at the deep end (isabella)

vingt-trois semaines après sa libération. ☾ étendue sur le sol, près d'une cabine téléphonique aussi surannée que vétuste, elle tousse difficilement sloan. et ce faisant, quelques gouttes de sang viennent perler sa main. la grimace au bord des lèvres, elle ne peut retenir le juron qui lui vient. "putain." en bien mauvaise posture, elle attend la dernière personne qu'elle aurait jamais pensé appeler. isabella. et pour qu'elle en arrive à espérer sa venue, il a fallut qu'il s'en passe des choses. oh ça oui... elle s'était retrouvé à prendre le bus pour sleppy hollow ce matin là. ce n'était pas de gaieté de coeur mais il y avait une dette dont il fallait qu'elle s'acquitte - une de celles que l'on établie en prison et que l'on ne peut donc ignorer. à moins bien sûr que l'on tienne à se retrouver les deux tibias brisées ; autant dire que l'impétueuse préférait éviter d'en arriver à ces extrémités là - surtout pour un service rendu qui lui parait maintenant si futile. mais rien ne l'est jamais vraiment en taule, elle se devait absolument de payer une fois sortie et ce qu'elle s'apprêtait à faire. trouver l'argent n'a pas été un problème, la somme à rassembler n'était pas si conséquente et son travail au closer lui a rapporté bien assez, en quelques semaines à peine. tout devait se passer sans la moindre anicroche - ce n'était que l'affaire de quelques heures - sauf que dans la vie de la damnée, rien n'est jamais aussi simple. elle aurait dû s'en douter, elle aurait dû anticiper mais elle ne l'a pas fait. le jour de congé attendu, pas une âme n'a été prévenue, pas un comparse n'a été choisie. non, elle s'y est rendue seule, comme toujours. parce qu'elle est comme ça sloan, impulsive et téméraire. les coups ont retenti à la porte, des saluts cordiaux ont été changés et la transaction a directement commencée. les billets posés sur la table, elle pensait cette histoire derrière elle mais on lui a donné tord. parce que son ancienne compagne de cellule - tasha - en avait décidé autrement, elle a décrété que la somme due venait de doubler. et sloan étant sloan, elle n'a pas accepté. bien sûr qu'elle n'a accepté. on ne l'extorque pas elle, il en est hors de question : elle paye ce qu'elle doit mais ça s'arrête là. et c'est ce qu'elle lui a dit, sanguine comme à son habitude. c'est là qu'ils sont apparus : son copain et deux de ses gros-bras. ils lui ont conseillé de payer mais elle est têtue l'audacieuse et surtout, difficilement impressionnable. peut-être aurait dû-t-elle l'être, ça lui aurait évité bien des ennuis. oui parce qu'ils lui sont tombés dessus. les coups ont volés sans qu'elle ne puisse rien n'y faire : dure de faire le poids en infériorité numérique. et comme si ça ne suffisait pas, ils lui ont subtilisé ses affaires - portable inclu - avant de la jeter dehors, près des bois, après un petit tour en voiture des plus désagréables. égarée en pleine lisière de forêt, elle a dû se trainer au sol pour trouver de l'aide. problème, il n'y avait rien aux alentours, rien hormis cette cabine téléphonique d'un autre temps. dans les premiers minutes, elle se pensa perdue : elle ne connaissait le numéro d'aucun de ses proches et il était tout bonnement hors de question qu'elle contacte les secours. ils auraient immédiatement prévenu la police et de là, la situation n'aurait fait qu'empirer. après quelques temps, l'illumination salvatrice lui vint cela-dit. elle renia la douleur qui ankylosait son bras pour fouiller la poche de son blouson de cuir - ça au moins, ils ne lui avait pas dérobé. et par chance, elle put la dénicher. la carte de visite que lui avait donné isabella il y a des semaines de ça était là, intacte. ce qui est taché désormais de son sang, représentait alors son salut, une chance de s'en sortir. il fallait juste prier pour que la cabine fonctionne toujours. dans l'autre poche, elle trouva quelques pièces et accroupie dans la glaciale cabine de fer, son cri de douleur vint briser le silence lorsqu'elle tendit le bras pour s'emparer du combinet. après qu'elle ait bataillé pour y mettre la monnaie, le téléphone se mit à sonner et de soulagement, une larme roula le long de sa joue. elle eut alors à ravaler sa fierté pour demander de l'aide à celle qu'elle avait repoussé un peu plus tôt dans l'année. c'était d'une ironie sans nom, il faut bien l'avouer. depuis, elle l'attend. sous cette nuit dépourvue d'étoiles d'une fraicheur post-pluviale, la carcasse recroquevillée d'une sloan bien trop faible bataille pour ne pas lâcher prise. la douleur est telle qu'elle lui coupe toute respiration mais elle tient bon, elle n'abandonne pas. elle a promis qu'elle ne le ferait plus, pas après qu'elle était prête à se laisser partir - lorsqu'elle fut prise d'une overdose. depuis, elle a reprit sa vie en main, à sa façon du moins. elle travaille maintenant et a même accepté, dans son quotidien, l'existence de certaines personnes desquels elle est relativement proche. arya. morgan. toujours persuadée de peu avoir à leur offrir, elle ne repousse cela-dit plus leur présence, et c'est déjà ça en un sens. alors oui, cette fois, elle lutte. elle lutte comme une enragée jusqu'à ce que des phrases viennent l'éblouir. les yeux qui se plissent, elle s'autorise enfin à espérer. les choses ne finiront pas peut-être pas si mal. oui, peut-être pas.

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{ at the deep end }
crédit/ tumblr ♛  w/@Sloan Benson

L’appel tard dans la nuit est venu briser le silence et effacer la sérénité du sommeil à peine trouvé. Elle laisse toujours son téléphone sur sonnerie, Isabella. Un réflexe venu tout droit du passé de la part de l’aînée de la famille qui devait être parée à toutes les urgences. En toutes circonstances. En permanence sur le qui-vive, elle a appris à dormir d’une seule oreille. Il y avait Jim, il y avait Peyton. Mais il y avait surtout Miles qui l’a, tant de fois, fait sortir de son lit au beau milieu de la nuit. Quand elle entend la sonnerie reconnaissable entre mille du Smartphone à la pomme célèbre, elle se redresse tout de suite pour l’attraper le plus rapidement possible. Pour éviter de réveiller Nikolaï dont les nuits sont relativement courtes. Elle décroche immédiatement mais attend quelques secondes, le temps de quitter la pièce pour rejoindre celle juste à côté, le dressing nouvellement construit des mains de l’homme qu’elle aime. C’est là qu’elle apprend de qui il s’agit. C’est là qu’elle reconnaît la voix de sa vieille amie. Sloan. Le cœur tout de suite en alerte, elle sent l’angoisse l’envahir en un claquement de doigt. Parce qu’elle ne pensait pas qu’elle lui téléphonerait, Sloan. Elle ne pensait pas avoir de ses nouvelles. Elle l’a espéré, les premiers jours après les retrouvailles inopinées. Mais, pas assez optimiste pour y croire longuement, elle a vite fini par comprendre qu’elle n’entendrait pas sa voix de sitôt. Désolée, elle s’en est pourtant contentée, sans chercher à la retrouver. Un choix qui n’était déjà plus entre ses mains. Pourtant, elle serait agréablement surprise de son appel inattendu, si elle ne sentait pas déjà les ennuis qu’il signifiait. Car elle la connaît, Sloan. Si elle n’a pas fait le choix de lui téléphoner durant tous ces mois, elle ne le fait pas subitement par hasard. Encore moins alors qu’il est si tard. Elle espère de tout son cœur se tromper. Mais, hélas, elle a vite fait de comprendre que son intuition est la bonne. En quelques secondes, Sloan lui dépeint la situation terrible dans laquelle elle se trouve. Perdue au milieu de nulle part, sans doute sans aucun autre moyen de téléphoner que cette cabine téléphonique, elle a l’air tellement mal en point. L’angoisse qui la taraude, la Latina tente pourtant de garder son calme.

Ne pas la rendre plus mal qu’elle ne l’est déjà,
Et, surtout, être là.

Sur la promesse qu’elle vient la retrouver au plus vite, Isabella raccroche le téléphone. Déjà munie des vêtements qu’elle a trouvés dans son dressing, elle s’habille rapidement avant de quitter la pièce, puis la maison. Elle ne pense même pas à prévenir Nikolaï, elle ne pense qu’à Sloan. La voiture à peine démarrée, elle recherche sur le web comment trouver l’adresse d’une cabine téléphonique avec son numéro de téléphone. Par chance, elle trouve rapidement un site qui les répertorie. Le GPS activé, elle part déjà en route pour la destination indiquée. Ce n’est pas la porte d’à côté, c’est même plutôt loin. Au moins, à une heure pareille, la circulation est moins dense qu’en pleine journée. Une bonne vingtaine de minutes plus tard, elle semble arriver à destination. La voiture au ralenti, de son regard observateur, elle est à la recherche d’une cabine téléphonique pendant quelques instants quand, enfin, elle en trouve une. Elle n’attend pas un instant pour garer le véhicule sans se préoccuper de trouver une place adéquate. Sloan n’avait pas menti. Elles sont au beau milieu de nulle part. La jeune femme sort de la voiture avec une certaine inquiétude quant à l’état dans lequel elle va retrouver son amie d’enfance. Elle s’approche sans la voir tout de suite, de plus en plus inquiète. Quand elle l’aperçoit, finalement, étendue sur le sol, juste auprès de la cabine. – Sloan ! souffle-t-elle, plus de stupéfaction de la voir aussi mal, plutôt que pour l’appeler vraiment. Elle arrive jusqu’à elle et se baisse immédiatement à sa hauteur. – Oh bon sang… Prenant une brève inspiration, Isa pose sa main sur la joue de son ancienne amie pour garder toute son attention. Elle se demande par quel miracle elle a pu garder conscience. – Est-ce que tu penses que tu peux te relever ? Elle ne va pas lui faire l’affront de lui demander comment elle se sent. Ce serait complètement idiot étant donné l’état dans lequel elle est. Mais elle a le cœur serré, Isa, de la voir aussi souffrante. Elle a des traces de contusions, de sang. De quoi retourner le cœur de la Latina. Mais elle garde son sang-froid, parce que c’est dans son tempérament, parce qu’elle l’a déjà vécu aussi. – Appuie-toi sur moi, je vais t’aider. lui dit-elle de sa voix la plus douce avant de saisir délicatement sa main pour qu’elle pose son bras autour d’elle et, qu’ainsi, elles puissent se relever ensemble. Elle ne sait pas ce qui s’est passé, elle n’en a aucune idée. Elle ignore tout de la vie de Sloan, Sloan qui lui paraissait si malheureuse, déjà, lors de leur dernière rencontre. L’impression désagréable de l’avoir laissée tomber, une nouvelle fois. Mais elle ne le fera pas, pas encore. Pas cette fois, pas ce soir. Quoi qu’il en soit, l’essentiel est qu’elle soit là maintenant. Auprès de Sloan.