Never give up. (Mara)

✩ I'll find my way, find my way home.

Debout, devant le département de médecine de l’université de New York, Cassey regarde les cheveux blonds de sa fille s’éloigner de plus en plus jusqu’à disparaître au détour de l’un des couloirs. Elle ne sait pas à quoi elle s’attendait. Elle ne sait pas ce qu’elle espérait. Enfin, si, elle sait. Elle avait l’espoir de passer un petit moment avec Arya. Elle lui manque tellement. Elle lui manque tous les jours. Mais sa fille n’était pas prête à la voir, pas aujourd’hui. Elle n’a pas été méchante avec elle. C’est peut-être pire en vérité. Elle a été complètement indifférente… Froide. Comme si elle était face à une vague connaissance qu’elle n’avait pas envie de croiser, non pas devant sa propre mère. Mais elle a été trop brutale. Arya a besoin de temps, elle le sait. Elle doit apprendre à l’accepter, elle doit surtout le comprendre au lieu de tenter en permanence de forcer les choses. Elle essaie de ne pas se laisser aller, Cassey. Ce n’est pas dans ses habitudes de laisser les émotions négatives l’envahir. Elle préfère autant les fuir. Elle décide de s’approcher devant un petit vendeur de café ambulant pour lui prendre un gobelet. Ce n’est pas le moment chaleureux et convivial qu’elle espérait retrouver avec sa fille, mais tant pis. – Gardez la monnaie ! dit-elle au vendeur, qui a sûrement encore plus besoin d’argent qu’elle étant donné son travail et, accessoirement, son statut d’étudiant. Elle fait volteface, peut-être un peu trop brutalement, parce qu’elle se retrouve à deux doigts de renverser son café sur quelqu’un. – Ouh là, on a évité la catastrophe de justesse ! déclare-t-elle avec un sourire en coin sur les lèvres. Seulement, rapidement, elle voit le visage morne, totalement éteint de la demoiselle qui lui fait face. Elle a le regard trouble, un peu comme si elle avait pleuré, ou qu’elle était sur le point de le faire. Elle se sent un peu idiote subitement, Cassey. – Oh, est-ce que ça va ? Qu’elle lui demande sans trop réfléchir. Sans besoin de réfléchir. Elle n’est peut-être pas la personne la plus altruiste et généreuse qui soit. Certainement pas. Mais elle ne peut pas rester indifférente devant une gamine qui a l’air complètement retournée, comme prête à fondre en larmes d’un instant à l’autre. Pourtant, elle ne la connaît absolument pas, cette fille. Et peut-être qu’elle va essuyer un rejet violent. Mais, son regard océan plongé dans celui de l’inconnue, la jeune antiquaire préfère attendre sa réponse, plutôt qu’imaginer tout et n’importe quoi. Peut-être qu’elle ne sera pas venue jusqu’ici pour rien en fin de compte.

✩ I'll find my way, find my way home.

Ce n’est pas un moment facile pour Cassey. Ce n’est pas un bon jour, pas une bonne période en fait. Sa vie oscille au bon gré de la volonté de sa fille, sans qu’elle ne puisse vraiment avoir une quelconque emprise sur leur relation. Elle se retrouve impuissante, devant simplement accepter les contradictions, les changements d’humeur, voire les retournements de situation avec celle qu’elle a mise au monde. Mais elle tente de ne rien laisser paraître, Cassey. Elle fait ce qu’elle fait toujours. Elle offre son joli sourire éclatant, celui qui ne laisserait pas entrevoir un seul instant le profond désarroi dans lequel elle est plongée à l’intérieur. Mais peut-être qu’elle ne sait pas si bien se contenir. Parce que, distraite par ses émotions trop prenantes, elle manque de renverser son café sur une étudiante qui passait par là. Heureusement pour elle, la Californienne parvient à la sauver in extremis de la boisson brûlante en reculant précipitamment son gobelet. Elle est presque fière d’elle pour le coup. Mais l’inconnue, elle, ne semble pas du tout impressionnée. C’est tout l’inverse alors qu’elle commence à l’incendier sous le regard surpris de Cassey. Elle arque les sourcils, presque stupéfaite qu’une gamine puisse se mettre en colère contre elle. Décidément, ce n’est pas son jour. Mais la jeune étudiante paraît subitement se calmer alors qu’elle se laisse tomber sur une chaise, un peu comme si elle portait tout le poids du monde sur ses épaules. Disons que c’est un jour sans aujourd’hui. Donc, elle avait raison. La jeune fille ne va pas bien. C’est sans doute pour cette raison qu’elle a failli lui faire un scandale pour un café même pas renversé. – Pas sans votre voix, apparemment. relève-t-elle du tac au tac, pas vraiment comme une attaque. Juste le constat qu’elle l’a plutôt agressée, tout de même. Mais elle garde un visage avenant, Cassey. Elle en a vu d’autres. Elle a élevé une adolescente, quand même. Puis, elle peut s’avérer impulsive et caractérielle, elle aussi, par moments. – Je croyais qu’à la fac, l’avantage était de pouvoir sécher les cours en cas de déprime. ajoute-t-elle finalement avec un faible sourire avant de s’éloigner du vendeur pour se rapprocher un peu plus de la table de l’inconnue. Elle porte son café à ses lèvres pour en boire une longue gorgée salvatrice. Elle hésite un peu à lui demander ce qui peut bien la rendre si malheureuse à vrai dire, car elle n’a pas l’habitude de proposer son oreille à toutes les âmes en peine sur son chemin. Si elle fuit ses propres tourments, ce n’est pas pour se laisser submerger par ceux des autres. Mais elle a quelque chose, cette fille. Elle ne saurait trop dire quoi mais c’est quelque chose de sombre. – Est-ce que je peux m’asseoir avec toi ? lui demande-t-elle en fin de compte, comme une discrète approche. Une main qu’elle lui tend sans la forcer pour autant à la saisir.

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Quand tout va mal, il y a deux sortes de réactions possibles pour la jolie blonde. Il y a ceux qui se laissent submerger par leurs souffrances, qui les laissent l’envahir. Que ce soit un mal nécessaire ou, au contraire, une torture qu’ils s’infligent à eux-mêmes. Puis, il y a ceux qui préfèrent en faire abstraction. Ceux qui veulent oublier, qui font comme s’ils oubliaient. Cassey, elle fait partie de la deuxième catégorie, indéniablement. Elle est malheureuse, elle est perdue, elle est dans une sale période assurément. Mais elle n’en montre rien, jamais. Elle refuse de laisser la vie lui ôter son sourire. C’est cette insouciance à toute épreuve qui fait sa force mais, aussi, sa plus grande faiblesse. Elle peut vite se laisser submerger dans les ennuis à force de les nier. Pour autant, c’est peut-être plus facile pour elle de supporter sa peine que pour ceux qui sont incapables de fermer les yeux dessus. Elle peut en avoir un aperçu en ce moment même. Car l’inconnue, elle, semble faire partie de l’autre catégorie. Une fraction de seconde a suffi pour que la jeune femme lui fasse entrevoir son mal-être. Et, quelques instants plus tard seulement pour qu’elle lui avoue avec des mots ce que Cassey avait décelé avec son attitude. Elle pourrait n’en avoir rien à faire. Elle pourrait simplement l’excuser et s’en aller. Rien ne l’oblige à rester dans cette université où, sans sa fille, sa présence n’a aucune légitimité. Mais ce n’est pas ce qu’elle fait, non. Au contraire, elle décide de s’asseoir en face d’elle, à cette table. Lui redonner le sourire ou, au moins, une compagnie dont elle semble manquer autant qu’elle. La jeune fille lui apprend que venir à la fac l’empêche justement de déprimer. – Ah oui ? Écouter un prof vous expliquer toutes les sortes de cancer qu’il peut exister, ça empêche vraiment de déprimer ? dit-elle avec une moue pas convaincue, avant d’esquisser un sourire amusé. Elle a une notion assez restreinte des cours de médecine. Elle a bien tenté de s’y intéresser, pour Arya, mais elle n’y comprend franchement rien. Elle essaie surtout de changer les idées de son interlocutrice dont la mine attristée fait peine à voir. Portant son gobelet à ses lèvres, elle boit une longue gorgée de son café alors que la jeune étudiante lui présente une nouvelle fois ses excuses. Elle se confie un peu plus à elle en lui avouant vivre une sale période. Et elle ne peut que la comprendre, Cassey. – C’est déjà oublié. À condition qu’on se tutoie, j’ai l’impression d’avoir cinquante ans là. affirme-t-elle d’une voix malicieuse. Mais elle a bien retenu les propos de la demoiselle. Elle semble souffrir. Un peu plus que pour une simple amourette qui a tourné court ou une mauvaise note. Un peu trop. – Tu veux en parler ? demande-t-elle spontanément, peut-être un peu trop abruptement, mais elle n’a pas l’habitude de tourner autour du pot. Peut-être aussi qu’elle l’intuition que se confier, c’est précisément ce dont l’inconnue a besoin à ce moment.

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Elle l’intrigue, cette jeune femme, elle semble envahie d’un mal-être évident. Mais, pour autant, les raisons de ce mal-être sont loin d’être faciles à déceler au premier regard. Peut-être l’apprendra-t-elle au détour de leur conversation, Cassey. Pour le moment, elle essaie surtout de détendre quelque peu l’atmosphère. Et, discrètement, elle essaie aussi de mieux cerner la jolie brune. Elle a du mal à comprendre comment aller en cours peut l’aider à aller mieux. Elle, ce qui l’aiderait, ce serait une bonne séance de shopping, ou bien sortir s’amuser, ou encore se perdre dans les bras d’un homme. Mais non, elle choisit les cours. Elle comprend mieux lorsqu’elle l’entend lui affirmer que se rendre à l’université l’aide à sortir de chez elle. – Oh d’accord… Peut-être que tu devrais aussi faire quelque chose qui te plaît après les cours. Simple conseil de la part d’une femme qui sait mieux que personne comment oublier ses idées noires. Voire, carrément, les nier. Elle adresse un faible sourire à l’inconnue lorsqu’elle s’excuse de la vouvoyer. Elle n’est pas surprise. Elle a l’habitude, Cassey, de sympathiser avec les amis de sa fille. Sans devenir elle-même leur amie non plus, pas à ce point. Mais elle a souvent écouté leurs déboires quand leurs propres parents ne parvenaient pas à le faire. C’est sans doute l’un des avantages d’avoir eu un enfant si jeune. C’est peut-être aussi pour cette raison que, d’emblée, elle a pris cette demoiselle sous son aile. Elle aurait pu simplement s’en aller après leur échange mais l’aider, tout du moins l’écouter, cela lui a semblé évident. Comme un réflexe, instinctif. Lorsqu’elle lui demande si elle veut lui parler, elle voit instantanément ses yeux commencer à briller, comme si elle allait craquer d’un moment à l’autre. Elle ne tarde d’ailleurs pas à lui demander si elles peuvent sortir prendre l’air. – Non, bien sûr. Elle se lève sans attendre. Son café toujours à la main, elle suit la jeune fille à l’extérieur. Elle lui offre quelques minutes de répit, pour se calmer, pour s’apaiser un peu. Elle sait combien il est difficile de parler de ses souffrances. Mais elle est capable d’être une oreille attentive, surtout pour un bout de femme aussi jeune, qui paraît déjà bien trop tourmentée. Peut-être qu’elle doit d’abord la mettre en confiance. Tenter de lui montrer qu’elle n’a pas à avoir peur de se confier, pas avec elle, pour mieux la laisser venir à son rythme. – Je m’appelle Cassey. Et toi ?

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Elle a l’air si las, l’inconnue. Las de son quotidien… Las de sa vie ? Elle ne sait pas, Cassey. Pas plus qu’elle ne sait la raison pour laquelle elle ressent un tel mal-être. Mais elle semble bien trop tourmentée pour qu’il s’agisse d’une mauvaise note ou quelque chose d’aussi anodin. Elle lui avoue même qu’elle se sentirait incapable de sortir de sa maison si ce n’était pas pour se forcer à se rendre en cours. Elle a connu des moments difficiles elle-même, Cassey. Mais jamais au point de se laisser submerger ainsi par la détresse. Peut-être qu’elle a de la chance parce qu’elle a sa fille, aussi, sa fille pour lui donner une raison de se lever chaque matin. Mais pas seulement. Même avec Arya loin d’elle en ce moment, profondément triste et seule, elle n’aurait pas pu se renfermer chez elle. Cela ne fait peut-être simplement pas partie de sa personnalité. Et peut-être qu’elle n’est pas la bonne personne pour comprendre la situation dans laquelle se trouve la jeune fille. Ou peut-être que, au contraire, elle peut l’éclairer un peu de ses conseils. De son propre regard sur la jeune fille. Celle-ci ne paraît pas contre l’idée d’écouter une inconnue puisqu’elle lui affirme qu’elle va songer à faire quelque chose qui lui plaît. Que ce soit du sport, de l’art, ou même de la jardinerie, tant qu’elle trouve ce qui lui ferait du bien, ce serait déjà un bon point pour elle. Pour le moment, elle a surtout besoin de parler. Elle le sent, Cassey, elle en a beaucoup sur le cœur. Beaucoup trop pour parvenir à le porter seule sur ses épaules. Pour la mettre en confiance, alors qu’elles commencent à se balader dans le domaine autour de l’université, la jolie blonde décide de se présenter. Elle adresse un joli sourire à son interlocutrice comme pour la remercier de son compliment. Elle a l’air si gentille, bien plus douce qu’elle ne l’a été au premier abord. Puis, elle entend enfin son prénom. Mara. C’est la première qu’elle rencontre, c’est un prénom plutôt original. Elle lui explique justement qu’elle a des origines espagnoles. – Oh l’Espagne, ça doit être génial. Ici, ça doit te paraître bien terne à côté. déclare-t-elle, plus par réflexion spontanée que pour tenter d’obtenir plus d’informations sur la jeune étudiante. Mais peut-être que ce n’est pas anodin, peut-être qu’elle a le mal du pays… Ou de sa famille ? Elle boit une gorgée de son café avant de reprendre finalement. – Ta famille habite en Espagne ou vous êtes tous ici ? lui demande-t-elle avec légèreté, toujours sur le ton de la conversation, mais cette fois désireuse de savoir comment elle vit exactement. Plus elle en saura sur elle, mieux elle sera capable de l’aider.