amertume. (louve)

Toute vérité n'est pas bonne à entendre.
Le mensonge par omission est l'une des meilleures manières de protéger ceux à qui l'on tient. C'est ce que la vie t'a appris, pendant et après Daniel. Tu as trop vite compris, que tout le monde n'était pas en mesure de supporter les fardeaux des autres. Tu as noué le tiens, correctement sur tes épaules, tu t'en es fait une armure, qui t'étouffe d'année en année. C'est pour Louve que tu gardes la tête haute, tu fais de la place sur ton dos pour qu'elle y déverse son passée douloureux. Elle se détache de toi, tes sourcils se froncent mais tu respectes son choix. Comme un animal apeuré, la voilà qui se recroqueville sur elle même, ses genoux comme rempart entre vos deux corps. Elle pleure et ses larmes font office de centaine de couteau plantés dans ton cœur, qui ne cesse de battre la chamade. T'es incapable de la lâcher du regard, même une seconde. Elle pleurait, que Louve commence,. Il était sur elle et – et j'ai pas réfléchi. C'était instinctif. c'est ta propre histoire qui semble se reflétait à travers ses mots. Ce sont les mains de Daniel que tu imagines sur ta peau, qui te font frissonner de dégoût, c'est son corps que tu sens se presser contre le tiens devenu impuissant, et ce sont tes propres larmes qui se rappellent à toi, silencieuses, monstrueuses. Tu serres les dents pour ne rien laisser paraître. Je pouvais pas m'arrêter. Tout ça, tout ce qu'il s'est passé, c'est flou. Je me rappelle de rien, à part de la sensation des menottes sur ma peau et les lumières de l'ambulance. Il est toujours vivant. C'est ton histoire, à la grande différence que personne n'est intervenue pour toi. Que tout se passait dans l'ombre, Daniel n'a jamais fait un seul pas de travers. C'est la violence que tu vois couler le long des joues de la belle, c'est la violence qui courre sur sa peau, sur ses pommettes jusqu'à la jointure de ses doigts. C'est la violence qui refait surface, partout autour de toi, en toi, dans chacune des pulsations du myocarde qui s'affole sans que tu ne puisses rien y faire. C'est avec violence que l'air vient à te manquer, parce que t'as tout simplement oublier de respirer.
il ne méritait que ça, mourrir. que tu parviens à lâcher, enfin. T'as les yeux vagabonds, qui se posent partout sauf sur Louve. Il ne mêritait que ça, comme Daniel, comme tout les autres. T'inspires profondément, t'as besoin d'une cigarette et tu te lèves pour partir à la recherche de ton paquet. Tu glisses la clope entre tes lèvres, tu l'allumes et tires définitivement trop fort dessus. A t'en faire tourner la tête. j'suis désolée. que tu aies du affronter tout ça, toute seule... que tu murmures, légèrement tournée vers elle. T'as conscience, de la gravité de la situation. De la force qu'il lui a fallu. T'esquisse un sourire, trop faible. j'ai besoin de... de prendre l'air. que t'ajoutes, alors que tu cherches déjà tes clés dans le vide poche. T'as besoin d'échapper aux sentiments qui t'assaillent. Quelques minutes, seulement, pour ne pas craquer devant elle. Tu prétexteras une envie soudaine de bouffe chinoise, que tu prendras à emporter pour vous deux.

Ses mots s'enfoncent toujours plus profondément dans les Abymes. Des années à taire les souvenirs de cette nuit, puis ceux des mois qui ont suivi, et Louve reprend enfin son souffle. Elle se livre à Leïla comme jamais auparavant. C'est effrayant, pas seulement de s'ouvrir à la femme qu'elle aime, mais aussi de ne pas pouvoir prédire sa réaction ni contrôler la situation. Les perles d'eau salées continuent de couler sur ses joues aux nuances azurées et elle ne tente pas de les en empêcher. Ce soir, Louve n'a pas la force de prétendre que rien ne l'atteint. Ce soir, elle redevient Nika dans les bras de Leïla. Elle a peur. Elle est terrifiée d'être abandonnée, de se retrouver seule, seule avec ses démons relâchés en même temps que les syllabes échappées de ses lèvres douloureuses. Les coups résonnent dans son crâne, la sensation des os qui se brisent, l'odeur du sang, les gémissements du corps sous le sien, tout se mélange pour ne laisser que des images déformées. Louve en parle et elle sent. Elle sent ce vide qui continue de l'habiter, ce creux à l'intérieur qui ne cesse jamais de s'agrandir. Elle croyait avoir changé, il faut croire qu'elle s'est trompée. L'orpheline repense au moment où elle a perdu le contrôle, où plus rien n'avait de sens et que ses poings continuaient de s'abattre sans qu'elle n'arrive à les contrôler, et elle sait que ce ne sera pas la dernière fois, que si elle a réussi à garder le contrôle jusqu'ici, elle pourrait le perdre tout aussi facilement. Lorsque Louve parle, ses yeux s'attachent à n'importe quoi qui ne soit pas Leïla. Elle n'est pas assez forte pour les lever vers elle et voir toutes les émotions qui traversent les siens. Elle ne peut pas affronter son dégoût, sa peur, tout ce qu'elle pourrait y lire. Les derniers mots glissent difficilement de sa bouche. Il est toujours vivant. Il est toujours vivant et Louve souhaiterait qu'il soit mort, achevé par ses coups maniaques. Et peut-être que ça se lit dans sa voix. Peut-être qu'elle se trahit par le ton qu'elle emploie. Peut-être que c'est ça, ça qui achèvera le début de relation entre elle et Leïla.
– Il ne méritait que ça, mourir. Son regard retrouve le visage de sa belle en une nanoseconde et ses sourcils se rapprochent dans un froncement qui déforme son visage. Louve ouvre la bouche, prête à dire quelque chose, n'importe quoi, mais rien ne sort de ses lèvres entrouvertes. Elle ne peut rien répondre à ça. C'est ce qu'elle pense aussi, mais elle est incapable de l'avouer à voix haute. Au lieu de parler, elle reste silencieuse, observant Leïla se lever. La panique monte, se propage dans son corps entier à l'image de cette dernière qui s'éloigne, mais elle tente de garder son sang froid. Elle s'était préparée, Louve, s'était répétée que cette histoire, peu importe ses connotations, ne devait pas durer. Elle est prête à cette éventualité depuis les premières secondes en compagnie de Leïla, mais ça n'empêche pas son cœur de se resserrer si fort qu'elle a l'impression de se faire poignarder en pleine poitrine. J'suis désolée. Que tu aies du affronter tout ça, toute seule. Ce n'est qu'un murmure, qu'un son à l'allure de bruissement de feuilles, et pourtant, c'est aussi puissant qu'un hurlement. Un sourire s'étend sur ses lèvres, beaucoup trop faible pour être vrai. Louve baisse les yeux, les posant sur ses mains rougies. Elle est triste, Leïla, et c'est de sa faute. J'ai besoin de... de prendre l'air. La boxeuse la regarde sortir sans un mot. Elle n'a rien à dire. C'est de ta faute. Seule dans l'appartement, elle se sent plus vulnérable que jamais et c'est sans surprise qu'elle se remet à pleurer, laissant les larmes silencieuses couler sans s'embêter à les essuyer. Elle s'allonge sur le canapé, sa tête sur l'accoudoir et ses bras autour de son corps tremblant. Lorsque Louve s'endort, elle pense à Leïla, se laisse aller à espérer qu'elle reviendra et que rien n'aura changé.