Broken-hearted girl. (Owen)

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broken-hearted girl.

Enfin chez elle. Après des semaines de recherches intensives, après trois mois entiers passés dans un hôtel, la voilà enfin dans son propre chez-soi. Elle a mis longtemps avant de se lancer, Cassey. Le fait de se retrouver dans une situation aussi précaire, aussi incertaine, entre Los Angeles et New York. Le fait, aussi, de devoir accepter de vivre dans un appartement sans sa fille. Il y a eu beaucoup de choses qui l’ont incitée à repousser ce moment à plus tard, encore et encore. Mais elle a fini par trouver un appartement qui lui correspond à merveille. Un appartement qui plaît aussi à Arya, ce qui lui semble plus qu’important. Elle espère bien un jour pouvoir habiter à nouveau avec son bébé. Mais, en attendant, elle est décidée à donner à cet endroit tout d’un véritable cocon. C’est ce qu’elle a fait ces derniers jours. Délaissant l’avancement de sa boutique durant quelques temps, la jeune femme a pris soin de meubler et décorer l’appartement à son goût. Et, ce soir, c’est la première soirée où elle peut se poser sans plus rien à faire. Elle regrette simplement de la passer toute seule. Enfin assise sur le canapé, toujours vêtue de son jean slim ainsi que d’un petit débardeur, un verre de vin rouge à la main, elle pense à Arya, instinctivement. Elle se dit qu’elle devrait peut-être l’appeler, lui proposer de venir voir l’appartement maintenant que tout est aménagé. Mais elle voudrait bien, pour une fois, la voir faire le premier pas vers elle. Si elle lui court constamment après, elle ne lui laissera jamais l’occasion de s’approcher elle-même. Perdue dans ses pensées, la jeune antiquaire en sort subitement lorsqu’elle entend des bruits dans le couloir, juste devant sa porte. Elle n’est pas du genre à s’offusquer de quelques nuisances sonores, encore moins un samedi soir. Mais elle n’a pas l’impression qu’il s’agisse de fêtards, ni rien dans le genre. Elle entend surtout des mouvements sourds. Quelque peu intriguée, curieuse comme elle est, Cassey finit par quitter son salon pour aller ouvrir la porte d’entrée. Elle se retrouve face à une équipe d’intervention… Des pompiers. Elle ne voit aucun feu, mais pas mal de fumée qui sort de l’appartement de son voisin. Si elle est tombée sur un maladroit, en plus, elle n’est pas sortie de l’auberge. Elle hésite quelques secondes mais l’un des pompiers, à l’écart, ne semble pas franchement occupé. Elle s’approche de lui sans trop attendre. – Excusez-moi. Qu’est-ce qui se passe ? Se tournant vers elle, le jeune pompier la contemple un instant comme surpris avant de lui adresser un léger sourire. – Il y a eu un début d’incendie chez votre voisin. Mais ne vous inquiétez pas, mad’moiselle, on maîtrise la situation. Hum, les autres peut-être, lui pas tellement. Toutefois il commence à lui raconter ce qui s’est produit et, naturellement, la jolie blonde entame la conversation avec lui. C’est sans compter sur la présence d’un homme, pas si loin. Un homme qu’elle ne reconnait pas, parce qu’elle ne le voit pas encore. Un fantôme du passé qu’elle aurait certainement voulu ne jamais revoir.

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Elle est là, insouciante, sans imaginer une seule seconde ce qui l’attend. Elle est même à mille lieues de penser qu’elle pourrait tomber sur lui. Lui, la dernière personne qu’elle voudrait voir au monde. Lui, la personne qu’elle haït sûrement le plus au monde. Le seul, même, qu’elle haït, elle qui n’a pas l’habitude de détester qui que ce soit. Mais il y fait bien exception, Owen. Il a toujours été son exception. Elle est là, presque en train de flirter avec le pompier pas si inquiet de l’incendie qui s’est déclenché. Jusqu’à ce qu’elle entende cette voix. Elle sent un drôle de frisson la parcourir, comme si son corps anticipait ce que son cerveau refuse de croire. Mais c’est bien son prénom qui est prononcé. C’est bien à elle qu’il est en train de s’adresser. Owen... Owen. Elle le regarde, de grands yeux interloqués, l’air de se demander si elle est en train de rêver. - Dites-moi que je rêve ? Mais ce serait plutôt un cauchemar. Le pire cauchemar qu’elle aurait pu croire. Elle se retrouve face au premier homme qu’elle a aimé, au seul homme qu’elle a aimé. Après lui, elle a bloqué son cœur, Cassey. Après lui, elle est devenue une autre. Il ne peut même pas imaginer tout le mal qu’il lui a fait. À lui, à leur fille. Et, à cette pensée, le choc de le retrouver laisse place à la colère. La rancoeur. La haine. - Toi, il est hors de question que je te suive nulle part. Il débarque, vingt ans après l’avoir littéralement abandonnée, et il pense sérieusement qu’elle va le suivre ? Il pense sérieusement avoir une quelconque autorité sur elle ? Elle ? Il a oublié combien elle est indomptable, Cassey. Et pourtant, il était le seul qui y arrivait, lui... Mais cela, elle n’y pense pas. Elle refuse d’y penser. Le pompier qui se retrouve entre eux ne sait plus où se mettre, il doit se douter qu’il s’est passé quelque chose entre ces deux-là, dans une autre vie. Il essaie d’apaiser la situation sans se mettre son collègue, ou la demoiselle, à dos. - Le feu a l’air d’être maîtrisé Owen, ça devrait aller, non ? Oui ou non, elle s’en fiche. Elle refuserait n’importe quoi provenant de cet homme.

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C’est une vague violente d’émotions qui la submergent en quelques fractions de secondes. C’est toute la rancœur, toute la haine, tout le ressentiment qui est enfoui dans son cœur depuis vingt ans qui ressurgissent brutalement. Trop brutalement. Mais elle le déteste à la hauteur qu’elle l’a aimé, Owen. Passionnément. Fougueusement. Fatalement. Tous ces sentiments repoussés au plus loin de son esprit qui reviennent la frapper de plein fouet alors qu’elle est si loin de s’y attendre. Si loin de s’y être préparée. Elle ne l’a jamais oublié mais, non, elle n’imaginait pas le revoir ce soir. Ni ce soir ni jamais. Toutes ces émotions qui la chamboulent ne laissent plus place qu’à la colère. Elle peut être un ange quand elle veut, Cassey. Mais elle est aussi une véritable bombe à retardements. Et quand elle l’entend exiger quelque chose d’elle, son cerveau ne réfléchit pas. Il ne fait que son travail pourtant, son travail de pompier apparemment. Mais, voilà, elle n’en a absolument rien à faire. S’il est agacé par l’insolence dont elle fait preuve, c’est l’arrogance du jeune homme qui vient la piquer un peu plus. – Je viens de te dire que non ! Tu ne me dis pas ce que je dois faire Owen ! Owen. Le prénom sort tellement facilement de sa bouche. Tellement instinctivement. Alors que cela fait vingt ans qu’elle n’arrive plus à le prononcer, vingt ans que même en parlant de lui, elle prend soin de ne jamais dire son nom. Au fond, derrière la colère et l’impertinence de la trop caractérielle Cassey, se cache surtout la souffrance dont elle n’a jamais réussi à se libérer. Une souffrance qu’il ne fait qu’exacerber par cette présence. Elle en oublie totalement la présence de l’autre homme, Taylor, qui tente tant bien que mal de calmer le jeu. Il se prend une décharge comme elle les connaît de son ex qui fait lever les yeux au ciel de la demoiselle. – Tu donnes peut-être des ordres à qui tu veux, mais sûrement pas à moi. Sans prendre la peine d’attendre sa réponse, elle fausse compagnie aux deux hommes pour retourner à son appartement. Le pompier novice jette un regard désolé, un peu perdu aussi à Owen alors qu’elle claque la porte violemment pour ne plus le voir. Une réaction stupide, inconsciente aussi certainement mais là tout de suite, elle s’en fiche. Elle préfère brûler à cause de cet incendie que le laisser, lui, créer une nouvelle implosion en elle.

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Elle ne veut aucune explication. Elle ne veut aucune excuse. Elle ne veut plus rien, absolument plus rien, de cet homme. Il est parti, vingt ans plus tôt, en lui arrachant son cœur au passage. Il est parti en la laissant seule avec leur enfant, le fruit de leur… Amour. Mais l’a-t-il seulement aimée, Owen ? A-t-il été sincère une seule seconde avec elle ? Non. Elle est convaincue que non. On n’abandonne pas la personne que l’on aime. Il n’est qu’un lâche, un égoïste, un putain d’égoïste qui n’a pas voulu s’embarrasser d’un gosse. Elle le déteste, Cassey. Elle le déteste de tout son être. Là où, adolescente, il avait réussi à faire ressortir le plus beau chez elle, il fait désormais ressortir le pire. Il a encore une telle emprise sur elle, au fond, il parvient à la sortir de ses gonds là où les autres n’y arrivent pas. Il la met en colère, seulement par sa présence, mais plus encore à chaque parole qu’il prononce. Il ose lui donner des ordres ? Il ose lui dire qu’elle fait sa tête de mule ? Mais, sérieusement ? Ce sont les mots suivants qui ne passent pas. Tu es toujours aussi bornée. Cette fois, elle lui jette un regard noir, tout le bleu a disparu de ses prunelles au profit de cette noirceur. – Je t’interdis de dire ça ! Tu ne me connais pas, c’est clair ? Tu ne me connais plus ! Elle ne supporte pas de l’entendre parler d’elle comme s’il reconnaissait celle qu’elle est… Et c’est peut-être le cas au fond. Elle a toujours été caractérielle, explosive. Mais elle refuse de l’entendre, elle refuse qu’il émette un quelconque avis sur elle, celle qu’elle était, ou celle qu’elle est aujourd’hui. Il en a perdu le droit. Il l’a perdue lorsqu’il l’a laissée tomber. Et sans perdre plus de temps, c’est elle qui tourne les talons cette fois. Elle rejoint son appartement, furieuse, elle claque la porte derrière elle, décidée à faire abstraction de sa présence. Elle en oublie l’incendie, elle est incapable de raisonner correctement. Pas quand elle est aussi en colère… Pas quand il s’agit de lui. À nouveau seule, protégée par cette porte, elle prend une profonde inspiration comme pour tenter de se calmer. Se ressaisir. Oublier qu’il est là, à quelques mètres derrière cette porte. Mais comment oublier ? Il n’est pas prêt de la lâcher. Elle entend avec quel vacarme il tape contre la porte. Elle l’entend la réprimander, comme une enfant, ce qu’elle déteste assurément. Elle ne prend pas la peine de répondre, elle se rapproche déjà pour verrouiller la porte à double tour mais il l’ouvre vite, trop vite. Elle n’a pas décoléré, c’est même pire encore alors qu’il évoque les différends qu’ils ont pu avoir. – Quelques différends ? Quelques différends ? Mais tu te fous de moi ou quoi ? lâche-t-elle, perdant peu à peu patience. Elle entend bien ce qu’il dit, elle refuse de le comprendre. Trop têtue, trop bornée… Trop blessée surtout. – Et alors ? T’en as rien à faire de toute manière ! Mais il ne lui laisse pas le temps de réagir. Subitement, elle décolle du sol, pour se retrouver en une fraction de seconde la tête à l’envers sur les épaules du pompier. – Mais ça ne va pas ?! Lâche-moi tout de suite ! Je ne veux pas que tu me touches ! Ses mots ne sont pas tendres, ses gestes non plus. Elle lui offre quelques coups au passage qu’il ne doit même pas sentir. Il la porte avec agilité comme un sac de plumes alors qu’elle essaie de s’échapper, en vain, de son emprise.

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Il a brisé son cœur, Owen. Il l’a brisé en des milliers de petits morceaux et, vingt ans plus tard, certains d’entre eux sont toujours introuvables. Elle a tenté de le réparer, elle a tenté de l’oublier avec d’autres hommes. Mais, au fond, elle n’a jamais su se libérer de cette souffrance. Au fond, elle n’a jamais su guérir de lui. Il est toujours là, dans un coin de son cœur, malgré tous ses efforts pour le haïr. Et elle le déteste, vraiment, elle le déteste comme elle n’a jamais détesté personne. Mais elle a surtout le cœur qui saigne de se dire qu’il est bien là, face à elle, son premier amour, son amour empoisonné. Elle sort de ses gonds, elle explose complètement, alors que lui paraît si calme. Stoïque, professionnel, beaucoup trop pour elle, il la blesse un peu plus de se montrer aussi indifférent alors qu’elle est tout sauf indifférente. Il la rend plus furieuse aussi. Elle n’est pas sûre d’avoir été aussi folle de rage une fois dans sa vie, Cassey. Et il pense en plus qu’elle va parler du passé avec lui ? Qu’elle pourrait boire un café avec lui ? Elle serait plutôt tentée de le lui renverser à la figure, son café. – Il est hors de question que… Elle n’a pas le temps de terminer sa phrase. Il vient de l’attraper pour la faire basculer sur son épaule. Bien évidemment, elle réagit tout de suite. Elle gesticule comme une diablesse, cherchant à tout prix à ce qu’il la libère mais il ne semble même pas sentir les coups qu’elle lui inflige. Elle le déteste, elle le déteste tellement. Elle déteste qu’il puisse la maîtriser d’un claquement de doigt, même si ce n’est que parce qu’il est bien plus fort qu’elle. Elle se sent, comme, sous son emprise. Cette idée lui est insupportable. Elle ne pense qu’à cela, faisant abstraction des voisins qui ne manquent pas une miette du spectacle dramatique que l’ancienne comédienne est en train de leur offrir. Voisins qui ne la connaissent même pas encore. Comme si elle avait besoin d’une chose pareille, Cassey. Mais elle s’en fiche bien à cet instant. Elle continue de lui crier de la lâcher jusqu’à ce que, enfin, il le fasse. Elle se retrouve assise sur ce brancard sur lequel il la dépose avec une délicatesse qui contraste totalement avec l’acharnement dont elle a fait preuve. – Tu peux toujours rêver. lui rétorque-t-elle, furieuse, puérile aussi certainement. Elle ne va certainement pas le remercier de quoi que ce soit, pas lui. Elle ne veut lui être redevable de rien. Alors qu’il s’en va enfin, la demoiselle se tait enfin. C’est là qu’elle réalise ce qui vient de se produire. C’est là qu’elle se rend compte qu’il est bien là, Owen. Docile, l’air absent, elle se laisse faire par l’ambulancier qui l’examine sans qu’elle ne soit vraiment à ses côtés. L’immeuble semble encore debout mais tous les pompiers ne sont pas encore sortis. Owen n’est pas encore sorti. Et elle ne peut pas s’empêcher d’attendre de l’apercevoir quitter les lieux, Cassey. Elle le haït, mais, peut-être pas au point de le voir mourir dans un incendie.