Lazare le regarde droit dans les yeux.
Ses yeux verts reptiliens, trop verts pour n'être qu'humains.
Lazare, sans prononcer un mot, lui évoque déjà un frisson de doute.
Dusan porte la tasse de café à ses lèvres, silencieux comme si c'était interdit de parler. Pourtant leur environnement se joue dans la musique guillerette d'un café fréquenté par New York à l'heure de quinze heures. Des croisements de couteaux fourchettes cuillères, tintements de tasses bols et verres. Les discussions en microcosmes autour des tables. Face à face au-dessus du breuvage tiède ou fumant.
Lazare sourit une dernière fois avant de lever son séant. Il fait reculer sa chaise dans un bruit strident et quitte cet espace privé avec Dusan. Un espace privé qui n'a ni mur ni secret.
Lazare est un client.
Dusan suit la trajectoire de son départ, toujours assis. Il reste immobile, l'épine dorsale enfoncée dans le siège en osier. Son regard passe à travers la baie vitrée où défile la ville toute entière.
Longtemps il reste comme ça. Muet, statique. On dirait une statue.
Toujours, le parfum de Lazare embaume jusqu'à lui, marque sa peau. La promesse d'une prochaine fois à venir.
À nouveau, Dusan trempe les lèvres dans sa boisson, pour recouvrir le goût étrange et amer qui s'acharne à son palais.