Parfois, on n’avait plus le choix, Maëlys aimait se débrouiller par elle-même, allant même parfois jusqu’à envoyer promener des mains tendues, mais cette fois-ci, elle ne pouvait pas faire autrement que se faire aider, elle était incapable de payer son loyer et ses placards étaient tristement vides. Il fallait absolument qu’elle trouve un moyen de multiplier ses heures de boulots et surtout, de s’intégrer socialement, chose qu’elle avait un mal fou à faire. Elle avait beau prendre sur elle, elle avait toujours autant de mal à se mélanger aux autres, à se sentir à sa place. Quel que soit l’endroit où elle allait, elle se sentait de trop et n’avait qu’une envie : décamper. Elle n’avait pas une phobie de la foule ou des personnes qui pouvaient t’entourer mais elle se sentait juste extrêmement mal à l’aise et avait sans cesse cette impression d’être perpétuellement jugée. Il faut dire qu’elle n’avait pas eu une vie facile Maëlys et elle savait bien que ce n’était pas demain que cela s’arrangerait. Elle avait du prendre grandement sur elle pour faire ce pas en avant, pour se forcer à pousser cette porte pour demander de l’aide, n’en pouvant plus de cette vie de misère qui semblait ne plus avoir de fin. Elle marcha ainsi dans la rue, la tête basse, s’efforçant tant bien que mal de ne pas se détourner de son but, de tenir bon, une bonne fois pour toute. Elle avait le cœur lourd et son moral était au plus bas, encore une fois, elle faisait en sorte d’être forte, de ne pas craquer, mais elle savait qu’il lui en faudrait peu pour qu’elle s’effondre réellement. Elle avait beau jouer les petites dures à cuire, elle n’en restait pas pour le moins qu’une jeune demoiselle de 22 ans à peine, que la vie n’avait pas épargnée et qui ne désirait qu’une chose : sortir enfin de cette galère. Elle ne voyait pas la fin de la misère dans laquelle elle était née et, parfois, elle se demandait si un jour sa vie changerait, si un jour on lui laisserait cette foutue seconde chance, qu’elle n’avait jamais eu la chance d’avoir malgré tout ce qu’elle avait entreprit pour que ce soit le cas. Elle s‘approcha de la porte du centre, la tête toujours basse et, alors qu’elle s’apprêtait à la pousser, elle percuta un homme qui en sortait.
« -Par… commença-t-elle à murmurer, tout en relevant la tête en direction du visage de son interlocuteur, par puer politesse. La suite, sortit malgré elle, d’une voix encore plus fluette : …don. »
Cet homme, elle le reconnut immédiatement, en particulier ce regard si dur, qui l’avait tant hantée depuis quelques années. La dernière fois qu’elle avait fait face à son père, c’était lorsqu’elle avait été lui demandé de l’aide, en prison, pour avoir un unique espoir de pouvoir garder son enfant à naître. Elle avait tant souffert de la réaction de son géniteur, qui lui avait demandé de sortir de sa vie. Sortir de sa vie… En avait-elle fait réellement parti dans le passé ? Certainement pas, et pourtant, elle s’était raccrochée au seul membre de sa famille qui lui restait, dans l’espoir qu’il serait enfin une solution à un bon nombre de ses problèmes. La fille de la demoiselle était née, elle avait à peine eut le temps de la serrer dans ses bras qu’elles avaient du se séparer, alors que Maë savait déjà au fond d’elle que plus rien ne serait jamais comme avant à présent. Malgré tout, malgré cette déception, cette tristesse, cette impression que son propre monde venait de s’écrouler, elle avait respecté la demande de son géniteur et n’avait pas cherché à le recontacter. Dans un sens, cela l’avait arrangée, la douleur avait été trop brutale pour qu’elle ne demande à la revivre une nouvelle fois. La vie avait continuée, avec toujours ce fantôme qui la hantait, avec toujours ces questions qui ne la quittaient pas. Etait-il sorti de prison ? Comment allait-il ? Est-ce qu’il pensait à elle parfois ? Elle se doutait qu’elle n’aurait jamais de réponses, elle ne cherchait pas réellement à en avoir, mais elle, elle pensait toujours à lui, malgré tout. Voilà qu’à présent, il se trouvait en face d’elle. Jamais Maë n’avait eu le souvenir de le voir d’aussi près et en plus de sentir l’émotion prendre d’avantage d’emprise sur elle, elle était aussi impressionnée qu’une gamine de 5 ans qui venait de se faire disputer après avoir volé un paquet de bonbons. Elle se sentait idiote, ainsi prostrée sur place, incapable de la moindre réaction, mais elle avait perdu tout contrôle de ses émotions, toute faculté de mouvement ou de parole. Le temps venait soudainement de s’arrêter.
Sujet: Re: Rien ne vaut plus que ce jour. (Santo) Lun 1 Juil - 0:36
It's not my fault, I have my father's eyes.
Il a toujours du mal à suivre les obligations qu'on lui impose. Bête sauvage passée plus de vingt enfermée dans une cage à qui on demande à présent de reprendre une vie normale. La moindre action lui semble parfois insurmontable. Santo se sent souvent pris à la gorge par toutes ces assistantes sociales là pour l'aider à ne pas replonger et l'aider à rester dehors. Car une vie en prison, ce n'est pas une vie. Il entend cette phrase depuis des années sans qu'elle n'intègre jamais vraiment toutes les parties de ses pensées. Il restera toujours des zones d'ombres, des tornades et des hémorragies que personne ne pourra jamais maîtriser. Même lui les ressent parfois, vicieuses, pleine de vie et de colère contre cette existence gâchée. S'il était né dans une autre famille, avec une mère qui ne se droguait pas et un père absent alors peut-être aurait-il connu le bonheur d'un foyer confortable. Il a vu à quoi cela pouvait ressembler lorsqu'il se réveillait sur le canapé d'Ambrose et que ses enfants regardaient à côté de lui un dessin animé pendant que leur père préparait le repas du soir. C'était étrange parce qu'il n'avait jamais connu ça et que la découverte était réelle, saisissante, déstabilisante.
Un dossier calé sous le bras, la tête ailleurs, légèrement agacé après plus d'une heure d'attente et un rendez-vous interminable, l'animal se précipite en sachant pertinemment que la ville lui donnera tout autant de vertige. A travers la porte vitrée, il remarque avant tout ce ciel gris qui lui donne la nausée dés l'instant où il le voit s'étendre sur une trop large surface au dessus de sa tête. Son cœur se crispe et son regard se fige sur les nuages jusqu'à ce que son large corps ne soit percuté brutalement. Muscles crispés, son souffle se coupe alors que ses sourcils se froncent. Il faut quelques secondes à Santo pour intégrer ce qu'il se passe. Ce regard là, il le connaît. Bien évidemment qu'il le connaît. Et la seconde qui lui permet de percuter l'aide à reprendre son souffle. Sous ses yeux, ce n'est pas seulement une jeune femme qui vient de lui demander pardon mais sa fille. Sa fille.
La même qu'il avait abandonné quelques années plus tôt pour la deuxième fois. La première fois, Maëlys était encore trop petite pour s'en souvenir. Elle tenait dans ses gros bras et prenait le biberon. Il crevait de trouille de lui donner par peur qu'elle s'étouffe et qu'il ne sache pas gérer. Sa copine de l'époque mais aussi la mère de cette môme se foutait sans cesse de lui. Elle n'a pas tant changé depuis le parloir si ce n'est qu'elle fait probablement plus femme, plus usée. Il ose à peine songer à ce que cette entrevue en prison avait précipité. Si Santo possède encore aujourd'hui énormément de rancœur pour ses parents, qu'est-ce que cette gosse peut bien penser de lui ? Il espère secrètement qu'elle le déteste, cela rendrait forcément les choses plus facile. Tout est toujours plus simple lorsqu'on cache les sentiments et les attaches dont chaque être humain est doté. Même lui, complètement foutu jusqu'à la moelle ne peut pas échapper à la règle. Il y a des moments, comme maintenant, où il se sent flancher. Si le masque est parfait, de vieux démons remontent à la surface emportant avec eux des souvenirs ancestraux et corrosifs. Maëlys ? Dans un premier temps, la gorge de Jude est si serrée qu'elle ne laisse traverser que son prénom d'entre ses lèvres. L'appeler la rend plus réelle, vivante. Parfois, il avait la sensation d'avoir rêvé cette enfant. Comme s'il cherchait à être moins seul, à se donner une raison de plus de s'en vouloir.
Mais non, elle se tient là, juste devant lui. Maëlys et son cœur d'adolescente broyée par un homme qui devait être là pour l'accompagner dans la vie mais qui n'avait fait qu'échouer dans son rôle. Même là, alors qu'il la fixe, qu'il remarque qu'elle est probablement tétanisée ou choquée de le voir face à elle, il ne trouve pas les bons gestes pour la rassurer. Qu'est-ce que tu fais là ? La question à cent balles. Santo Mendoza, père de l'année, revenant des bas fonds. Il réalise déjà qu'il n'a rien en réserve, pas une excuse, pas un pardon et surtout pas un retour en arrière. Et même s'il pouvait, il serait le même, une merde sans nom, immature, égoïste, foncièrement mauvaise. Il l'enverrait bouler de la même façon. Le passé est impénétrable, les erreurs que l'on a faite aussi. Le présent est là, prêt à lui apprendre à gérer l'hémorragie des conséquences de ses actes. Il semblerait que celle-là soit l'une des pires.