a night full of stars › Silas

Ailleurs, derrière ce bar miteux, des cris brisent l’accalmie des heures silencieuses. Toujours, sur le flanc du croissant lunaire, la même rengaine de ceux qui nourrissent la haine. On entend ces rocs qui s’élancent, se traversent, et se perdent peu à peu en quelques éclats menés par la fièvre. Les dernières notes d’un jazz se jouent dans la lumière, imposent le rythme des fracas que les hommes se délivrent dans l’ombre. Ils ne connaitront aucun interstice, conspués par la rage.

Entre la chaleur des murs, l’esprit de Roseen s’étiole ; les hommes forment un monde bruyant ce soir. Comme un orage, elle entend leurs voix qui détonnent d’absurdités, d’acceptions qui les brident. Exigences mondaines et moeurs curieuses.

Les humains ne savent donc nullement comment vivre?

Les portes battantes de l’arrière-couloir virevoltent encore, marquée par le souvenir de son passage. Elle décidait de fuir le chatoiement vulgaire des festivités. Dehors, il lui semblait que les étoiles ne saurait la décevoir, prétendre aux inepties auxquelles ces semblables s’adonnaient alors volontiers. Mais dehors, elle ignorait que l’orage continuait de pourfendre le ciel, que des feux malgré la pluie battante continuait de brûler vivement. Et là, tandis que ses talons frappent encore le carrelage, raisonnent en elle ces coups qui s’assènent à quelques mètres. Elle entend chanter la disgrâce des os qui se brisent, des hématomes qui jaillissent, le liquide carmin qui s’évade. Alors, sans que ses incandescentes prunelles ne soient posées sur la scène, une main qui enserre la poignée de cette barricade, l’urgence se distille et sa chair frémit.

Et après? Que se passe-t-il une fois que la lame, repue, a lacéré la peau?
Que se passe-t-il pour l’homme qui derrière, ne sait se sauver lui-même?
Insuffler la vie pour que, toujours, il la reprenne.

Elle voit la fuite de l’assaillant, révulsé par son dernier geste, sa dernière fresque d’orgueil. L’autre gît sur le dos, les mains couvrant son abdomen. Roseen lève le nez, les yeux clos vers l’infini crépuscule.

« - La nuit est belle ce soir, vous ne trouvez pas… Elle lâche un soupir, se dégonfle. »

Le faciès mutin, la douce musarde autour de cet homme qui peine à braver la douleur infligée par ses plaies. Finalement, elle choit auprès de lui, ses genoux contre le goudron. La vénus pose une main délicate sur le front de l’Adam, glisse deux doigts sur son poignet. L’homme maintient son corps à température classique, son coeur ne bat si fort que parce que la violence lui a demandé tant d’effort. Elle croit saisir un peu de lui-même.

La vie t’est-elle si triste à endurer?

« - Je peux? Elle désigne du regard une plaie sur son ventre, docilement cachée par le tissu. »


@Silas Durden