if I had a little money. (isabella)

il n'était pas très à l'aise finn. il avait bien mis son costume de circonstances, celui qui lui servait pour les mariages, les enterrements et ce genre d'événements. on lui avait demandé d'accompagner son boss. celui-ci devait donner un discours devant toute la bonne société du queens et de new york pour vanter l'ouverture d'un nouveau centre d'accompagnement des jeunes. on lui avait demandé parce qu'il passe bien finn. plutôt beau garçon, la voix qui rassure, il était chargé de vendre leur projet pour attirer des mécènes. il n'était pas très à l'aise avec ça, ça lui donnait l'impression de perdre de vue le but réel de ce centre, pourquoi ils l'avaient créé. il n'aimait pas les regards des bonnes femmes qui louchaient plutôt sur le sourire avenant de finn plutôt que sur la réalité du projet. il n'aimait pas ces bonhommes tous blancs, riches et puants d'arrogance qui sortait leur chéquier et signaient des nombres à plusieurs zéros pour prouver leur pseudo virilité. il étouffait presque et il décida de s'éloigner sur la terrasse pour prendre l'air. dans la pénombre, et il s'appuya contre le mur pour siroter le verre de champagne qu'il avait attrapé au passage. il desserra sa cravate quand une silhouette féminine s'approcha de lui. il avait aperçu cette brune quand il était en train de répéter son petit discours. il fait meilleur à l'extérieur n'est-ce pas? dit-il avec un sourire en coin, parlant autant de la température que de l'ambiance pesante. il avait remarqué qu'elle écoutait avec attention, contrairement à l'ensemble de l'auditoire.

il avait vraiment peur de s'être fait suivre par un quelconque investisseur qui allait lui proposer un poste de juriste avec un salaire juteux. pas qu'il se sentait capable de craquer, mais il peinait de plus en plus à trouver des formules polies pour repousser ces as du capitalisme. c'était une jeune femme qui arriva sur le balcon à ses côtés. elle faisait un peu tâche dans le décor. c'était loin d'être péjoratif mais elle devait faire partie des dix personnes qui avaient moins de quarante ans à cette soirée. avec un coup d'oeil, il remarqua la bague à son doigt. néanmoins, il se garda de tout jugement hâtif. s'il avait bien une qualité c'était de ne pas imaginer une vie aux gens en un seul regard. il sourit, appréciant la remarque de la brune. finalement, de tout ce qu'il avait entendu ce soir, peu de personnes s'étaient épanchées sur le contenu de son discours. tout le monde l'avait trouvé élégant, tout le monde se sentait prêt à donner de l'argent. mais s'il demandait à un des titulaires de ces chèques, il était presque sûr qu'ils seraient incapables de répondre pour quelle oeuvre ils avaient donné leur argent. merci, c'est bien que des gens s'intéressent vraiment à ça. il dit en souriant, encourageant finalement la discussion. vous aviez déjà entendu parlé de ce genre de choses? demanda-t-il. elle avait l'air intéressée et finn ne cherchait plus de l'argent mais bien des soutiens moraux. ce qu'il manquait finalement, c'est que quelqu'un se sente suffisamment investi pour en faire la marraine ou le parrain de ce lieu. quelqu'un qui aimerait effectivement y passer quelques heures par semaine, qui se sentirait personnellement touché par les valeurs que ce centre voulait transmettre.   vous bossez dans quoi? ajouta-t-il avec son éternel sourire, montrant son intérêt pour la seule personne qu'il ne trouvait pas antipathique ce soir.

ça lui rappelait un environnement qu'il avait évité. il n'aimait pas cet univers de faux-semblants. il aimait son petit bureau un peu étroit, et les gens simples qu'il côtoyait au quotidien. le champagne coulait à flot, l'hypocrisie aussi. cette jeune femme lui paraissait néanmoins sympathique. elle devait avoir son âge, et si elle paraissait à sa place dans la foule, elle lui sembla un peu plus normale que les autres. il avait engagé la discussion par politesse, parce qu'elle lui semblait avoir un peu plus de jugeote que les autres. finn ne pensait pas viser si juste en s'imaginant qu'il y avait quelque chose à tirer de cette rencontre. la brune lui confia avoir été une habituée de ce genre d'endroits. étonnant quand on l'observait désormais. manucure impeccable, une robe qui coûtait sans doute dans ce que représentait un salaire moyen, le diamant au doigt. la curiosité de finn envers l'inconnue n'en fut que piquée. elle ne tarissait pas d'éloges et il se fendit d'un sourire presque un peu gêné de recevoir tant de compliments. c'est très gentil, vous savez on m'a envoyé ce soir, mais il y a une vraie équipe avec moi. il jugeait utile de préciser. il n'aimait pas les obscures raisons pour lesquelles on n'avait envoyé un trentenaire plutôt beau gosse mais globalement débutant plutôt qu'une des plus anciennes employées du centre. elle a raison, le monde dans lequel elle évolue est à mille lieues de celui de finn. mais elle lui était bien trop sympathique et il décida de se montrer agréable lui aussi. vous savez vous pourriez être un exemple pour ces gamins aussi. je ne connais pas votre histoire, mais c'est toujours inspirant de savoir qu'on peut réussir peu importe d'où l'on vient. dit-il pour l'encourager un peu. bien que sa définition de la réussite soit un peu différente, il savait qu'il y avait des gamins qui seraient heureux de rencontrer quelqu'un comme cette jeune femme.

sa soirée prenait une autre tournure qui lui convenait beaucoup plus. extirpé de l'hypocrisie ambiante des riches investisseurs new yorkais, finn se plaisait à imaginer quelles genres d'intervention pourrait mener cette inconnue auprès des jeunes du centre qu'il était venu défendre ce soir. elle était jolie comme un cœur, elle avait l'air patiente et elle avait un parcours un peu comme celui que finn souhaitait à ces jeunes. il ne connaissait pas les raisons de l'ascension de cette brune mais il n'était pas tombé de la dernière pluie. le trentenaire en avait vu des filles de rien accéder aux plus hauts sommets de la société parce qu'elles sont jeunes et jolies. néanmoins, il lui trouvait du mérite, elle avait quand même un travail, une position que beaucoup devait lui envier. c'est malheureux, mais ce qu'il voulait vendre à ces adolescents c'est du rêve, c'est un conte de fée. c'est en promettant beaucoup qu'on obtient quelque chose de correct. voilà la philosophie de finn. elle respirait la gentillesse, et ça suffisait à faire la moitié du travail auprès de ces gamins. je pense que vous doutez beaucoup de vous mais je vous assure que vous feriez des merveilles! il assura en cherchant dans sa poche de veste une petite carte cartonné comprenant juste son nom et son numéro de téléphone. tenez, comme ça on reste en contact, je peux vous demander votre nom? son nom était sans doute connu de l'ensemble de l'assistance mais finn n'était pas assez physionomiste mais trop préoccupé par les grands patrons new yorkais pour mettre un nom sur son visage. on a besoin de personnes comme vous, qui viennent parler de là où ils viennent, de ce qu'ils font aujourd'hui. puis, juste venir prêter main forte pour certaines sorties. il dit avec un grand sourire, il allait arriver à la convaincre de lui donner la seule véritable aide dont il avait besoin.

finn savait se montrer plus convaincant pour attirer isabella dans sa sombre entreprise de bénévolat que pour récolter de l'argent. disons plutôt, que s'il avait récolté quelques chèques, c'est bien cette négociation là qui lui donnait l'impression d'avoir eu une soirée productive. bien sûr que rien ne se fait sans l'argent - le bâtiment en lui-même ne se serait pas construit tout seul même avec une vingtaine de bénévoles. la réussite de la mission qu'il lui était confié à travers son travail était la seule chose qui le motivait à agir un peu avec le cœur. pourtant, contrairement à ce qu'on pourrait penser, il n'agissait pas totalement sans arrière pensée. il y a bien sûr quelque chose de gratifiant dans tout ça. il en tirait une réputation de type bien parce qu'il aidait la veuve et l'orphelin. ce serait hypocrite de dire qu'il n'y avait pas d'intéressement au bout du compte. c'était même assez facile à saisir quand on le voyait taper dans le buffet de petits fours - mais finn savait vite rétablir les illusions avec un de ces sourires innocents dont seul lui avait le secret. il lui semblait avoir recueilli un chèque au nom de kingston. enfin ce qui l'intéressait dans ce nom c'était plus ce que ça pourrait évoquer aux jeunes du centre. pour répondre aux doutes de la brune, finn lui tendit la main pour serrer la sienne. bienvenue dans l'équipe isabella! je peux peut-être vous laisser mon numéro? pour que nous organisions une rencontre avec les équipes du centre d'abord? et puis que vous veniez visiter les lieux, avoir un premier contact avec les gamins pour voir si ça vous plairait vraiment? il ne doutait presque pas de ça. quelque part il lisait dans la vie d'isabella peut-être un peu d'ennui d'être la "femme de". pour une fois, finn lui promettait, elle serait au centre de l'attention pour ce qu'elle était. et lui avait le plaisir d'avoir peut-être déclencher une vocation. on devrait peut-être aller se resservir un verre avant que toutes ces bonnes gens vident le bar non? maintenant que la mission qu'il s'était fixé était remplie, ils pouvaient bien prendre un peu de bon temps.