Pensées vagabondes.

Ses doigts pianotent sur son téléphone à la recherche de son ancre, pour lutter contre la dérive qui la menace. Elle ne redresse pas la tête pour s’éviter une discussion gênante avec le premier venu, confirmant une nouvelle fois sa réputation de fille distante. On l'invite toujours, ça ne doit pas être si rédhibitoire, il faut croire. Encore un event d’une futilité profonde où elle aime peut être au fond se perdre. Chacun se guette dans cet univers parallèle où le like est roi. Kaja ne peut pas nier que cela est pour elle autant distrayant que fascinant, elle s'oblige également à sortir de son ombre de confort. Ses opales effleurent la silhouette d’une Asmée qui se faufile jusqu’à elle. Les traits de son minois se détendent, rassurés par sa présence familière. Elle a toujours eu l'air plus à l'aise qu'elle dans ce genre de réunions pseudo sélectives. Ses pulpeuses s'étirent en un sourire. « Je ne sais pas ce que je fais là » elle glisse d’une voix blanche, à chaque fois c’est la même question, mais c'est aussi comme ça qu'elle justifie sa tenue moins fashion que le reste de la population mondaine de ce soir. Y a aussi son statut d’ancienne candidate de télé-réalité qu’elle n’assume pas toujours. Parfois ses proches lui imposent involontairement le replay de certains passages qui lui retournent les entrailles. Et elle se souvient d'où elle vient et pourquoi on pense encore à elle. « Toi aussi » elle commente dans un léger haussement d'épaules. « Tu connais les réjouissances de ce soir ? » elle interroge sa pensine qui se tient désormais à ses côtés. « S'il faut encore composer des bouquets et découvrir des nouveaux cosmétiques bio, je me casse » elle prévient catégorique dans une légère insolence qui lui va bien au teint. Elle n'a pas la patience pour ce genre d'atelier manuel visant à les émerveiller et ne se prête au jeu que lorsqu'elle se retrouve acculée. Sa main se glisse dans celle d'Asmée pour l'entrainer à sa suite pour trouver de quoi assouvir sa soif.

Son visage se réchauffe à l'arrivée d'Asmée qui joue comme un rayon de soleil sur son épiderme. Elle la rassure et la belle lève inconsciemment les yeux au ciel. « Dire qu'avant toi je n'avais pas de but » Ironise l'irakienne, d'un sourire mi-moqueur et mi-amusé. Les deux sont sur le même point sur l'ignorance de ce soir. Kaja hausse les épaules.  « Si on s'ennuie, on ira danser pour s'empêcher de penser » souffle la poupée d'un air un peu trop pensif parce qu'est là le but de la manoeuvre, s'occuper l'esprit pour éviter de trop sombrer dans des réflexions qui pourraient la dépasser. Elle embarque bien évidemment Asmée dans son errance de ce soir. « Jamais sans toi » Elle confirme dans un léger sourire en resserrant son emprise sur son amie. Ses opales se confrontent à la présentation minutieux des boissons qui lui arrache un léger soupir. Elle opte pour deux coupes de champagne, elle tend un verre vers la brune en croisant ses grandes opales. « On trinque à toi » elle décide façon tyran en l'observant quelques secondes. Un rictus se peint à la remarque de cette dernière. « J'aime essayer sortir de ma zone de confort » elle se contente de répondre, dans un sourire, parce qu'elle erre là où on ne l'attend pas, Kaja. Alors dans ce schéma dysfonctionnel, elle accepte ce genre de soirée ou même de faire quelques campagnes publicitaires pour s'essayer à sortir de son néant. Y a aucun fil rouge dans sa vie, elle se contente de voguer, se laisser un peu trop porter par la vent. « Tu ne trouves pas cela fatigant de devoir rentrer dans une case ? » demande Kaja en tournant son délicat minois vers la soeur qu'elle aurait pu avoir. Parce que derrière le sillage d'Asmée, se crée beaucoup d'attente, on se demande comment se comporte une star du petit écran, comme si cela suffisait à la définir elle, comme personne. Kaja, ça l'irrite très souvent d'entendre des remarques réductrices concernant Asmée justement. Elle vaut mieux que tout ça.

@asmée chamberlain

Leurs verres se fracassent délicatement alors que la môme lui offre un regard entendu, à nous deux, puisque tu le veux. Elle avale une première gorgée sans être capable de la savourer. « Tu as envie d’être qui ? » glisse soudainement l’irakienne dans un regard qui pourrait être perçu comme bienveillant alors qu’elle cherche juste à réveiller la vérité, à la façon d’une pulsion qui serait difficile à réfréner. Kaja ne lui demande pas non plus de choisir. « C’est ça la seule question » elle complète dans un soupir compréhensif parce qu’elle est la première à souffrir de ce qu’on appelle pompeusement problème identitaire. En crise avec soi même. Peut être trop lassée d’être personne dans ce pays alors que chez elle l’enfant se trouvait animée d’une utilité qu’elle ne retrouve pas. « Aller viens, on s’en va » propose Kaja dans un haussement d’épaules, parce que c’est bien trop cadré cette soirée de superficialité. Les enfants se fondent bien dans la foulée, personne ne sera blessé de leur absence. « On s’est jamais fait de vraie soirée » elle souligne alors que ses propres traits s’étonnent de son constat. La vision d’une Kaja en soirée est un anachronisme, une espèce d’erreur sur lequel il est impossible de ne pas s’arrêter. L’irakienne finit sa coupe. Avant de se resservir ainsi qu’Asmée d’un regard nonchalance pour lui dire de profiter de cette abondance capitaliste tant qu’elles le peuvent. Une main qui se glisse dans cette de sa starlette pour la tirer hors de la foule absorbée afin de s’échapper. Manteau sur le dos, s’engouffrant dans la première rue trop éclairée. L'irakienne commence déjà à pianoter sur son téléphone afin de trouver un lieu où elles pourraient atterrir. « Une bonne adresse où on pourrait arrêter de penser ? » glisse la demoiselle à son acolyte, croisant ses grandes opales, essayant de s'arracher de ce costume qui la fatigue, celle de celle qui se perd, plus pensante que présente avec la désagréable impression de ne pas vivre. Elle veut bien essayer de s'oublier une soirée, en bonne compagnie, présence rassurante qui lui donne envie de tout essayer.