(leto) comme une étincelle, qui même parmi ses semblables a toujours été seule

01/ (daddy issues, the neighbourhood) rutherford, ça vient de new-york, ton père y a vécu la majorité de sa vie. pourtant ton frère, alan, et toi avez vu le jour à ottawa, lieu de rencontre entre votre mère et lui. elle venait d'un coin paumé d'irlande, étudier au canada. il venait travailler. alan, il était pas prévu, mais c'est arrivé, et puis toi aussi quelques cinq ans plus tard. ton père est reconnu dans le monde scientifique, il était pas connu pour rester longtemps où que ce soit, alors souvent pour le voir il fallait voyager aussi, vivre à ottawa sans lui les trois quarts de l'année et le rejoindre durant les vacances, où qu'il soit pour ses congrès, ses conférences, ses recherches. t'étais fier, très, tu t'en souviens, malgré le manque. c'était moins le cas de ton frère, plus amer qu'autre chose, peut-être bien qu'il s'est mis à dérailler pour ça – attirer l'attention. t'étais le plus calme des gamins rutherford et, aux yeux de ton aîné, le préféré. t'étais dorloté, et puis dès que tu t'es mis au hockey t'étais aussi acclamé. ton frère, il s'est senti abandonné, délaissé lorsque votre mère a cru bon de lui laisser de l'espace. communiquer, c'est pas votre fort, on voit d'où tu tiens ton handicap des sentiments. alan, il a déraillé, il devait avoir treize ou quatorze ans la première fois, il a foutu le feu à ton équipement juste avant un match. il a encore moins apprécié que tes parents le fasse t'en racheter un, mais il s'en est plus pris à toi. pas directement. il s'est attaqué à la réputation familiale, jusqu'à vous faire déménager, d'ottawa à new-york, t'avais onze ans. 02/ (humble, kendrick lamar) t'as commencé le hockey sur glace à six ans, c'était un sport à tenter au canada et tu t'es avéré pour le moins doué. t'étais passionné dès la première fois que t'as envoyé un palet dans le filet. d'un club à un autre, d'ottawa à new york, t'as jamais arrêté de jouer et de t'améliorer. sans doute que t'avais besoin de prouver un truc, toi aussi, d'attirer l'attention de tes parents d'une façon diamétralement opposée à la technique employée par ton frère. à toi même, aussi, tu devais prouver tes capacités, ta valeur, à force d'entendre alan se plaindre que tout t'était donné sans le moindre effort de ta part. en 2008, t'as été remarqué par l'entraîneur des blackhawks qui t'a fait participer aux championnats juniors. à dix huit ans, t'as obtenu la nationalité américaine sur conseil de ton entraîneur et, en 2014, tu te retrouvais aux jeux olympiques de sotchi dans l'équipe nationale. tu fais partie de la NHL, et bosses chez les rangers depuis le retour de sotchi. toujours écouter le coach, c'est ce que t'en as retenu, tu l'as juste appliqué un peu trop à la lettre par la suite. 03/ (life of the party, all time low) qui dit célébrité, dit fêtes plus extravagantes les unes que les autres. t'as jamais compris pourquoi. mais t'y as pris part, d'abord pour essayer, profiter de ta notoriété comme n'importe quel être sensé l'aurait fait, parce qu'après tout tu le méritais, t'as bossé la majeure partie de ta vie pour tout ça, c'est pas tombé du ciel. peut-être bien que tu t'es trop donné, là aussi, parce que c'est ce que tu fais de mieux, donner donner donner. tu fais tout à fond, toujours, un peu trop. t'as souvent fait partie des mecs complètements morts en fin de soirée, endormi sur un canapé hors de prix dont tu connaissais à peine, voire pas du tout, le propriétaire. t'as souvent dû payer deux fois le coût de ton séjour à l'hôtel pour cause de destruction massive, généralement pas de ton fait mais bon, t'étais l'hôte. l'hôte de parfaits inconnus, d'à-peine-connaissances, mais une fois de plus t'avais pas ton mot à dire. avec suffisamment d'alcool dans le sang, t'oubliais facilement tes inhibitions, ainsi que ton peu de volonté propre. t'as fini par purement et simplement oublier qui t'étais avant, avant la pub, l'argent, les filles qui te sautent au cou comme si tu les connaissais depuis toujours, les gars qui se prétendent tes amis quand t'as même aucune idée d'où et quand tu les as rencontrés. t'avais une relation toxique avec la célébrité, et toi-même. t'étais lassé au plus haut point, après quelques mois seulement, mais t'as vécu là-dedans des années durant. 04/ (tear in my heart, twenty one pilots) katalina, t'as plus que ce prénom aux lèvres depuis que tu l'as rencontrée. ça commence à dater, pourtant. t'es jamais resté si longtemps attaché à qui que ce soit, ça fait partie de la vie de rock star, te partager comme une sorte de trophée. puis elle a débarqué, en toute simplicité, elle avait rien à voir avec les autres, rien à voir non plus avec toi. elle avait cette douceur indescriptible, cette différence bien marquée portée en étendard, cette façon d'être tout ce que tu n'es pas, et tout ce que tu voulais être. ce qui te manquait profondément, dans ton existence insipide de champion que l'on laisse se reposer sur ses lauriers. t'étais parvenu jusqu'aux jeux olympiques de sotchi, t'avais chopé la grosse tête à une vitesse hallucinante, elle t'a fait redescendre sur terre en un regard. elle a pas voulu de toi, katalina, elle s'est pas jetée sur toi comme une fan hystérique, pourtant cette fois ça t'aurait pas dérangé. non, t'as mariné pendant deux ans, n'allant voir ailleurs que pour mieux revenir lui tourner autour, requin épris de sa proie. et elle t'a changé, kata, pour le mieux. elle t'a montré que t'avais pas à être ce qu'on attendait de toi, un champion hautain, un fêtard, une célébrité parmi d'autres, copie conforme de dizaines d'autres avant toi. tu pouvais être toi, simplement toi, un leto qui en valait dix comme celui que tu prétendais être. ou croyais être, à force. elle t'a sauvé, y'a pas d'autre mot, t'espère qu'elle le sait parce que t'as jamais eu le courage de l'avouer. 05/ (yeux disent, lomepal) t'es un imbécile profond. une mauvaise nouvelle, un obstacle sur la route, et tu t'enfuis à toutes jambes. tu sais pas tout à fait ce qui t'a pris, leto, t'as juste paniqué, t'étais pas prêt à entendre ce que katalina avait à dire et t'as préféré déconner. tu connais rien d'autre, t'as pas exactement eu l'exemple d'un couple parfait, c'est ta mère qui s'est toujours occupée de vous et ton père laissait faire, choisissant la solution la plus simple, le repli. il était loin, il avait pas à se tracasser. le voilà, ton exemple masculin primaire, pas étonnant que tu sois incapable de gérer les situations telles que l'annonce d'une maladie. un cancer, qui plus est. le genre de truc qu'on prend en compte sur une durée indéterminée, le genre de truc contre lequel on se bat à deux, et en permanence. tu connais pas ça, toi, le soutien conjugal, l'amour à toute épreuve. t'as eu peur, t'as été lâche, t'as tout fait foirer. à vrai dire, tu sais pas ce que tu cherchais, à cette soirée, avec cette fille qui cherchait depuis déjà un moment à se retrouver seule avec toi. peut-être bien que ça t'es passé par la tête, rien qu'une seconde, une histoire d'une nuit insignifiante pour te vider la tête, mais t'as vite chassé l'idée. t'étais prêt à y retourner, à la rejoindre pour t'expliquer, te faire pardonner ta panique et ta fuite, mais quand tu t'es retourné elle était déjà là, katalina, et t'avais déconné juste assez. le temps de te frayer un chemin dans la foule, elle avait disparu du parking et t'étais planté comme un con à crier son nom. 06/ (the show must go on, queen) cœur brisé ou pas, t'avais pas d'autre choix que de te remettre au travail, et à ta petite vie habituelle. enfin, si, t'avais un autre choix, même une multitude d'autres choix, seulement pas les couilles pour tout ça. tu te serais expliqué comment ? est-ce qu'elle aurait seulement répondu à tes appels ? t'as pas essayé, fuyard à nouveau, préférant te priver d'elle et la laisser s'imaginer des tas de choses plutôt que de prendre le risque d'affronter son regard trahi, son ton déçu. à vrai dire, les matchs étaient une fois de plus la seule chose capable de te distraire efficacement, ton seul refuge. 07/ (he ain't heavy, he's my brother, the hollies) tu l'as détesté, alan, des années durant. c'était plus fort que toi, tu pouvais pas le voir. à vrai dire, t'as profité de ta carrière, des déplacements, des événements, pour éviter ta famille au complet. c'était surement mieux, au fond, parce que l'image que tu leur renvoyais derrière leur écran te flattait pas beaucoup, t'étais pas prêt à affronter les regards de déception, leur perplexité face à ce caractère qu'ils ne te connaissaient pas car, au final, il n'était pas tien. ce n'est qu'après le départ de katalina que t'as osé faire escale chez eux, un jour, sans prévenir. après des années de noëls esquivés, de réunions de famille soigneusement évitées, de nouvels ans souhaités depuis une fête ou une autre, entouré d'inconnus plutôt que de tes proches. t'avais moins honte de toi, maintenant que t'étais redevenu toi. et tu l'as vu, ton frère, finalement suivi pas un psy, finalement stable, et puis repentant. t'as pas eu besoin de plus de trois secondes pour passer l'éponge sur votre enfance, aujourd'hui t'essaye de recréer un semblant de relation avec lui.