d'yeux que pour toi, gia

Les portes closes et pourtant, le club n’a jamais été aussi animé. Le gorille tient l’entrée, les mains jointes sous ses gants noirs, la gueule fermé. Pas vraiment commode. Il bouge peu, parle peu, agite seulement ses doigts quand les habitués se pointent devant l’entrée, les haleines alcoolisées qui ne comprennent pas vraiment ce qui se passe. « Soirée privé », c’est pourtant indiqué en gras, en large sur la porte derrière lui, pourtant il essaie de négocier, sans façon. Uniquement sur invitation qu’il précise le gorille, ouvrant la porte à intervalles irréguliers pour laisser entrer les quelques invités qui agite le carton sous son nez. L’air est plus chaud une fois que l’on a passé les portes, un doux cocon qui enveloppe et transporte, une chaleur agréable. Les corps sont serrés, bien qu’il y ait plus d’espace que lors d’une soirée classique, tous regroupé autour du bar, sur la piste, dans les quelques canapés ici et là. Une foule qui s’esclaffe, de temps en temps, d'autres qui remue, au rythme des sons, des basses qui donnent le rythme. Tu les observes, un moment, un verre de bourbon à la main, les yeux rivés sur le contrebas, le club qui s’étend devant toi. Tu ne sais même plus pourquoi t’as fait ça, pourquoi t’as accepté cette idée, celle de faire ce genre de soirée privée. « Pour célébrer ton retour », une tape dans le dos, voila tu te souviens. C’était son idée à lui, pas la tienne, pourtant tu’a dit oui. Parce qu’il le faut, parce que'au fond t’aime quand même l’idée qu’il soit tous là pour toi, ça satisfait ton ego de petit prince, et tu dois bien l’avouer, t’aime être au centre de l’attention. Pourtant c’est à l’écart que tu passes ta soirée, te cachant dans le bureau au-dessus du club pendant plusieurs heures. Il faudra que le stock de bourbon s’épuise pour que tu te décides enfin à descendre, rejoindre la foule de convives, les quelques personnes qui en profitent pour venir te voir, serrer des mains, rendre des faux sourires, une tape dans le dos, oui bien sûr que tu le rappelleras rapidement pour signer ce fameux contrat. Tu te faufiles, laissent tes yeux vagabonder sur les visages, ceux où tu reconnais, les autres, celle qui apparaît devant toi. Les yeux de biche et la gueule de poupée, les cheveux blonds, le regard perdu. Tu l’observes, un moment. Non. Tu l’admires plutôt. Parce qu’elle a le corps à faire damner un saint, jonché sur des talons de quinze, le cul que tu ne peux t’empêcher d’observer, le sourire carnassier qui pointe à tes lèvres. Tu t’avances, doucement, prédateur prêt à bondir sur la biche. Tu t’approches, encore un peu plus, jusqu’à murmurer à son oreille. « désolé mais… c’est une soirée privée », et pourtant t’es bien sur qu’elle ne figure pas sur la liste, qu’elle ne figure pas dans ta liste d’invités, tes amis les plus proches non plus. Alors qu’est ce quel fou là ? comment est-elle arrivée jusqu’à toi ? Envoyer des dieux ? Tu comprends très vite que Dieu n’a rien à voir le dedans quand il débarque, l’homme qui s’approche, une main déjà autour de sa taille, l’autre attrape la tienne pour te saluer. « Amos, je suis content de te revoir », tu hoches la tête, un sourire forcé sur tes lèvres, tu lui renvoies son compliment, une main sur l’épaule comme deux bons mais. Tu lui coupe la parole, avant qu’ils ne se mettent à échanger quelques banalités. « Dit moi… », tu te tournes vers elle, la dévore du regard, « t’es venu accompagné… », c’est une affirmation plus qu’une question, sans l’once d’un remords quand il s’agit de parler d’elle tout en l’ignorant.

y a les nuits qui chamboulent tout, les nuits qui s’imposent à toi. et t’étais pas prête, gia. on t’avait pas dit. pas dit que le club 33 serait l’endroit de ta perte. l’endroit où t’allait perdre pied. mais, là, t’as juste ta main accrochée au bras d’un gars. et ce type, qu’on se le dise, t’en as rien à faire. t’es juste avec lui pour te montrer. la malice dans les yeux, ton cul bien à sa place, l’égo qui décolle, t’étais venue sereine. il connait qui il faut. et ça te suffit pour combler ta satisfaction. t’es qu’une gamine intéressée. une capricieuse qui en veux toujours plus. tu t’accroches, aux bras les plus généreux. à ceux qui font mine d’ignorer ta réelle nature. tout ce qu’ils veulent, c’est de montrer ton cul, jonché sur des talons vertigineux. le tout non loin d’eux. parce qu’il fait mine que t’es à lui ce soir. et c’est peut-être le cas. mais ça ne durera pas ; parce que tu te lasse vite. t’es instable, toi, gia. tu ne t’accroches pas vraiment. parce que ton cœur est insatiable, insatisfait. mais tu sais, gia, elle ment. tout le temps. tu lui as d’ailleurs dit qu’il était très élégant, ce soir. mais en soi, qu’il le soit ou pas t’importe peu. tout ce que tu veux, c’est qu’il t’offre ce qu’il a de plus cher. ce qu’il y a de plus beau. tu repartiras pas les mains vide ce soir. parce qu’il t’a offert ce bracelet d’une célèbre joaillerie française qui entoure ton poignet. celui que tu voulais. tu as toujours ce que tu veux et a rengorge ta confiance. t’es seule, parce qu’il t’a laissée. il apprendra qu’il ne faut jamais laisser gia marlone loin de soi. elle s’accroche à quelqu’un d’autre en un coup d’œil. en un coup du destin. elle s’enivre rapidement ; dessaoule tout aussi vite.

y a des nuits qui renversent tout. des nuits noires qui t’éblouissent. tu le vois. similaire aux autres et pourtant ton œil ne voit que lui parmi la foule. il a quoi de plus ? a priori, rien. mais tes yeux le caressent déjà du regard. une pensée viscérale t’envahit lorsqu’il se rapproche.
tu sais, moi je mords.
t’es dans sa ligne de mire.
sa cible.
la biche qu’il veut dévorer.
consumer.
tu le devines. tu le sens. son parfum poivré envahit tes narines lorsqu’il se penche trop près de toi. ton oreille entend des tonalités graves et entêtantes. t’es pas sur la liste des invités. tu le sais bien. tu le sais toujours. et alors ?

tu n’as pas le temps de répondre qu’il arrive. on te l’avait dit. ne jamais la laisser seule, gia.
un aimant à mecs faciles. d’autres, prêts à tout tenter.

ils se serrent la main et ses yeux te transpercent. t’as le sourire aux bords des lèvres, avec cet air satisfait. t’as même pas eu besoin de parler pour t’affirmer. tu te mords la lèvre inférieure presque machinalement.
tu veux jouer, maintenant.
ils parlent de toi, comme si tu n’étais pas là. « t’es son amie », rien de plus. l’aveu est vrai. mais ça suffit déjà à figer son sourire carnassier. le roi est à toi. t’as gagné, sans vraiment commencer à jouer. ce gars, ça à l’air d’être le maître de ces lieux et ça t’as pas échappé. le téléphone de ton ami sonne. il s’éloigne, captant mal. jusqu’à ne plus vraiment le distinguer.
il te laisse seule, avec lui.
une erreur de plus.
une erreur de trop.

tu meures d’envie de m’offrir un verre. et je boirais bien une vodka.
en fait, j’boirais bien tes mots. jusqu’à plus soif.
si tu m’offres un verre, t’es fichu.
tu sais, si tu acceptes, tu entres dans mon jeu.
tu sais, si tu acceptes, c’est comme si t’avais déjà perdu.

La posséder. L'idée absolue et entêtante, qui prend place dans ton esprit, dans ton cerveau, envahis tout ce qui te reste de lucidité. L’avoir, que pour toi, qu’elle t’appartienne, attaché, enchaîné, a ta disposition. Gamin capricieux devant une vitrine bien trop alléchante, qui aimerait s’offrir la dernière barbie aux cheveux blonds, prêt à faire un caprice pour qu’on exauce ses vœux. Tu l’observes, de loin d’abord, sans manquer chaque recoin de son corps, les courbes divines moulé dans une robe près du corps, des jambes interminables jonchées sur des talons, une chevelure de blés sur les épaules. Puis tu t’approches, loup dans la bergerie, susurre à son oreille, quelques mots qui demandent une explication, ce qu’elle fait là, pour commencer. Une réponse qui ne tarde pas à arriver, l’ami qui vous rejoint, te serre la main. Tu comprends mieux. Tu comprends tout. Un peu déçue qu’elle ne soit pas seule. Et qu’est-ce que ça change ? Rien du tout, tu le sais bien Amos, tu le sais que ça ne change rien. Elle pourrait être marié, enchaîné, que ça ne changerait rien, que tu voudrais la posséder quand même.

T’échange quelques banalités, sans jamais la lâcher complètement des yeux, sans jamais la perdre de vue. Toujours en ligne de mire, pour sauter à tout moment, attaquer. Le lion sur l’antilope au milieu de la jungle urbaine. Tu poses la question, tu veux savoir, s’ils sont ensemble, s’ils se connaissent depuis longtemps, si elle se déshabille pour lui, s’offre à lui. Non. Elle est vite qualifiée d’ami, et ton sourire carnassier s’agrandit un peu. L’autre s’éloigne, son téléphone dans la main, un pas pressé, vous laissant seul. Tu pourrais l’inviter, à boire un verre, vous éloignez, montez dans ton bureau, rentrez chez toi. Tu pourrais l’inviter à parcourir le monde, l’emmener voir Paris, Rome et Athènes, peut-être même l’inviter au mariage de ton frère. Ce serait une bonne idée. Mais c’est elle qui fait le premier pas, te ramène à toi quand elle réclame à boire. Elle a l’audace de croire que tu aimerais l’inviter –et c’est vrai-, te dit qu’elle boit de la vodka –tu détestes ça-. Tu arques un sourcil, silencieux, lève une main, claque des doigts à l’intention du premier serveur qui passe par là, s’approche, se penche vers toi. Tu demandes à l’oreille, qu’on vous apporte une bouteille de Dom Pérignon, attend qu’il s’éloigne avant de t’approcher d’elle. Tu effleures son bras, des doigts à quelques centimètres de son épiderme, ta main qui finalement trouve sa place au bas de son dos dans une caresse chaste, l’invite à passer devant toi, les quelques pas qui te donnent l’eau à la bouche quand vous rejoignez le carré VIP un peu plus loin.

Tu sais déjà qu’elle t’appartient un peu Amos, tu sais déjà qu’elle sera à toi, convaincue d’avoir tendu des filets dans son sillage. Il apparaît comme par magie la bouteille que l’on ouvre devant vous, deux coupes que l’ont remplis, un remerciement d’un signe de main. La coupe entre les doigts, les yeux qui retrouvent les siens, regard dans le regard, le même sourire toujours accroché aux lèvres. Tu lèves ta coupe vers elle, « à la belle inconnue… », dont tu ignores toujours le prénom…

il te pense biche, mais tu es lionne. il ignore tout de toi, ce gars. de tes vices à tes quelques qualités. la vodka. ce vice à la gia. tu trompes l’adversaires. bien sûr que tu préfères le champagne. mais il est encore meilleur lorsqu’il est offert de cette manière. pour lui, t’as pas des goûts de luxe. juste une vodka, alors que t’aurait pu réclamer plus. mieux. plus cher. et lui il marche pas, il court. il te sort le grand jeu. don pérignon. intérieurement, tu jubiles. c’était trop facile. sa main s’approche, ses doigts t’effleurent, sa main se loge finalement au creux de tes reins. et tu passes devant lui. tu sais qu’il a le regard qui s’abbaisse. qui s’affaisse. le regard qui doit épouser les courbes de ton dos et de ta ligne de rein. tu sais qu’il te matte. qu’il ne s’en prive pas.

vous arrivez en carré vip. il lève sa coupe de champagne après t’avoir tendu la tienne. il trinque. à toi. à cette inconnue à qui il offre un verre. ton verre à flute tinte sur le sien.

« bela » tu mens et c'est tout ce que tu diras. quatre lettres. un faux prénom. un début d’identité. c’est mystérieux mais t’en diras pas plus. pour lui, tu seras bela.
« et toi... t’es qui, ici ? » en dehors du mec le plus sexy de cet endroit. tu l’as vu donner des ordres. mais tu veux son nom, au passage. savoir qui il est ici. son rôle. qu’il ait du business, ça t’intéresse. aurais-tu pêché un gros poisson ? t’espère que ton instinct ne te trompes pas.
« dis-moi. t’as déjà fait l’coup du champagne à combien filles avant moi ?  »
ouai, dis-moi, combien de filles ce sont déjà assises là.
combien de filles tu embobines, avec ce regard-là.
t'as pas envie d'être celle de plus.
d'être un numéro supplémentaire.
mais moi, j'serai pas de toutes celles-là.
crois-moi.

« Bela », ça résonne comme un doux murmure à tes oreilles, la promesse d’un souffle contre ta peau, d’une nuit entre ses reins, de son âme capturer pour qu’elle t’appartienne. Ça lui va bien, c’est beau, ça te suffira. Puis de toute façon t’a l’intuition qu’elle t’en dira pas plus. Un tintement de verres alors que les bulles s’agite, que tes lèvres y trempent doucement pour en récolter quelques gorgés. Elle renvoie la question presque aussitôt, aimerais savoir qui tu es ici. Qui tu es Amos ? T’affiche un sourire satisfait au coin des lèvres, tu n'as jamais eu honte de ce que tu étais, jamais honte de ton nom ou de ta famille. Tu n'as pas honte non plus de posséder ce que tu possèdes, tu’as juste l’intention de rester vagues sur les raisons de ton succès. Tu te redresses un peu, pose la coupe en face de toi, avant de planter à nouveau ton regard dans le sien. « J'suis le roi ici ma belle », un rire taquin, tu observes un peu le club autour de toi, les invités toujours là, ceux que tu ne reconnais même pas, ceux que tu ne connais pas non plus. Tu sais qu’ils sont là pour toi, pour parader dans le haut du panier, le gratin du Queens et pouvoir raconter à quel point la soirée était bonne. Ils ne sont pas là pour toi, pas vraiment, tu n'es pas dupe, tu ne l’as jamais été. Ton oncle te le répétait assez. Et elle ? Est-ce qu’elle est là pour les mêmes raisons ? Est-ce qu’elle s'intéresse à toi pour les mêmes raisons ? La question t’effleure, est vite renvoyer dans les méandres de ton esprit. Tu reposes ton regard sur elle, retrouve ton sérieux. « J'm'appelle Amos, je suis le propriétaire », tu te penches un peu en avant, attrape la coupe de champagne pour la faire danser devant tes lèvres.

Tu ricanes à la question qu’elle ose poser. Combien de filles ? Beaucoup trop. Combien compte ? Vraiment pas assez. Tu fais mine de compter sur tes doigts. « Hmm… », agite tes phalanges, t’arrête un moment pour poser tes yeux sur elle. « tout un tas ! », un sourire étire tes pulpeuses, tu reposes la coupe de champagne presque vide, « mais je leur offre rarement du si bon champagne... », tu glisses un regard langoureux dans le sien, une main qui s’approche de son épaule sans jamais vraiment la toucher. « Parce qu’elles sont rarement aussi belles que toi… », charmeur, tu joues, voudraient connaitre ses limites.