Fire meet gasoline. (henrik)

Les beaux jours reviennent et par chance, le soleil n’est pas encore couché, pour une fois. Elle a quitté son travail un peu plus tôt aujourd’hui, et cela lui fait un bien fou. Elle adore ce qu’elle fait, il n’y a aucun doute là-dessus. Elle aime dessiner des bijoux, elle aime créer, et elle est plutôt douée pour cela. Mais ce qu’elle a toujours fait et ce qu’elle a toujours rêvé de faire, c’est voir le monde, Peyton. Lorsque son frère est décédé quatre ans plus tôt, elle a quitté New-York pour découvrir de nouveaux horizons, mais également pour se construire elle-même. Bombay, Berlin, Londes, Las Vegas, elle a voyagé et ce qu’elle est aujourd’hui, c’est le fruit de tout cela. Une jeune femme libre, prête à affronter toutes les folies, une jeune femme pleine de vie et pétillante, une jeune femme qui doit pourtant aujourd’hui, renoncer à toute cette partie d’elle. A cette partie de sa vie. La cause ? Une foutue insuffisance cardiaque. Une foutue insuffisance cardiaque qui l’oblige à se poser. Une foutue insuffisance cardiaque qui l’oblige à rester bien tranquille. Mais rester tranquille, elle ne sait pas faire, Peyton. Et elle n’en a absolument aucune envie. A quoi bon vivre si ce n’est pas pour mener la vie qu’elle souhaite. Et puis, l’engagement, c’est quelque chose qui l’effraie au plus au point. Peut-être parce que c’est quelque chose qu’elle n’a jamais eu l’occasion de connaître, en réalité. Elle a grandi dans une famille dysfonctionnelle, une famille avec un destin tragique, elle a vécu bien trop de souffrances alors qu’elle n’était qu’une petite fille. Alors peut-être qu’au fond d’elle, c’est de la peur, qu’elle ressent. Peur de s’engager dans quelque chose qui pourra lui faire du mal. Elle a dû affronter la mort de sa mère très jeune, puis celle de son frère. Et tout ce qui a toujours compté pour elle, c’était sa sœur et son autre frère, c’est tout ce qu’elle a toujours eu. Parce que lorsqu’on perd tout, on se rattache d’autant plus à ce qu’il reste. Et durant quatre ans, durant quatre années à parcourir le monde, elle a appris à vivre sans aucune attache. Elle a appris à vivre avec légèreté. Une légèreté que sa maladie ne lui enlèvera pas, elle se l’est promis. Même si cela signifie continuer à se mettre en danger. Même si cela signifie le cacher au reste du monde. Pour l’heure, elle continue à vivre sa vie comme elle l’entend, quitte à faire parfois les mauvais choix. Et alors qu’elle récupère son frappuccino, elle se retourne, prête à s’éloigner du comptoir, et puis elle tombe sur lui. Le mauvais choix numéro un. Oh non, c’est pas vrai… Henrik. Elle ne devrait pas être surprise de le voir pourtant, c’est un habitué, lui aussi. C’est d’ailleurs de cette façon qu’ils se sont rencontrés, tous les deux. Mais elle n’est absolument ravie de le revoir, Peyton. C’était pourtant bien parti entre eux, plusieurs conversations, plusieurs sourires, jusqu’à ce qu’ils décident de passer la soirée ensemble. La soirée, mais aussi la nuit. Une nuit très agréable pour Peyton qui n’a pas pour habitudes de se poser beaucoup de questions. Une nuit dans ses bras qui lui a également fait oublier sa maladie. Et s’en serait contentée, plutôt très bien, même, ne cherchant pas le prince charmant. Mais au réveil, il a été le plus gros porc qu’elle n’a jamais rencontré. Et ce n’est pas parce qu’elle souhaite rester libre et vivre sa vie qu’elle doit s’offrir à n’importe quel pauvre type venu. Monsieur Connard, quelle désagréable surprise ! La belle brune s’apprête déjà à passer son chemin, après tout il n’en vaut pas la peine. Mais il mérite bien de se prendre son dégoût au passage. Elle ne s'est pas gênée la dernière fois, avec son répondant à toute épreuve, et elle ne se gênera pas non plus aujourd'hui.

Elle n’est pas rancunière, Peyton. Elle n’est pas non plus le genre de femme qui s’énerve, qui hurle, qui se mets dans des états pas possibles pour un homme. Elle en est même le parfait opposé, puisque de toute sa vie, elle n’a jamais offert son cœur à aucun homme. Aucun. Elle s’est construite sans eux, elle a appris à le faire, et par la suite jamais rien n’a changé. Non pas qu’elle ne les aime pas, en réalité, c’est même tout le contraire. Elle les adore. Mais elle les adore pour de brefs moments. Elle sait vivre seule, elle est indépendante et elle a besoin de sa liberté plus que de n’importe quoi d’autre au monde. Elle est sans attaches, mise à part sa famille, et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle a adoré vivre une vie de voyages, passer de villes en villes, de pays en pays, sans jamais prendre le temps de s’arrêter. Elle ne s’attache pas. Mais ce n’est pas parce qu’elle ne s’attache pas qu’elle n’a pas de respect pour elle-même, Peyton. Elle n’en reste pas moins une jeune femme assurée, qui sait ce qu’elle veut et où elle va. Une femme qui s’assume et qui ne perd pas de temps avec des types comme Henrik. Lui. Elle n’a qu’à le regarder, là, juste devant elle, pour comprendre qu’il est tout ce qu’elle n’aime pas chez un homme. Il est l’exact stéréotype du parfait pauvre type qui pense en plus être irrésistible. Elle en vient même à se demander ce qu’elle a pu lui trouver. Il est tellement écœurant que la jolie brune ne parvient même plus à le trouver séduisant ou charmant. Et puis, dans tous les cas, il ne l’est pas pour se comporter d’une telle manière. Ce qu’il y a de plus fascinant avec cette catégorie d’homme, c’est qu’ils semblent se trouver irrésistibles alors qu’il est parfaitement clair qu’ils finiront seuls. Aucune vraie femme ne pourrait vouloir d’un homme comme lui. Ecoute, je n’ai pas de temps à perdre et de salive à gaspiller avec toi. Alors si tu veux bien. Affirme-t-elle en le contournant pour passer et quitter au plus vite cet endroit. Il est hors de question qu’elle reste ici à bavarder avec lui. Elle vaut mieux que cela, Peyton. Il n’est pas le genre d’homme qui peut lui plaire et encore moins le genre de personne qu’elle souhaite fréquenter, qu’elle souhaite avoir dans sa vie. La belle brune n’a aucune idée de ce à quoi il joue, mais peu importe, qu’il reste ici jouer seul. Ou bien se trouver une autre proie. Une autre pauvre fille qui ne verra certainement pas son vraie visage au premier abord, tout comme elle.

Elle s’apprête à partir, elle s’apprête à foutre le camp, parce que cette conversation ne l’intéresse pas. Lui, ne l’intéresse pas. Elle a toujours eu cette nonchalance en elle, Peyton, d’aussi loin qu’elle ne s’en souvienne. Peut-être parce qu’elle a eu le rôle de petite cadette de la famille. Sa grande sœur, Isabella, c’est la maman. C’est ce qu’elle a toujours été pour eux tous et particulièrement pour elle. Son premier frère, Miles, c’est la tête brûlée, celui qui peut s’attirer un maximum d’ennuis en un minimum de temps. Son frère décédé, Jim, il a toujours été malade. Alors il n’a pas eu la chance comme elle de pouvoir jouir des petits plaisirs de la vie. Quant à Peyton, dans tout cela, elle a toujours été le soleil de la famille. Peut-être qu’elle a pris volontairement ce rôle pour veiller à ce qu’ils ne soient pas malheureux, au fond. Peut-être qu’en les voyant tous avec leurs problèmes, elle n’a jamais voulu en attirer davantage. Et c’est de cette façon qu’elle s’est construite pour le reste de sa vie, avec légèreté. Les hommes n’y échappent pas. Elle ne se donne pas, Peyton, elle ne s’attache pas. Elle n’a jamais eu le temps d’avoir un quelconque homme dans sa vie. Elle prend ce qu’elle a à prendre, dans un doux moment éphémère, et elle leur dit au revoir. C’est ce qu’elle aurait pu faire avec Henrik, elle lui aurait dit au revoir sans amertume, mais il a été tellement odieux qu’à la place, il a eu droit à une Peyton que peu de gens ont l’opportunité de voir. Une Peyton en colère. Mais aujourd’hui elle n’a pas la même énergie, elle souhaite juste s’en aller. Malheureusement pour la belle brune, la main de son amant s’accroche à son poignet pour l’empêcher de s’éloigner. Elle écoute alors ses paroles sans un mot, et lorsqu’il a fini, elle le regarde, un petit sourire aux lèvres. - Tu ne m’as pas blessé, Henrik. Décidément cet homme ne doute de rien, il est d’une prétention monstre. Et une fois de plus, Peyton se demande ce qu’elle a pu trouver attirant chez lui. - Tu n’as pas à te rattraper. Toi et moi c’était très bien, mais c’était juste pour un soir. C’est clair, limpide. Il n’est pas question qu’ils se revoient, tous les deux. Et bien évidemment, il aurait pu devenir pour elle un amant régulier. Ils auraient pu se revoir et passer du bon temps. Mais le réveil glacial a coupé court à toute possibilité d’envisager quoi que ce soit d’autre. Et puis, pourquoi lui laisserait-elle cette chance, après tout ? Si c’est pour qu’il lui refasse le même cinéma chaque matin.  

Elle est complètement abasourdie, Peyton. Elle ne comprend pas à quoi joue Henrik. Après tout, il a eu ce qu’il voulait d’elle. Il l’a eu dans son lit. Et il s’est montré assez clair le lendemain matin sur le fait qu’il n’avait absolument aucune envie de le revoir. Alors qu’est-ce qui a bien pu changer désormais. Pourquoi est-ce qu’il semble soudainement si intéressé par elle. Peu importe, ce n’est pas de cette façon qu’elle fonctionne, Peyton. Elle est loin d’être une jeune femme qu’on prend et qu’on jette. Elle n’attend pas après lui. Des hommes dans sa vie, elle en a eu bien avant leur rencontre, et elle en aura bien après lui encore. Pourtant, il ne semble pas vouloir baisser les bras. Au contraire, plus elle le rejette, plus il a envie de continuer cette discussion avec elle. Il a indéniablement un côté très malsain, cet homme. Il doit être le genre à adorer l’expression fuis moi je te suis, suis-moi je te fuis. Et voilà qu’il insiste maintenant pour s’excuser, pour l’emmener boire un verre. Peyton n’a jamais rencontré quelqu’un d’aussi culotté et d’aussi exaspérant, par la même occasion. Croisant les bras en le regardant, elle répond calmement, sans une once d’agacement. - Et pourquoi est-ce que je devrais accepter ta proposition, dis-moi ? Soupire-t-elle. Il a le mérite d’être tenace, c’est certain. Et c’est quelque chose qui aurait véritablement pu lui plaire, à Peyton, s’il ne s’était pas montré si con. Elle aurait pu passer de bons moments avec lui, mais désormais elle a beaucoup de mal à s’imaginer ne serait-ce que boire un verre en sa compagnie. Pourtant, il l’intrigue de plus en plus. Après tout, peut-être que c’est son tour de jouer avec lui désormais. Peut-être qu’elle va pouvoir lui rendre la monnaie de sa pièce.

Elle ne comprend pas, Peyton. Elle ne comprend pas pourquoi les hommes ont ce besoin continuel d’un suis moi je te fuis, fuis-moi je te suis. Elle ne comprend pas, parce qu’elle est tellement libre, tellement imprévisible, elle ne suit que ses propres instincts. Elle n’a jamais cherché à se prouver quoi que ce soit, ni même à contrôler qui que ce soit. Elle ne fait pas partie de ces femmes qui jouent, elle fait simplement partie de celles qui vivent, celles qui vivent pleinement. Et le comportement d’Henrik la laisse sans voix. Ce n’est tellement pas son genre, à Peyton. Tellement pas le genre de relations qu’elle souhaite avoir. Pourtant, une partie d’elle admire sa persévérance, ce qui l’agace profondément par la même occasion. Il y a cette attraction qu’elle ne peut pas nier, ce désir purement charnel qui les a poussés à se retrouver dans le même lit, tous les deux. Mais quelque chose a changé, quelque chose a basculé. Soudainement, il semble lui porter un intérêt nouveau. Un intérêt arrivé par surprise, comme s’il avait apprécié cette altercation. Peut-être qu’il n’a pas pour habitude de tomber sur des femmes de caractères. Peut-être qu’il ne tombe que sur des pauvres filles qui n’attendent que cela. Mais ce n’est pas son cas. Si elle ne passe pas de bon temps avec lui, ce sera avec quelqu’un d’autre. Personne n’est irremplaçable. Mais lorsqu’il lui propose une montagne de verres, Peyton réalise qu’il est vraisemblablement prêt à tout pour se faire pardonner, ou plutôt, qu’elle lui laisse une seconde chance. Et cette hypothèse fait naître en elle un soupçon de désir à nouveau, elle doit bien l’avouer. Elle a envie de le tester, lui, ses limites. - Très bien. J’espère que tu as le cœur bien accroché. Et toi, Peyton ? T’es sûre d’avoir le cœur suffisamment accroché pour ce genre de conneries ? Elle fait l’autruche. Elle se préoccupe de tout sauf du plus important, sa maladie. Et elle trouve en Henrik une manière supplémentaire d’oublier. - Quand ? Demande-t-elle, bien déterminée à le faire subir à son tour. A le traiter comme il a dû traiter un nombre incalculable de femmes avant elle. Et au fond, il s’y pourrait bien qu’ils se brûlent les ailes, l’un comme l’autre. Il se pourrait bien qu’à force de jouer au plus fort, ils finissent par chuter, l’un comme l’autre. - J’imagine que tu sais la chance incroyable que tu as de pouvoir passer une nouvelle soirée avec moi. Un sourire apparaît de nouveau sur son visage. Le premier depuis le début de cette conversation. Elle n’est pas une femme facile, Peyton, et il ne va pas tarder à le découvrir.