Sujet: Confrontation nocturne. [ft Iskandar] Dim 13 Oct - 15:08
« You've got blood on your hands but you don't know where it's from. »
Si on t'avait dit que tu foulerais les pavés de l'illégalité, tu n'aurais pu en admettre la possibilité. Ardente détractrice des malfrats que, désormais, tu côtoies, ton regard aliéné se craquelle, laissant apparaître les failles d'un système qui est voué à l'implosion. L'habit que tu revêts chaque nuit devient un peu plus difficile à retirer. Agent infiltré pour un gouvernement aux mains tâchées de sang, tu remets en question les fondements même de ton entrée au sein des bleus. Tu te sens imposteur dans un rôle censé apporter justice et protection aux civils. Civils que tu as juré de servir et secourir. Pourtant, plus les jours passent et plus tu remarques les faux pas de tes collègues, surprends des arrestations plus que douteuses, des liasses de billets en échange de la vérité et d'un regard détourné. Et puis, il y a ceux tout là-haut, intouchables êtres aux allures de Dieux, au-dessus des lois. Invulnérables, inattaquables lorsqu'ils brandissent l'or vert sous les yeux des plus véreux. Dans un monde corrompu, les pauvres honnêtes gens n'ont aucune chance de survie. Avec plus de zéros, sur un compte en banque, que tes doigts ne peuvent en énumérer, tu deviens imprenable. Et tout ça parce que ce gang irlandais bruyant fait trop parler de lui, il devient un problème à éliminer. Un appât à jeter aux requins pour éviter qu'ils se retournent contre ceux qui sont supposer faire régner la loi. Ceux qui ont juré de prôner la vérité et l'équité. Comment, dans ces conditions, peux-tu encore te convaincre que tu agis pour le mieux ? Qui, au final, sème le plus de cadavres ? Jusqu'où ira cette vaste mascarade macabre où l'on sur-vend, à qui veut bien l'entendre, que le mal et le bien sont deux notions qui ne peuvent être mêlées ? Il est certainement plus facile de pointer du doigt ceux qui ne se cachent pas de leurs atrocités et ne feignent pas d'être des gens dits civilisés.
C'est, donc, en traînant des pieds que tu rejoins Iskandar à vos, uniques, retrouvailles mensuelles. Retrouvailles qui risquent fort d'être houleuses, surtout lorsque l'ont sait que tu les as, consciencieusement, évitées durant ces deux mois passés à découvrir les coulisses d'un monde dont tu ignorais les spécificités. Tes pas te mènent bien trop vite à ce rendez-vous que tu as déjà hâte de terminer. Iskandar, c'est ton mentor. Celui qui te guide au travers des eaux troubles. Celui qui te permet de ne pas te noyer. Un regard plus sombre sur le monde auquel tu as toujours opposé, avec férocité, un optimisme naïf. Tu n'as, pour autant, pas cessé de croire en l'être humain, tu t'es seulement rendue compte qu'on pouvait tout aussi bien trafiquer les souvenirs et les pensées. Et que, quand bien même tu n'étais pas à ce point stupide, tu refusais de croire (voir) la réalité. Que les gentils de tes contes de fées, se sont simplement déguisés mais que la cruauté pourrit autant leur cœur que ceux qu'ils cherchent à écraser avec leurs semelles soi-disant immaculées. Ton badge tu l'as bien enterré dans un de tes nombreux tiroirs, tu ne l'as plus touché depuis que tu es submergée de tous ces doutes. Et la seule personne à qui tu pourrais vraiment les confier, est aussi la seule personne qui les réfuterait sans réellement s'y attarder.
Le parc est en vue. Machinalement, tu empruntes le chemin dont tu as cherché à te dérober. Tu aurais encore pu te défiler, le garder dans le noir et à distance. Seulement Iskandar n'est pas de ceux que l'on peut duper facilement et même aussi agile sois-tu, tu sais reconnaître sa supériorité et tu ne peux risquer qu'il découvre ce qui te passe par la tête. Il t'évincerait immédiatement de l'enquête. Tu serais propulsée du rang des agents prometteurs au rang de ceux qui ont succombé, ceux qui ont laissé leur couverture les happer. Et pourtant, tout le monde le sait qu'on en ressort jamais indemnes. Mais t'avais jamais imaginé que cette aventure te ferait douter de ta légitimité. Bordel Ava, qu'est-ce qui se passe ? T'as intérêt à te pointer cette fois-ci parce que sinon j'arrête tout ! La menace bien trop réelle pour être ignorée t'a poussée à le retrouver. C'est dans la fraîcheur de la nuit que tu l'attends innocemment. Comme si ta détermination n'avait pas failli. Comme si tu avais toujours la même ambition de les annihiler, tous, jusqu'au dernier.
Le queens vert comme jaquette pour votre rencontre en cachette. Un coin tranquille, loin de l'agitation de la ville. Un endroit perdu, une sorte de no man's land où les truands évitent de pertuber la quiétude des lieux. L'attente n'est pas longue, une silhouette que tu reconnais trop bien apparaît au détour d'un grand chêne. L'allure est rapide, remplie d'une colère à peine cachée et c'est lorsque ses yeux rencontrent, subitement, les tiens que tu comprends dans quel merdier tu t'es fourré. Pas besoin qu'il ouvre la bouche pour voir la tempête à deux doigts de frapper. Mais tu ne flanches pas, foutue hérédité dans le sang, tu lui tiens tête, arrogante. « Bonsoir, ça faisait un bail. Tu t'es laissé pousser la barbe ? » Ta voix raisonne soudainement et brise le silence assourdissant du moment. Loin d'avoir éteint les feux de la tension, elle ne fait que raviver les braises de l'incompréhension. Pure provocation, tu ne te laisseras pas démonter par sa fureur. Intérieurement, c'est la déception que tu lis dans ses iris incandescentes qui oppresse ton cœur mais tu te gardes bien de le lui montrer. Sensibilité ravalée, tu lui fais face, prête à en découdre si il le fallait.
Sujet: Re: Confrontation nocturne. [ft Iskandar] Ven 18 Oct - 19:44
You've got blood on your hands but you don't know where it's from. × ft. AVA & ISKANDAR
Silence. Silence. Son si éloquent et si harassant silence, qui se glisse dans les veines pour les empoisonner, qui crisse contre les nerfs pour les révulser. Il y a dans son silence une sorte de condamnation que je vis à rebours de mes fautes envers l’humanité. Je crois pourtant l’avoir plus ou moins préservée, tout au long de ce cheminement côte à côte, même dans la distance de deux pays étrangers. Préservée de ma nature, préservée du trouble de me supporter. Je l’ai gardée de mes plus implacables colères, sauf peut-être quand elle s’est mise à troquer l’idéal pour ses instincts de vengeance. Lueur diaphane fondue au noir, la sentir vaciller tout comme je l’avais fait dans les méandres de mes perditions avait été insupportable, et les mots souvent doux remplacés par des mises en garde. Depuis son arrivée sur mon territoire, depuis qu’elle s’est infiltrée dans ce réseau que nous tentons de démanteler, depuis que j’ai accepté de la soumettre à cette mission dont nous connaissons l’un et l’autre les dangers, moi plus qu’elle pour les avoir tous embrassés, le sommeil est plus indigent qu’à son habitude. Les nuits toujours blanches se sont succédées, et les jours sans contact ont rendu aux ténèbres des oripeaux monstrueux. J’ai longtemps balancé sur le fil acéré de mes indécisions, cru une seule fois céder à ma nature impétueuse et griller sa couverture pour m’assurer qu’elle était encore en vie, et qu’elle se souvenait qui elle était. Mais je suis resté à attendre, dans l’ombre, dans l’ombre. Et le carcan de son foutu silence a plongé ses griffes acérées dans mes flancs pour mieux les faire saigner. Je frôle une rage incontrôlée que j’avais su museler, tout au fond, sous l’apathie du deuil, sous la désillusion d’une vie enfuie, sous les rires brisés d’Hannah. Mais Ava est la seule membre de cette famille désunie et reniée que je considère encore, la seule à qui je raccroche mon faux semblant d’humanité, pour mieux persister dans ce devoir que je m’impose. Faute de crever, elle est embarquée à mes côtés dans ce voyage ignoble, où les relents du crime tiennent lieu d’harmonie, et où le besoin de laisser à l’orée des cauchemars les êtres qui les peuplent est normalement notre seul destinée. Silence, silence. Sentence, nos idéaux éventrés sur les pavés humides. Comme pour notre dernier rendez-vous manqué, je me dirige dans l’obscurité du parc, laissant les songes embrumés parer ma posture d’une violence plus acérée qu’à l’accoutumée. Je prends le temps d’allumer une Morley, rencogné contre l’arbre que nous avons élu comme seul point de repère. Alors que toutes les limites se brouillent et que de repère ne nous restent que les échos de l’adolescence et d’un passé partagé, dans la pulsion d’une sorte de fascination que nous conservons sans doute depuis lors. Elle est cette personnalité intouchable, farouche dans son idéal dorénavant brisé, brutale dans ses sensations, de la même manière que moi habitée par un feu qui pourrait tout dévorer. Les images, le passé, notre composition à quatre mains et les quelques rêves qui furent préservés. Bientôt, dans les coloris suaves de la nuit elle apparaît, démarche saccadée, allure d’un animal pris en faute. Je me porte à sa rencontre, démarche martiale pour temps de guerre, la première oeillade est froide, teintée de cette distance dont je me plais à parer ceux que je souhaite voir tomber. Le silence s’allonge entre nous, les mots s’interdisent pour ne pas devenir prophéties maudites impossibles à revêtir sans voir les liens céder. Alors je me tais, je me tais, et dans l’éloquence de nos silences réunis, mes prunelles plongent pour mieux venir la chercher. Elle est soudain si près que j’ai l’impression de la ressentir, les iris se chamboulent d’une vindicte qui n’en peut plus de se dissimuler. Elle relève le nez, balance sur la lame de son arrogance, des mots qui saillent, des failles qui exhalent ces inflexions malingres qui nous font nous considérer comme deux étrangers. Mais deux étrangers ne seraient pas ainsi, dressés sur le monticule de leur orgueil pour mieux s’affronter. Je la toise, les mots raccourcis par cette colère qui froisse mon timbre : _ Deux mois. Quatre jours. Et onze foutues heures. Respiration. Presque un halètement avant de cracher des mots plus durs, dans un pas qui ressemble à un élan et me porte à sa hauteur. Je la surplombe si aisément. Le timbre demeure glacé, mes rages sont froides, si froides : _ J’imagine que vu que tu n’as pas daigné te pointer les deux dernières fois, c’est qu’on a passé depuis un putain de bail les futilités. Alors épargne-moi les préambules, les mots qui sauraient parer tes manques, ou encore les considérations sur le temps qu'il fait, j’aurai pas la patience, Ava. Je joue pas, et jusqu’alors, je croyais que toi non plus. La déception fléchit ma voix, devenue rauque elle s’abat comme le miroir de ses jugements pleins de silence. Eclats brisés. Je la considère et la peine creuse mon estomac, mais la matière si similaire à la sienne, constitution d’irlande, de roc et de brume, fait que je demeure stoïque, dans ce mépris que je déchaîne sur elle, dans cette conclusion maligne. Si c’est un jeu pour toi, alors je t’assure que tu perdras. Tu perdras, Ava.
Sujet: Re: Confrontation nocturne. [ft Iskandar] Sam 19 Oct - 1:52
Tu le savais, ce à quoi tu t'exposais. Deux opales qui dardent sur toi toute la colère du monde. Deux opales qui ne cachent en rien la tornade approchant à grande vitesse, prête à tout détruire dans son sillage. Sans t'épargner. Et peut-être que t'en attends pas moins de l'homme qui te sonde actuellement avec attention. Comme si chacun de tes faits et gestes étaient une piste en plus pour remonter à l'incertitude qui ébranle tes pensées. Et ça te fait flipper qu'il ait ce regard si transperçant, celui qui a des années de métier. Celui qui ne se laisse pas berner. Et tu ne t'imaginais pas que cette discussion serait une promenade de santé... Mais putain ! Ça te broie les entrailles cette culpabilité qui grandit et t'empêche de respirer.
Chaque jour, elle devient plus forte et pèse sur tes moindres actions. Elle prend tellement de place qu'elle risquerait bien de te révéler au grand jour si tu ne te ressaisis pas à temps. Loin d'être la seule raison de ton silence, elle n'est qu'un des symptômes qui résultent de ta confusion. Seulement, tu ne peux lui en faire part, ce serait avouer que tu n'es plus apte à continuer. Ce serait condamner les gens auxquels t'as commencé à t'attacher. Ce serait réduire à néant la confiance qu'il t'a accordée. Et tu ne peux pas décemment, non plus, occulter ton myocarde trop bruyant. C'est la plus belle partie de ta personnalité. T'es une vraie bombe à retardement avec tous ses tourments qui t'emmêlent l'esprit et te rendent vulnérable dans une position qui ne t'en laisse, que trop peu, l'opportunité. On te l'a rabâché pourtant. On t'a prévenu des dangers mais t'as foncé, tête baissée. Tu pensais avoir les épaules pour supporter cette couverture mais tu te transformes surtout en l'Atlas moderne des légendes Grecques. Sauf que t'es pas Atlas. Et t'es loin d'être un titan grecque.
Et si tu t'étais trompée ? Et si tu t'étais trop emportée ? Seulement cette fois, tu ne peux pas faire machine arrière. Les dés son lancés. Le jeu a commencé. Et tu vas devoir assurer si tu veux éviter d'avoir à marmonner tes prières.
Son ton est sans appel. Tel un fouet qui claque l'air, il ne prend pas de détour. Droit au but. L'efficacité à son paroxysme. Et tu l'as admiré pour ça. Seulement, maintenant que tu vois à travers ses yeux, tu trouves qu'il se trompe de guerre. « Tu tiens un registre maintenant ? D'viens pas comme les détenus que t'as mis au trou, ça ferait mauvais genre. » Tu joues un peu plus avec sa patience, t'ignores pourquoi tu cherches à t'attirer ses foudres. Peut-être pour noyer un peu plus le poisson. Ou peut-être parce qu'il pourrait essayer de se mettre à ta place pour une fois. Lui qui est déjà passé par là. Mais tu peux pas lui demander ça, ce serait aiguillé son puissant odorat vers l'odeur de la honte que tu tentes de couvrir avec un fort parfum d'amertume et de rancœur malavisé. Il savait dans quel bourbier il t'envoyait. Il sait ce que ça lui a coûté. Mais il t'a à peine retenu par la manche. Il t'a regardé t'enfoncer dans le brasier sans te prévenir des brûlures à venir.
Pourquoi tu m'as laissé y aller ?! Tu savais que mon cœur il allait sombrer, pas vrai ?!
C'est avec effarement que tu réalises que tu lui en veux. Les poings serrés, tu ne te laisses pas intimider par son imposante carcasse. D'habitude, tu titilles pas son ego à ce point. D'habitude, t'es plus douce dans tes mots, moins piquante dans tes paroles. D'habitude, vous étiez plus que deux simples membres de la même famille. Mais ça, c'était avant que t’endosses ce rôle. Avant que tu vois de tes propres yeux ce qu'il te rabâchait à longueur de journée. Et ton optimisme continue de se débattre dans tout ce négativisme. Parce que l'être humain ne peut pas se résumer qu'à ça. Un manipulateur, un menteur, un violent, un hypocrite, un orgueilleux, en somme un être monstrueux. Et tu le sais parce que tu l'as vu même dans ce milieu que l'on suppose déjà condamné alors qu'il n'en est rien. Et tu comprends pas pourquoi il s'entête dans cette voie. Pourquoi il enraye pas le système de l'intérieur ? Pourquoi il se bat pas pour la vraie justice ?
Et la voix qui aime t'assassiner de ces remarques cyniques et pourtant réalistes, te rappelle que c'est le système entier qu'il faudrait détruire pour le rebâtir en quelque chose de plus juste. De plus humain. Ce n'est pas à Iskandar de porter à lui seul le poids de cette révolution. Mais il faut bien un commencement à toute chose et si personne n'ose élever la voix alors vos indignations demeureront scellées derrières vos lèvres pincées. « T'as raison, on a passé ce genre de banalités. Qu'est-ce que tu veux que je te dise au juste, hein ? Que t'avais raison ?! Que j'étais pas prête ?! » Et le ton monte, et ton corps vibre d'une animosité mal contenue. Tic tac. Tic tac.J'suis pas sûre que t'aies envie de voir ça.Tic tac. Tic Tac.Ce qui pourrait sortir de moi.Tic Tac. Tic Tac.Si jamais tu continues à me chercher.Tic Tac. Tic Tac.Si jamais tu me prends pour ce que je ne suis pas.Tic Tac. Tic Tac.Et que je ne serai probablement jamais.Tic Tac. Tic Tac. « Tu sais ce que c'est alors pourquoi tu t'étonnes de mes réactions ?! » Et la colère enfle, enfle. Et le tic tac devient plus strident dans tes oreilles. T'es en train de perdre les pédales. De perdre le contrôle. De te perdre toi-même. « Laisse-moi le temps de m'ajuster, ok ?! J'suis pas comme toi ! Et j'suis pas ta fille et t'es encore moins mon père, compris ?! » Et la triste vérité éclate. Et la rage aboie. Elle déchiquette le moindre bout de chair qui lui passe trop près, et ne laisse, comme trace de son passage, que le sang pourpre qui l'éclabousse.
Jamais auparavant tu n'avais osé lui balancer de telles insanités. Jamais tu ne te serais permise cet écart parce que tu savais que ça le blesserait, que ça raviverait trop de souvenirs douloureux en lui. Et en toi aussi. Mais lui, se soucie-t-il de la pression qu'il t'inflige et du mal être qu'il fait naître en toi lorsque tu t'écartes de ses pas ? Est-ce qu'il songe au mal qui te ronge lorsque tu discernes le mépris que tu lui inspires dans ses pupilles accusatrices ? « Tu joues pas ? Laisse-moi rire. » Et le cynisme déboule à grand pas, une muraille pour réprimer la peine qui t'étouffe quand tu saisis qu'il ne te comprendra pas et qu'il ne t'aidera pas. « On joue tous Iskandar. C'est juste qu'il y en a qui sont meilleurs que d'autres, c'est aussi simple que ça. » Et toi, t'as mal joué en m'envoyant là-bas.
Sujet: Re: Confrontation nocturne. [ft Iskandar] Dim 27 Oct - 18:31
You've got blood on your hands but you don't know where it's from. × ft. AVA & ISKANDAR
Blessures. Blessures. C’est comme piétiner du verre brisé, ça crisse sous les pas, ça ouvre des plaies dans les songes altérés par le mépris et le froid. S’avancer vers elle est une contrition, c’est me porter à la hauteur de mes propres jugements et m’entendre les porter, comme en accéléré. Décalage de mon coeur et de ces humeurs aiguisées sur ma langue. C’est la regarder dans la pâleur aveuglante du soir, puiser dans les engouements de jadis les déceptions d’aujourd’hui. Et puis plonger, plonger. Je la regarde sans la voir vraiment, elle emprunte des traits à de très dissonants instincts, qui cherchent à la corrompre, qui cherchent à la diminuer. Derrière la peur se dissimule bientôt la dureté de mon caractère, la même dureté que mon père dans ses jugements emportés. Mais je ne peux pas m’en empêcher. Je ne peux pas. Je ne lui cherche aucune excuse et ne lui trouve aucun repentir, elle est déjà condamnée par son absence et les stigmates qu’elle a su faire peser sur ma carcasse. Je devrais la dédouaner, trouver des failles dans laquelle la placer, puis lui éviter les autres écueils d’un chemin bien trop dur, d’un chemin bien trop long. Bien trop inflexible pour sa nature. Mais je ne cherche pas, dans mes muscles il y a l’acidité de mon désarroi, la douleur de mon désamour, j’aimerais qu’elle rampe, j’aimerais qu’elle pleure. J’aimerais qu’elle se brise devant moi, pour reconstruire son image entre mes doigts tremblants, et perclus de froid. Rien de ces fantaisies ne sont admises d’habitude, dans le domaine tordu de notre profession, mais l’on sait, chaque agent le comprend dans son plus intime repli, que la pratique de la loi nous désaxe, que la confusion que souffle une infiltration nous dévoie. Je me suis perdu pendant quatre ans sur ces chemins-là, à gratter la plaie purulente pour la faire saigner, oublier le deuil, oublier tout ce silence insupportable qui cherchait à s'engouffrer dans ma tête. Et je n'y ai trouvé que plus de désarroi, à charrier derrière moi. Putain de chemin de croix. Qu'elle parcourt à rebours comme s'il fallait qu'elle paye mes fautes. Au centuple. Alors je ne ris pas, je ne souris pas. Sa réplique ne lui attire qu'une très impérieuse oeillade pleine de remontrances. Mes lèvres se pincent, une ligne blème tracée entre elle et moi. Puis il y a le dégoût et surtout ce même instinct pour la vindicte qui nous réunit ce soir : _ Pourquoi ? Après tout tu les connais très bien désormais les détenus que je crève de coffrer. Ça devrait sonner comme à la maison non ? T'être plus agréable… vu comme tu y restes fourrée. J'ai même à l'idée un très sulfureux jeu de mots sur cette terminologie mais je la garde pour moi. La bassesse n'est pas encore de mise tandis que tels deux fauves nous nous jaugeons sans plus de distance, sans plus de respect. Dans ses prunelles tremblantes sur le fil acéré de mes reproches, je distingue le miroir de sa détestation, comme si elle me reprochait sa situation. Et en vérité je me le suis murmuré bien des nuits sans dormir. Pourquoi, pourquoi l'avoir sacrifiée à ta vendetta ? Pourquoi, pourquoi l'avoir sanctifiée dans ces méandres dont elle ne sortira jamais ? J'ai honte, j'ai honte c'est vrai. Et cela me porte à relever la tête avec plus de froideur encore pour rencogner la honte que je conçois de mes propres guerres. Et c'est dans cette inflexion de la nuque que je la reçois, sa hargne. Sa haine. En un bloc qui m'empêche de respirer, placé là juste sur mon sternum. Je serre les dents, je retiens un grognement. Bien sûr. Bien sûr que j'aimerais que tu l'avoues devant moi et que tu descendes du foutu piédestal où je t'ai moi-même placée. Mais c'est d'un sourire mauvais que je lui réponds cette fois-ci : _ Tu avais pourtant juré de l'être. Alors ne rejette pas ta propre faiblesse sur moi. C'est trop simple Ava. Je la pousse à bouts, la laisse surnager contre les flots de mon inflexible dureté qui émane de ma posture dorénavant très arc-boutée sur des jugements à l'emporte-pièce. Je hausse un sourcil et semble balayer ses larmoiements d'un geste implacable de la main : _ Oh je t'en prie. Ce que tu vis n'est pas comparable. Et si c'est déjà trop pour toi alors tu n'as qu'un mot à dire. Et tu sais ce que c'est… Je plisse mes paupières et darde cette cruauté qui me caractérise parfois dans sa direction. Je ne fais pas un pas et ne prends pas le risque de m'approcher d'elle. D'entrer dans un cercle intime qui pourrait nous relier. Mais ma propre réaction m'est dévastatrice… Je sens un malaise poindre dans mon bide et menacer de me faire reprendre tout ce que je viens de lui asséner. Toutefois sa conclusion m'est insupportable, elle pointe du doigt mes propres manques et mes besoins de recouvrer ce lien qui vibre depuis qu'il fut amputé et laissé là béant. Et je lui en veux d'autant plus pour cela. Alors je dis avec une lenteur assassine : _ Oh ça, t'en fais pas. Vu ta médiocrité je ne suis pas prêt de confondre. Ça y est, les coups bas sont portés et à la marge de cet abîme là il n'y a plus aucun garde-fou. Je passe mes doigts nerveux dans mes cheveux et ose enfin un geste, je la repousse, mouvement de la main contre son épaule. Rejet physique et concret avant de continuer : _ Elle est partie où ? La femme en qui j'avais confiance ? Celle qui a frôlé le pire et qui s'en est relevé ? Pour mieux savoir se venger ? Où ? Où est-ce que tu es Ava ?! Qu'est-ce qu'il y a dans ta foutue tête pour que tu geignes comme ça ? T'as à peine commencé, bordel. Et tu veux déjà du temps ? T'en as eu assez… Et tu devrais me dire ce que je veux entendre. Plutôt que des faux semblants. Dis-moi ce que je veux entendre. Si c'est un jeu alors joue. Joue. Arrête de rester sur le banc de touche par facilité. Je te laisserai pas faire. Jamais. Tu m'entends ? Jamais. Pour ta mission. Ta putain de croix. Les informations que tu gardes dans ta carcasse apeurée et dans ta tête qui n'en peut plus de ne pas hurler. Dis-le moi. Dis-moi ce qu'ils sont, ce que tu as vu. Dis-moi que tu te souviens pourquoi t'as signé. Dis-moi que je me suis pas trompé.
Sujet: Re: Confrontation nocturne. [ft Iskandar] Dim 3 Nov - 3:02
T'as appris à le pratiquer Iskandar. Tu sais suffisamment lire entre ses lignes pour comprendre son comportement. La colère qu'il contient à peine, cet air qu'il prend se voulant terrifiant. Autant d'indices qui témoignent de son inquiétude. Mais t'en as rien à faire de sa détresse. Après tout, il est celui qui t'a poussé à répondre présente. Celui qui a murmuré ton nom aux creux des oreilles bien placées. Celles qui, au final, t'ont offertes cette promotion. Celle dont tu rêvais tant. Et bien sûr qu'au départ, c'était ton souhait. Tu pensais pouvoir apporter la justice et finalement, c'est la justice qui t'a trahie. T'aurais jamais tenu de tels propos avant. Avant que t'en aies la certitude. La certitude qu'on vous ment et qu'tu veux plus être un pion. Tant pis si Iskandar s'est résigné mais c'est pas ton cas. Et t'aimerais qu'il comprenne. Parce que t'es plutôt sur la défensive dernièrement mais tes sentiments sont toujours là. Profondément ancrés. T'oublies pas tout ces moments partagés. Il est bien plus qu'un lointain parent. Et tu ne veux pas non plus qu'il se méprenne. La justice reste ton carburant, seulement c'est la société que tu remets en question. Parce que sinon, tes valeurs non plus aucun sens. Ton allégeance a changé. Ou c'est toi qui a changé ?
Pourtant, Iskandar n'est pas décidé à te laisser t'esquiver. Il tient les comptes et te les rends coup pour coup. Soit, tu es prête à l'affronter. Peut-être que t'as besoin de te défouler. Peut-être que tous ses sentiments refoulés ont besoin de s'exprimer. En tout cas, ce soir, t'es incapable de les réprimer. « Épargne-moi ce genre de commentaires quand tu continues à bosser pour ces connards que tu n'as de cesse de mépriser dans leur dos. Quand est-ce que tu vas te réveiller, hein ?! Quand est-ce que tu vas arrêter d'être leur putain de gratte-papier ?! » T'es sarcastique Ava. Sacarsme que tu as appris à manier ces derniers mois. Seul moyen de défense pour te protéger de toute attaque. Et celles d'Iskandar sont assez fatales. Tes pupilles, aussi sombres que la nuit, lance des éclairs. La colère éclate par fragment que tu tentes de canaliser. Sauf qu'une fois la vanne ouverte, il n'y a plus de retour en arrière. Et ce soir, Iskandar semble bien décider à la forcer. Et t'es dans l'incapacité d'enrayer son funeste projet. T'as trop pris sur toi et tu débordes d'un trop plein d'émotions qui se déchaînent avec violence dans ton être. Elles te ravagent toute entière.
La rage vibre, il l'attise toujours plus et tu n'arrives plus à te contrôler. Tes oreilles sifflent de la fureur qui te secoue. Il te travaille au corps pour te faire exploser. Il cherche à détruire tes dernières barrières pour voir les dégâts derrière. Mais il va être surpris de ce qu'il va trouver car seul le néant l'attendra. Hors de question qu'il devine tes doutes. Hors de question qu'il te mette sur le banc de touche. C'est ton enquête. Ta mission. Un rire te secoue, apaisant un instant le chaos qui menace de tout détruire sur son passage. « Sérieusement ? Alors quoi ? Tu veux pas assumer que t'as merdé ? Hm ? » Toi aussi tu peux le piquer. Toi aussi tu peux le blesser. Tu vas certainement pas le laisser s'en tirer à si bon compte. C'est lui l'enquêteur chevronné. Il aurait dû te mettre en garde plus fermement. Au lieu de ça, il t'a jeté dans la gueule du loup, presque pressé d'avoir déjà des résultats. C'est pas comme si ça lui était pas familier. Que ça l'avait pas bousillé. Mais ça, il s'est bien gardé de te le confier. T'as dû mener ton enquête auprès de ses collègues pour connaître la vérité. Celle qu'il se plaît à modeler. « Arrête de te foutre de ma gueule Iskandar, ok ?! C'pas parce que ta couverture a duré quatre ans, que la mienne à côté n'a aucune importance ! Merde ! »
Tic tac. Tic tac. Me pousse pas à bout s'il te plaît. Tic tac. Tic tac. Parce que j'suis pas sûre de ce qui va se passer. Tic tac. Tic tac. Et qu'j'en ai marre de jouer. Tic tac. Tic tac. Tu l'sais que j'vais craquer. Tic tac. Tic tac. Mais pas comme tu l'espères. Tic tac. Tic tac. Ne deviens pas mon adversaire. Tic tac. Tic tac. J'veux pas qu'on en arrive là. Tic tac. Tic tac. Ne me force pas, laisse-moi le choix. Tic tac. Tic tac.
La remarque de trop, celle que tu as méritée mais que tu n'peux supporter. Et tout son mépris qu'il te balance à la figure d'un simple geste. Presque une pichenette. Puis c'est une agression verbale. Des mots qu'ils te crachent à la tête, qui font monter la pression. La colère enfle et gronde. Tes deux poings serrés ne rêvent que de repeindre son visage de rouge carmin. Et il ne s'arrête plus de parler. Un monologue qui réduit à néant toute trace d'apaisement. Puis, soudain, c'est ton corps qui se rapproche et ta main qui s'abat sans délicatesse sur ses traits que tu souhaites déformer à jamais. Elle fend l'air, marquant le point de rupture. Déchaînée, tes yeux dardent sur lui toute ta colère enfouie. « Espèce de salopard ! Comment oses-tu me faire ça ?! Tu crois que j'l'ai pas vu ton p'tit jeu ? Tu voulais me faire réagir hein ? Bah voilà, t'es content maintenant ?! T'en r'veux p't'être une autre ? Elle doit être jalouse l'autre ?! » Tu hurles ta rage qui fait bouillir tout ton être. Comment ose-t-il être aussi abjecte ?!
À la lumière d'un lampadaire, tu remarques la gouttelette de sang qui perle au coin de ses lèvres et tu recules de quelques pas, comme frappée en plein cœur par la violence qui t'a animée. Tu secoues la tête, en proie à ces murmures qui insinuent tous leurs doutes en toi. T'as perdu les pédales Ava. T'es en train d'exploser. Mais il l'a cherché. C'est pourtant une maigre consolation en y pensant. Ça n'excuse en rien ton geste mais en explique les raisons. Et la liste serait longue. Tu sors de ta poche un bout de papier froissé et le balance à ses pieds sans aucun autre égard. Ça te bousille de les trahir encore mais t'as pas le choix. Parce qu'ils sont déjà foutus, en partie à cause de toi. Et si tu lâches maintenant, les chiens galeux vont s'abattre sur eux. « J'pense avoir assez contribué à leur chute pour que vous me laissiez respirer ! J'te signale que c'est pas sans danger mais ça, tu le sais alors t'étonnes pas des délais ! » Ta poitrine se soulève frénétiquement sous l'effet de la rage qui t'agite. « Et dis-moi, il est où le flic qui se fout des conventions ? Celui qui sait ce qui se trame ? Dis-moi, tu vas encore continuer longtemps cette mascarade ?! T'en as pas marre d'être un putain de pion ?! Dis-moi ! Dis-moi ! » Tu dérailles et t'éloignes, décidant -pour deux- que ces petites retrouvailles allaient s'arrêter là. T'es complètement sans dessus-dessous Ava. Tout ce que tes poings réclament, c'est de la violence. Tu refuses catégoriquement qu'Iskandar en pâtisse. Il en a déjà eu un assez bref mais éloquent aperçu. « Vu ta médiocrité, je ne suis pas prêt de confondre. » Cette phrase qui se répète en boucle dans ta tête. Ça ne fait que déchaîner les flots de ta colère trop longtemps bridés. Ce père qu'il n'est pas mais qu'il pourrait être. Ce regard si cher à tes yeux qui, pourtant, transmet tout le dégoût et le mépris que tu lui inspires. Un coup dur qui enfonce une plaie déjà ouverte.
Je t'avais prévenu. Ne me suis pas s'il te plaît. J'pense que t'en as déjà assez fait. Ne me rends pas la tâche plus ardue.