c’est le grand soir.
vêtue dans une robe à l’élégance rare et raffinée, luz attend le bon moment pour se faufiler entre les invités et prendre une place qui lui revient de droit. un jour, elle aussi fera partie des grands de ce monde… de ces gens qui marchent sur le tapis rouge comme si le monde leur appartenait – et au fond, propriétaires et investisseurs des plus grandes entreprises du pays, n’est-ce pas le cas ?
l’homme anonyme qui lui donne chacune de ses missions s’est débrouillé pour leur trouver quelqu’un qui dirigera les opérations depuis un camion à l’extérieur. pour récupérer les documents volés quand luz et lion quitteront la foule en panique, pour vérifier les caméras et les tenir au courant des positions des agents de sécurité… toutes ces choses primordiales qu’ils ne pourraient pas faire, piégés tous les deux dans l’antre du loup, perdus dans un dîner pour promouvoir une nouvelle collection de vêtements hors de prix ; pour cacher les trafics qui auront lieu dans un coin. luz ne sait pas réellement ce qu’il se trouve sur ces documents, mais elle sait qu’ils sont suffisamment importants pour que l’anonyme les envoie ici et uniquement à deux… ils ne doivent pas faire de vague. ils doivent faire preuve d’une discrétion hors-pair.
et ils ont passé pas mal de temps, ces derniers jours, à tout préparer. à réviser un peu le plan de la soirée ; s’incruster parmi les invités, attendre quelques minutes ou quelques heures au bar… trouver les poules aux œufs d’or qui leur permettront de prendre leur place et d’amasser quelques informations.
luz repousse quelques mèches de cheveux enflammés pour effleurer le petit dispositif qui orne son oreille droite.
- lion, tu m’entends ?
elle attend quelques secondes, entend le petit grésillement significatif. elle reprend la parole.
- il faut qu’on trouve nos poulains rapidement. avant qu’ils ne soient tous installés à table.
elle sait pertinemment qu’ils ont suffisamment révisés les choses à faire pour ne pas se planter, et que lion sait bien quel rôle il doit jouer… mais elle préfère rappeler les choses ; ne sait-on jamais qu’il ait oublié une partie du plan. son idée n’est pas de le materner ou de l’embêter à coups de petites piques, mais cette mission rapporte tellement que luz est prête à tout pour qu’elle soit réussie… même si, évidemment, le plan initial connaîtra des petits débordements et des petits changements. parce que rien ne se passe jamais totalement comme prévu.
elle remarque lion, à quelques pas d’elle. elle décide de le rejoindre, dans une démarche chaloupée qu’elle a beaucoup travaillé. elle noue ses doigts aux siens.
- ce couple, là. t’en penses quoi ?
elle pointe du menton un couple, à quelques mètres. il s’agit d’une femme assez grande, blonde, aux cheveux légèrement bouclés et d’un homme – de la même taille de lion, plus ou moins – avec le même genre de tignasse blonde que le partenaire de luz.
les invités n’y verraient que du feu.
luz est un peu plus petite que la femme, et complètement plus rousse, mais les riches ont des hobbits qui les poussent à changer souvent d’apparence… pour ne pas se lasser de leur petite vie trop facile, sans vagues.
elle presse légèrement la main de lion, dans la sienne, parce qu’elle ne parvient pas totalement à cacher son appréhension. elle lui adresse un regard en coin, cherchant du réconfort dans ses yeux, cherchant de la confiance dans son visage. dis-moi que ça va aller. dis-moi qu’on va réussir.
c’est pas tant l’argent qui la motive, au fond, que l’appât du gain. que l’adrénaline de faire ce qu’il ne faut pas, que le besoin de satisfaire cet anonyme qu’elle côtoie depuis quelques années maintenant. ce n’est pas tant l’argent qui la motive, au fond, que le besoin de briller. de se hisser. de se prouver à elle-même qu’elle peut le faire, qu’elle est douée pour quelque chose, qu’elle a des talents cachés.
et l’idée de substituer des documents aux yeux et à la barbe des plus grands de ce monde – qui se pensent tellement intouchables – a quelque chose de grisant.