wayfaring stranger --/ joel.

ce qu'il faut savoir / violemment agressé il y a deux mois environ, gideon campbell a perdu toute sa mémoire suite à un choc à la tête. il est depuis devenu joel crain — un nom inventé, pour une nouvelle vie et une nouvelle personnalité. --/ malgré l'insistance des médecins, il refuse de se souvenir — et le fait que rien ni personne aux alentours ne semble le reconnaître l'encourage dans cette voie. il sent que c'est peut-être mieux comme ça. --/ son corps, lui, se souvient. et il a rapidement découvert une violence qui le fait douter, et qui lui confirme l'idée que recommencer à zéro n'est peut-être pas une si mauvaise idée. --/ il participe à un groupe de soutien, auquel il se rend tous les mardis soir. groupe de soutien pour amnésiques — ou, à tout le moins, pour tous ceux ayant des problèmes de mémoire quels qu'ils soient. il s'y plaît, là-bas. il ne parle pas. écoute, simplement. mais c'est étrangement réconfortant, de savoir qu'il n'est pas le seul dans ce cas-là. --/ ses rêves sont souvent noirs. les souvenirs sont trop peu nombreux, au fond de sa tête, pour les colorer — mais lorsque la vie s'empare de ses songes, c'est bien souvent pour y faire remonter des atrocités. des cauchemars beaucoup trop vrais, qui lui flanquent parfois des frissons au réveil, à la pensée que le rouge et la mort aient pu être des réalités passées. --/ il lit beaucoup. un moyen comme un autre de se remplir la tête, depuis qu'il est sorti de son bref coma, il y a deux mois de ça. dès qu'il n'a rien à faire, il lit. ça l'aide à réapprendre le monde, et à s'occuper les pensées. à peupler ses rêves, et à ne pas paniquer sur l'hostilité que peut parfois revêtir cette nouvelle vie. --/ c'était par hasard, qu'il a posé ses mains sur une guitare. son corps s'est immédiatement souvenu, et il s'est mis à jouer. l'air suspendu au beau milieu, lorsque son corps a failli, et que sa mémoire n'a su le remplacer. mais c'était un début. et il a décidé de s'acharner. de profiter des souvenirs physiques de la technique pour se mettre à jouer quelques partitions, çà et là. comme la lecture, ça l'occupe. comme la lecture, ça l'apaise. et il ne s'en plaint pas. --/  ses parents étaient bouchers. un petit commerce dont il aurait dû hérité, mais auquel il a complètement tourné le dos. --/ ça faisait quelques années déjà qu'il était à la retraite. on ne lui courait plus après — on le surveillait, il le sait, mais personne ne voulait sa peau. l'incident n'avait rien à voir. agression isolée, un mauvais endroit au mauvais moment. --/ avant ça, il avait été utilisé durant de très nombreuses années comme exécuteur pour la mafia. la violence et la mort sont intégrées, et il est aujourd'hui effrayé de la simplicité avec laquelle il peut plonger dans une humeur noire et meurtrière, lorsque la situation l'exige. --/ son tatouage d'armée a attiré l'oeil des médecins, qui ont tenté de l'identifier grâce aux dossiers des bases de données militaires. on ne l'a cependant jamais retrouvé — un fait qui n'a pu être expliqué, mais qu'il a pris comme un signe du destin pour l'acceptation de ce nouveau vide de pensées.

traits de caractère / calme, franc, (calculateur), taciturne, tolérant, (brutal), instinctif, débrouillard, (violent), adaptable, patient, (vindicatif), à l'écoute, bienveillant, (cruel), résilient, intelligent.

au présent. joel, c'est la paix. c'est le calme, c'est la tranquillité. c'est l'acceptation d'enfin pouvoir recommencer. c'est la résilience, et la confiance en cette nouvelle vie qui lui a été donné. c'est l'effort de ne pas tomber dans la violence que ce corps réclame pourtant. la patience. la tolérance. la foudroyante habileté à s'adapter qui refait surface, et la débrouillardise qui lui permet de sillonner les rues du queens sans avoir peur de ce qu'il peut y croiser. une certaine assurance, mais jamais la moindre arrogance. il sait simplement où il met les pieds. sait comment s'en tirer. suit son instinct à en crever. c'est, après tout, la seule chose que l'amnésie n'a pu lui enlever.

(au passé.) gideon, c'était l'intelligence froide. c'était l'implacabilité. parfois, même, la cruauté. c'était le soldat qui avait intégré son traumatisme léger. soldat qui n'avait jamais réussi à nettoyer le sang sur ses mains, et qui avait cessé d'essayer. la résilience, mauvaise, venimeuse qui lui bouffait le creux des instincts et lui gelait le coeur en même temps que l'esprit. pas du genre à s'ouvrir, pas du genre à s'attacher. rien que le type qui exécutait pour continuer de se donner une raison d'avancer. exécutait pour être payé. rien que le type qui a voulu se faire oublier, quand le sang est devenu impossible à gratter de sous ses ongles, et qu'il n'a finalement plus supporté l'étau qui lui broyait la trachée. gideon, c'était les nuits trop chargées d'une guerre sans fin. et une part de lui, une part de joel, aujourd'hui, sent qu'il vaut mieux ne pas se rappeler. sent que la deuxième chance est inespérée, et que l'oubli de toute une vie vaut parfois mieux que le poids d'un passé auquel il lui sera à jamais impossible d'échapper.