souffle ardent // alma

@alma simeone
du temps des amants
les douze coups sonnent
les rideaux se ferment définitivement sur la veille
exploitant les pires moeurs, changeant l'eau en vin
pour devenir plus vicieux que satan
oracle de ces nuits divines

rien qu'un soir, la tourmente au bord de ses pulpeuses malhabiles, pressant sur ses temps l'envie destructrice, d'un temps échapper à ceux qui ne font que l'épier chaque seconde. elle en a marre ce soir circé, voudrait oublier d'où elle vient puis s'inventer un autre "elle" pour une fois ne plus sentir sur ses épaules, l'occupante place prenant de la lignée solomos. mais peut-être n'était-est-ce que le fureur de la cocaïne brulante dans ses veines qui lui soufflait sur le coeur incandescent ? car oui, elle n'a jamais réellement pensé à partir et elle ne le fera sûrement jamais, mais la passion qui l'anime un peu ce soir reste la même rébellion au creux de ses mains trop douces pour être abimés par la bouteille en verre, brisée. elle s'excuse en jurant, non loin, sa soeur s'approche pour ramasser les morceaux en lui ordonnant de se pousser du passage. une légère blessure sur sa main droite, insignifiante, devenant tout à coup le prétexte idéal pour tracer sa route de l'autre côté de la pièce. elle est ailleurs, la tête dans les nuages disent-ils, qu'elle se repose avant de se faire vraiment mal. toujours bien attentionnés, ils ne discutent pas son air de princesse souillée par quelques gouttes de sang.

sa silhouette gracile se fraye un chemin parmi les clients blasés. l'endroit n'est pas des plus fréquentables, mais elle sait circé, qu'une rencontre hasardeuse pourrait l'aider à remonter la pente ce soir. un peu de chaleur humaine pour arrêter de penser à cette douleur, infime soit-elle, un peu de conversation mélangée aux mots doux pour calmer l'effet dévastateur d'une pensée éraillée par ses lubies chroniques.

et ce soir circé tombera sur cette personne
une ombre dans la foule accrochée à son téléphone
délire infantile, brune aux yeux d'ébène
parfaite transaction du moment pour combler
le reste d'un désir ardent

quelques pas vers elle et circé hume déjà ce parfum qu'elle aimerait sentir sur sa peau. - bonsoir. sourire vibrant, pupilles brillantes sous les néons abimés. - tu es seule ce soir ? tout intrusive, ne se priant à aucune commodité d'antan, la louve détend son bras et pose la main sur le dossier de sa chaise pour s'approcher légèrement. - je peux te tenir compagnie ? langoureusement sérieuse, un brin éloquente, elle attend tout de même la réponse de sa proie ce soir avant de plonger dans la tourmente.

nuit noire.
oiseau de nuit qui ne vit que quand le jour disparaît.
que quand l’obscur prend sa place.
et tu apparais, alma, de tes beaux apparats. electre dont la présence, tu penses, n'est remarquée par personne. tant elle en est une parmi tant d'autres. tant la foule est nombreuse ce soir. une silhouette aux courbes fines ? y en a des dizaines ici. courbes presque cachées ce soir, à l'inverse des autres nuits qui composent ta vie. échine dissimulée sous des étoles que certain trouverait trop vaste. mais ce soir tu n'es point celle que tout le monde regardera.
tu ne seras pas celle dont les yeux, hagards, fixerons. ce soir, tu es d'une présence presque insignifiante.
pas de rôle. juste toi.
peau laiteuse. chevelure foncée, regard ébène. tes pupilles noires foncièrement fixés sur ton écran. t'es ailleurs, alma et pourtant bien là.
y en a une qui la remarqué.
une âme qui t'as vu parmi les autres. tu le sais pas encore, alma.
toi, t'es bien plus concentrée sur une vie virtuelle que sur la vie qui grouille autour de toi.
une voix.
un timbre doux qui interrompt. qui t'interroge. ta vie virtuelle fait place au réel. y a une fille dont les prunelles, azur, te fixent. comme peut-être on ne ta jamais regardé. pas des yeux aussi féminins tout du moins. deux billes, serties de noir, aux longs cils.
et ce bleu, il te bouffe. ce bleu, t’y plongerait presque.
elle a de beaux yeux. ça en serait presque cliché si ce n’était pas vrai.
et ça te fait bizarre ce regard qui te plombe.
elle, elle s'impose. elle ne semble pas avoir le temps de perdre son temps.
elle sait où elle va.
sait ce qu'elle veut.
tu le ressens presque instantanément. et ça te troublerait presque. mais ça le fait pas. parce qu'elle n'a que le charme qui possède les femmes.
bonsoir.
elle va droit au but. son dessein t’apparait.
saisissante, l’inconnue.
elle va vite. t’en perdrait ta rhétorique.
presque impertinente, elle ose. allonge ses envies sans détour.
plus maintenant, j’ai l’impression.
ton cœur balance. hésite. lui souffler que t’aimes les bras virils et les hommes forts. les hommes aux vils desseins et aux mains sales. que ton cœur ne s’accrochent qu’à ceux-là. parce que tu ne lui murmureras pas qu’elle a un visage d’ange. qu’elle ressemble à une poupée. et que tu jalouses ses yeux clairs.
elle est belle. à n’en point douter.
elle est belle et à l’impertinence d’en jouer.
tu peux.
après tout.
pourquoi pas. elle peut rester là. ton regard se perd dans la foule, mais ton visage se rapproche du sien.
pour qu’elle capte bien.
pour que tes mots lui parviennent.
mais ce sont les hommes qui m’font vibrer.
y a que les mains des hommes qui t’enserrent. les voix viriles qui t’ensorcellent.
tes yeux s’accrochent à la foule. ton menton se lève.
des filles, y en a par dizaine, ici.
c’est pas ça qui manque, l’inconnue.
et tu trouveras celle qui te plaira. une encore plus belle que moi. et si tu m’dis que repars seule ce soir, j’te croirais pas.
parce qu’elle est de ces beautés indéniables. de ces beautés universelles. qu’on soit homme ou femme, de celle qu’on ne dément pas.
on la regarde l’inconnue, et l’on se dit qu’elle crève de beauté.

elle a besoin de changer d'air, étoile camouflée par les nuits trop sombres, l'ange déchue ne s'est jamais dévoilée en plein jour. chasse gardée, pourtant si libre de sa propre volonté, l'oréade erre sur un territoire trop familier, elle sait que certains regards sont tournés vers elle, constamment, mais elle se moque de ce qu'ils peuvent bien en comprendre. circé ne se cache pas, excellant dans l'art de ce moquer du monde ouvertement, prière secrète d'une ère où elle serait enfin la seule reine sur ce trône.
rien ne lui échappe non plus, rien ne lui résiste à part le jour. sa peau hâlée, blanchit par la lumière artificiel, révèle toute la détermination du spectre de l'ensorceleuse, candide enfant à la bouche en cœur, détonant dans cette univers bien trop masculin à son goût.
jamais elle ne se permettrait de charmer un homme en ces lieux.
toutes les femmes ont son attention lors de ces soirées calmes.
la situation, bien trop parlante, ne lui avait pas échappé,
cette jeune femme serait forcément la clef de ses chimères excentriques.

l'inconnue n'est pas dupe, la belle éphémère s'interroge, fronce les sourcils avant d'accepter son offre, mais rien n'est gagné d'avance.
circé ressent cette réticence forcée, vidée par des principes bien trop arrêtés à son goût.
rien ne lui ferait changer de finalité ce soir, la brune se révèle coriace malgré l'évident refus de la belle. un sourire pour avaler la mauvaise nouvelle, circé s’abîme légèrement, vexée qu'elle puisse, d'une phrase sûre, évoquer la possibilité qu'elle s'intéresse à une autre ce soir. - celle qui m'intéresse ce soir, c'est toi. timbre assurée, elle se penche la tentatrice, assez prêt pour que ses mots lui parviennent correctement. - attends-moi. elle nie le reste, secoue ses cheveux pour faire s'échapper les mauvais traitements avant de partir dans la sens inverse pour aller chercher une bouteille de champagne et deux verres derrière le comptoir.

elle revient, s’assoit en face de la jeune femme en faisant sauter le bouchon discrètement. - merci d'être restée, tu ne le regretteras pas. d'une dextérité singulière, celle qu'on les barman de manier les étuis en verre, circé sert les deux verres et lui tend le premier. elle est persuadé que les jeunes d'aujourd'hui sont bien moins sages que leurs ancêtres et qu'ils sont tous au moins une fois pêché de multiple manière. - tu n'as jamais embrassé de femme ? curieuse, la brune pense à ce gâchis, chaque jour, qu'elle procure à la gente féminine alors qu'elle ne devrait pas être aussi catégorique.
son visage s'éclaire à peine, douceur d'une nuit la guidant vers des songes plus excentriques,
l'inconnue percute son âme,
blesse ses ardeurs de pleins des manières
et perce l'obstacle qui lui égratigne le cœur.

circé boit pour continuer la descente.

toi,
tu sembles être la seule à l’intéresser, ce soir. elle est bornée, l’inconnue. ou obstinée. mais elle confirme c’que tu présageais. t’es dans sa ligne de mire, à n’en point douter. tu n’sais pas encore si t’es flattée ou gênée. surprise ou effrayée.
elle te contraint à ne as bouger. à ne pas déserter. et t’es libre, alma. t’aurais pu t’barrer, la laisser là, à côté de ce bar. mais t’attend.
tu l’attends. et tu n’sais même pas pourquoi.
ton regard se perd sur la clientèle. sur ces âmes qui errent devant toi.
et elle revient, l’inconnue, sur ses pas. mais pas les mains vides. et à ce qu’il parait, tu seras pas déçue.
elle revient, et ton regard se pose sur elle, à nouveau. tu vois une bouteille, deux verres. attends, elle joue à quoi, là ? regard suspicieux, moue légèrement tendue. ouai, tu l'sens que t'es tendue. t'es pas à l'aise, alma. elle va trop vite, en vrai. y a deux minutes t'étais seule au milieu d'la foule. et tu vas sérieusement te retrouver à boire du champ' avec une fille que tu n'connais même pas ? une fille qui a des intentions qui ne sont pas les tiennes. tu prends une respiration. et ça siffle dans tes poumons.
elle est directe, la brune. elle va à l'essentiel. et ça a le don de te déstabiliser.
question directe. interrogation qui a dû lui ronger l'odeur. lui rouiller le palpitant.
jamais.
réponse simple. retour franc et rapide. ça montre bien que les filles, par principe, ça t'intéresse pas. par principe. oui. aveux véridique. ca peut la décevoir comme l'intéresser au plus au point. et l'accrocher encore plus.
t’en sais rien.
j’ai droit au champagne, quand même ?

au fond, tu prends pas vraiment au sérieux cette situation
tu t’caches derrière l’humour
te caches derrière ce ptit sourire sur tes lippes
mais tu veux savoir.
connaître le doux son qui la définit. mais l’mystère de cette nana, t’aime bien, aussi. alors tu demandes rien. tu laisses la conversation se poursuivre.
mais tu devrais pas
non.
tu devrais pas la questionner
sur elle, sur ce qu’elle aime
filles et garçons -
ou filles, uniquement ?

la bouteille s’ouvre à une vitesse folle. tu vois la dextérité avec laquelle elle fait sa manip. elle a l’habitude du champagne, clairement. ouai, apparement, t’as l’droit au champ, même si tes lèvres n’ont jamais effleurées celles d’une gonzesse.
tu perds ton temps, tu sais.
avec moi.

t’aime les mecs
depuis toujours
ton palpitant vibre sous leurs mains, entre leurs bras
et c’est comme ça
t’as jamais vu ça autrement
et elle arrive, elle, et pense tout révolutionner
t’essaies de faire quoi là,
à part m’alcooliser ?

qu’est-ce que tu fous, alma ? tu ferais mieux de t’tirer
tu n’sais pas ce que tu fais, mais en vrai, alma, faut pas jouer
pas jouer avec les sentiments
pas donner de faux espoirs

il est un fait,
il n'y a jamais eu d'heure pour boire,
ni même pour rêver un peu
s'évader du commun des mortels
puiser l'essence même d'une âme
dans le besoin.

circé opère l'action d'une délicatesse folle, rarement décriée pour être une sangsue assoiffée du vice de la chair. personne ne sait lui résister trop rapidement, mais ce soir, elle sent que la danse promet d'être bien plus lente que prévue. même si elles n'ont pas l'habitude, même si pour certaine l'avènement est nouveau, elle a toujours su mettre à l'aise la plus catholique des pratiquantes à son égard, plus docile même qu'une prière à l'église, captée par une église plus ardente que celle du seigneur.
l'inconnue n'est au départ, qu'un challenge de plus qui elle le pensait, lui sera céder, car ce que circé veut, elle l'obtient par n'importe quel biais, principalement en ce qui concerne la gente féminine. - je ne juge personne, tout le monde à le droit de boire, même s'il ne sait pas apprécier tous les plaisirs que la vie lui offre. sourire charmeur, le ton ironique qu'elle arbore ne manquera pas d'asséner la curiosité de la brune, elle le sait, le sent car elle se trouve toujours devant elle à siroter ce verre promis.

elle l'interroge la suspicieuse, pressée ou non de connaitre l'orientation de ses désirs certains. - homme, femme, tous les corps veulent la même chose... la défonce pourrait te rendre philosophe, ralliée par la pensée à tes aïeuls d'antan et proclamer leur bonne parole. - je me suis toujours affranchis de ce genre de limites qui obstrue la vue et bride le véritable désir. sa main porte le verre à ses lèvres rouges, regard élevé, toujours porté sur la présente qui office à ses côtés ce soir, bien plus sauvage qu'au premier abord. - tu devrais essayer. circé attise, écarte volontairement la brèche qu'elle a accepter d'entrouvrir par pure curiosité, se laissant guider par des paroles pleines de sens et un ton léger.

- au pire, prends ce que tu as a prendre, tu as toujours le choix de partir si mes avances te dérangent. se faire courtiser par un homme ou pas une femme est agréable, quoi qu'elle en pense réellement, mais la nymphe ne sera jamais fille de saturne, celle qui oblige et dévore égoïstement la chair de ses pairs. - c'est plus fort que moi, tu es magnifique.

elle choisira, tandis que circé finira son premier verre pour entendre la sentence pour ce soir. se sert par la suite à nouveau et rempli le deuxième verre pour dernière invitation.
rien d'oppressant,
tout pour la rendre vivante ce soir.

et si
si elle s'en va, crios lui ouvrira les bras.
si elle reste, le charme opérera.