«Si la nuit est noire, c'est pour que rien ne puisse nous distraire de nos cauchemars.» bill watterson
Tu n'en sortiras jamais, de cette forêt. La mer d'arbres aura ta peau, elle t'mènera à la folie. T'voulais pas venir, t'voulais pas poser les yeux sur eux. Tu trébuches, à bout de souffle. Tu roules au sol une nouvelle fois, ton portable finit par rendre l'âme. Tu t'cognes en redressant, t'as mal partout putain. Et pourquoi c'est un pied qui t'fous un coup? Tu lèves les yeux, et y'a comme ton cerveau qui s'éteint. T'hurles pas cette fois, ça changerait quoi? Tu finiras comme elle, comme cette collégienne pendue au bout d'sa corde à s'décomposer. T'arriveras pas à t'échapper.
T'ouvres les yeux, haletante. Ta tablette graphique qui tombe au sol dans un fracas, quand tu t'relèves d'un bond du confort de tes draps. La nuit est déjà bien tombée, dehors les étoiles ont fièrement prit leurs place haut dans le ciel. Ta chambre reste éclairée, tamisée par une veilleuse toujours allumée et malgré ça, ça suffit pas à les chasser. Parce qu'ils resteront avec toi, pas vrai Nana? Ta tête se met à vrombir. Kuso gaki ton échine se parcoure d'un frisson violent. T'oses pas r'lever les yeux de tes mains tremblantes reposant sur ta couette. La voix craquelante reprend, menaçante. Ton rythme cardiaque s'accélère. T'as gâché sa vie, il revient hanter la tienne. D'bonne guerre qu'ils disaient non? Tu te mets à implorer, qu'on te laisse tranquille. Tes phalanges viennent couvrir ton visage, tu veux pas les voir. Tu veux pas poser ton regard de nouveau sur leurs corps décomposés venant te mener aux portes de la folie. Ils ne sont pas là, ils ne sont pas là. Ce n'est que ton imagination, une hallucination. Tu t'le répètes comme un mantra, comme pour les faire disparaître. Pourtant, y'a ce ricanement que tu n'entends que trop bien, celui qui t'es venu lorsque tu restais aux pieds de cette collégienne, incapable de bouger, tétanisée.
Elle aussi, elle accompagne ton père et fièrement ils tentent de te rappeler à eux. La corde est toujours bien présente à son cou, son uniforme de collégienne est tout aussi vieilli et abîmé que cette nuit dans la forêt où tu t'es échouée à ses pieds attendant toi aussi la mort. S'ils y sont restés pourquoi toi tu serais encore là? T'essaies d'prendre ton courage à deux mains, d'laisser ton regard les affronter. Ton palpitant s'excite, sur le point d'exploser tandis que tu laisses tes prunelles sombres fixer les carcasses habillant ta chambre de parts et d'autres. Leurs os brisés craquent, l'air devient rapidement irrespirable, la mort à leurs côtés. Tu jettes un livre, l'un de tes coussins. Tu leurs hurles de s'en aller, de te laisser tranquille. Tu ne les suivras pas, ni maintenant ni jamais. Shinimasu, que sa voix vient siffler, venimeuse t'intimant d'crever. T'auras pas de repos Nana, t'as trop observé la mort en face pour qu'elle ne t'abandonne. Que tu l'veuilles ou pas, ils font partie de toi. Les spectres semblent vouloir gagner du terrain, t'emporter pour de bon le bout de leurs phalanges en direction de ton corps comme pour venir le saisir et l'emmener avec eux. T'as toujours été intimement convaincue que s'ils arrivaient à t'attraper, alors ça en serait fini pour toi. Q'tu finirais par en crever et à finalement être emmenée toi aussi.
Rien n'y fait, ni les objets volant à travers ta chambre, ni les hurlements et les larmes. Ils ne partiront pas Nana, tu dois te cacher, tu dois fuir. Ran, Nana. t'arraches ton portable de son chargeur et te jettes hors de ton lit. Tu trébuches, presque paralysée par la peur venant raidir tes membres. Tu t'étales, de tout ton long avant de te relever et d'ouvrir la porte de ta chambre à la volée. Tu leurs implores de s'en aller, de te laisser tranquille. Tu veux juste tout oublier, oublier la forêt des suicides, oublier que t'es la raison du décès de ton père. T'veux juste qu'on te laisse tranquille, qu'on te donne enfin le droit d'exister. Tu manques de tomber de nombreuses fois dans ta course, les bruits se rapprochant dangereusement derrière toi. Plus de dix ans, qu'ils viennent te hanter pour te pousser à la folie. Sûrement toi aussi, t'pousser au suicide. Peut-être que comme ça, tu pourras finalement t'débarasser d'eux et de leurs silhouettes fantomatiques n'ayant de cesses que de te faire cauchemarder aussi bien éveillée qu'assoupie. Tu hurles à pleins poumons. Yamete! ils n'arrêteront jamais Nana, ton âme leurs appartient. Jamais ils ne te la rendront, encore moins ta lucidité.
Tu déboules dans ta salle de bain, refermes la porte violemment dans un claquement derrière toi. Ton corps glisse au sol, le dos contre le bois te séparant des zombies de ton passé s'étant élancés à ta poursuite. En pleurs, en proie à une véritable hystérie mélangée à ton délire anxieux. T'appelles Sally, plusieurs fois. Tu finis par lui envoyer un message, tes doigts filants contre l'écran de ton téléphone à la vitesse de lumière. Parce qu'il n'y a que la blonde et son soleil lui servant de coeur, qui est capable de les faire fuir. La seule capable de les effrayer assez pour qu'ils ne reviennent pas. Tu ne les entends qu'trop bien, leurs plaintes sourdes dans le couloir les séparant de toi. Tu ne peux que trop bien la comprendre leurs rage et leurs désespoir. Ta tête vient se loger contre tes genoux ramenés tout contre ta poitrine secouée par les sanglots. Tu veux juste que ça s'arrête, qu'ils t'oublient, qu'ils trouvent enfin le repos pour que toi aussi tu puisses te reposer enfin. Tu clos tes paupières, comme pour te protéger un peu plus. Ils ne sont pas là, ils ne sont pas là.