let the devil in, ella

pas besoin d'frapper fort. pas besoin d'lui faire ployer les genoux. juste frapper dans l'nécessaire. d'lui arracher ses trop lourdes paupières. avec les mains, les griffes. avec une pince, un couteau. avec tout c'qui semble assez douloureux pour lui ouvrir les yeux. qu'importe les dommages collatéraux. qu'importe les âmes happées dans ses desseins névrosés. ça l'froisse pas, cahal, d'briser des vies. d'emporter avec lui tout l'bonheur d'autrui. tant qu'ça sert ses envies.
besoin d'sentir son sang bouillir,
les bribes d'son déclin souffrir,
sa médiocrité périr.

il fait déjà nuit. et la pluie a cessé d'tomber lorsque les trois silhouettes se sont pointées dans l'effervescence d'un queens endormi. il n'reste que le bruit des pneus qui embrassent la flotte fraîchement laissée en paix sur l'macadam abîmé. quelques rires gras au coin d'la rue ; les derniers fêtards qui se sont tuent et trois paires de chaussures bien cirées qui fendent le silence des résidences bien rangées.
quelques marches à avaler
pour assouvir l'irrépressible envie besoin d'tout flinguer.
les molosses qu'il laisse à l'entrée, bien maquillés dans leurs costumes de mecs parfaits. cahal lève le poings. fait s'écraser ses phalanges sur l'bois d'la porte d'entrée. y'a un instant d'flottement. un instant suspendu pendant lequel on n'entend plus que les gouttes s'écraser dans un dernier souffle animé. puis un corps méfiant qui se déplace dans l'appartement. les pas légers de la proie qui s'approche et sa main qui fait sombrer la poignée. la porte s'ouvre et l'visage apparu fait s'accrocher sur la gueule de l'irlandais un rictus discret. mais satisfait. ella. bonsoir. il a l'ton faussement rassurant. l'air hypocrite du timbré qui t'souris avant d'te planter. pourtant impossible de n'pas l'prendre au sérieux. j'ai besoin d'un peu de ton temps. il demande pas, cahal. il propose jamais. cahal il fait partie d'ces types qui disposent sans permission accordée. d'ces types qui s'nourrissent de dévotion et en dégueulent d'autorité. pour un subtil contrat à lui proposer. son coeur entre les lignes. je peux ? la cancéreuse qu'il balance juste à côté et son parfum d'tabac froid qui est déjà entré. le serpent lève un index vers la tanière de la brune, arque un sourcil qui semble presque sincère dans sa requête. presque.
les deux types au dos tournés
enfument son porche d'une odeur de cramé.
leur entente bien gardée.

☾ ☾ ☾
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crédit/ tumblr ☾ w/@Cahal McGrath

Elle est sortie ce soir, Ella. Comme tous les autres soirs. C’est dans l’effervescence des soirées mouvementées, des fêtes plus ou moins improvisées, qu’elle sait le mieux se perdre. Oublier, l’espace de quelques heures, le monde misérable dans lequel elle évolue. Les folies n’ont pas été trop grandes, cette fois. Peut-être qu’elle en a juste assez de cette vie passée à se chercher. Sans jamais se trouver. Peut-être qu’elle est juste fatiguée. Peut-être qu’elle est encore trop remuée par sa dernière conversation avec Lui. Par Lui. Toujours, un peu trop. C’est pourtant bel et bien terminé cette fois. Ils ont même fait les choses correctement, ne serait-ce que pour une fois dans leur vie, pour la dernière fois. Rentrée seule du bar où elle a passé quelques heures, l’oiseau de nuit est à peine endormie dans son lit, quand elle entend taper à la porte d’entrée. Le sommeil léger, sûrement à cause de toutes les substances nocives en permanence absorbées, elle ouvre instinctivement les yeux tout juste clos. C’est à contrecœur qu’elle se lève pour aller voir de qui il s’agit. Peut-être un de ses compagnons de soirée, assurément quelqu’un qu’elle va vite congédier. Ella, elle ne prend pas la peine d’enfiler autre chose que le long tee-shirt qu’elle porte en guise de pyjama. Elle ouvre enfin la porte à son visiteur impromptu, pour se retrouver face à quelqu’un auquel elle n’aurait jamais pensé. Cahal.

Cahal Mcgrath.

Le frère de son amour déchu qui se trouve là, tout en élégance, devant la porte de son appartement à une heure pareille. C’est surréaliste et, en même temps, pas tellement quand on connaît le spécimen. Ella, elle a pu avoir un aperçu de lui. De l’homme qu’il est. Surtout celui qu’il est avec Morgan. Elle ne l’aime pas tellement, en fait, Cahal. Elle l’a toujours trouvé hautain, le regard méprisant face à celui qu’elle voyait comme son dieu vivant. – Cahal, qu’est-ce que tu fous là ? qu’elle lâche dans un soupir, las. Aucune envie d’être mêlée à leurs histoires de famille toxique. Elle n’a pas fui la sienne pour se coltiner celle de son ex. Cahal, il a cette voix doucereuse, ce sourire qui se veut rassurant. Mais elle n’est pas idiote, la sulfureuse. Il lui demande s’il peut entrer, elle a bien envie de refuser. Ce qui la retient, c’est Lui. Encore. Toujours. Morgan. Elle se pousse à peine, juste pour le laisser passer, en prenant la peine de préciser. – Toi, tu peux. Mais les deux chiens de garde, ils restent dehors. Pas naïve, la petite. Elle ne va pas faire entrer deux molosses qui pourraient la maitriser en une fraction de seconde.

Mais c’est le pire de tous que tu laisses entrer sous ton toit,
Celui qui pourrait bien avoir raison de toi.

Elle ferme la porte derrière son ancien beau-frère. Laisse son regard le fixer de haut en bas. Comme si elle cherchait des réponses, les raisons de sa présence. Mais, elle a beau réfléchir, il n’y a rien qui lui vient. Rien qui n’expliquerait pourquoi il a besoin d’elle. Parce qu’elle le sait, Ella, il ne viendrait pas la retrouver s’il n’en avait pas le besoin. – Alors, tu veux quoi ? Elle demande sans tourner autour du pot. Moins de temps elle passe avec lui, mieux elle se porte, Ella.

Pas d’invitation à prendre le thé,
Pas de fausse politesse simulée,
Tu veux juste savoir ce qu’il est venu chercher.

il a pas longtemps à poireauter, mcgrath. on n’fait pas attendre le diable et c’est le monde entier qui a, à jamais, consentit à n’pas l’faire patienter. la porte s’ouvre lentement, avec précaution, comme si la brune s’attendait à recevoir le démon -pas tout à fait erroné, ses craintes raisonnées. les rétines de l’irlandais tombent furtivement sur ces cuisses dénudées. ni chaud, ni froid. un tissu trop long emprunté à il n’sait qui, son frère peut-être, et la gente féminine imagine la négligence attirante. elle s’étonne avec un relent d’éthanol et de lassitude. une invitation. n’pas en dire trop. garder la surprise pour l’intimité.

oh ella, tu sais pas qu’t’as déjà merdé
à partir de l’instant où tu l’as laissé entrer.
oh ella, tu sais pas qu’il va t’bouffer
pour atteindre son sang coagulé.

à demie nue elle acquiesce mais congédie les deux ombres derrière l’irlandais. cahal se retourne. un hochement de tête autoritaire. sa paume qui leur balance pour patienter, son paquet de clopes a peine entamé.
assis.
pas bouger.
prenez l’chemin d’l’asphyxie
en attendant les fortunés.
silencieux, il se fraie un passage à travers la silhouette inerte d’ella qui a contre coeur le laisse entrer. aucune raison officielle d´le détester. aucune raison d’s’en méfier. pourtant c’est inné, c’regard soupçonneux qu’elle vient d’lui balancer. il l’ignore. la porte claque et le piège s’est refermé. elle a les bras croisés sous la poitrine et l’unique question qui n’tarde pas à s’pointer. loin d’être idiote, la demie nue. ta compagnie. mcgrath sort de l’intérieur de son manteau quelques billets qu’il dépose sur le meuble juste à côté. ses yeux reviennent à ceux d’l’objet d’essayer malsains projets. j’aimerai que tu t’achètes une robe. une belle robe. et que tu m’accompagnes à la prochaine soirée au closer. l’appât est lancé. dans quatre soirées, c’est tout le closer qui s’fout sur son trente et un. et c’est ella qu’il veut à son bras.

pas une once d’intérêt déplacé,
aucune envie d’la posséder.
la haine dans les yeux d’son cadet.
et p’t’être une prise de conscience bien amenée.

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Cahal Mcgrath, dans son appartement. Cahal Mcgrath chez elle. Jamais, elle n’aurait pensé que cela pourrait arriver. Toutes les années durant lesquelles elle était avec Morgan, elle a tout juste entrevu celui qui est son grand frère. Elle ne le connaît pas, pas personnellement. Mais elle a une vague idée de l’univers souillé dans lequel il évolue. Le même que celui de Morgan. Bien pire encore que celui de Morgan. Mais, ça, tu ne le sais pas, Ella. Elle ignore tout ce dont cet homme est capable, il n’empêche qu’elle ne l’aime pas. Le cœur trop loyal pour apprécier quelqu’un qui a causé tant de cicatrices à peine cachées au seul qu’elle a aimé. L’esprit trop méfiant pour se sentir d’humeur accueillante avec un homme qui vient la voir au beau milieu de la nuit pour lui demander un service. Elle l’a laissé entrer, pourtant, revenir dans sa vie plus naturellement encore qu’il l’a quittée. Sur la réserve, elle n’attend pas longtemps pour le questionner, influencée par le besoin de savoir ce qu’il peut bien attendre d’elle.

Sa compagnie.

Elle arque un sourcil, perplexe, pas sure de comprendre. Il ne vaut mieux pas que ce soit ce qu’elle comprend, d’ailleurs. Sans un mot, elle suit ses gestes des yeux pour voir une liasse de billets verts se poser sur le meuble à côté d’eux. Cette fois, elle imagine clairement le pire. Elle ne sait pas ce que Morgan a pu lui dire sur elle, sur ses agissements. Sur la manière dont elle parvient à payer cet appartement. Mais elle n’est pas de ces filles-là, Ella. Elle n’est pas un objet, pas une poupée docile dont on use et abuse à sa guise. C’est elle, plutôt, celle qui utilise les hommes selon son bon vouloir. C’est toi qui choisis, c’est toi qui décide qui tu mets dans ton lit. Et lui, elle n’en veut pas. Elle s’apprête déjà à l’envoyer balader, mais ses paroles suivantes la choquent un peu plus. Il lui parle comme si elle était un pantin, son pantin. Une simple chose qu’il pourrait payer pour... l’accompagner à une soirée ? Elle ne sait même pas si elle doit être outrée ou interpellée par l’absurdité de sa demande. Demande, qui a tout l’air d’un ordre, qui plus est. - Tu crois que je vais jouer les escortes pour toi ? Elle ne saisit pas, elle ne comprend même pas comment il peut avoir ce genre d’idées. Comment il peut demander à l’ex de son frère de l’accompagner à une soirée. - Je sais pas quelle idée tordue t’as en tête, mais non merci. Tu peux t’en aller maintenant. qu’elle lance, impudemment. Méfiante, elle l’est, mais effrayée certainement pas. Il ne lui fait pas peur, Cahal. Là, tout de suite, il est surtout en train de l’agacer.

il la connaît pas. il l'aime pas et pourtant, n'la déteste pas plus que ça. ella, elle a fait partie du paysage. longtemps. elle était les rênes du blond. celle qui le f'sait tenir bon. elle était la nana dans ses rétines. c'corps qui ondule dans sa poitrine lorsque l'jour décline. oh, c'que morgan a pu l'aimer -et l'aime encore, l'corbeau en est persuadé. c'qu'il a pu vouloir planquer cet amour bien gardé. pourtant personne il n'a dupé. personne il n'a trompé. ça s'lisait dans ses sourires, que l'bonheur l'faisait frémir. et cahal ça l'faisait gerber d'pouvoir imaginer qu'les mcgrath avait un coeur à battre sous leurs armures dorées. d'voir fondre leur fierté. le pouvoir par des broutilles bousculé.
alors il s'était mit à s'en méfier. d'elle et d'ses cheveux bouclés. d'elle et d'ce sourire benêt qu'elle avait greffé sur la gueule du cadet.
incapable d'aimer,
d'éprouver.
brandir la futilité.
au lieu d's'évader.

alors ella, elle s'méfie aussi. du corbeau et ses billets d'la rue tout droits sortis. méfiance animale. méfiance normale. cahal qui s'pointe pourtant comme un ami, pour une fois, l'envie d'leur rendre leurs vies. et surtout l'intérêt d'maintenir son frère en vie. je ne cherche pas une escorte, ses rétines observent, scrutent. sans gêne elles dénudent les lieux d'leur intimité dont ils sont parés. je cherche une alliée.
étonnante sincérité ; leurs desseins sur l'même trajet.
cahal ignore la demande de la brune. celle de fuir. de prendre la porte et de n'plus jamais revenir. celle d'se barrer et d'prendre avec lui tous ces souvenirs. il ignore les demandes et surtout les ordres. et il reste planté là, les mains vissées dans les poches. les mains qui s'empareraient bien d'un tube de cancer en fumée. pas l'moment de la contrarier.

j'aimerai retrouver morgan. ses rétines reviennent à la brune aux jambes nues. celui qu'on connaît. celui qu't'as aimé, ella. et je crois sincèrement que tu es la seule à pouvoir m'aider. ça lui écorche la gueule de devoir demander. de devoir espérer. de devoir arranger la vérité pour obtenir légitimité. mais c'est pas d'ella qu'il veut se servir. c'est d'ce foutu lien qu'ils aimaient entretenir. de c'truc qu'ils appelaient avenir.
ce que je veux, c'est une réaction de sa part, qu'le mirage d'voir la brune prendre le large lui perce les rétines comme la liqueur au fond d'son verre. qu'il réagisse par la haine. qu'il réagisse par la colère. qu'il lui court après à perdre haleine.
qu'il court après c'qu'il veut
tant qu'ça le ramène auprès d'eux.

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Il y a comme une tension dans l'atmosphère. Quelque chose de malsain qui flotte dans l'air. C'est peut-être elle qui est trop sur la défensive, trop fermée. Elle qui a été trop proche du cadet pour n'pas se méfier de l'aîné. Ou peut-être que c'est lui qui inspire toute cette méfiance à son égard. Lui dont elle a pu, à peine, entrevoir le cœur glacial. Tellement loin de celui qu'elle aimé. C'est pour lui, en vérité, qu'elle se montre aussi expéditive. Ne cherche aucune explication, veut juste mettre un terme à cette conversation. La loyauté dans chaque pan de son être. Peu importe tout le mal qu'ils peuvent se faire. Aucune raison d'accompagner Cahal à une soirée, aucune raison de satisfaire ses volontés.

Non, elle n'est pas son alliée.

Le mot capte son attention. Juste un peu, sans qu'elle n'en montre rien. Le sourcil se relève subtilement. Mais elle oublie, elle évacue. Elle ne veut rien savoir de ce qui peut se passer dans un esprit visiblement tordu. Elle l'invite à s'en aller, c'est même un ordre qu'elle laisse échapper. Ordre qu'il omet complètement, comme s'il ne l'entendait pas. Comme s'il ne lui importait pas. L'agacement commence à peine à pointer le bout de son nez, qu'il la stoppe net, avec une telle facilité. Un seul mot, un seul nom, qui aura toujours le don d'atteindre son cœur d'une drôle de façon. Morgan. Il a réussi à capter tout son intérêt. L'attention pas vraiment cachée, sur lui les yeux rivés. Elle devine parfaitement ce dont l'homme lui parle. Les abysses d'une souffrance dans laquelle il a tenté de nager. Souffrance dans laquelle il est en train de se noyer. Le souvenir de la dernière fois qu'elle l'a vu, brisé, détruit, l'ombre de lui-même. L'ombre de l'homme dont elle est tombée amoureuse. Elle baisse les prunelles assombries lorsqu'il lui affirme qu'elle serait la seule à pouvoir l'aider. Il sait comment s'y prendre, Cahal. Il sait comment l'atteindre en plein cœur.

Parce que, c'est plus fort que toi,
Morgan, il continue de te mettre en émoi,
Peu importe la distance, le temps,
L'impression qu'il comptera toujours autant.

Elle ne peut pas rester insensible devant les mots de son interlocuteur. Elle ne sait pas à quel point ils sont sincères, ni à quel point il essaie de la rallier à sa cause. Elle se rend juste compte qu'il y arrive. Il y arrive un peu trop bien. Mais elle chasse les pensées qui la submergent, Ella. Elle ne peut pas se laisser à nouveau plonger dans les deux océans qui ont déjà eu raison d'elle une première fois. Elle ne peut s'y noyer une nouvelle fois. La tête se redressant, elle ancre son regard dans celui de Cahal, assurée. Plus qu'elle ne l'est en réalité. - Je sais que vous n'parlez pas beaucoup, mais je te signale qu'on est plus ensemble depuis des années. Qu'est-ce qui te dit qu'il aurait une réaction ? Il réagirait. Au fond d'elle, elle le sait. Parce que c'est comme ça, entre eux, cela a toujours été comme ça.

Incapables de se détacher complètement,
Incapables d'être indifférents.

Ce serait pire encore si elle commettait l'affront de s'accrocher au bras de son frère. Il le verrait comme une trahison. Il aurait raison. Mais peuvent-ils pour autant croire à un électrochoc ? Peuvent-ils vraiment espérer le secouer suffisamment pour l'éveiller ? Il est imprévisible, Morgan. Il pourrait tout aussi bien se contenter de la haïr un peu plus. La haïr alors qu'ils ont, enfin, tenté de choisir la paix. - Il m'a dit adieu, Cahal. J'ai plus d'emprise sur lui. La voix un peu trop amère, la mélancolie qu'elle laisse apparaître. Parce que, quoi que t'en dises, Morgan, il reste ta faiblesse. Et peut-être qu'il le sait, Cahal, peut-être qu'il sait que tu pourrais encore être la sienne.

il est en train d’creuver, morgan. il s’est battu longtemps. violemment. il a voulu bouffer l’temps, vaincre seul tous ses tourments. sa vie emportée dans un ouragan. oh, morgan, ça fait longtemps qu’il se ment.
et il se noie dans l’océan d’sa misère. l’corps bousculé par les vagues de liqueur, il a baissé les bras dans les profondeurs. et il coule morgan. il coule sans s’arrêter. comme si son tombeau avait l’envergure de l’éternité. il a jamais pieds. jamais il ne heurte les limites raisonnées d’une conscience désensablée. y’a l’sel qui bouillonne dans ses poumons, qui l’fait asphyxier, n’plus respirer. jusqu’à qu’la salvatrice mort n’vienne l’enlever.
face à ce spectacle, il y a les ombres irlandaises. et surtout, ella et son coeur rongé, qui observent du haut d’la falaise. ella et son amour cendré, qui soufflent sur les braises. et c’précipice, elle voudrait y plonger.

la cible est atteinte et l’effet, précipité. les sourcils de la brune se froncent lorsque cahal évoque le cadet. son échine se redresse et elle lève le menton. elle revêt l’allure du défi, d’la gamine démasquée de toujours aimer. elle le darde d’son regard arrogant, d’celui qu’elle voudrait contrariant. cahal s’approche d’un pas, les rétines qui errent sur les murs d’sa tanière. tu es assez intelligente pour savoir qu’il ne t’a pas oubliée, qu’aucun d’vous ne peut oublier, l’irlandais revient à la brune, partage ce regard dont elle l’importune, et que c’est la raison pour laquelle il était toujours seul. depuis qu’ils se sont quittés, le blond n’a jamais cessé d’y penser.

elle a les derniers mots amers, ella. la voix qui tressaillent pour retenir sa rancoeur. les poumons animés d’ces regrets qu’il a semé.
et le brun remarque dans ses yeux, la pointe d’inquiétude que tente de cacher la brune. peur de blesser, peur de l’perdre à jamais. ces souvenirs qu’elle refuse d’abandonner. cahal il en est dénué, d’cette capacité à s’attacher ; incapable de comprendre c’qui pourrait les lier. il t’aime, ella, ces mots trop doux dans sa bouche poussiéreuse, des bribes d’émotions mourantes dans son cœur cancéreux, et c’est moi qu’il haïra.

les mâchoires qui se détournent, cahal pose ses yeux sur les billets inanimés gisant sur le buffet, pense-y et donne moi une réponse.
sur l’point d’se retourner, l’irlandais attend un dernier signe d’la brune condamnée à aimer morgan à en crever.

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Elle aurait tout donné, pour Morgan. Son temps, son argent, son corps, son cœur et tout le reste. Elle aurait pu tout donner pour le sauver. Elle aurait peut-être pu y arriver, si seulement il l’avait laissée faire. Ou peut-être que c’est elle qui aurait dû se battre davantage. Elle qui aurait dû l’empêcher de faire ses bagages. Partir, à l’armée, prendre des vies pour essayer de trouver une raison à la sienne. C’était évident, qu’il échouerait. Elle aurait peut-être juste dû se battre pour lui. Mais elle était submergée par ses propres démons, Ella. Elle n’avait pas la force de se battre toute seule pour deux, Ella. Et, tout doucement, elle imagine se battre, pour lui, malgré lui. Auprès d’un autre que lui. Auprès d’un autre McGrath, celui qu’elle n’a jamais pu se voir. Celui dont elle s’est toujours méfiée, elle tombe lentement dans ses filets.

Et c’est ton âme au diable que tu t’apprêtes à donner,
Comme une dernière chance de le sauver,

Au fond, Ella, est-ce que tu peux vraiment refuser ?

Elle essaie, pourtant. Elle lui rappelle, avec beaucoup moins de conviction que Cahal, leur histoire et son issue fatale. La fin d’une relation, la fin de tout moyen de pression. Mais il ne se laisse pas impressionner. Impossible à déstabiliser, il a ce regard si assuré, si convaincu de ce qu’il peut énoncer. Il a les mots pour la faire flancher.

Et tu voudrais qu’ils n’aient aucun effet sur toi,
Tu voudrais oublier ce cœur en émoi,
Tu voudrais n’en avoir rien à faire,
Tu voudrais, enfin, t’en défaire.

Mais tu peux pas.

Elle secoue fébrilement la tête de gauche à droite. Comme si elle s’y refusait, mais qu’elle était incapable de s’en détacher. Contrainte d'envisager ce qu’elle ne pensait pas pouvoir imaginer. Peut-être qu’il a raison, Cahal. Peut-être qu’il ne l’a jamais oubliée. Il lui a même avoué, il y a encore peu, qu’elle lui manquait. Mais cela ne signifie pas qu’elle a encore le pouvoir de le changer. Celui de l’aider. Elle n’est pas certaine de l’avoir eu un jour. Et, malgré elle, la jeune femme laisse apparaître les regrets éclipsés, toute la douleur enlisée derrière les apparences. L’impression que la louve devient brebis devant les paroles trop bien élaborées, de celui qui a trop  eu l’habitude d’obtenir ce qu’il demandait.

Il t’aime, Ella.

L’impression désagréable que le palpitant s’est décroché. Qu’il est, comme, tombé dans les escaliers. Elle se déteste de réagir comme ça. Et, elle le déteste un peu, lui aussi, de parvenir si bien à la mettre dans cet état. Lui qui est déjà prêt à s’en aller, après l’avoir complètement retournée. Une spécialité dans la famille indéniablement. Mais Ella, elle n’a pas dit son dernier mot. – Pourquoi tu fais ça, pour lui, ou pour ton business ? elle balance, plus sèchement. Ne lui laisse pas le temps de rebondir, encore moins de la contredire. Elle enchaîne déjà. – Tu crois que c’est de se sentir trahi dont il a besoin ? Pas juste des siens ? C’est vous qui l’avez détruit, Cahal, parce qu’il est pas comme vous. Parce qu’il vaut mieux que vous. Mieux que tout. – T’as essayé, au moins une fois, de lui parler ? Ou tu te contentes de lui refiler quelques billets, à lui aussi ? Elle ne se maîtrise plus, trop à bout. Trop à bout de savoir Morgan intoxiqué par cette famille, trop à bout qu’il soit en train de gâcher sa vie.

Mais t’es juste en train de lui montrer qu’il a eu raison de venir te voir,
Parce que, Morgan, t’es incapable de le laisser à ce désespoir.

et la brune se débat. elle s'débat dans les yeux d'irlandais qui observe tout d'un air circonspect. elle a les boucles qui dansent lorsqu'elle secoue ses mâchoires comme un spasme incontrôlé. comme toute cette vie incontrôlée. comme cette affection qu'elle aurait voulu contrôler.
ella, ça s'voit, qu'son coeur encore il bat. ça s'voit dans sa façon d'croiser les bras. et d'froncer ses sourcils bruns. ça s'voit quand d'la vérité elle s'éloigne d'un pas et quand ses yeux s'crèvent lorsque ses tympans s'percent à la mélodie d'émotions qu'elle cautionne pas.
essaie pas d't'enfuir ella, t'y arriveras pas.

l'corbeau pensait en avoir terminé. refermé l'piège sur son cadet. il s'est délecté d'anéantir son coeur à peine réparer ; d'piétiner l'indépendance qu'elle s'était greffée et surtout cette impression d'être de nouveau libérer. cahal il broie les vies autant qu'il les brise. il étouffe les coeurs autant qu'il les martyrise. et ce soir, c'était l'bonheur éphémère d'la brune qu'il a prit pour cible. pour ses intérêts. pour qu'au fond, on lui rende son cadet.
l'venin dégueulé, il était déjà sur l'point décamper, l'irlandais. puis comme des griffes qui s'plantent dans sa clavicule, qui retiennent son épaule pour lui éviter d's'envoler, ella balance elle aussi c'qu'elle a à cracher. et dans sa poitrine à peine voilée, il peut voir son palpitant qui gesticule. toujours. sa détresse qui aboit et s'défend des émotions dont on l'accuse. elle voudrait rien s'ssentir. elle voudrait s'anesthésier ; n'avoir jamais foutu l'pieds dans cette famille trop compliquée.
elle y est piégée.
alors cahal revient à elle et il sert les dents pour n'pas succomber à quelques vapeurs nicotinées. il écoute la tirade ; sans grand émoi. ça n'l'atteind pas, ces problèmes-là. lorsque la colombe est essoufflée d'avoir trop bavé, son chant s'arrête dans un souffle coupé. l'irlandais pose ses yeux sur les épaules qui se soulèvent à chaque respiration, qui tentent de canaliser tout c'poison.
puis il s'approche. un pas seulement pour revenir dans l'intimité des choses qui n'se disent pas tout haut. tout ça te dépasse ella, qu'il souffle en se penchant vers elle, nous ne sommes pas sentimentaux. ni lui. ni moi. pieux mensonge. s'il est dépourvu de coeur, il sait que morgan, lui, n'a d'cesse d'encenser c'qui gronde entre ses côtes. affligeant. il se redresse. lève le poignet et baisse ses rétines qui tombent sur l'écran de sa montre. et il me semble que la parole ne t'a pas aidé à le récupérer, sa manche qu'il redresse un peu plus et un sourcil qui s'arque à la vue de l'heure tardive, ou à le garder. il revient à elle tandis que ses poings reviennent dans l'antre des poches de son manteau. elle porte l'air horrifié des veuves qu'on s'apprête à violer. tu ne lui ouvriras pas les yeux avec des mots.
dans ses serres tu t'es déjà écorchée.
ella, t'as plus rien à risquer.

☾ ☾ ☾
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crédit/ tumblr ☾ w/@Cahal McGrath

Il y a la colère qui fait rage en elle. La colère devant cette famille incendiaire. Devant ce frère aux allures de tortionnaire. Il ne se rend pas compte, Cahal, combien il est le bourreau de celui qu’il prétend vouloir sauver. Combien il n’a toujours fait que l’enfoncer. Elle le sait, Ella, pour avoir entr’aperçu si souvent la détresse de l’être aimé chaque fois qu’il évoquait son aîné. Chaque fois qu’il le fuyait. Lui, et toute leur famille maudite. En se retrouvant cette nuit, devant le chantage affectif du diable en personne, elle comprend peut-être pour la première fois véritablement Morgan. Elle comprend qu’il ait eu besoin de s’enfuir, partir à l’autre bout du monde, pour leur échapper. Pour espérer trouver une rédemption, une chance de se relever. Une chance de se créer par lui-même. Mais l’ombre des McGrath pèse toujours autant sur lui et, par écho, sur elle.

T’arrives pas à rester distante,
T’arrives pas à rester indifférente.

C’est tout le contraire qu’elle laisse entrevoir devant un Cahal sans doute ravi à l’intérieur. Ravi de voir l’emprise que son frère peut encore avoir sur son cœur. Il profite de ce pouvoir pour l’utiliser, lui, il en profite pour la manipuler. Et tu le sais, Ella, tu t’en rends compte. Entre la naïveté et toi, il y a tout un monde. Elle le sait, mais c’est pire encore, parce que cela fonctionne quand même. Son plan qui se déroule sûrement à merveille. Elle s’énerve, elle s’emporte, tandis qu’il reste si calme. Le calme de celui qui obtiendra ce qu’il veut. L’assurance aux allures d’arrogance, il la prend de haut. Il lui donne froid dans le dos. Elle se déteste d’être aussi vulnérable, devant un homme aussi implacable. Aussi glacial. Alors qu’elle a encore ce feu en elle, Ella. Ce feu qui brûle, ce feu qui s’est transformé en cendres, mais dont les braises sont toujours là. Les braises qu’il n’a fait que raviver.

D’cet amour qui ne s’est jamais terminé,
De cet amour que t’es incapable d’oublier.

C’est dingue combien il est loin de la réalité, combien il est si loin de comprendre son propre frère. - Tu ne le connais même pas. lance-t-elle, cette fois plus écœurée qu’irritée. Il prête à Morgan des traits de sa propre personnalité, si différente de la sienne. Il ne comprendra jamais, Cahal, toutes les souffrances de son cadet. Même s’il essayait. Mais elle ne dit plus rien, tandis qu’il l’enfonce. Tandis qu’il lui rappelle, combien elle a été incapable d’aider celui qu’elle aimait. Elle ne dit plus rien, parce qu’il a raison. Et cela la rend dingue de se dire qu’il a raison. D’un simple geste, elle lui ouvre la porte, mettant fin à cette entrevue. - Au revoir Cahal.

Et tu le dis pas,
Mais t’as déjà fait ton choix,
Au fond de toi, t’as déjà décidé,
Tu sais que tu vas accepter.