I'm still alive. - Opale.

01 : la belle époque. T'étais le bébé de la dernière chance. La petite princesse. Le petit bambin que tout le monde adorait porter au creux de ses bras. Avec tes grands yeux bleus et ta tête d'ange, tu faisais craquer tous les parents. Surtout les tiens. Aimée et choyée, tu l'as été. Ton père et ta mère c'est le couple qui te fait rêver, tu les admires énormément. Jamais de mots plus haut que l'autre, beaucoup de communication et un amour à toutes épreuves. Alors que certaines familles se déchiraient autour de vous, vous restiez soudés et aimants. Ton enfance a été plus qu'idyllique. Tout t'a toujours souri. T'as jamais eu le moindre petit soucis. Et puis tes parents ont de l'argent qu'ils ont acquis à la sueur de leurs fronts. T'as jamais manqué de rien et déjà petite, tu faisais tourner les têtes des garçons, t'attirant les foudres et les jalousies de certaines filles au passage, ce que tu ne comprenais pas au début. T'y étais pour rien après tout. Petite, tu as eu un fort attrait pour l'art. T'as appris à jouer du piano et de la guitare. Et puis t'avais un bon coup de pinceau, t'adorais dessiner dans tes cahiers et ceux de tes amis. T'as fait de la danse aussi et de l'équitation. Puis en grandissant, t'as un peu tout laissé tomber. T'as eu ta période ado, d'autres cercles d'amis, un nouveau terrain de jeu, un nouvel établissement, le début des soucis. 02 : le piège. Même si on te l'avait dit, t'y aurais pas cru. Comment un mec aussi envoûtant, populaire et mystérieux à la fois pourrait être aussi pervers, malsain et dangereux ? En réalité, c'est tout à fait possible, y a qu'à voir ses parents et la façon dont il traitait son frère pour se poser des questions. Mais toi, t'étais à mille lieux de ça. Même tes parents t'avais mise en garde. Ils les surnommaient souvent les Payne in the ass. Ils les aimaient pas, à part Tanner justement. Et toi aussi, tu l'appréciais. T'étais bien l'une des seules à lui apporter ta sympathie mais t'as jamais vu en lui ce que tu voyais en son frère. Le beau garçon, plus vieux. Tout de suite, ça donnait envie. Et il s'intéressait à toi. Incroyable ! T'as eu quelques aventures bien sûr mais pas ça. Ça c'était l'interdit, le mystère. C'était excitant. Mais t'as déchanté très vite. Au début, ça se passait bien. Forcément qu'il allait pas se montrer sous son vrai jour. Mais tu l'aimais, ouais, t'as eu un coup de cœur pour lui. Et puis c'était ta petite rébellion vis-à-vis de tes parents qui voyaient d'un très mauvais œil votre relation. Tu savais qu'il avait déjà eu pas mal de conquêtes, surtout des filles de ton âge mais ça t'intéressait pas vraiment de leur demander comment c'était, tu voulais le vivre. Grand mal t'en as pris. Il devait quand même particulièrement bien t'aimer ou tout du moins te préférer parce que t'as rencontré ses parents, il a été galent Tarrence, un vrai gentleman. T'étais comblée et puis vous avez couché ensemble quelques fois. Le truc c'est que plus ça allait, moins t'étais à l'aise. Au début, il était doux comme un agneau, à la fin il était brutal, voire carrément bestial. Et un soir, t'as dit non. T'avais pas envie, vous vous étiez pris la tête par rapport à une connerie dont tu te souviens même plus l'origine et t'étais pas d'humeur. Ça lui a visiblement pas plu et c'est là que ça a dégénéré. Déjà, tu trouvais qu'il te forçait un peu trop la main à ton goût, parfois t'avais pas spécialement envie de le faire mais il arrivait toujours à ses fins, sournoisement. Cette nuit-là fut la pire de toute pour toi. T'as l'impression qu'elle a duré une éternité. Et comme le hasard fait bien les choses, c'est grâce à ton téléphone que la vérité a explosé aux yeux de tous. Tu l'avais bousillé quelques jours plus tôt mais t'avais pas trop eu le temps d'aller en racheter un et ce dernier avait tendance à faire un peu n'importe quoi. T'étais en train de parler à une amie avant que ça ne sente le roussie pour toi et comme le tactile n'en faisait un peu qu'à sa tête, il l'a appelé sans que tu t'en aperçoives. Terrance l'a balancé sur le tapis et ta pote pensait à une mauvaise blague au début jusqu'à ce qu'elle t'entende pleurer et te débattre. Elle a sûrement dû appeler les flics suite à ça parce que quelques minutes plus tard, des lumières bleus et rouges éclairaient la façade des Payne. Ton bourreau a été directement arrêté et on t'a prise en charge. T'étais en état de choc. T'as à peine pu donner ton témoignage alors ils t'ont envoyé à l'hôpital. C'est ainsi que tes parents t'ont retrouvé, t'étais assise dans un coin de la pièce avec une couverture de survie sur les épaules, ton mascara dégoulinant et tout collé sur ton visage déconfit, le regard dans le vide, les vêtements déchirés, des marques sur les poignets et ton téléphone posé à côté de toi avec ton sac. Le serpent a charmé l'innocente brebis égarée et il en a fait son quatre heures. T'étais plus que l'ombre de toi-même. Brisée, souillée et trahie. T'avais confiance en lui. C'était le début de la fin. 03 : la chute libre. T'allais plus en cours, t'étais simplement en train de dépérir. T'étais plus capable de rien, surtout après avoir dû aller porter plainte, qu'on touche encore à ton intimité et qu'on confirme bien qu'il y avait eu viol. Ce mot... Quatre petites lettres mais un pouvoir dévastateur. Tes parents t'ont soutenu, ils ont été là tout du long. T'as repoussé tous les autres, c'était trop dur. T'as pris des cours par correspondance pour pas trop prendre de retard. Mais même ça, t'avais du mal alors quand il a fallu aller au tribunal...ça a été toute une épreuve. Ils ont pris ton téléphone, t'as dû attendre toute la fin de la procédure pour le récupérer, ils t'ont posé pleins de questions et puis tu voyais les visages de toutes les filles dont il avait abusé... Et lui, assis à te regarder de ce regard perçant et il arrivait encore à te faire te sentir comme la pire des merdes... Tanner était là aussi. Tu t'en souviens. Il a refusé de le défendre. La tête de sa famille à ce moment-là était mémorable, t'en aurais ri si t'étais pas dans un état aussi lamentable. T'as agi comme un automate durant tout le temps que ça a duré, tu t'es complètement refermée sur toi-même, tu ne laissais plus rien ou personne te toucher. Et quand enfin le verdict est tombé, t'as pu un peu souffler. C'est là que les thérapies ont commencé. T'avais perdu trop de poids, ça en devenait réellement inquiétant. Déjà que t'avais presque rien sur les os, t'étais devenue squelettique. Tes parents ont été plus qu'éprouvés de voir leur petite fille chérie souffrir à ce point mais ils ne t'ont jamais lâché. Bien au contraire, ils t'ont tiré vers le haut. De toute façon, c'était les seuls que tu laissais t'approcher. Même si avec ton père, c'était compliqué au début. C'était un homme, et ton cerveau faisait pas la différence mais c'est vite passé. C'est ton papa tout de même. Et puis y a eu Tanner aussi, il est venu te voir mais tu l'as rembarré. Tu supportais pas de le voir, ça te rappelait trop Terrance et puis, tu voulais pas qu'il te voit comme ça.. Détruite et anéantie. Plus tard, tu t'en es voulu, lui au moins, il ne t'a jamais voulu de mal.04 : le combat. Malgré de longs mois à survivre, t'as fini par te reprendre en main. C'est en entendant une conversation entre ton père et ta mère que t'as décidé de vivre, tout simplement. Ta mère souffrait tellement de cette situation que ton père a dû la rassurer inlassablement pendant des heures et des heures. Ils ne t'avaient pas vu mais toi, t'as tout entendu. Ça a été un peu le déclic, t'avais pas envie de les voir dépérir, t'avais pas envie de mourir et plus que tout, t'avais pas envie qu'il gagne. Et même si toutes les nuits tu rêvais de lui, que tu te réveillais en sursautant, dégoulinante de sueur tous les matins, t'as décidé que t'étais plus forte que ça. Et puis, t'es tombée sur le psy qui a tout changé. Celle qui a fait la différence entre tous et qui t'a donné envie de te remettre sur pied. C'est d'ailleurs pendant que tu te remettais lentement mais sûrement, que le métier d'avocat t'es apparu comme la voix à suivre. Parce que tu savais très  bien que c'en était pas fini avec Terrance, t'étais au courant que ses parents faisaient tout pour le sortir de là, les médias en parlaient bien assez. Ce que t'ignorais en revanche, c'est qu'ils avaient osé porté plainte contre leur propre fils... Mais déjà, c'était trop pour toi. Terrance ne pouvait pas remettre un pied dehors, pas aussi tôt. Alors t'es revenue, t'as refait surface, il t'a bien fallu au moins deux ans. T'as repris du poil de la bête. Tu allais suffisamment mieux pour que tes parents arrêtent d'autant s'inquiéter. Tu les as vu reprendre des couleurs et c'est tout ce qu'il te fallait. Ça plus la motivation de devenir avocate. Bien sûr, t'as gardé des séquelles. Y a des trucs de bousillés en toi, brisés en pleins de morceaux que t'as pas réussi à rafistoler. Mais l'essentiel, c'est que t'as repris goût à la vie. 05 : second souffle. T'as réussi à finir le lycée même si on ne t'y a pas revu, à part pour l'examen final. Et puis t'as foncé. Tu savais ce que tu voulais faire de ta vie alors t'as pas hésité, tu t'es inscrite dans la meilleure école de New York, tu t'es pris un appartement et t'as poursuivi ton bout de chemin. Deux années plus tard et voyant que tu t'en sortais bien, tes parents ont décidé de quitter la Big Apple, prendre un peu le large et respirer. Au début, ça a pas été évident pour eux comme pour toi mais vous vous y êtes faits et tu es déjà allée leur rendre visite plusieurs fois, c'est pas comme si ils avaient quitté le pays non plus. Mais ça te fait tout de même bizarre de plus les voir aussi souvent. Quoiqu'il en soit, tu obtiens ton diplôme avec succès et ta vraie vie commence enfin. Tu stresses un peu pour tes premières affaires et puis t'es pas trop connue dans le milieu, normal, tu viens de démarrer alors il te faut un peu de temps avant de te démarquer. Comme t'as les moyens, tu décides de monter ton propre cabinet à tes 27 ans, tu ne dois plus rien à personne et tu peux faire ce que bon te semble. Au début, c'est un peu le désert, même si t'as déjà exercé quelques années, ça ne suffit pas pour te faire une réelle réputation. Alors tu vas chercher les affaires, tu te laisses pas démonter et ça finit par payer. T'obtiens la confiance des gens et tu commences à te créer une petite clientèle. Puis un beau jour, tu reçois une lettre de la part de Terrance. Une lettre d'excuse toute mielleuse et tellement peu crédible. Il dit avoir compris et changé. Ça te donne envie de vomir et il t'informe qu'il va bientôt sortir, c'est là que tu te figes. Sortir ? Comment ça, sortir ? Tu pensais que la justice était plus forte que ça, qu'elle n'allait pas se laisser corrompre par des gens de la sorte mais t'es un peu trop naïve faut croire. Quelques jours plus tard, tu reçois une deuxième lettre mais cette fois-ci pas d'expéditeur. Le message est lui très clair et sans équivoque : « Tu vas payer sale pute ! » Tu penses à Tanner, t'as entendu récemment qu'il était en procès contre son père qui a osé porté plainte contre lui sous des prétextes plus que douteux. Et puis, le collègue qui s'en charge n'a pas l'air impliqué plus que ça dans l'affaire, surtout que Tanner n'est pas le client le plus richissime qu'il ait eu alors il ne se donne clairement pas à fond. Et ça te fout en boule. Mais tu ne peux rien faire. T'as un passif bien trop important avec son frangin et même si ça ne le concerne en rien, ça reste sa famille. Tu te ferais démonter par la partie adverse, tu as déjà vu ça arriver, c'est clairement dégueulasse mais c'est surtout pas joli à voir. Alors tu te contentes de soutirer l'adresse de Tanner à son abruti d'avocat. T'aimerais être là pour lui. Tu voudrais te rattraper. Certes, t'es pas mieux lotie mais tu possèdes des ressources qui, clairement, font défaut à Tanner. Dès que tu peux, tu passeras chez lui. Tu sais pas trop dans quoi tu te lances encore mais tu comptes pas baisser les bras aussi facilement et dans le fond, t'as besoin de lui.