cocktail molotov ☾ sarai

traits de caractère / Sarai putain t'es belle. Mais Sarai putain, qu'est-ce que t'es chiante. Tu manges de la pierre pour mieux lapider les autres, tu croques la roche à pleine dents sans avoir peur de t'en briser. Incassable. Indomptable. Dézinguée, c'est du nectar de rage qui coule en elle, ça pulse à n'en plus finir, ça fait éclater si fort ses tripes qu'elle le ressort en vociférations éternelles, en poings sur la table ou contre la peau. Elle sait bien danser la violence, virtuose des tempêtes. à fleur de peau, elle n'est qu'une fleur du mal aux pétales arrachés, pleurant ce qu'elle n'a pas dans l'immédiat en grognant, l'impatience incarnée, grignotant le temps avec l'insouciance d'une gamine. Sarai elle avait le plus beau des sourires du club, le rire d'une sirène qui jurait si fort avec ceux plus rauques et éraillés des hommes qui l'entouraient. ça s'est éteint pour n'être plus qu'un souvenir qu'on a l'impression d'effleurer parfois. ça s'est flétrit avec la peau de sa cuisse abîmée. Sarai elle est amère, elle se déglingue sans savoir comment on se reconstruit. Sarai elle était l'aube puis elle est devenue crépuscule. Sarai elle avait envie de tout, de conquêtes et de batailles sanglantes, pourchassant la liberté sur sa Harley aux ronronnements prometteurs. Sarai tu mords toutes les mains tendues. Sarai tu t'entends chialer à l'intérieur. Sarai tu supportes plus de marcher avec l'impression d'être ligotée à un boulet. Sarai t'es faite en plastique, tu te sens bien tomber, prête à être avalée par les bas-fonds de ta tête cabossée. Sarai, t'essaies même plus de vivre, tu fais semblant et bordel, tu joues mal.

héritage
Papa t'es Hadès en personne, dieu des Enfers, le blanc de ta barbe éraflant mes joues de sale môme. Papa t'es le plus beau d'entre tous. Papa t'es plus qu'un monstre de l'au-delà quand tu limes la corne de tes poings contre le joli visage de maman. Papa t'es qu'une enflure, une raclure de la pire espèce. Papa tu m'donnes la gerbe à rire à tout va, avec tes glaires noires plein les bronches à force de t'enfiler des gitanes qui empestent l'air. Papa, putain, j'donnerais tout pour venger Maman. Papa même sur moi tu uses tes phalanges, même mes lèvres connaissent le goût rouillé du sang, même mon nez se souvient de l'os que tu lui as brisé. Papa, même maintenant, j'me souviens de tes mots, de tes grognements qui disaient que j'devais me tenir comme un homme, avoir des couilles, plus de couilles que tous les hommes du monde. Papa, tu m'as pas aimé, pas vrai ? Papa, tu me diras jamais je t'aime, pas avec tes yeux cachés sous les glaces brillantes de tes lunettes me renvoyant juste ma gueule de pétasse brisée. Papa, t'as le crâne en bouillie, le trou de la mort collé au front, Papa t'es tellement pâle, inerte sous mes yeux, les paupières closes pour ne plus voir que le Paradis qu'Hadès veut bien t'offrir. T'y as rejoint les catacombes j'espère, les mêmes que Maman rêve de rencontrer. Elle continue d'hurler ton nom, tu sais. Elle continue de jouer à la tarée, à s'arracher les cheveux en dégueulant ton nom, en le recrachant sur les murs blancs de sa cellule immaculée, elle t'appelle comme un atteint de Stockholm réclamerait son bourreau. Papa, t'as laissé l'or trop lourd de ta couronne derrière toi, la méfiance jamais vraiment achevée, la décadence d'un club de vieux paumés montrant leurs dents et leurs lèvres bavant la rage devant ma face pour deux paires de seins au pouvoir. Papa, t'as tout laissé derrière toi, l'empreinte de tes pas sur l'Enfer terrestre, des cadavres par centaines, des montagnes de batailles inachevées, un trône sur lequel j'suis posée et où j'me sens parfois pas à ma place. Papa, t'as jamais rien fait que de faire naître une condamnée à mort. Papa, tu m'as offert à la réalité mortelle comme on jette un prisonnier derrière les barreaux. Papa, je te hais aussi fort que je t'aime.

carnage
Parfois, la douleur gronde comme une brûlure acerbe, remonte comme un hurlement suraigu le long des vaisseaux pour venir éclater à la surface. C'est le fantôme de ses maux qui revient souvent la hanter, agrippant sa cuisse mutilée à pleine main, s'enfonçant si fort dans les chairs qu'il lui est parfois impossible de marcher sans aide. Sarai n'était que beaux sourires et rires alcoolisés cette nuit-là, son bras toujours raccroché à celui qui partage tous ses crimes et ses plus affreux secrets, le miel de ses yeux lorgnant les siens avec toujours trop d'admiration, si faible devant le noir furieux de ses opales. Des grammes et des grammes de whisky noyant le sang dans ses veines, Sarai elle tanguait dans la station-essence, entendant vrombir à travers la vitre les harley toujours allumées, clés sur le contact, confiance exacerbée, sans limite. Ils sont intouchables. Clope aux lèvres, elle se souvient encore des yeux écarquillés de la vendeuse encore derrière sa caisse, sa blondeur innocente, sa pâleur face aux têtes de morts ornant le dos de leurs vestes en cuir usé. Sarai a sourit, elle a même tenté de lui arracher quelques mots, appuyée contre le comptoir. En vain. Trop impressionnée. Un peu par elle, beaucoup par les colosses de pierre qui tournoyaient dans la supérette. C'était calme. Une musique entraînante était recrachée par les hauts-parleurs au quatre coin de la pièce. Elle a rien vu venir Sarai. Le dérapage brutal de plusieurs bagnoles ont attirés son attention avant que le chaos se dessine sous ses yeux. Les armes ont rapidement chantées leurs mélodies préférées. Jolie sylphide aux cheveux d'or est tombée sous ses yeux, le corps décoré de cavités purpurines lâchant leur liquide épais. Sarai n'a pas pris le temps de vérifier son état, arme déjà au poing tout droit sortie de sa cachette. Les hurlements sont diffus, grognant de par et d'autres, hurlant des ordres mal entendus. Les corps tombés les uns après les autres emportant avec eux des bouts d'elle, des souvenirs plein le crâne. Il n'y avait que son souffle parfumé à l'alcool, ses yeux cherchant toujours le même dans les lieux devenus cimetières. Moment trop long d'égarement fatal. Son corps à découvert, la première balle touche la cuisse, explose les muscles et se loge dans le fémur. Parfois ses propres hurlements reviennent la hanter dans les nuits les plus sombres. à terre, elle s'est vue crever, la respiration arrachée par la torture cinglant son corps. Elle n'a même pas sentie la seconde balle venue mordre la chair tendre de son bras, traversante, moins fatale que l'autre. Que les néons aux lumières épuisés pour dernier ciel, elle a appelé l'air qui ne venait pas, lèvres entrouvertes sur du vide, rampant sur le carrelage dégueulassé, croisant des regards embrumés, les âmes des défunts déjà noyées dans les rives du Styx. Pas de larmes, pas de cris déchirants, simplement le silence brisé par les balles continuant de pleuvoir jusqu'à ce qu'elle soit soulevée de terre par des bras trop connus, le parfum rassurant d'un corps mille fois aimé imbibant son nez, les pigments noirs d'un malaise piquant trop sa vision pour apercevoir ses traits. Le reste est un capharnaüm de mots durs, de tremblements, d'attente interminable, d'insultes crachées pour faire passer la douleur sur quelque chose, de lutte contre un sommeil éternel. Sarai ne s'est réveillée qu'entourée de murs grisâtres, de machines énormes bipant dans un rythme si régulier qu'elle a cru devenir folle, le corps ankylosé à l'agonie. Tu vas morfler Sarai. Vous vous en sortez très bien Sarai. T'as eu d'la chance Sarai. T'aurais pu crever Sarai, tu d'vrais être contente. T'es bonne à rien Sarai, ferme-la ta grande gueule. T'es plus digne de rien Sarai, pas même de nous avoir. Et les démons continuent à parler, à vociférer son prénom en litanie affolée, à infester son esprit de leurs gangrènes morales, dévorant peu à peu son soleil intérieur.

cataclysme
Les murs sont blancs, immaculés, de la pierre mélangée à un marbre puant une richesse immonde. C'est dans des dédales de couloirs qu'elle se perd, encerclée par des hommes vêtus d'un blanc virginal, l'un lorgnant ouvertement son cul quand l'autre est affublé du plus hypocrite des sourires. Sur leur chemin, quelques adeptes se replient sur leur passage, écarquillant les yeux face à son apparition assombrie dans le décor blanc des lieux. Elle jure, Sarai, avec son cuir trop grand sur les épaules, juste du noir pour habiller son corps, son pas irrégulier et sa jambe parfois traînante attirant la curiosité des femmes croisées. Sa langue frôle ses incisives pour retenir les insultes, la grignote pour ne pas exploser maintenant, pas face à l'ennemie scrutant le moindre de ses gestes, attendant le premier faux pas, le moindre trébuchement pour lui couper la tête. Face à une porte qui s'entrouvre Sarai est forcée de s'arrêter, l'un des adeptes lui intimant d'entrer. Sans merci, elle ne lui adresse qu'un regard charbonneux qui ne fait pas vaciller son affreux sourire, découvrant une pièce semblable à un royaume d'Olympe. Sans bien comprendre, elle scrute les lieux de son regard de chien méfiant, la moue contrariée, peu avenante, la moindre parcelle de sa peau à l'affût d'une attaque. C'est le bruit d'un claquement de mains qui la fait se détourner du trône aussi blanc que le reste au fond de la salle, simulacre d'empire juste fait pour impressionner. Ses yeux rencontrent un visage sibyllin, un sourire d'ange déchu et des yeux de damnés. Juda a tout d'un saint mais les pointes de son sourire sont si acérés qu'elle n'est pas dupé par la beauté vantée par celle qu'ils ont recueillis. "Sarai Barger en personne. Quel honneur." La courbette en sa faveur achève l'impression d'être entrée dans les décors d'une pièce de théâtre à laquelle elle refuse de prendre part et ce depuis le début. Sans sourire, elle l'observe, décryptant le moindre de ses gestes, de ses mains parfaitement limées à ses habites en lin du même putain de blanc qui les entourent. "Jolie baraque. T'as de quoi cacher une montagne de mailles avec tout ça, non ?" Juda relève enfin son corps tout en s'approchant, chacun de ses pas la faisant se raidir. J'ai l'envie sévère de t'arracher les tripes et d'en faire un collier pour tous ceux que tu fais morfler. "L'argent m'importe peu. C'est le Salut de Dieu que nous recherchons tous ici." Un premier éclat de rire lui échappe vite rattrapé par un autre qui résonne étrangement dans l'immense pièce au plafond inatteignable. Juda ne se vexe pas, l'observe autant qu'elle, sûrement prêt à mordre dès que le sujet de sa venue sera abordé. Son rire trop rauque finit par cesser pour ne laisser apparaître que la colère noire, collant depuis des mois à son âme déjà maudite, la voix éraillée, sonnant les cloches d'une séduction inconsciente. "Parlons de choses plus sérieuses, tu veux. T'as accepté que j'vienne dans ton antre pour une raison précise alors accouche, j'ai pas ton temps." Et sa jambe commence doucement à faire grincer les muscles, la sommant de la soulager. Mais elle ne faiblira pas, pas face à ceux qui ont fait qu'encore aujourd'hui, elle foule la Terre d'un pas erratique. Regarde tout ce que tu m'as fait. Tes murs blancs deviendront rouge de ton sang le jour où j'me vengerais. Tu ne sais pas à quel point tu es condamné. Juda ne se départit pas de son sourire trop sage pour être sincère, le bleu de ses yeux plongés dans l'ambre des siens "Tu sais bien ce que je veux Sarai." Elle a son visage en tête, ses sourires trop rares, ses prières continuelles envers un Dieu trop adulé, sa douceur d'enfant élevée loin du monde, son âme détruite qu'elle n'a jamais su apprivoiser. "Je sais, ouais." "Donne la nous." "Non." Le refus est brutal, froid, concis et coupe net le sourire de Juda qui se décide enfin à faire apparaître son immense contrariété. "Elle est à nous et ce n'est que plus dangereux pour vous de la garder auprès des tiens." "Tu parles d'elle comme d'un objet, ça va commencer à m'énerver." Elle grogne, fort, priant Hadès de lui laisser une chance de lui péter le nez au moins une fois, d'entendre chanter sa douleur intérieur, de faire résonner les échos de ses coups contre sa peau partout, partout, assez fort pour que tout le monde entende à quel point il est loin d'être l'Élu d'une quelconque entité. Juda s'approche et elle ne recule pas, démunie de ses flingues mais toujours armées de ses mains aux phalanges entraînées. "Je ne te laisse pas le choix. C'est une maudite qui doit rester plongée dans l'ombre. Ce n'est que pour son bien que nous voulons la récupérer. Elle nous est précieuse." Son sourire revient, plein de vices, écœurant Sarai qui n'entend plus que la rage de son cœur battre au fond de sa poitrine. "J'crois que t'as pas bien compris la première fois alors j'vais le répéter …" Leurs visages trop près l'une de l'autre, ne transpirant qu'un profond dégoût mutuel, elle recrache dans un souffle un "Non." qui fait serrer les dents à l'enculé lui faisant face. Elle la sent sa haine, entend la déchirure lente et tragique de son contrôle. T'es comme tout le monde Juda, tu exploses quand on te résiste, tu supportes pas que je remette en question ta volonté si sacrée. "C'est une guerre que tu es en train de lancer." La menace s'exfiltre de ses dents serrées, explose entre eux comme une grenade lancée à toute allure "Tu es prête pour ça ? Vraiment ?" Il est oublié le sourire plein d'artifice, la sérénité du corps plus qu'un amoncellement de muscles tendus sous le lin, son regard de fou furieux lorgnant sa face avec l'envie de la voir agoniser. Laisse moi d'abord t'achever. C'est à son tour de laisser miroiter son sourire d'enfant juvénile, éclairant son visage encore épargné par les flâneries du temps "Je vis pour la guerre Juda. Je vis pour voir ta sale gueule de cul exploser sous mon arme. ça t'va comme réponse ?" Il tremble à présent, de tout son être, jusqu'au noyau de son corps, enfant insatisfait "Parfaitement." qu'il recrache entre ses dents serrées et un instant elle cesse de respirer en le voyant remonter ses mains, peut-être pour l'étrangler, la faire crever entre ses murs, pour la secouer ou l'amener à la faire abdiquer mais il se rétracte, recule d'un pas, la sommant de dégager. "Avec plaisir." Et dans toute sa grâce, comme pour mieux le singer, elle s'incline, réussissant à ne pas vaciller sur sa jambe tiraillée par des maux fantômes. Elle ne titubera plus Sarai, ni devant lui, ni devant personne, même sous le poids immense des tonnes de cauchemars s'accumulant, pour toujours plus la noyer dans les eaux profondes d'un Styx appelant son âme.