nightmare. (lola)

l'appartement est déserté pour la soirée. tony est partie à la recherche d'un fantôme, ses parents ont été invités par un couple d'amis, ils vont passer la nuit là-bas. de son côté, salva s'est échappé comme à ses habitudes, il s'est incrusté dans plusieurs soirées jusqu'à en trouver une intéressante. la fille fidèlement accrochée à son bras peut en témoigner, elle s'agrippe comme une moule à son rocher. il le voit quand il détourne son regard salva, l'inconnue ne voit plus que lui, il voit cette lueur d'espoir dans ses yeux émeraude. c'est une future source de problème, ce genre de nana qui pense qu'il est acquis, qui envoi des mots doux dès le lendemain. il n'est pas comme ça le latino, il donne du rêve pour avoir ce qu'il veut, mais les lendemains se font sans lui. tant pis pour ce soir. la grimace désolé scotché sur son visage d'enfant, il prétexte un problème pour prendre la fuite, s'éloigner des futurs problèmes. il est comme un enfant qui se lasse de son nouveau jouet au bout de quelques minutes, éternel insatisfait. sur le chemin du retour, le sourire refait sa grande apparition malgré la fatigue qui pointe le bout de son nez. l'impression d'être libre, plus aucune entrave à son bras, l'appartement pour lui tout seul, les pensées peuvent divaguer au gré de ses envies. un immeuble au milieu des dizaines de bâtiments identiques se pointe sous la lueur nocturne. plus que quelques pas et salva passe la clé dans la porte d'entrée. il est considéré comme chez lui, il a autant de droits que tony, autant d'amour, pourtant il ne se sent pas à sa place, il a régulièrement besoin de fuir ce lieu gorgé de souvenirs. il avance dans l'entrée, devine un corps allongé sur le canapé. son coeur loupe un battement, dans l'obscurité il s'imagine rico. le retour triomphant du fantôme, comme si rien ne s'était passé. il le sait que c'est impossible, mais son esprit a décidé de le torturer avec cette image lointaine. il s'approche sans trop de prudence, avec sa naïveté légendaire comme seule arme. lola. sa capuche quitte son crâne quand il arrive à la hauteur de la cousine de tony. les yeux sont clos, pourtant elle a l'air épuisée. il pourrait la laisser dormir, retourner à ses occupations, mais si elle s'est incrustée sans en parler à personne il doit y avoir une raison. « lola ? qu'est-ce que tu fais là bordel ? » il se redresse, refuse le contact physique de peur de la brusquer. il est grognon au réveil alors il la laisse émerger tranquillement, le crâne plein de questions sur cette gamine perdue qui ne demande qu'une oreille attentive.

douze jours après son renvoi ✺ ça devient dur, si dur. elle a rien d'une nomade lola, elle ne l'a jamais été. son cocon elle en a besoin, il lui permet de se ressourcer, de trouver un équilibre - aussi fragile soit-il. alors, depuis qu'il lui a été arraché, elle s'épuise chaque jour un peu plus. il faut toujours trouver une nouvelle excuse, un nouveau refuge. et rien ne dure plus jamais, il faut recommencer, encore et toujours. la lumière au bout du tunnel lui semble inaténiable, si bien que, parfois, elle s'imagine la boucle destructrice à jamais se répéter : elle qui lutte, elle qui s'enlise dans les ruines d'un futur gâché. plus aucune perspective d'avenir ne vient la réconforter, elle se morfond dans l'océan d'incertitude qui l'emplie désormais toute entière. tel le pâle reflet de ce qu'elle a un jour été, elle avance à l'aveuglette, aussi inanimée qu'un zombie peut l'être. elle a tout d'un pantin en réalité, un pantin qui agit sans jamais réfléchir à la suite : celle au mille plans n'est plus. elle n'est plus que l'ombre d'elle même. pour autant, le secret est sauf ; pas une une âme ne se doute de ce qui la détruit de l'intérieur. son masque d'insouciance suffit à les duper : un sourire et ils tombent tous dans le panneau. elle répète à qui veut l'entendre que rico va bien et ils se fient à son jugement, elle dit adorer ce qu'elle étudie et ils la croient. la fabulatrice est effectivement trop expérimentée pour être découverte, même si au fond elle aimerait secrètement l'être. elle ne peut se résoudre à dire la vérité mais, si quelqu'un venait à la percer à jour, ce serait différent. alors, tout serait plus simple : elle pourrait enfin se montrer telle qu'elle est réellement et peut-être remonter la pente. la pure spéculation ne reste cela-dit que ce qu'elle est, incertaine. encore ce soir, elle est parvenue à tromper son monde : quelques messages, une conversation à la volée et elle a su où trouver asile. tonton et tata absents, tony et salva de sortie ; ça ne pouvait pas mieux tomber. le double des clés subtilisé, elle s'est faufilée dans la maisonnée déserte et les bras de morphée sont venus la bercer. allongée sur le petit canapé du salon, il ne lui pas fallu longtemps pour céder à l'appel du sommeil - aussi inconfortable puisse être sa couche. la poupée est épuisée, de corps et d'esprit. la nuit se devait donc d'être longue, elle a repoussé au plus tard le réveil pour s'en assurer - quitte à prendre quelques risques. mais, alors que les coups de trois heures sonnent, ce qui devait être un sommeil réparateur est perturbé. "lola ? qu'est-ce que tu fais là bordel ?" la voix grave, masculine, lui parvient de loin. émerger lui est difficile, si bien qu'elle se contente - dans un premier temps - de grommeler, les paupières lourdes. "mmmh." les secondes s'égrènent et elle fait finalement surface. ses opales se fixent alors sur un salva perplexe. salva. le coeur manque un battement, les yeux clignent plusieurs fois - comme pour s'assurer ne plus rêver. salva. mierda. levée en un bond, son esprit affolé se met en marche en une seconde, du moins autant qu'il le peut. mierda. mierda. mierda. maintenant debout, face à lui, elle arrange ses cheveux ébouriffées. il ne s'agit là que d'une tentative désespérée pour se donner une contenance, elle se fiche bien de ce à quoi elle peut ressembler en ce moment, c'est même le cadet de ses soucis. elle ferait simplement tout pour dédramatiser la situation. faut pas qu'il voit, qu'il comprenne. et c'est bien pour ça qu'elle plaisante. "t'es un réveil efficace tu sais ça ?" elle triture l'une de ses nombreuses bagues, un sourire éclatant aux lèvres. et elle brille lola, comme toujours. malgré la fatigue qui prend en étaux ses yeux, malgré la surprise qui la déstabilise, son éclat ne terni pas. l'air léger pris pour ne pas qu'il se doute qu'en réalité rien ne va, elle vient se poser de nouveau sur le canapé, assise. alors, la question posée quelques minutes plus tôt - celle qui l'a sortie du royaume des songes - lui vient en mémoire et la panique revient déformer ses traits l'espace d'un instant. qu'est-ce que je fais ? comment je m'en sors ? prise de court, les yeux inéluctablement ensommeillés, elle tente d'entamer une conversation qu'elle veut anodine. par la nonchalance, son esprit embrumé pense pouvoir contourner un questionnement pourtant légitime et surtout, inévitable. "tu... tu devais pas être dehors ce soir ?" si, il le devait, c'est précisément pour cette raison qu'elle s'est réfugiée chez sa tante. tout était censé se passer sans la moindre anicroche, elle se donne tellement de mal pour que ça soit le cas. arriver à faire fonctionner ce néfaste système est la seule chose qui lui donne la force de continuer. oui, parce que malgré tout, cela signifie qu'elle réussit toujours - en certains points du moins. c'est l'un des maigres espoirs auxquels elle se raccroche encore. et il vient de tout gâcher, de compromettre sa comédie pourtant bien rodée. putain mais qu'est-ce que tu fais là salva ?

rien ne tourne rond dans cette famille. ce sont les mensonges qui la maintiennent debout, fébrilement, tout les non-dits sur la disparition de rico pour protéger une tony trop abimées pour supporter une telle nouvelle. c'est malsain, salva a horreur de mentir pourtant il est le premier à le faire, juste pour ne pas la ramasser à la petite cuillère. maintenant voilà que la cousine lola s'incruste dans l'appartement en pleine nuit pour s'accorder quelques heures de sommeil. comment lui en vouloir, il est le premier à élire domicile dans des maisons parfois abandonnées pour fuir les tensions du quotidien. pourtant lola elle semble toujours aller bien, salva croit parfois retrouver un sourire d'enfant sur le visage de la brune. elle ne doit pas aller si bien que ça pourtant si elle se réfugie loin de son appartement habituel. il doit savoir ce qu'il se passe. le sang de cette famille ne supportera pas un mensonge de plus, ni même salva qui tremble déjà quand il rentre le soir en priant pour ne pas croiser tony dans des moments de faiblesse, elle ne doit pas le voir en train de ruminer les vieux souvenirs de rico qui doit maintenant être enterré six pieds sous terre loin de la ville et son agitation. il aurait mérité une sépulture digne de ce nom, une cérémonie grandiose, pas des langues liées de peur de blesser. il faut se résoudre à accepter la situation. tout n'est pas terminé, lola est la première à ignorer le sort du frère mais elle ne pose pas de questions au moins, pour le moment. ses yeux collés par la fatigue s'ouvre difficilement après que salva l'ai réveillée sans vraiment de douceur, prit de panique par la surprise de sa présence sur ce canapé. sa maladresse dans toute sa splendeur. il voit bien qu'elle tente de se trouver une contenance quand elle passe sa main dans ses cheveux ébouriffés, ça ne fait que conforter salva dans l'idée que quelque chose ne tourne pas rond, même chez elle. pourtant elle a ce sourire qui semble avoir été copié directement du visage de salva, celui qui illumine leurs deux visages à l'unisson dans l'obscurité générale de la pièce qui laisse tout juste la lueur de la lune passer à travers les fenêtres. « le réveil aurait été bien plus brutal avec tony ou ses parents.. » parmi tous les membres de la famille qui habite entre ces murs, salva reste sûrement la meilleure pioche, celui aussi qui posera sûrement le moins de questions possibles. juste assez pour résoudre ce mystère. la curiosité est attisée quand elle tente une nouvelle fois de détourner la conversation vers un autre sujet moins sensible. c'est suffisant pour faire grimacer le latino qui s'impatiente, toujours debout au milieu du salon. « si je devais, mais je suis là. maintenant explique-moi ce que tu fais là lola ? tu sais bien que je ne dirai rien aux autres. » il suffit de quelques mots simples pour adoucir naturellement sa voix alors qu'il vient s'asseoir à son tour sur le canapé qui a servi de refuge à la gamine perdue. il est là, prêt à écouter les problèmes. une nouvelle grave peut bien lui tomber sur le coin de la gueule, il ne peut pas être choqué plus que pour la mort de rico. allez lola, parle. que le sujet soit un poids en moins pour cette famille déjà trop lourde à porter pour les maigres épaules de salva.