirs dans l'alcool pas cher. tu es à deux doigts de te faire virer de ton appart - heureusement que c'est la trêve hivernale, tu as un répit jusqu'en mars. heureusement aussi que tu n'as plus trop d'argent, c'est sans doute ce qui t'as empêchée de sombrer dans la drogue dure et persistante. t'as ce cortex de ton cerveau qui aime les addictions, tant mieux que tu n'ai jamais testé l'héroïne.