Sujet: those that i fight i do not hate, those that i guard i do not love _ hades Sam 15 Juin - 20:24
Those that I fight I do not hate, those that I guard I do not love × ft. HADÈS & ISKANDAR
Si je te nomme silence, souffleras-tu sur nos masques mortuaires, la cendre et le feu, forgeant des héritages trompeurs qui sombreront dans l’abysse où nous reposerons ? Si je te nomme silence, hurleras-tu la désillusion de nos errances, sur des chemins couverts, par toutes nos hérésies ? Si je te nomme silence, aurais-je enfin l’audace, de survivre à l’enfer pour suivre ton cheminement, en dessiner un autre ? Si je te nomme silence, c’est pour croire que demain, tout l’univers s’effondrera enfin, et que notre détresse, dans la torpeur des âges, appuiera sa digne note, pour hymne funéraire. Pour hymne funéraire. La porte dessine ma silhouette, sur le seuil d’un choix. L’oscillation est trompeuse, les heures de la nuit la destine à une joute. Une condamnation qui ressemble à ces vagues qui se brisent sur les plus tranchants des récifs. C’est son territoire ici bas, celui que je visite, avec la persistance des plus indignes parasites. J’y suis quelques nuits, où l’égarement me mène. Le besoin de l’alcool aussi. Entrevoir sa silhouette, sans jamais l’approcher. Des regards qui s’échangent, des combats silencieux. Une conversation morte, qui ne s’engage pas. Comme si elle était interdite. Proscrite. Sur les lèvres d’un cadavre déjà enterré. Sous la terre pourrissante. Un si joli cadavre, cette fille là. Joli dans la détermination qu’on lisait encore sur ses traits… Comme si les idéaux avaient gravé un masque. Son unique distinction. À cette fille. Pauvre fille. Perdue, paumée, dans les draps de l’engeance, à s’amouracher de celui qui l’a tuée. Butée. Sans trop de préambule. Il faut dire que les idéaux mènent souvent à la tombe. C’est un fait bien connu. Des semaines que le bureau s’est saisi de l’affaire. Des semaines que les soldats en costard cherchent à tisser une toile autour de la mafia grecque, pour mieux donner des noms aux têtes d’une hydre qui transcende les districts, cherche à étendre son ombre monstrueuse. Des affaires de famille, comme il en existait jadis, quand on payait par le sang les trahisons fugaces. On ne divorce pas de la bouche dévorante. La jugulaire y passe, l’existence s’ouvre pour se déverser sur le pavé brûlant. Les affaires de famille, Solomos les encadre, du haut de sa stature de patriarche bonhomme. Quand on s’abuse à sa distance et à son peu de manière, quand il sert derrière son bar, on pourrait croire que l’honneur est porté sur sa face burinée, que certains codes hérités des ancêtres parlent par sa bouche de très anciens langages. Qu’il y a une droiture sous les trames du chaos. Planquée. Indistincte piété qui force le respect. On pourrait le croire mais je ne m’y abuse pas. Je ne crois ni dans ces codes usés, ni dans ces honneurs que l’on finit toujours par enterrer. Dans la tombe des enfants. Sur le seuil. Sur le seuil. Je cesse d’hésiter, je pénètre les ténèbres maudites, pour les avoir trop longtemps respirées. Je le regarde lui ce soir, longuement, trop longuement. C’est différent des autres égarements, où je le tenais à la marge de mes observations mutiques. Ce soir les honneurs sont morts, et la tombe brûlante semble s’être retournée. Il y a, dans son dossier, un détail qui s’accroche, à mon épiderme malmené. Qui s’enfonce dans ma nuque, me donne l’envie de hurler. De le maudire, de le détruire, de renier l’existence qui m’oblige à même le tolérer. Pour avoir su par ses actions passées, ressusciter un seul instant, trop pur, trop fatidique, la peine, le deuil. La haine de soi et du monde entier. Alors ce soir, oui, je cesse d’hésiter, de le laisser au monochrome d’une temporalité éteinte. Je suis venu l’arracher à la tombe, pour mieux le confronter. Car la terre est remuée, elle exhale ses parfums écoeurants. Ceux de la chair qui meurt, et qu’on ne peut sauver. Ni de soi, ni de ce monde qui tourne, et tourne encore, sans que ça ne s’arrête jamais. Jamais. Je le regarde, j’abandonne ma place habituelle, dessine un pas presque martial, pour me porter au bout du bar, pas vraiment où il se poste d’habitude, plutôt dans l'ombre. Comme si j'y trônais. Comme pour l’obliger à me rejoindre. Plutôt que de lui faire l’indigne honneur de venir le trouver. Je me laisse tomber sur l’un des tabourets, j’allume une clope, fait claquer le zippo en argent, frôle les initiales qui sont gravées dessus. Je pense à la gamine. Et à son prénom grec. Puis je l’oublie aussitôt que la fumée pénètre mes poumons. Je le regarde toujours, la distance s’amenuise, il n’y a plus de dédain, ça tient plus de l’affront. Parce que l’enquête piétine, que les preuves sont trop minces, mais que les chiens grognent dans l’ombre… Quitte à couper une tête seulement, pourquoi pas celle du petit frère coupable ? Certaines preuves suffiraient, à confondre le plus faiblard de toute la fratrie. Parce que la fille morte a laissé derrière elle, quelques notes, quelques mots, où l’on pourrait comprendre, qu’Eros la fréquentait, et qu’elle cherchait à croire que sa droiture suffirait pour que l’amour triomphe. Petite fille idiote, qui croyait que l’infamie pouvait se pardonner. On ne pardonne rien, on ne fait qu’oublier… Mais moi je n’oublie pas, je n’ai pas ce pouvoir. Je ne fais que combattre. Jusqu’à ce que la terre ensevelisse la hargne, et recouvre les flammes.