—Fouillis, brouillon, dans tous les sens allaient mes pensées et mes actions. J’avais le besoin d’une structure, de me réorienter intérieurement afin de ne pas entreprendre mille et une choses qui s’étaleraient sans en plus finir. Je suis remplie de ce trop-plein de mots, de ce trop-plein d’images, de ses couleurs qui m’émerveillent de façon trop imposante. La seule solution que j’ai trouvée c’est à chaque fois de me fixer des petits objectifs, par si, par là et de m’y tenir. Les derniers mois ont été remplis de défi épuisant à l’entreprise qui m’a fait oublier la vie. J’avais besoin de souffler pour ne pas m’asphyxier. J’avais donc posé cette semaine de congé. Je n’avais pas pris de billet d’avion pour l’Angleterre, mais ma mère avait décidé de venir me visiter. Malgré la séparation, malgré les kilomètres, elle ne me manquait pas. Elle était toujours avec moi de la façon la plus forte possible et elle m’accompagnait sans arrêt, sans me parler. Quoi qu’il en soit, son arrivée m’avait ressourcé, le départ ne fut pas non plus douloureux. Elle me rappeler de sourire, de me pas m’isoler dans ma psyché et de pas porter un regard dur sur moi. Elle avait raison, ça ne servait à rien.
Ce matin, je m’étais réveillé aux aurores, préparant ma journée de repos afin de lui donner une direction. Même si les journées de repos ne doivent pas spécialement avoir de direction, je préférais me fixer de réaliser quelques choses que j’aimais faire et que j’oubliais. Aujourd’hui c’était un moment au musée d’art contemporain dans la soirée. La journée c’est enchaîné à coup de série sur mon écran et puis j’ai été visité un ami qui avait un atelier dans son appartement. On a peint accompagné de sa petite fille. Ses sourires raisonnaient dans mon crâne, une innocence que je n’avais jamais réellement perdue. Son contact enfantin était lumineux, tout comme celui de mon ami qui revenait de loin. Leur présence et leur chemin de vie remplissaient mon âme d’espoir face à mes propres intempéries. Reposé et enjoué, je les ai quittés, je me suis attelé à ce projet d’aller au musée en rythmant mes cadences en piano. Ce n’était pas un jour de travail, je n’avais pas à être pressé. La peinture séchée reluisait encore un peu sur mes doigts.
L’inspiration était partout, dans un regard, sur les murs, dans les couleurs et toute autre forme, mais les musées avaient une façon à la fois de reposer mon esprit et de stimuler dans son paradoxe. Je n’étais pas touché par toutes les associations proposées c’était même plutôt rare que je sois transcendé par une oeuvre réellement, mais j’étais ouvert, curieux, explorateur. Une fois ma veste en cuir enfilé et la route vers le musée enclenché. J’ai catapulté mon être dans une file d’attente, musique aux oreilles. Je l’aimais ce brouhaha de New York, l’énergie voltigeant sur le béton, mais j’avais besoin d’être dans da ma bulle. Et tous les jours, j’imaginais cette bulle m’entourée, me protéger des flux qui voguaient autour de moi. Mes yeux plantés sur l’architecture vibrante. Mon regard s’est croisé avec une jeune femme. J’avais la sensation de l’avoir déjà rencontré, pourtant ça ne devait pas être le cas. Je l’ai observé quelques minutes de façon lointaine. Elle était bien avant moi, mais j’avais perçu ses traits comme un paysage qui se dessinait à l’horizon.
Mes yeux sont stimulés par les couleurs et les formes, dans monde, accompagné de ma musique, je voyage sur la surface de ce musée. Quand il faut entrer dans une pièce sombre et son long corridor, j’enlève mes écouteurs, les range précieusement dans ma poche et je me laisse guider par l’inconnu. Quelques mètres droits devant, des petites lumières pour me guider. Et j’arrive dans une salle, ou des points lumineux voyagent, des vidéos partout. C’est une installation dont le thème est le retour aux origines, des lumières hypnotisent mes iris. La galaxie se dessine, les personnes qui m’accompagnent sont également des voyageurs, je ne distingue rien d’autre que leurs ombres. Aspiré par la vision des vidéos, je finis par m’asseoir, comme beaucoup d’autres. Pour profiter, pour reposer mon être dans la vision des étoiles et des autres vidéos qui s’enchaînent. À nouveau, je vois cette fille croisée au détour de l’attente. J’observe la lumière sculpter son profil sans un mot. Je me lève, je voyage à travers la pièce pour finir par être à ses côtés. Je ne sais pas, j’apprécie ce qu’elle dégage et la sensation de la connaître m’habite toujours. Toute la temporalité s’évanouit dans l’espace. Je ne souhaite pas la déranger pendant son expérience, je souris bêtement, car je pense qu’elle a ressenti ma présence. « Tu voyages ? » La question était ouverte, j’ai souris tellement dans un autre contexte que celui-ci cette question a une inconnus pouvait paraitre étrange mais tant pis. Son ressenti m’intéressait.
Ce n'était pas un inhabituel choix de soirée. Pas lorsque Gaspar était occupé, et qu'elle ressentait l'irrépressible besoin de se changer les idées. Seule. Loin des vents et des marées, loin des chocs de personnalité qui pouvaient parfois survenir. Seule, pour respirer. Seule, pour réfléchir. Confrontée aux âmes que les artistes avaient mises sur toile ou sur sculpture. Mises dans les oeuvres qui parsemaient le musée, et au milieu desquelles Gala appréciait de se perdre.
Quand le MET ne fermait qu'à vingt-et-une heures, l'opportunité était parfaite. Et ce soir-là, elle l'avait saisie sans même y penser. Chiquement mais confortablement habillée. Le monde autour d'elle continuait de tourner sans se soucier de sa présence — ce dont elle lui était gré. Les écouteurs rentrés dans les oreilles, pour couvrir le brouhaha ambiant. Le coeur lourd, comme toujours ces dernières semaines. Lourd malgré son humeur plutôt légère. Lourd d'une inquiétude qu'elle n'arrivait pas à replacer. Au moins, ce soir, il n'y avait pas de nausées.
Dans la file d'attente des abonnements, elle se laisse aller à ses pensées. Carte préparée, facilité à entrer depuis déjà plusieurs années. Pour le temps qu'elle y passait, ça valait la dépense — et ses comptes l'avaient prouvé. Ce qui n'éliminait pas entièrement l'attente, durant des soirées comme celle-ci. Mais Gala n'était pas pressée. Gala attendrait.
Déjà-vu.
La silhouette un peu plus loin qui attire son attention. Qu'elle fixe, sans réelle discrétion. Croisant finalement son regard, le soutenant un instant. Le rompant après quelques secondes, lorsque sa file se met à avancer. Les âmes entrechoquées. Rencontre parfois insignifiante, elle le savait — et elle ne chercha pas à se retourner pour le retrouver, une fois qu'on lui eut octroyé le droit de rentrer.
L'art la soulage. Exorcise les mauvaises pensées, et les inquiétudes récemment accumulées. Naturellement, ses pas la guide sur l'exposition récemment installé. Le retour aux origines souligné par les murs noirs et les constellations créées. L'art multi-sensoriel qui la pousse à retirer ses écouteurs, et à déambuler plus calmement. Oubliant le monde autour d'elle. Perdue dans le ciel, perdue dans ce décor nocturne qui l'enveloppait sans rien exiger.
Nez en l'air, elle avance. Repère un banc, un peu plus loin — s'y assoit. Les mains ramenées sur les genoux. Le dos tourné au reste de la salle, le regard absorbé par l'installation vidéo. Les minutes qui passent. Temps qui n'a plus la moindre valeur ou la moindre importance, dans ce décor céleste. L'âme plus légère. Âme apaisée. Malgré le coeur toujours lourd, et l'impression d'un début de nausée.
« Tu voyages ? » Ce n'est que lorsque la voix l'interpelle qu'elle réalise que quelqu'un a pris place à ses côtés. La tête qui se tourne, les yeux qui captent les traits familiers. Elle le détaille un instant, sans mal à le replacer. Puis elle hoche la tête. Sourire léger. Le regard retournant aux installations autour d'eux. « C'est plus abordable qu'un billet pour le reste du monde. » Et je peux rentrer chez moi, le soir venu. Me coucher dans mon lit, et prévoir de revenir le lendemain si j'en ai envie. « Plus honnête, aussi. » Elle ignore pourquoi la simplicité du lieu lui fait du bien. La pureté de ce qu'il représente. Les étoiles et la nuit. Rien que le sincère secret de l'univers.