larme à gauche. (rimmel)

01/  certains cherchent l’âme soeur pendant toute leur vie, et d’autres ont la chance de naître avec. rimmel considérait sa jumelle revlon comme la moitié de lui-même, il n’y avait personne qui comptait plus au monde qu’elle, sa propre vie ne valait rien si elle n’était pas à ses côtés. les gens voyaient parfois quelque chose de malsain dans la relation qu’ils entretenaient parce qu’ils se tenaient la main, parce qu’ils dormaient sur le même matelas, parce qu’ils ne se quittaient pas. pourtant, il n’y avait rien de plus que de l’amour fraternel entre ces deux-là. ils étaient simplement tous aveugles du lien trop fort qui unit deux gémellités. parce que dès que l’être humain n’explique pas scientifiquement quelque chose, vous devenez un paria. rimmel ne considérait pas sa vie sans revlon; quand elle est morte, il a cru mourir avec elle. malheureusement en taule, il fut plus difficile que prévu de mettre fin à ses jours, constamment surveillé, épié. après sept ans à tituber dans l’obscurité, il entrevoit toujours pas la lumière à l’autre bout du tunnel, et au final, il se dit que c’est ça, sa véritable peine. avancer sans elle. 02/ il est loin d’être stupide, mais il ne sait pas écrire. les phrases, les mots, les lettres se mélangent dans son esprit pour former une espèce de pelote de laine indémêlable et plus il tire sur les fils, plus les liens entre eux se resserrent. il connaît l’alphabet, il peut le citer en moins de trente secondes comme tout le monde, mais dès qu’il s’agit de coucher celui-ci sur du papier pour former des paragraphes, il n’est plus capable. pour la lecture aussi c’est difficile, il s’est exercé un peu parce qu’il avait du temps à revendre en taule, parce que tous les autres lisaient et que lui devait se contenter de fixer le plafond, mais c’est toujours un exercice difficile. pour déchiffrer les panneaux publicitaires, il faut qu’il s’arrête, pour lire le nom d’une ville inconnue sur un panneau, il faut qu’il se concentre, si vous lui envoyez une lettre, il la brûlera, si vous lui demandez de lire à haute voix, il fera comme s’il n’entendait pas. personne n’a jamais mis le doigt sur le pourquoi de ses lacunes, les professeurs et ses parents n’ont jamais pu comprendre pourquoi son cerveau fonctionnait si bien, pourquoi dès qu’il s’agissait de plan, de chiffre, de logistique, il était si doué et pour le reste juste un raté. 03/ les gens ont tendance à souvent se sentir seul. rimmel l’entendait de la bouche de sa mère qui prétendait que son père ne l’écoutait pas assez, il l’entendait de la bouche des gars avec qui il traînait, il l’entendait surtout dans celles des filles avec qui il couchait. il n’essayait même pas de comprendre ce que cela signifiait, il était totalement étranger à la solitude, il n’en avait jamais fait l’expérience car il avait toujours eu revlon. elle l’accompagnait partout, tout le temps et même quand ce n’était pas le cas, il lui suffisait de passer un coup de téléphone pour qu’elle apparaisse. alors quand elle est décédée, il n’a pas tout de suite compris le sentiment qui l’envahissait, il était vide. et puis il y a eu le procès, personne pour l’emmener, maman et papa qui n’y ont pas assisté et sa petite sœur, son trésor qui l’avait mené ici à cause de sa brusque mort. il s’est senti seul, esseulé et il a découvert à ses dépens que c’est le pire sentiment qui puisse exister. 04/ la plupart des gamins qui volent dans les magasins, ils ont une raison particulière généralement c’est parce qu’ils crèvent de faim. et puis il y a ceux qui s’amusent juste, qui volent parce qu’ils veulent la nouvelle console de jeux, un sac adidas sur l’épaule ou un jean levis pour frimer. contrairement à eux, rimmel n’a pas commencé à piller des baraques pour le côté matériel des choses, il était content de ramener des trucs à sa soeur et d’aider ses vieux parfois, mais ce qui l’a vraiment fait tomber dans ce vice, dans ce métier, c’est l’adrénaline de se faire choper, c’est la respiration difficile avant d’avoir trouvé le moyen de débloquer une serrure, un loquet. c’est d’élaborer les plans pour entrer par effraction dans une maison, c’est la logistique, le manque d’accès. la difficulté. mettre un truc dans sa poche dans un supermarché c’est pour les amateurs, les branleurs, rimmel, il voulait voir les choses en grand. il voulait dérober des trucs qui valaient de l’or juste pour entendre son nom à la télé juste pour voir les yeux des gens s’écarquiller, murmurer que c’était impossible, que c’était trop en sécurité. que c’était trop bien caché. sa réputation, elle s’est imposée avec le temps, les gens entendaient des rumeurs, ils parlaient, certains des braquages sont même passés à la télévision alors que papa et maman regardaient. il s’est fait son nom dans les rues du bronx, du queens et puis plus loin ailleurs, des gens venaient le chercher pour qu’il récupére  des trucs qu’ils avaient “laissés”. ils payaient le prix fort pour que rimmel fasse juste ce qu’il aimait. 05/ il existe un million de façon d’être sobre. rimmel l'est devenu. c'était un voleur, légèrement kleptomane sur les bords, ses doigts fouillaient les poches des gens autour de lui sans même qu’il ne réfléchisse vraiment à ce qu’il était en train d’accomplir. il dépossédait les autres de leurs biens sans scrupules, il ne savait pas s’arrêter. il n’avait aucune limite. les porte-monnaie, les baraques aux serrures rouillées, celles aux systèmes de sécurité hyper sophistiquées. en taule dans sa cellule, avec les autres détenus, il a continué comme par habitude, ses mains étaient plus rapides que son cerveau et il en a plusieurs fois fait les frais, les coups, l’isolation, il a fini par faire taire cette manie qu’il avait. au début, c’était dur comme un héroïnomane qui n'a pas eu sa dose, ça le démangeait, ça l’obsédait et puis avec les mois, les années, l’envie s’est éteinte, le brasier est devenu fumé. aujourd’hui, l’idée de voler lui traverse l’esprit parfois, mais il l’exécute jamais. ce qui manque le plus c’est l’organisation, les plans, les virées, l’adrénaline et la peur de se faire griller, c’était son jeu préféré, mais il se punit, il s’interdit de recommencer. pour payer ses factures aujourd’hui, il exécute un travail minable.