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| Sujet: hostilités (shabh) Mer 7 Nov - 12:55 |
| La nuit il paraît que les démons grattent sous le macadam froid des rues, s'élèvent dans le prolongement des enfers à l’odeur de violence et goût du crime. Ils sortent de leur tanière, loups affamés, lorsque les étoiles déjà mortes transpercent la nuit de leur lueur, éclairent un ciel infiniment noir. Il n’est pas loin de minuit, encore tôt pour les corbeaux, rapaces solitaires qui gouvernent les rues lorsque le soleil s’est enfuit. Les gentils rentrent chez eux, dans leur petite vie parfaite, leur confort à vomir et leur foutu amour qui ne durera pas. Le rêve américain laisse place aux âmes esseulées, prostituées, junkies à la dérive qui se retrouvent, comme une habitude dans leur tête en désordre, pour un énième fix.
Cesar nargue la nuit, la bouteille dressée vers les astres déjà morts, éclairant les ténèbres d’une lueur insondable. Il s’enfonce lentement dans la ville, les pas las et la grimace abîmée serpentant ses lèvres lorsque l’éthanol vient irriter sa trachée, déjà niquée par le trop de tabac et de bourbon, addict de ces spiritueux qui le maintiennent en vie pourtant prévenants d’un cancer imminent. L’homme se leurre, comme indestructible aux braises qui incendient son corps des affres inéluctables de la vie, immortel dans la douleur. Cesar anime les ténèbres, flâne dans les rues du queens comme un junkie aux déboires faciles et solitaires. Il se creuse un monde éteint, arraché à son ancienne vie qu’il aimait tant, pourtant si loin. Ses chairs dessinées de cicatrices décoratives à l’encre de chine, le visage abîmé par la luxure de ses excès et la barbe trop épaisse qui marque le manque de soin, comme une incarnation de l’abandon. Tu fais peine à voir, Cesar qu’ça gronde, tempête dans sa tête et ses pensées anesthésiées par l’alcool qui brûle ses tripes. Assis sur son trône de bois, banc public criant d’aphorismes étalés sur sa chair vieille de quelques années déjà : “N + L = FOREVER”, d’injures fallacieuses : “ACAB” desquels il lâche un soupir indicible. Les opales de l’homme remontent vers la ville illuminée qui raconte, calme, comme effrayée de troubler la paix des soirs de novembre, la nuit des vivants.
Il se lève, abandonnant sa gnôle au premier clochard qui passera par ici, avance en épave jusqu’à trouver un nid sur lequel s’embrumer les sens, le bar du coin montrant son nez, aubaine pour ses nuits d’insomnie. Il pénètre dans les lieux, trop connus des regards éteints et des âmes destructrices, la jeunesse élisant les clubs et cette musique hurlante, broyant les oreilles d’un Cesar affectueux d’un rock d’autrefois. Il s’échoue sur le comptoir comme une bouée de sauvetage au beau milieu d’un océan de tumultes et de violence. ”Un bourbon. Sans glace.” Ses opales trop noires s’aventurent ensuite vers l’individu à sa gauche, puant les travers, la gueule familière. ”La taule t’a pas vraiment aidée hein... Tu d’vrais peut-être essayer la désintox’.” Ses doigts crapuleux encerclent son verre onéreux, les pupilles vissées sur le fond de la boisson meurtrière, comme s’il attendait un signe, un adage qui lui aurait fait tourner les talons, fermer la porte de son addiction et ne plus jamais replonger. Mais c’est pas le cas, y’a plus rien qui l’empêche de s’abîmer. Il s’écorche la gorge, laissant le venin se déverser en son être d’une gorgée qui en vaut deux. ”C’est pas une bière qui va te donner les couilles que t’as pas.” Sans lui accorder un regard, les iris comme coincés dans ses songes. Il sait tout ce qu’il y a a savoir sur cette fille, démon meurtrier à coup de poudre blanche qu’elle offre, invitation à une chute certaine, les ténèbres qui narguent derrière une défonce trop appréciée. ”Tu bougeras pas d’ici, hm. Moi non plus.” Amère qu'est la tension palpable, promesse d’hostilité. |
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