midnight (moïse)

Elle respire de travers Nine. Expiration difficile pour une inspiration laborieuse. Rien n'est simple quand les mots mortels se dézinguent en paroles tremblantes sous la langue. Elena, toujours elle, le nombril de son monde. Elena qui pourrie sous terre mais continue de murmurer à son oreille quand approche l'arrivée de la lune pour mieux éclairer sa face blême sous l'effroi des souvenirs qui reviennent. Les yeux niqués à la mélancolie et le corps possédé par l'éreintement. Le déséquilibre est brutal, assassin, tente toujours plus férocement de l'emporter aux ras du sol pour lui en faire bouffer les racines. Ce soir, la danseuse nocturne se désintègre au fil des mots déliés, tellement serrés au fond de la gorge que ça arrache quelque chose de les avouer. tu crois vraiment que ce serait possible ? Sensation d'une protection massive sous la force des doigts qui enserrent les siens, un haussement d'épaules pour seule réaction, incapable de donner plus après ça, d'ouvrir bien plus grand la bouche si ce n'est pour expier son dernier souffle tant l'épuisement est grand. Immense. Lourd pour ses épaules où mille fardeaux ont l'air de peser. ible ?[/color] qu'il demande, gardant sa main accrochée à la sienne. tu sais, les filles comme toi… enfin, j'veux dire, y'a pas beaucoup de blanches qui traînent dans les parages. pour ne pas dire aucune. L'envie de sourire sous la maladresse des mots, sous la gêne installée remplaçant la rage rauque et brutale qui sonnait un peu avant et qu'elle a détestée entendre. Mais les lèvres sont aussi lourdes que l'est son corps, aussi empoisonné de fatigue, cousues par des secrets pour mieux laisser prisonnier les sanglots qui résonnent dans son crâne. j'sais pas de quel genre était ta sœur, mais j'suis sûr qu'elle trainait pas dans nos affaires. Elle hoche la tête encore, Nine trop silencieuse, prisonnière de bourreaux invisible, seule et unique à en voir les armes qui la menace. J'vais tomber. J'vais tomber et j'suis pas sûre de me relever. Pourtant, elle ne succombe pas à la gravité quand il l'attire contre lui, la douceur offerte qui fait sonner la mélodie cardiaque sur un autre timbre. Les tambours s'emballent mais les paupières s'alourdissent d'une eau salée qu'elle refuse de laisser venir. Nine ne pleure pas. Il n'y avait que Nina pour chialer contre ses poings serrés. Que Nina pour faiblir. Des mensonges auxquels elle peine à croire ce soir. Il y a les battements d'un cœur sous son oreille, une berceuse aux accords torturés. j'suis désolé, pour ta sœur... j'sais pas ce que j'ferai si j'perdais la mienne. Elle sourcille un instant, ravale les questions qui viennent, peu l'envie d'être curieuse. Elle creusera plus tard, quand la lumière ce sera rallumée au fond des prunelles embrumées, que le cœur chantera moins sa mélancolie, que les lèvres trembleront moins sous l'effort de les garder fermées. j'vais t'aider ok ? Quelques pas en arrière, chaleur abandonnée qu'elle n'ose plus réclamer, redevenue la gosse sans attaches, sans figure de force à laquelle s'agripper. Tu resteras Moïse ? Tu resteras pour moi ? T'es pas obligée. qu'elle arrive à murmurer, détourne les yeux pour les poser ailleurs, fuyarde la nymphe, prête à s'envoler plus loin pour fuir la laide réalité. on va trouver ce qui lui est arrivée, j'vais demander à mes gars, j'vais voir avec d'shaun, marek. ils sont au courant de tout ce qui s'passe dans le queens, ils sauront. Cette fois, c'est elle qui s'avance, la pointe des pieds sur laquelle elle s'appuie brièvement pour mieux poser ses lèvres aux coins des siennes. Elle joue la chaste, la pudeur revêtue, l'ombre d'un sourire quand elle touche la terre ferme Merci. Pour tout ça. ça compte beaucoup pour moi. Et j'suis désolée de pas réussir à t'en dire plus, de ne pas réussir à me délivrer de cette poignée de fer qui me comprime les poumons et le cœur, d'être au bord d'une mort que j'ai tant appelée mais dont j'veux plus quand tu me regardes. Parce que ça me suffit. Parce que ça me suffit mais ça m'effraie. La main reprend la sienne, s'enserre, se coince sous les doigts engourdis. On rentre ? Parce que j'ai envie de faire un bout de chemin sans penser à rien, qu'on s'enfonce dans la nuit, sans rien dire de plus, en oubliant la violence qui nous habille, en oubliant qu'on contrôle rien et que tout nous échappe.

@moïse russel