can't be alone with all that's on my mind --/ peyton.

Seule chez elle cette après-midi, Peyton se concentre pour faire un peu de rangement. Il faut dire qu’elle a toujours été assez bordelique et que ces années qu’elle a passé à voyager n’ont rien arrangé à cette tare. Et puis, elle ne travaille pas aujourd’hui et elle doit avouer qu’elle n’a pas vraiment le cœur à faire quoi que ce soit d’autre, pas le cœur à sortir de chez elle. Pour cause ? Son cœur, justement. Il lui a joué des tours ce matin, de vilains tours, la fatiguant à tel point que la petite tête brune hyperactive qu’elle est d’ordinaire ne s’est pas senti capable de franchir le seuil de son appartement. Elle sent bien que son insuffisance cardiaque prend de plus en plus d’ampleur, Peyton. Et elle a aussi parfaitement conscience qu’elle doit en parler à sa grande sœur, qu’il est temps pour elle d’en parler à Isabella. D’une part parce qu’elles vivent ensemble, toutes les deux, et que la belle latina finira bien par se rendre compte que quelque chose ne va pas. Mais aussi parce qu’elle déteste avoir à lui mentir. Elle déteste avoir à lui cacher quoi que ce soit, elle n’a jamais su le faire. Mais si elle y parvient aujourd’hui, c’est uniquement pour son bien. Pour son bien à elle, et celui de son grand frère, Miles. Elle en est persuadée, apprendre qu’elle est malade les bouleverserait bien trop. Pas maintenant. Pas alors qu’ils se retrouvent à peine. Pas après avoir perdu leur mère et leur frère, lui aussi malade. Alors elle le garde pour elle. Elle prend sur elle. Mais c’est de plus en plus difficile. Elle sait qu’elle devrait écouter les conseils de Finn et en parler, pour ne pas avoir à affronter cela seule. Mais voilà, elle ne veut pas l’affronter, Peyton. Elle ne veut pas réaliser, elle ne veut pas réaliser qu’elle est malade. Elle préfère jouer l’imbécile jusqu’à ce que la vie la rattrape. Mais aujourd’hui, ce n’est pas la vie mais bien son passé qui s’apprête à la rattraper lorsqu’elle entend frapper à la porte de son appartement. La jolie brune n’attend personne, mais elle se dirige tout de même vers cette dernière pour l’ouvrir, et c’est alors qu’elle tombe face à un visage qu’elle ne connait que trop bien. - Oswin ! Un large sourire apparaît sur son visage, une étincelle venant raviver son regard, la surprise dans un coin de sa tête, la joie au fond de son cœur. Oswin. Elle ne l’a connu que très peu de temps, et pourtant, elle se souvient parfaitement de lui. En réalité, elle se souvient parfaitement de tous les visages avec qui elle a partagé une époque de sa vie, lorsqu’elle pouvait encore voyager. Cela peut paraître surprenant car elle n’est pas du genre à s’attacher, Peyton, mais c’est grâce à ses voyages qu’elle est devenue la femme qu’elle est aujourd’hui, alors elle n’en a rien oublier. - Je n’en reviens pas, c’est bien toi ! Elle s’approche de lui et s’insère dans les bras d’Oswin, l’espace de quelques secondes. Vraiment heureuse de le revoir. Lui, c’était en Angleterre. Ils ont partagé des moments intenses, tous les deux, et Peyton n’en a rien oublié. Etant même sortie à avec son colocataire, à l’époque, la jeune femme a passé beaucoup de temps chez lui.

Elle se serre dans les bras d’Oswin, et elle a encore du mal à réaliser qu’il est bien là, juste à côté d’elle. En réalité, il fait partie des personnes qu’elle ne pensait jamais revoir, et pourtant il est une preuve que la vie peut se montrer incroyablement surprenante. Ou du moins, que lui, il sait se montrer incroyablement surprenant. Après tout, s’il est là, c’est parce qu’à un moment ou un autre, il s’est véritablement attaché à elle. Parce qu’à un moment ou un autre, elle a vraiment compté pour lui, Peyton. Et il n’y a rien de plus touchant que cette impression, celle d’avoir marqué quelqu’un. Parce qu’en réalité, elle ne s’est jamais souciée de rien. Elle n’a jamais pris le temps de se poser, de s’attacher à qui que ce soit. Mais avec Oswin, quelque chose a été différent. Quelque chose leur a permis de s’accrocher l’un à l’autre. Quelque chose de mystérieux que la jolie brune n’a jamais cherché à comprendre. En revanche, ce qu’elle sait, c’est qu’ils ont en commun un amour démesuré pour leur famille, l’un comme l’autre. Particulièrement pour leurs frères et sœurs. Et Peyton se souvient encore de la détresse dans laquelle Oswin s’est trouvée lorsqu’il a appris pour l’accident de sa sœur, Agnès. Une détresse que Peyton a certainement comprise mieux que personne, puisqu’elle-même a perdu un frère. Et désormais elle sait qu’elle ferait n’importe quoi pour ceux qui restent, pour ceux qu’elle aime, sa grande sœur et son grand frère. Laissant échapper un petit rire, presque ému, en entendant ses premières paroles, la jeune femme reprend rapidement. - Tu m’excuseras mais cette fois je ne te laisse pas le choix ! Elle le sent à son tour l’enlacer, et cela lui fait un bien fou. Un bien qu’elle ne saurait décrire. - Je suis contente, tellement contente de te voir, moi aussi. Elle a conscience qu’elle aurait pu chercher à le recontacter, elle aussi. Mais ce n’est pas quelque chose qu’elle a l’habitude de faire. Ce n’est pas quelque chose qu’elle sait faire, garder contact. Elle n’a réussi à revoir aucune personne de celles qu’elle a rencontré durant ces quatre années passées à voyager, du moins, pas volontairement. Mais elle est heureuse qu’Oswin soit l’exception. - Tu es dingue ! Je n’aurai pas pu t’oublier. Entre. Un sourire sincère aux lèvres, elle se décale pour le laisser entre à l’intérieur de l’appartement, avant de refermer la porte derrière lui. Bien sûr que non, elle n’aurait pas pu l’oublier. Et elle en vient même à se demander comment il peut penser une telle chose. - Je vais bien. Bien. Et toi ? Elle a pris l’habitude de mentir à ce sujet, Peyton. Non, elle ne va pas si bien que cela. Elle est malade et sa maladie ne fait qu’empirer chaque jour un peu plus. Mais hors de question de lui en parler, pas à lui, pas alors qu’elle le retrouve à peine. Alors elle l’emmène s’installer au salon, attendant qu’il lui réponde. - Est-ce que tu veux quelque chose à boire ? Maintenant qu’elle tient Oswin, elle n’est pas prête à le laisser s’en aller. Pas maintenant.

Oswin, il est le vestige d’un temps magique. D’un moment passé. Un moment intense, dans lequel ils étaient là, tous les deux. Un moment où Peyton était elle, entièrement elle-même. Oswin, il l’a connu, il l’a réellement connu. Il l’a apprécié pour l’entièreté de son être. Et si, aujourd’hui, c’était différent ? S’il ne l’aimait plus autant. Elle a beau essayé de se convaincre qu’elle n’a pas changé, Peyton, ce n’est pas le cas. Elle a beau essayé de continuer à vivre sa vie exactement comme avant, c’est impossible. Plus rien ne sera plus jamais comme avant. Plus rien. Elle ne pourra plus voyager. Elle ne pourra plus faire le tour du monde. Elle ne pourra plus non plus courir un marathon, ni sauter en parachute. Elle ne pourra plus sortir tous les soirs, danser toutes les nuits, boire jusqu’à l’ivresse. Elle ne pourra plus être, être elle, la Peyton libre, fougueuse, celle qui ne craint rien. Celle qui n’a peur de rien. Parce qu’aujourd’hui, le moindre petit écart pourrait la coucher pendant plusieurs jours. Parce qu’aujourd’hui, le moindre petit écart pourrait lui être fatal. Et au fond, elle est terrifiée. Elle a peur de se perdre elle-même, peur de perdre ceux qu’elle aime, peur de voir leur regard changer. Peur de voir le regard d’Oswin, changer. Il est vrai qu’ils se sont perdus il y a plusieurs années, mais il a toujours compté pour la jolie brune, et elle ne veut pas perdre ce qu’ils ont, ce qu’ils pourraient retrouver. Alors elle lui affirme qu’elle va bien. Que tout va bien. Et elle s’empresse de lui retourner la question, parce que c’est ce qui compte le plus pour Peyton. Tout en servant un verre d’eau à son ami, elle lui offre un beau sourire en l’invitant à s’asseoir. - On a emménagé pour Noël, c’était le cadeau de ma sœur. Affirme-t-elle dans un rire, reprenant rapidement la parole. - Je crois qu’elle était tellement heureuse que je sois là qu’elle a préféré être certaine que je reste. Elle sait combien sa présence fait du bien à sa famille. Elle sait combien ils ont besoin d’elle. La seule chose qu’elle regrette, c’est de l’avoir réalisé beaucoup trop tard. De l’avoir réalisé après l’annonce de sa maladie. Elle a été égoïste en partant, en laissant le reste de la fratrie derrière elle, et elle en a parfaitement conscience, maintenant. Alors elle tente par tous les moyens de se rattraper. De combler ces années d’absence. Peyton s’approche alors du canapé, s’installant à côté de lui, lui offrant un verre d’eau. Un petit sourire s’installe sur son visage alors qu’elle répond. - Je suis revenue il y a huit mois. Et toi alors ? Qu’est-ce que tu fais ici ? Elle a toujours du mal à croire qu’il se trouve bien là. Juste devant elle. Juste sous ses yeux. Il est comme une bouffée d’air frais. Comme un renouveau et un souvenir agréable à la fois.

Son regard. Il lui fait toujours autant de bien que par le passé. Sa douceur, sa malice. Elle n’a jamais oublié Oswin. Jamais. Et le revoir ici c’est… Comme un signe du destin. Comme une manière de lui prouver, encore, qu’elle est toujours la même. Qu’elle peut toujours être la même. Que sa maladie ne la changera pas. Que sa maladie n’efface pas la femme qu’elle a mis si longtemps à construire. Celle qui a été sa bouée de sauvetage, lui permettant de ne pas s’écrouler à la mort de son frère. Revoir Oswin, c’est comme lui rappeler que tout est encore possible. Une bouffée d’air frais. Une bouffée d’oxygène. Un rire incontrôlé s’échappe alors de ses lèvres, en entendant ses paroles. Parce qu’elle comprend, elle comprend où il souhaite en venir. Et il n’a pas complètement tort. Non, elle n’a aucune envie de le voir repartir, soudainement. Elle n’a aucune envie de le voir disparaître de sa vie à nouveau. Parce qu’il fait partie des rares personnes qui comptent, vraiment. Il fait partie des seules personnes rencontrées à l’étranger qui sont restées dans son cœur. Lui, plus que les autres. Elle sourit alors, simplement, avant d’entendre Oswin s’étonner de son retour. Huit mois, oui. Huit mois qu’elle cache à tous qu’elle est malade. Huit mois qu’elle se voile la face, prétextant qu’une insuffisance cardiaque, ce n’est pas bien grave. Prétextant que la vie n’a pas changé. Alors qu’elle change. Un peu plus chaque jour. Mais pour l’heure, il n’y a qu’Oswin qui compte. Et elle écoute avec attention la moindre de ses paroles. - Oh, c’est génial Oswin ! J’ai totalement confiance en toi, Cambridge n’a qu’à bien se tenir, tu vas tout déchirer avec ta thèse ! Dit-elle en riant, posant sa main contre son épaule. Elle a toujours admiré l’intelligence d’Oswin, sa capacité à tout savoir, à tout comprendre. Même s’ils sont bien différents, tous les deux. Peyton, elle n’a jamais vraiment fait de grandes études, elle a plutôt été à l’école de la vie. C’est en voyageant, c’est en se débrouillant seule, qu’elle a appris tout ce qu’elle sait aujourd’hui. Et elle n’a jamais regretté son choix. Au fond, elle a toujours su que l’école, ce n’était pas pour elle. Bien trop libre, bien trop volage. Elle a toujours su. Mais le décès de son frère a accéléré le mécanisme, ce besoin de voir autre chose. Un grand sourire s’installe ensuite sur son visage, en l’entendant dire qu’il compte bien rester ici. - C’est vrai ?! S’exclame-t-elle en reprenant bien vite. - Est-ce qu’au moins tu as conscience que je ne vais plus te lâcher ? Fais-moi vivre à nouveau, Oswin. Fais-moi oublier ce cœur fébrile. Tout est comme avant. Rien n’a changé. La complicité qui trône entre eux est toujours la même. Belle. Forte. Intense. La complicité qu’ils partagent est sans égale. - J’ai surtout retrouvé ma famille, et renoué avec New-York. C’est dingue, les choses ne changent pas. Et toi ? Dis-moi tout ce que tu as envie de faire, maintenant que tu es là ! Elle a envie. Envie de tout faire avec lui. De partager des moments aussi incroyables qu’à l’époque. De partager des moments plus beaux les uns que les autres. Si t’en es encore capable, Peyton.