Le paroxysme de la futilité qui ébulitionne au fond de ses pupilles. Un peu plus d’anthropoïde que d’humanité propre, Mars observe avec une attention mystique la messe qui se célèbre d’un bout à l’autre du club. Ce que lui fout ici est d’autant plus nébuleux que le tour de taille qu’il détaille - pour le bien de la science uniquement. L’endroit dillué aux nimbes de néons charivariques prend étrangement bien les contours d’un sanctuaire où le vice est le maître-mot, une divinité impie à qui tout le monde s’accorde à chanter les louanges. Au nom du père, du fils et du saint esprit, faîtes que cette pimbêche se désinhibe assez pour achever sa prière à mes genoux. Amen. Son seigneur à lui s’est certainement égaré quelque part, au fond de son verre ou au creux de ses entrailles ravinées à larges pelles d’éthanol. Le Mars casanier conglomérant la noirceur à la seule prison de sa chambre est en congé ce soir, déplacement professionnel ou simplement usé de la psalmodie terne du grésillement de sa télévision. Ici, même ses pensées sont noyées sous les basses, le gamin égocentrique bien plus intéressé par les limbes de son subconscient se retrouve accablé par l’absence d’esprit dont il fait preuve. Légèrement usé, royalement emmerdé. La bibliographie de ses tribulations estampillée à l’encre ocre de l’usure de son être : il sent sa patience en érosion imminente et les prémices du crash s’annoncent de part d’omnipotentes valves de soupirs ô combien exaspérés. Et si ce type là venait à l’effleurer de juste assez de centimètre pour justifier un festival de phalanges qui dessinent leur bouquet final contre sa foutue mâchoire? Et si cette garce lui faisait l’outrage suprême de polluer sa vision une fois de trop pour qu’il ne puisse ingurgiter l’envie incoercible de lui fendre la bouche, et d’un coup la naïade agonise à la surface terrestre. Irrévérencieux, dîtes-vous? Son “ta gueule” est pourtant le plus civil qui soit, articulé avec la plus grande attention pour qu’aucune note s’en soit balbutiée et devenant ainsi tragiquement inaudible. Voilà le châtiment légitimement octroyé de sa main d’apôtre merdique pour les opportuns et autres connards tâchetant sa vision de leur exiguïté. Ce soir, la musique tambourine à l’orée de ses tympans, mais ce sont les tambours de guerre de sa colère qui tonnent le plus fort. L’instrument est bien huilé, de mains bijoutières. Le gamin est bien habitué à cette danse, et s’ennivre de sa propre détresse jusqu’à un plus soif ostentatoire. L’oeil scrute les masses, à la recherche d’un butin pour embellir cette soirée de vacuité intense. Et il le trouve. Juste là, Sera et ses pupilles pétroleuses. Sera et cet arrière-goût rance d’inachevé et de jeunesse cramée. Aucune cérémonie dans sa manière empressée de venir la rejoindre et d’étaler son visage sur son champ de vision. L’intrusion lui donne des soupçons d’allégresse dictatoriale. Trois secondes exactement soupesées pour laisser sa mémoire retracer le fil de leur passé commun, et le sourire graveleux qui déchiquète l’encolure de sa bouche. « Tiens donc, Sera Cohen. Je vois que t’as ramené tes deux nouveaux potes, tu me les présente? » Coup d’oeil entendu sur son décolleté sur lequel il s’attarde juste un battement de coeur de trop. Et la réalisation qui fleurit dans les limbes de son encéphale : le temps a bien fait son travail, et là où avant la jeune fille était auréolée d’une pseudo candeur, elle n’est plus qu’un sublime réceptacle à tous les désirs lubriques des hommes. Un foutu joyaux qu’il compte bien monopoliser, au moins pour ce soir, pour en vampiriser l’éclat mirifique.
tes yeux clairs qui parcourent l'endroit, l'ennui profond qui s'inscrit sur tes traits alors que tu passes une main dans ta chevelure brune. une autre fois tu serais peut-être partie chercher fortune ailleurs, un autre lieu où tu te serais perdue dans l'euphorie ambiante, l'alcool coulant dans tes veines comme un poison, enflammant tout sur son passage pour ne laisser que des cendres. mais tu n'en fais rien, accoudée au bar, tes lèvres écarlates que tu trempes dans ta boisson, une mince gorgée que tu sirotes, la musique qui résonne à tes oreilles, elle fait vibrer les murs. tu étais en chasse sera, n'importe quoi pour chasser la monotonie de cette soirée, pourtant tu ne trouves pas ton bonheur encore. tu ne t'ennuyais pas suffisamment pour prendre le premier venu, tu n'allais pas t'abaisser à choisir n'importe qui, tu avais plus de goûts que cela. ta main libre qui glisse sur le comptoir, tes doigts qui pianotent une mélodie incohérente, geste incontrôlable que t'occupe l'esprit, tes pensées qui tourbillonnent dans tous les sens, formant un micmac incompréhensible. où étaient-ils les beaux étalons qui pourraient te tenir compagnie, t'offrir leurs corps en échange de quelques instants de plaisirs éphémères ? le fil de tes pensées agitées qui t’emmène loin, très loin tu en oublies presque où tu étais sera, l'espace d'un instant tu as l'impression de ne plus être présente, étrange impression que de se sentir détachée ainsi de son corps. tu te perds sera, dans ton imagination et tes réflexions. combien de temps passe exactement avant que tu ne retrouves tes esprits ? dix minutes ? peut-être plus avant qu'une silhouette entre dans ton espace vital, un jeune homme qui accapare ton champ de vision alors que ton visage n'exprime que de l'étonnement. il avait bien grandi, à l'époque vous n'étiez que des gosses encore. mars. un prénom qui laisse un goût étrange sur tes lèvres alors que tu le murmures du bout des lèvres. sa réflexion qui étire tes lèvres en un sourire félin, tu n'étais plus la gamine de votre passé commun, tu t'étais métamorphosée, tu étais devenue une lionne maintenant. plus un petit chaton. « pour ça, faudrait le mériter mars. » tu susurres avec amusement, haussant un sourcil et pourtant tu te redresses, amplifiant les formes de ton corps, celles qui n'étaient pas encore présentes quand vous vous êtes connus. « je vois que les années ont été bonnes avec toi également. » tu commentes alors que tu l'étudies de la tête aux pieds de tes yeux verts, une lueur qui éclaire tes pupilles. on pouvait dire que la puberté lui avait réussi, il était encore plus enivrant qu'il l'était déjà à l'époque, tu n'avais jamais caché que tu le trouvait beau, même quand vous n'étiez que des gosses trop inexpérimentés, ce goût d'inachevé qui reste en travers de la gorge, tes désirs passés qui n'avaient pu être assouvis. tu poses ton menton sur la paume de ta main, tes lèvres rouges qui s'étirent encore une fois avant que tu ne prennes une gorgée de ta boisson alcoolisée, appréciant la chaleur du liquide dans ta gorge. « qui aurait cru que je tomberais sur toi ici, une envie de te changer les idées ? » tu n'avais pas le souvenir qu'il aimait ce type de lieu, vous n'étiez que des gamins après tout, vous n'aviez pas l'âge de fréquenter un tel endroit. mais sa présence auprès de toi, ça faisait naître une toute nouvelle lueur dans ton regard. peut-être que la soirée allait devenir plus intéressante à présent.