be the one. (sera)

Jill, elle a ce rêve en tête depuis toujours. Ouais, des rêves plein la tête. Elle veut qu'on la reconnaisse pour le talent qu'elle a, avoir de l'argent qu'elle a gagné elle-même. C'est sûrement son côté fier, indépendant. Une personnalité plus compliquée qu'elle n'en a l'air... Comme ça, on la prendrait pour le cliché de l'allumeuse, mais y a des moments où elle ne sait pas bien où elle en est. On la prend aussi pour cette fille qui n'est pas une lumière, alors qu'elle a plus d'un tour dans son sac, Jill. Elle a eu une certaine éducation, comprend beaucoup de choses, aime apprendre aussi. Mais bon, son apparence compte toujours beaucoup. Comme aujourd'hui. Jour d'audition, elle a répété son texte, l'a joué sur différents tons pour être aussi prête que possible. Mais c'est sans compter sur la pluie qui s'est abattue sur elle à l'instant où elle est sortie de la voiture. Même quand elle entre dans le bâtiment, il la suit comme son ombre. Ce n'est pas de Kaz qu'il s'agit, pas tout le temps. Elle a beau en avoir assez qu'on la suive de cette manière, elle préfère amplement quand c'est lui. Comme si parfois, elle parvenait à s'amuser de la situation. Faut dire qu'elle peut jouer avec ses limites... Voir combien de temps encore il tiendra, avant de se laisser porter par son désir. Enfin, elle zigzague dans les couloirs, parmi les concurrentes. Elle voit une fille, qui semble être là pour sublimer toutes les jeunes femmes comme elle. Ça ne lui fera pas de mal. Elle ne peut pas se présenter dans cet état à l'audition. Elle veut être éblouissante, tellement qu'ils se diront que c'est elle qu'il leur faut pour ce rôle-là. « Toi ! T'es là pour arranger ça, non ? » lui lance-t-elle, un peu supérieure. Un peu autoritaire, comme elle l'est souvent. Elle ne peut décemment pas se présenter avec son maquillage qui a à moitié coulé et ses cheveux qui sont sortis de son chignon serré, à l'origine.

les piaillements des filles qui t'irritent les oreilles, il y avait des jours où tu avais plus l'impression de te retrouver dans une basse-cour que dans les coulisses d'une audition. aujourd'hui tu avais suivi ta patronne sur le plateau de tournage d'un prochain film, si tu l'avais bien écouté, à vrai dire parfois tu te perdais un peu, vous pouviez parcourir des kilomètres dans une journée, visiter d’innombrable lieux. tu ne pouvais pas retenir tout. excuse facile, mais qui t'aidait souvent quand tu ne voulais pas te rappeler de noms. tu pinces les lèvres alors que tes doigts ne s'arrêtent pas, passant du visage d'une jeune femme à une autre, les traits qui se fondent jusqu'à ce que tu ne les discernent plus, qu'ils se mélangent.. tu as noué tes cheveux en queue de cheval pour être tranquille, mais quelques mèches perdues te chatouillent le visage, tu les chasses d'un coup de main avant de reprendre ton travail. tu ne sais combien de temps tu passes ainsi, devant ton miroir et ta chaise, à faire inlassablement les mêmes gestes, répéter les mêmes paroles comme un mantra, les filles qui deviennent tes poupées, des marionnettes entre tes mains expertes. et puis enfin le moment de souffler, la salle qui se vide légèrement, tu te poses négligemment avant de sortir ton téléphone, pianotant des messages à tes amis. tu trouves enfin un peu de calme dans tout ce brouhaha, tu te déconnectes sera, l'espace de quelques minutes pour te ressourcer. tu relèves le nez de ton portable quand une voix t’interpelle, arquant un sourcil parfaitement dessiné vers la nouvelle candidate qui vient se planter devant toi. elle croyait parler à qui là ? un peu de politesse ne lui ferait pas de mal tu songes, observant l'état navrant dans lequel elle était. on aurait dit un chien mouillé. « ouais il se pourrait bien, » tu réponds sur le même ton, un sourire commercial que tu colles sur tes lèvres. « t'es passée sous un bus pour avoir un tel look ? » ta patronne te taperait probablement sur les doigts si elle t'entendait.

La pluie qui s'abat sur elle, juste avant son audition... Jill n'en revient pas, Jill peste entre ses lèvres. Tendue, elle arrive sur les lieux. Et puis, elle n'aime pas qu'on la suive ainsi, comme ses gardes du corps le font à tour de rôle. Ça l'agace plus que tout, mais on lui impose. C'est bien difficile de leur échapper, malheureusement. Elle snobe celui qui s'occupe d'elle, comme s'il n'était qu'un moins que rien, par rapport à elle... La princesse de ses parents, qu'on protège de tout. Elle arrive, elle s'impose. Elle est prête à écraser la concurrence, comme toujours. Y a cette fille sur son passage, qui a l'air d'être là pour s'occuper de celles qui sont comme elle, prêtes à tout pour la gloire. Ça commence par être belle devant le directeur de casting. Elle ne peut décemment pas se présenter comme ça. Alors elle l'interpelle, autoritaire. Elle n'a rien de mieux à faire, comme elle a le nez sur son téléphone. Il faut qu'elle s'occupe d'elle, et Jill serait bien capable de se plaindre de la jeune femme si elle ne s’exécutait pas, sans penser aux conséquences. Elle n'aime pas bien que cette fille emploie le même ton qu'elle. Elle n'aime pas bien qu'on lui réponde mais ne se soucie pas de le faire aux autres. Sa question l'agace, et elle rit, nerveusement. « Ouais c'est ça. » siffle-t-elle, cynique, alors qu'on voit très bien que des trombes d'eau ont ravagé son visage, ses cheveux... Trempé ses vêtements aussi. Et puis elle voit une chaise, et elle s'installe sans y être invitée. D'un signe de la main, elle l'invite à se mettre au travail. « Allez, arrange ça vite. » lance-t-elle, toujours autoritaire. Elle n'a pas que ça à faire, d'attendre que cette empotée se remue un peu. Elle a intérêt d'avoir la même dextérité avec un pinceau de maquillage qu'avec le clavier tactile de son téléphone portable.

tu avais beau aimer ton métier, après tout tu n'avais pas fait tous ces sacrifices pour rien, tu étais passionnée par tout cet univers. en revanche, ça ne changeait pas que l'attitude de certaines des filles que tu devais maquiller pouvait te taper sur le système. vous n'avez pas arrêté aujourd'hui, et tes nerfs commençaient petit à petit à lâcher. tu prends à de nombreuses reprises ta respiration, fermant les yeux quelques secondes pour rassembler ton calme, un peu de méditation ça faisait toujours du bien. il faudrait que tu retournes à tes cours de yoga toi, tu en avais bien besoin, tu avais les muscles tout tendus et ce sport, ça t'aidait à remettre de l'ordre dans tes pensées. ta bulle de sérénité qui est soudainement éclatée quand une jeune femme s'impose à ta vue, dans ton espace vital, tu ne peux t'empêcher de juger son apparence, retenant une expression moqueuse de naître sur ton visage, si ta patronne apprenait que tu te moquais des clientes, tu allais passer un sale quart d'heure, chose que tu préférais éviter bien que certaines méritaient clairement d'être remises à leur place, tout comme celle-ci dont tu n'appréciais l'attitude hautaine. elle te prenait pour sa bonniche ou quoi ? un peu de respect ne lui arrachera pas la gorge. tu hausses un sourcil légèrement, pinçant les lèvres alors qu'elle fait comme si elle était la reine, ô combien t'aimerais l'envoyer bouler et aller voir ailleurs si tu étais, mais ce serait s'abaisser à son comportement, et tu valais mieux que ça. « mais bien sûr. » tu susurres avec une fausse douceur, sourire factice que tu colles sur tes lèvres avant de t’atteler à la tâche, qui à cause de l'eau qu'elle s'était pris sur la tête, n'allait pas être facile. il y avait tout à refaire. tu observes son visage plusieurs secondes, notant dans un coin de ta tête les couleurs s'accordant le mieux à son teint, à ses yeux avant d'attraper tes produits, le calme qui t’envahit à nouveau alors que tu te charges de rendre à cette fille sa beauté d'avant son passage sous la flotte.