(18 jours depuis la disparition). Tu tournes dans ton lit, la tête sur le côté tu regardes les chiffres rouge défilé dans la pénombre de ta chambre. Le neuf se transforme en zéros, il est quatre heures. Du matin. Le cœur de la nuit et le vide qui t’envahit, l’absence qui creuse un trou presque abyssal dans ta poitrine. Un manque qui devient insupportable, insurmontable. Tu ferme les yeux, fort, fort, fort, de toutes tes forces, jusqu’à ne plus rien voir du tout, jusqu’à retenir les larmes qui t’envahissent, qui finalement font tomber les dernières barrières, les quelques barrages encore debout, se vident sur ton visage, une main sur ta bouche pour préserver le silence. Le corps secoué de sanglot, la respiration haletant tu ne sais pas pendant combien de temps tu restes la à pleurer, assez longtemps pour que tes yeux te piquent, pour que ta tête te fasse mal et que tu trouves, enfin le repos. Juste quelques heures, le soleil vient à peine de se lever quand tu te réveilles, la gueule en vrac et le cœur douloureux. La ville est encore calme, l’appartement aussi, tu te faufiles dans la salle de bain, te prépare rapidement avant de quitter le foyer familial sans même attendre que maman soit réveillée. Tu ne préfères pas la voir ce matin, tu ne veux pas qu’elle voie tes yeux rougis, les cernes qui entourent tes yeux et ta mine affreuse. Il pleut dehors, une vraie journée d’hiver ou tout est froid, ou tout est gris, ou t’a l’impression que plus rien ne vit. Les magasins sont encore tous fermé, les quelques passants déjà trop bien pressés, pour attraper un train, un métro, aller travailler ou qu’importe, ils courent tous sans même te voir, tu te fais bousculer, tu jures dans un espagnol parfait. Hijo de puta. Retrouve tes esprits au coin de la rue, le café à emporter, le métro, les stations qui défilent jusqu’à l’hôpital le plus proche. Tu connais l’endroit, trop surement, pour y venir tous les jours depuis une dizaine de jours. Tu les observes tous, comme à chaque fois, espérant le voir enfin, le croiser. Tu l’imagines avec une barbe de quelques jours, mal rasé, pas coiffé, des vêtements en mauvais état peut-être mais bien vivant, blessé ou sur ses deux jambes, tu les scrutes un moment. Il y a un vieux monsieur, une barbe blanche, un teint typé comme le tien, il attend en parlant tout seul, à coté de cette femme et de son enfant endormis dans les bras, du couple un peu plus loin qui ricane discrètement. Mais pas l’ombre d’un frère, pas l’ombre d’un Rico ou une silhouette qui pourrait lui ressembler. T’approche du bureau au centre de la pièce, l’accueil et la femme derrière qui soupire déjà. « Madame on vous a déjà… », elle t'a reconnu, évidemment, elle a ce regard de pitié sur toi, et tu détestes ça. Tu lui coupe la parole. « Est-ce que vous avez enregistré un patient au nom de Ricardo Cruz-Cordoba », tu parles distinctement, appuie sur la demande, alors qu’elle ne bouge pas d’un pouce, qu’elle t’observe en secouant la tête. « Madame je vous ai dit que l’ont ne vous appellerez si jamais on admette un patient avec cette identité et... », elle ne comprend pas, elle ne comprend pas l’angoisse qui est né en toi il y a de ça presque vingt jours. Elle ne comprend pas non, et tu t’énerves, tape de ton petit poing sur le dessus du bureau. « Je vous demande de vérifier ! », peut-être qu’elle n’aura rien, aucune réponse à te donner non plus, peut-être qu’il n’est simplement pas là, peut-être a-t-il donner un autre nom, et si au fond, c’était lui qui ne voulait pas être retrouvé ?
Sujet: Re: dix huit jours (libre) Dim 28 Avr - 20:25
Ça te rend dingue de ne pas savoir. la vérité c’est que ça te fait complètement dérailler d’imaginer les pires scénarios sans jamais en voir un seul se réaliser. Tu veux savoir. Savoir où il est, savoir qu’il va bien, ou dans le pire des cas, savoir ce qui lui est arrivé, le venger. C’est surement ça le pire, de ne pas savoir, s’il faut continuer d’espérer, continuer de chercher ou bien tout arrêter, se faire une raison. Jamais. L’esprit veut pas, le cœur encore moins. Ne pas abandonner, pas avant de savoir où il est, pas avant de le trouver, pas avant de connaître la vérité. Et tu’es prête à tout Tony pour savoir, vraiment tout, retourner le monde entier s’il le faut, retourner tout new york, fouiller les moindres recoins, te mettre en danger. Ou même harceler cette pauvre femme qui te regarde comme si t’étais un allumé. elle perd patience elle aussi. Peut-être, surement, parce que t’es là tous les matins, parce qu’elle en a marre de voir ta gueule de désespérer et d’entendre toujours la même question. Est-ce qu'il est là ? Est-ce qu'il a été admis pendant la nuit ? Rien de tout ça, elle ne prend même plus la peine de pianoter sur son ordinateur, ne prend plus la peine de vérifier. Tu perds patience, insiste, le poing qui cogne le bureau, la colère au bout des doigts, et puis la voix, inconnu qui s’interpose. Ça te fait tourner la tête violemment, posé un regard noir sur celle qui se ramène dans la conversion, te dit que ça sert à rien d’insister, que tu perds ton temps, que de toute façon et par évidence, elle ne te donnera aucune réponse. Tu la contemples rapidement, coup d’oeil sur ses cheveux noirs, sur son teint pale, tes sourcils se froncent. “T’es qui toi ? On s 'connait ?”, t’a oublié d’être aimables, polis, oublié les bonnes manières que p'pa et m'man ont essayé de t’apprendre. Tu’es direct, sans filtre, tu n'as pas de temps à perdre non, pas de temps à perdre avec une fille comme elle, qui, tu ne sais pour quelles raisons, croit bon d’intervenir. Ça t’aide pas ce qu’elle fait, ça fait que remuer la merde dans ton coeur, te donne envie d’exploser. Pourtant elle n'a pas totalement tort, c’est vrai que tu perds ton temps, c’est vrai que ça ne donnera rien de s’énerver sur cette pauvre fille qui bosse là derrière son bureau surement depuis des heures. C'est pas sa faute à elle si ton frère s’est barré, s’il s’est volatilisé sans même vous prévenir, sans même te le dire à toi. Qu’est-ce qu'elle peut bien y faire ? Sans revenir à la raison tu l’observes de haut en bas, “casse-toi”, t’aime pas ces filles-là, qui pensent tout savoir, tout connaitre, qui pensent avoir le droit de te donner des leçons, de savoir mieux que toi ce dont tu as besoin. Et puis merde ! C’est qui cette fille au juste ?