44 blues / cent quatre-vingt-deux. un chiffre.
rien qu'un foutu chiffre. ça n'avait rien d'extraordinaire, mais ç'a défini sa vie. stimulé dès son plus jeune âge, par tous les moyens possibles. et il apprenait vite, ozzie. il apprenait à la vitesse de l'éclair, sous la bienveillance d'une soeur qui lui lisait ses règles de grammaire comme histoire du soir. à l'observer, quand elle faisait ses devoirs. à l'avoir bien trop aidée à réviser. à s'y être d'autant plus accroché, quand il s'est rendu compte que tout ce qu'elle apprenait l'intéressait aussi.
allait lui servir, un jour. la mémoire qui s'en est mêlée, et le p'tit génie s'est retrouvé à absorber tout ce qui passait à sa portée. l'éponge des mots, l'éponge des chiffres. de tous les concepts qu'il ne comprenait pas, et qu'il lui fallait absolument démêler.
génie. génie. votre fils est un génie. dur à envisager, mais pas compliqué à accepter quand on le voyait évoluer. on l'a laissé sauter trop de classes, trop vite. on l'a laissé faire sa scolarité à une vitesse effrénée. et il a grandi, oswin. entre les mains de sa soeur, et entre les pages de tous les livres qu'elle pouvait un jour ouvrir. il a su penser pour lui-même trop tôt. et ça l'intéressait. il aimait ça, apprendre. aimait ça, se mettre au défi. pousser toujours plus loin ses connaissances. ses capacités. curieux.
passionné. mais il a fini par en payer le prix. à se retrouver assis sur les bancs de l'université, loin de chez lui, à quatorze ans à peine. pas capable de faire cuire des pâtes. pas capable de se débrouiller. mature, avancé — mais il avait grandi trop vite, et il le savait. conscient de son immaturité émotionnelle, et du manque de compétence à vivre par lui-même. il a appris. s'est débrouillé. mais il n'a pas de honte à admettre qu'avec un foutu chiffre sont venues beaucoup trop de responsabilités. revers de médaille apportant leur contrepartie à toutes ses qualités. revers de médaille dont il ressent, encore aujourd'hui, les effets. malgré ses capacités à s'adapter, et l'âge presque adulte qu'il a finalement atteint.
gamin éternellement différent. et aucun moyen de se tirer de cette étiquette qui lui collera à la peau à jamais.
génie. génie.
cent quatre-vingt-deux, et ça définit toute ta vie.there are days / il a le sens de la famille, ozzie. l'a toujours eu. proche de sa soeur, depuis toujours. une ombre dans les pas d'agnes. dans son lit, au pied de sa bibliothèque. les parents qui ont au moins toujours su que leur petit dernier était en sécurité, sous une garde attentive et attentionnée. parce qu'il n'était pas prévu, ozzie. il est arrivé sans prévenir, alors que les delacroix étaient posés avec la fille qu'ils avaient toujours désirée. jolie surprise qu'ils ont décidé de conserver. un bébé fragile, aux grands yeux éveillés et aux membres toujours trop maigres pour ne pas inquiéter. il s'est laissé bercer par sa mère, autant que par sa soeur. aujourd'hui encore, un fils à maman. faut dire qu'il leur a été arraché tôt, oswin. la vie qui l'a envoyé à l'université, avant même que sa voix ait mué. ç'a été dur à gérer, les premiers temps. il les a beaucoup appelés. est rentré aussi souvent que les vacances le lui permettaient. mais il a passé son adolescence loin d'eux. a dû composer avec la distance. le déracinement du foyer, à un âge où il en aurait eu besoin plus que jamais. ç'a alimenté le fait qu'il n'a jamais vraiment tracé de ligne de rébellion adolescente. mais ç'a aussi guidé sa relation avec ses proches. ça l'a rapproché. et lorsqu'il a appris pour l'accident d'agnes, en pleine préparation d'examen de doctorat, à cambridge,
trop loin de là, son monde s'est effondré. ne pas avoir été là, ça l'a tué. il a passé des heures au téléphone avec eux. des heures à essayer de recoller les morceaux. de rassurer sa mère. on ne voulait pas qu'il dise que l'accident n'en était visiblement pas un.
on voulait juste qu'il soit là. mais il ne pouvait pas. loin. si loin. un océan pour les séparer. pas assez d'argent pour se permettre de rentrer. des obligations trop régulièrement pour les fuir. et le temps a passé. sans qu'il sache si agnes se souvenait réellement de lui, même avec les effets bénéfiques du temps sur sa mémoire et sur sa nouvelle vie. aujourd'hui, il est rentré pour les retrouver. rentré grâce à la première opportunité qui est passée à sa portée. et il a décidé qu'il ne repartirait pas.
pas après tout ça. un trou au fond de son coeur qu'il allait falloir reboucher. et pour ça, personne ne peut remplacer les autres delacroix.
j'suis rentré.baby loves boogie / malgré les attentes parfois clichées que l'on pourrait avoir sur sa personnalité de génie, il n'a aucun problème avec les rapports sociaux. son cynique et son sarcasme seuls l'empêchent d'être entouré comme d'autres pourraient le désirer — mais lui s'en satisfait. les jeux intellectuels ne l'impressionnent pas. il sait s'y plier, s'y adapter, les maîtriser. curieux et ouvert. du genre à aimer découvrir son prochain, lorsque la bonne humeur s'en mêle. jamais indiscret — mais il sait que s'il n'y met pas du sien, ses rapports avec le monde seraient compliqués. c'est son corps, qui en témoigne le mieux. son corps avec lequel il n'est pas tout à fait connecté. le sexe qui ne l'a jamais vraiment attiré. les contacts physiques qu'il a tendance à éviter s'il le peut. se décalant d'un pas, lorsqu'on s'arrête trop près de lui. rien d'offensant. simplement un besoin qu'il a de respirer. et pourtant, à le voir, on ne croirait pas. on regarde les tatouages qui s'étalent sur son corps presque entier, et on n'imaginerait pas qu'il s'agit de son ultime tentative de reconnecter avec un corps qu'il n'a que trop souvent ignoré. il est différent, ozzie — et il le sait. pas très grand, et mince comme c'en est parfois inquiétant. il n'aime pas s'approcher. n'aime pas toucher. sait se forcer s'il le faut — mais cette tendance l'a toujours distancié du reste des gens. il n'a pas de mal à regarder dans les yeux, ou à discuter. mais lorsque vient l'heure de la proximité physique, il sait que son intellect hors du commun a posé sa marque.
fallait bien que ça arrive.
et différent ne veut pas dire honteux.i feel so good / il a toujours eu des petits problèmes de santé. d'une constitution faible, il était le gamin qui se blessait dans la cour de récré. dans les leçons de sport, quand il tombait ou que la balle le frappait un peu trop fort. maladroit. pas solide. et pas attentif, faut dire ce qui est. défaut qui l'a suivi avec les années. qui l'a rattrapé, quand il est rentré à l'université de berkley, californie. trop de distance de la maison. pas capable de se gérer. et durant trop longtemps, ozzie a oublié de se nourrir. avec le temps et les écarts trop réguliers, il a fini par développer une légère anémie. il l'a laissée empirer. a fini hospitalisé. et depuis, ça ne l'a jamais vraiment quitté. il en a gardé une certaine fragilité — même durant les périodes où l'anémie n'est pas un problème. du genre à attraper dix rhumes par année. à contracter tous les microbes qui passent à sa portée. système immunitaire trop peu développé — mais lorsque les virus sont déclarés, son organisme sait très bien s'en débarrasser. les problèmes n'ont pas l'air de persister. rien qu'une anémie régulière, et des malaises pour tout et n'importe quoi. ce qui ne l'a jamais empêché de boire ou de s'amuser. l'âme légère sachant bien que rien de plus grave ne l'attendait.
t'es juste fragile, bébé.the decline in human values / il a le jugement et la critique faciles — et désagréables, c'est le moins qu'on puisse dire. le sarcasme au bout de la langue, et le cynisme toujours prêt à se répandre. il est tolérant, oz, pourtant. la seule chose qu'il ne supporte pas,
c'est la connerie. du genre à profiter trop facilement de sa supériorité intellectuelle pour écraser les gens. il sait où ça fait mal. sait manipuler les mots, et ne se prive pas pour le faire. gratuit, parfois. méchant, peut-être.
mais jamais vraiment violent. ni verbalement, ni physiquement. les valeurs à la bonne place, malgré ses humeurs parfois détestables, et son absence de gêne à rabaisser ceux qui lui font lever les yeux au ciel. il n'en attaque pas pour autant personnellement ou cruellement, et se plait à juger plus que jamais ceux qui le font. il ne fait que parler, oz. donner le fond de sa pensée. pas de filtre pour l'hypocrisie. pas de moyen de lui échapper. mais il sait lire les gens, plus qu'on ne l'imaginerait. derrière les piques se cache une certaine aisance à décrypter les émotions et les réactions. plus sensible qu'il n'y paraît au premier abord. plus attentif, aussi. le gamin qu'on n'apprécie pas spécialement voir ouvrir la bouche, mais auquel on peut finir par s'habituer. tout ce qu'il faut, c'est passer par-delà la première impression. tout ce qu'il faut, c'est s'approcher. et on remarque alors qu'il a le coeur à la bonne place, et l'oreille sincère pour qui apprend à lui parler.
tout c'qu'il faut, c'est retomber dans l'humilité.tout c'qu'il faut, c'est s'assumer.
ça, et un minimum de respect.
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regions of the mind and heart / oswin, c'est une crevette. pas très grand, et certainement pas large. les bras-allumettes, et les jambes qui n'ont rien à leur envier. il se fond dans le décor avec un peu trop de facilité. bonnet souvent sur les oreilles, les tatouages éparses comme seule marque de l'attention médiocre qu'il porte à son corps.
▻ il lit tout, et tout le temps. dès qu'un livre passe à portée de sa main, il l'attrape et le dévore en un clin d'oeil. ça lui passe le temps. ça l'occupe. et au moins, pendant qu'il lit, il ne perd pas de temps à rabaisser ceux qui passent à sa portée.
▻ fâcheuse habitude de souligner la stupidité des gens à leur nez et à leur barbe. il fait grincer des dents, oz — et on préfère le voir silencieux, ou concentré sur un bouquin, plutôt que de savoir qu'il peut à tout instant devenir le gamin qu'on a envie de voir passer sous un train.
▻ il est multi-tâche. le genre à pouvoir parfaitement suivre une conversation, tout en continuant de parcourir — bien que plus lentement — les pages des ouvrages dans lesquels il trouve toujours refuge.
▻ il préfère lire en extérieur qu'en intérieur. déteste l'hiver et les intempéries pour ça. dans tous les cas, l'intérieur d'un café ou n'importe quel endroit abrité sera plus confortable pour lui que l'intérieur d'un appartement. calé contre l'étagère d'une librairie, ou sur le banc d'un parc ou d'un skatepark, restent tout de même ses lieux favoris.
▻ il est stimulant et toujours stimulé. curieux, intéressé. le genre à poser des questions pour approfondir sa connaissance de tout ce qui passe à sa portée. la langue et l'esprit qui piquent — mais il sait quand s'arrêter. ne le fait que s'il juge que la personne en face de lui a suffisamment donné. et il peut en devenir difficile, parfois. du genre à trop pousser. à ne pas savoir capituler, s'il estime que les capacités de son interlocuteur sont surestimées.
▻ il a la discussion facile, malgré tout. quand il ne met pas à l'épreuve son intelligence, il reste quelqu'un avec qui il est simple et agréable de discuter. adaptable, il sait rebondir sur tout. n'a pas de mal à exister, dans une conversation ou une interaction sociale. différent, mais présent.
▻ quand il n'est pas d'humeur, ou qu'il prend quelqu'un en grippe, c'est salé. parfois méchant — mais il essaie que ce soit mérité. sait les tendances de son caractère à déraper. à juger. à critiquer. à balancer des remarques trop cinglantes, et à blesser. il y travaille. souvent. ne fait jamais de réel mal.
pas intentionnellement. juste des égos froissés sur son passage, et des dents un peu trop serrées.
▻ il est plus que conscient de son jeune âge, et il sait que sa maturité émotionnelle y est associée. ça ne l'empêche pas d'essayer de vivre et de profiter. à son échelle. à son niveau. comme il le peut, avec la vie qu'il a choisi de mener.
▻ il sait qu'il n'est pas impressionnant, physiquement — et malgré le sarcasme, il ne provoque donc jamais autrement. les poings toujours au fond de ses poches, en dépit du mauvais genre apparent. il n'a rien d'une mauvaise graine. pas violent.
rien pour faire peur aux enfants. ▻ il est hospitalisé régulièrement, depuis qu'il s'est mis à faire de l'anémie il y a quelques années. besoin de transfusions, à l'occasion. jamais rien de grave, mais il n'est pas très doué pour se surveiller. négligent, à ses heures perdues.
▻ il a un truc avec les animaux — les chiens, tout particulièrement. capable de les comprendre, et de les apprivoiser avec une facilité hors normes. et,
eux, il n'a pas de mal de les toucher.
▻ il a passé les deux dernières années de sa vie à cambridge. parcours universitaire à demi à l'étranger, pour affirmer sa reconnaissance dans son domaine et étendre son étude. il n'est rentré à new york que très récemment. le reste de sa scolarité a été effectuée à berkley, en californie.
▻ malgré sa haute intelligence et ses études déjà très avancées, il n'a aucune idée de ce qu'il veut faire de sa vie. pas certain qu'enseigner soit une bonne option, au vu de sa personnalité. mais y a rien d'autre qui semble s'offrir à lui — alors qu'il pourrait presque tout faire, et qu'il le sait.
quelle ironie.