bullet in a gun / mimi.

north/ quand elle est née, c'était juste à moitié. l'autre partie d'elle qui vit en ander, qui est ander. un truc entre jumeaux qui fait un peu peur, qui brouille les esprits et qui guide ses pas. liée à son jumeau, depuis toujours et à jamais. leurs âmes entremêlées, à se comprendre sans avoir à y penser et les interminables conversations à travers un regard. il est dans sa tête, elle est dans la sienne. elle lui doit tout, ander, elle l'aime d'un amour qui fait mal. loin de lui, elle se retrouve en chute libre, autant que la distance ne veut rien dire. elle regrette ce qu'elle a fait, a ressenti la brûlure dans sa poitrine, ça lui remonte dans la gorge quand elle y pense. la honte, la culpabilité, t'as failli le tuer, jusqu'où ça va aller ? besoin de lui, trop besoin de lui, mais à devoir le fuir, sans jamais le pouvoir. east/ la maturité acquise dans la violence, elle a jamais rien connu d'autre que la fracassante brutalité et la froide cruauté. harlem, qui l'a vu grandir, qui l'a vu espérer, qui l'a vu tout perdre. ils ont jamais eu grand-chose, mais au moins ils s'avaient l'un l'autre. jusqu'à ce que le paternel commette l'irréparable, que la rage dans son estomac ait raison de lui, qu'il prenne les armes et qu'il appuie sur la gâchette. ton père est un meurtrier, ton père est un salaud. qu'est-ce que tu vas faire de ça ? y'a rien à faire de ça, sinon apprendre à vivre avec le froid et le vide qui s'est installé en elle depuis. c'est son héritage, c'est son nom, fille de meurtrier. la phobie écrasante des armes à feu depuis, qui empoisonne ses nuits et ses hallucinations. les sursauts violents provoqués par les violences de new york. et depuis ander, depuis le tournevis qu'elle a planté dans son épaule, la terreur de devenir son père. il a craqué. ça sera quand, ton tour ? south/ incapable de vivre dans sa tête, le besoin des opiacés pour s'engourdir l'esprit. ça a commencé bêtement, avec une adolescente qui aimait le cinéma. qui se faufilait dans les salles sombres pour voir le dernier tarantino, qui s'introduisait dans les ciné-parcs dans le coffre de la voiture de sa copine, qui donnait un french kiss au commis pour un sac de popcorn gratuit. ça lui faisait du bien, les films. puis elle a commencé à travailler dans cette boutique de musique, et le propriétaire avait ses plants de marijuana dans la cave, et il lui a proposé un petit joint, just so you try it at least once. à partir de là ça a dégringolé, elle a voulu tout essayé, elle s'est enfoncé, et elle n'est pas remontée depuis. la drogue comme seul refuge, ça et ander, mais ander est la drogue, et la drogue est ander. you're gonna kill yourself, qu'on lui dit, la junkie pathétique, et elle lève le doigt d'honneur. au moins, quand elle est défoncée, elle n'a plus à penser. west/ et pourtant ce n'est pas qu'elle est inconsciente. quand elle s'est perdue trop loin, quand elle a failli se tuer, tuer ander, elle s'est rendue au centre communautaire. elle a fui le regard de la secrétaire, a dit, I want to go to rehab, et elle y est allée. elle s'est sevrée. elle a frissonné et elle a pleuré et elle a senti son corps se briser sous le manque. puis elle a senti son esprit se reconstruire dans la sobriété et elle a presque cru y arriver. son moniteur lui a remis petit badge par petit badge. trois mois de succès, you're gonna get far, mimi. jusqu'à ce que la nausée revienne polluer ses pensées, que ça devienne trop dur, qu'elle termine de tout briser en acceptant les baisers de son moniteur. qu'elle lui souffle au creux de l'oreille, let's run away, et qu'elle fiche en l'air ses cinq mois et ses vingt-deux à lui. la drogue qui se trouve trop facilement, j't'emmène dans le queens, et son corps à lui qui ne supporte pas la rechute. l'hôpital pour lui, les rues pour elle. petit job trouvé, juste là, à se demander si y'a quelque chose qu'elle peut encore foutre en l'air.

01/ mimi, on va la retrouver dans les squats, dans les églises abandonnés et les maisons où les pas fréquentables viennent traîner. on va la retrouver dans un coin, recroquevillée sur elle-même à se fixer le plafond comme si elle y voyait quelque chose. on va la retrouver prête à n'importe quoi pour sa dose, chantage, prostitution, sales boulots, vol, peu importe, elle fera ce qu'il faut. si elle a cru se sortir de la drogue un jour, c'est foutu maintenant, elle y est retombée avec un fracas lamentable. tout ça pour oublier. tout ça pour ne pas penser. tout ça pour échapper un peu à une existence qu'elle n'arrive pas à comprendre. tout ça parce que... parce que quoi, au juste ? tout ça parce qu'elle a rien d'autre. 02/ mimi, c'est la fanatique de cinéma. elle a connaît tout, elle a tout vu. elle a pas fait d'études mais elle a pas besoin. elle adore ça, elle veut voir tout ce qui existe, s'introduire dans les salles et juste se laisser transporter par les images. c'est comme une drogue, mais une bonne, une qui ne la bouffe pas de l'intérieur, mais une qui élargit son esprit et qui la fait réfléchir. la seule fenêtre sur le monde dont elle veut bien, le cinéma. ce job au club vidéo, elle s'y plaît déjà un peu trop, à y rester pour regarder tous les films qu'il y a. 03/ mimi, c'est celle qui a le talent caché, un corps qui se cambre et qui faufile avec une agilité déconcertante. une danseuse imprévisible, au pas léger, qui ne se connaît pas du tout. une facilité à se déplacer, la ballerine qui s'ignore, et qui aurait pu en faire quelque chose. mais ce n'est pas sur une scène qu'elle aime danser, c'est perdue dans les foules, les yeux fermés et l'esprit embrumé.  04/ mimi, elle a quelques tatouages, facilement dissimulés sous les vêtements. des petits symboles qui veulent tout et rien dire, qu'elle a souvent fait sous l'impulsivité. le plus voyant, une branche de lavande sur le côté de l'index droit, un peu effacé par le temps, délicat, simple. un cercle, sur la hanche, et un triangle sur la cheville. 05/ mimi, elle a un appétit féroce. c'est surprenant, quand on la regarde, mince comme une brindille, tremblante comme une feuille. mais elle n'a pas un de ces appétits d'oiseau, elle aime manger, et elle ne se prive pas. enfile les hamburgers et la bouffe pas du tout saine pour elle, histoire d'empoisonner son corps encore plus. capable de dévorer les plus grandes assiettes, et de ne pas ciller à le faire.