xplosive. / nine

Une partie de poker.
C’est ce à quoi ressemble votre découverte l’un de l’autre. Sans cesse en train de vous jauger, les regards profonds, curieux qui cherchent la faille dans laquelle s’engouffrer. C’est la mise à mal de l’autre, les paris qui s’intensifient, le bluff a tour de bras, au premier qui sera prêt à faire tapis. et si tu le fais, peut-être que je te suivrais dans ta chute. Le jeu en devient grisant, le cerveau qui fourmille de centaine d’idées -des plus claires au plus sombres. Ce sont tes neurones qui t’ont poussé à capturer ses lèvres, marquant les siennes de ton odeur. Ce sont tes neurones qui déclenches les pulsions hormonales, et alors que tu aurais voulu dévorer l’agneau, tu te fais louveteau et tu t’assois sur le canapé. C’est sa tête que tu voulais flinguer, qu’elle te laisse une chance de gagner la partie. Mais quand elle propose la mise, t’es plus certain d’avoir envie de sortir vainqueur. La curiosité trop forte pour ne pas accepter une soirée, plus nuit, entre les yeux de Nine. puis si j’perds, à toi de voir ce que tu veux faire de moi. deal ? tu te frottes les mains, t’installant plus confortablement sur l’assise. deal ! mais j’te préviens, j’ai jamais été bon joueur de poker. que tu balances, avouant ta malchance aux jeux de cartes, avouant quelle proposition te tente le plus. j’aurai trop peur de te briser trop vite, si tu me laissais les rennes. Nine elle commence à se rouler un joint, toi, c’est la bouteille que tu attaques d’avantage, préférer garder les idées « claires ». De l’alcool à quarante degré ne viendra pas réellement à bout de ta lucidité, c’est ce que t’aimes à croire. Pourtant t’as déjà les yeux rougis par les verres précédents. Tes pupilles toujours et encore rivées sur elle, tu récupères le paquet de carte qui trainait encore sur la table -depuis la dernière fois- tu bats les cartes, en fait tomber la moitié et un rire t’échappe. La sensation d’être un ado, déconcentré par les regards appuyés d’un crush lycéen. C’est bien la première fois que ton attention se disperse, s’aventurant sur les cartes, puis sur leur distribution. C’est que Nine, elle pourrait déclencher un feu incontrôlable sous ta peau. Et ça grésille déjà. trois donnes, et on aura noté vainqueur. pour plus de suspens, pour faire exploser le baromètre. un nouveau sourire en coin, les cartes que tu retournes sur la table basse, entre les cendriers et les restes d’un paquet de chips bbq. t’embrumes pas trop l’esprit, j’voudrai que t’aies toutes tes capacités. que t’ajoutes, légèrement moqueur alors tu regardes tes cartes. Une main de merde que le bluff pourrait transformer en main de maître. Bon menteur, t’arques un sourcil dubitatif.

Impression factice d’être en apesanteur, elle plane Nine. Sans cramer son herbe paradisiaque, sans trop d’alcool dans le sang, elle a des vertiges plein la tête, le sourire au bord des lèvres, elle tangue en étant à genoux face à lui. Ou ce n’est que le truc qui lui sert de cœur qui continue de chanter sa présence. Elle en a embrassé d'autres, des tas, trop même. Certains vous laissent avec l’envie de ne jamais recommencer, d’autres vous coupent le souffle un court instant mais elle les oublie quasi tous. Ce ne sont que des sensations éphémères, dénudées de leur intérêt à ses yeux. Et ce soir, les souvenirs de ces étreintes passagères ce sont un peu plus effacées sous l’assaut flinguant de ses lèvres qui, en empreinte, en brûlure assassine, lui fourmille encore sur la bouche. Nine qui foule le sol, échoue au sol avec plus de douceur qu’elle ne le voulait, les yeux un peu pailletés d’étoiles d’espoir. Redevenue gamine, elle oublie un peu le chaos ici, à chaque fois. Deuxième fois et deuxième fois où il devient l’ancre où s’accroche ses deux opales souvent vidées. Ce soir, elles se remplissent, se voilent sous l’opium du désir. Entourée du cocon grésillant d’un match de basket et d’un rap aux basses toujours plus violentes, Nine s’enfonce dans une plaisante léthargie. Moins bavarde, elle suit ses mouvements, ses gestes précipités, presque timides alors qu’il a rien de ceux qui doivent bégayer devant une paire de seins ou le rire doucereux d’une fille. Nine s’en amuse sans le faire remarquer, craque plusieurs fois la pierre d’un briquet jusqu’à ce que la flamme naisse, brûle comme elle se consume de l’intérieur, brasier ardent des sens. Ca coule comme une eau chaude sous la peau, sensation agréable d’apesanteur. Elle est pas encore défoncée pourtant. “J’suis naze aussi. J’ai juste eu d’la chance la dernière fois.” puis elle lève les yeux vers lui, tout en soufflant le filet de fumée entre ses lèvres entrouvertes, la voix plus nasillarde “Ou vous m’avez laissée gagner ?” Elle s’en vexerait même pas un peu, imperméable, sous anesthésie depuis des semaines. Y’a des choses qu’elle fout sous le tapis pour plus l’entendre, pour plus comprendre et concentrer toute son attention sur ce qui continue de briller. Tant pis pour les ombres, elle ira s’y perdre plus tard. Cartes en main, elle froisse pas sa face de poupée pâle, détail ses cartes, une main moyenne entre ses doigts, les autres qui continue de lui embrumer le cerveau, un aquarium de fumée entêtant dans le crâne. Puis elle arrive à rire, ça éclate comme un son rauque, un peu cassée, guitare mal accordée. Ses yeux noirs absorbent les siens, dégringolent un peu le temps d’un sourire qui se gomme à peine “T’as peur que je m’endorme avant la fin de la nuit ?” Elle mise à nouveau. Mise son âme et un bout de ses espoirs. Nine qui a pas peur de perdre, pas peur d’être le cadeau nécrosé qu’il aura entre les mains. Elle se donne sans réfléchir, l’esprit sur pause. Peut-être qu’elle est juste trop conne. “T’as pas peur que tes potes rappliquent et m’voit ici ? Ils avaient pas tous l’air d’apprécier que j’sois là la dernière fois.” Les paroles défilent de ses lèvres et dans un compte à rebours qui rapproche d’une fin certaine, elle couche enfin son jeu, dévoilant sa main d’or. “Bingo. On dirait bien que tu devras bloquer ton samedi soir et toute ta nuit pour moi. Déçu ?” Sans vaciller et abandonnant le joint dans un cendrier plein, elle se relève pour finalement venir s’asseoir près de lui, reprenant une place déjà volée la première fois, ses pieds sur une table en bordel, sa tête plus lourde qu’elle laisse basculer en arrière, ses yeux figés sur le plafond, comptant inconsciemment les fêlures qui s’entrecroisent. D’un air distrait, elle fait craquer le briquet entre ses mains, esquisse rêveuse aux lèvres “Alors ? Tu fais quoi dans la vie à part voyou du Queens ?” La question banale tombe dans le trou du silence alors qu’elle se tourne vers lui, pleinement attentive, un peu trop intéressée et si peu pressée de se lever pour repartir. Gratter encore quelques minutes ou quelques mèches d’espaces entre eux, elle hésite Nine, continuant d’être égoïste.

T’as peur que je m’endorme avant la fin de la nuit ?
Sa remarque t'amuse tant elle sonne vrai, Nine elle voit au fond de tes yeux, décortique tes pensées, t'as jamais sû cacher correctement les choses. C'est que tu voudrais l'épuiser autrement la voisine, l'écouter parler jusqu'au lever du jour, te jouer d'elle jusqu'à ce la patience lui manque. Titiller sa force de caractère, retrouver le goût enivrant de ses lèvres. ce serait dommage, c'est clair. T’as pas peur que tes potes rappliquent et m’voit ici ? Ils avaient pas tous l’air d’apprécier que j’sois là la dernière fois. t'es pas certain de comprendre, tu es le seul maître de ces lieux et les mecs n'ont pas leurs mots à dire sur tes fréquentations. qu'ils débarquent, ils s'ront bien reçus. t'enchaines, un fin sourire sur les lèvres alors que tu imagines déjà leurs réfléxions plus venimeuses les unes que les autres. tu grimaces, obervant une nouvelle fois cette main qui risque de te déservir. Bingo. On dirait bien que tu devras bloquer ton samedi soir et toute ta nuit pour moi. Déçu ? t'as à peine eu le temps de poser tes cartes sur la table que Nine se sentait déjà gagnante, et quand tes yeux se posent sur ce qu'elle a dévoilé, t'es bien forcé de l'admettre. Plus mauvais joueur de poker au monde. j'espère que tu vas me préparer une soirée riche en émotions ! sourire en coin, toujours. Il ne semble plus vouloir te quitter, il s'accentue même lorsqu'elle se redresse, que son corps rejette la distance entre vous et se pose sur le canapé. Ses yeux se fixent au plafond et les tiens ne la quittent pas une seconde. T'es parfaitement absorbé, le rap ne parviens même plus à tes oreilles, il n'y a plus que le mouvement de ses lèvres. Alors ? Tu fais quoi dans la vie à part voyou du Queens ? la question parait sincère, malgré la drogue et l'alcool qui coulent dans ses veines, Nine devient attentive, c'est toi qui ne parvient plus à te concentrer. Tu ricanes, bêtement, tes yeux divaguent jusqu'à l'écran plat, s'y fixent deux secondes pour mieux revenir à elle. qui a dit que j'étais un voyou ? tu joues les offusqués, c'est parce que j'suis black, c'est ça ? t'arques un sourcil, faussement sérieux. j'ai un doctorat en science politique. t'affirmes, mais y'a ton rire qui ne tardes pas à fendre l'air. Voyou t'as ce badge depuis tes quatorze ans, garçon des rues au crocs venimeux. ça rapporte gros. que tu finis par lâcher, t'enfonçant un peu plus dans le canapé, le corps à la recherche de celui de Nine sans que tu ne t'en aperçoives. ça rapporte gros, les junkies et les armes à feu. et toi, tu t'es fait viré de ton taff ou quoi ? pour que j'arrête pas de te croiser ces derniers temps. ton visage toujours tourné vers le sien. Toi, qui a l’œil partout, tu n'avais jamais eu vent de son existence. La voisine trop mystérieuse.

Pause. Le temps prend la forme soluble du sable entre ses doigts alors que dans une danse hésitante, elle continue de sourire, de jouer les gamines lunaires, à sourire au plafond puis à lui, sans crainte qu’il la trouve trop laide pour ça, qu’il y voit tout ce qu’elle s’efforce de lui cacher. Sans chercher de réponses à ses questions, elle ne sait pas ce qu’elle cherche à garder dans l’ombre. Aux autres, elle peut bien mettre en avant à quel point elle est cabossée, à quel point elle est souvent prête à trébucher et se casser la gueule parce que les poids s’accumulent sur ses épaules mais ici, là ou au premier regard, elle a prit un grand soin à ne pas dévoiler ses fêlures. Il pourrait y rentrer, s’en imprégner, la remplir tellement fort qu’elle serait au bord de l’implosion. Chaque fois qu’elle en a laissé un s’imbiber d’elle et du moindre de ses défauts, il a fini par fuir. Elle a finit par tout saccager, piétinant les espoirs et les vestiges d’un lien encore fragile. Et quand elle le regarde, un soupçon rêveur au bord des lèvres, elle gomme les démons qui rient d’elle au fond de sa tête, crispe sa main, la repli sur elle-même comme pour mettre un rempart à l’impulsion de le toucher. A croire qu’il finira par se reculer si elle amorce un mouvement, comme un mirage trop fantasmé qui finit par s'effacer. Alors elle parle avec ses yeux où le soleil se couche, où la pleine lune a repris sa place, lueur douce et moins agressive. qui a dit que j'étais un voyou ? L’air faussement sceptique, elle hausse un sourcil, pas certaine de gober cet énorme mensonge. c'est parce que j'suis black, c'est ça ? “Oui exactement, Trump devrait tous vous foutre dehors d’ailleurs.” Sa langue armée d’un sarcasme amusé laisse place à un rire moqueur qui s’étale contre les murs sans pourtant perturber la musique “Sciences po, rien qu’ça. Putain, si j’avais su que j’avais un prodige à côté de chez moi, j’serais venu demandé de baisser l’son plus tôt.” Souvenir pas si lointain d’un regard croisé à travers d’autres qui la mataient sans honte mais elle a fait l’erreur de lui sourire, d’avancer, de jouer avec la dynamite et de mettre le feu à la mèche. C’est comme si elle observait le feu manger les quelques centimètres qui la sépare de l’explosion alors qu’elle le regarde s’agiter, se rapprocher et elle attend. Elle attend le moment où elle pourra elle aussi se remettre en mouvement. ça rapporte gros. Sa voix caresse sa peau et elle se demande ce qu’elle attend à pas sauter le pas, à griller les étapes. Tu vas tout niquer Nine. et toi, tu t'es fait viré de ton taff ou quoi ? pour que j'arrête pas de te croiser ces derniers temps. Nine qui se fait plus pensive, ses yeux qui dégringolent jusqu’à la main qu’il lui offre sans même s’en rendre compte. Alors, toujours pleine d’audace, prenant le trône qui ne lui revient pas, elle laisse enfin errer ses doigts sur sa main, observe leurs peaux qui jurent l’une contre l’autre, dessine ses doigts du bout de ses ongles sans les emmêler. Un peu hypnotisée par ce geste trop doux pour elle, elle met un temps avant de répondre “Ca m'étonnerait pas que ça arrive. J’travaille pour une sorte de service après vente à la con. J’parle à des enfoirés pas contents toute la journée quoi.” Le rythme de son ton trainasse, embourbée par la fumée qu’elle a fait remonter jusqu’à son cerveau, ses yeux explosés sous le mauvais cocktail de fatigue et d’herbes brûlées. “J’devrais rentrer.” Mais elle le fait pas, elle relève son regard mal luné jusqu’à lui, en demande silencieuse, sans arrêter ses caresses. Ca apaise son coeur tiraillé, ça décrispe ses muscles sans cesse sous tension. Et le temps continue de couler, de la rapprocher du moment inévitable où elle devra se relever, patienter jusqu’au week-end, sans même savoir ce qu’elle peut lui réserver.

FIN.