Mon ombre sur ta peau | Beanis #4

Je t'aime plus que j'en ai le droit.
Je t'aime plus que tu ne le vois.
Je t'aime assez pour me sacrifier pour toi.
Je t'aime et ce n'est pas par choix.

Je t'aime depuis que tu m'as dit d'aller me faire encastrer suite à une dispute au Sempiternal. Je t'aime depuis que tu as failli me briser en me faisant rire de façon indécente. Je t'aime depuis que j'ai découvert ton talent d'artiste torturé. Je t'aime depuis que je sais que tu as perdu ta moitié et que tu me l'as offerte sur un morceau de cliché.

Je t'aime et tu ne comprends pas.
Jamais tu ne le comprendras.

Elle souffre de tout ce qu'elle ressent pour lui. La libertine, la volage, voudrait lui donner le jour et la nuit. Elle voudrait lui offrir un refuge, elle voudrait qu'il cesse de la repousser. Ce moment ici, taquin, doux, c'est tout ce à quoi ils peuvent aspirer. Ils ont évoqué le passé, ils ont souri de leur inimité... Mais quand revient la réalité, Adonis se raidit. Beatrice ne soupire pas. Lasse de jouer à ce jeu encore et encore, elle réalise qu'elle n'a pas la force de toujours faire semblant. Ses envies doivent éclore. Elle doit les laisser gambader. « C'est ton droit. » Mais elle n'est pas aussi résignée que sa voix. Et c'est malgré elle, malgré lui surtout, qu'elle tente une nouvelle fois de lui faire comprendre qu'elle est là pour rester. S'il daignait seulement le lui demander. Mais Adonis, cheval farouche, se redresse, hue et menace de la blesser. Trop tard, le coup est donné. Perdre le peu qu'il lui reste... « Et ce peu qui te reste, c'est quoi? » Elle voudrait qu'il dise que c'est elle mais Bea sait fort bien qu'il ne parle pas de ça. Il préfère s'enfoncer dans ses ombres. Elle pleure déjà en elle, prête à tout briser avec une question supplémentaire. L'animal sauvage attaque, il se défend, brise ses chaînes qui n'étaient là que pour la matinée et Beatrice se relève à son tour, blessée. « Tu me fais chier Adonis! » Ca sort tout seul. Elle fait tomber sa tasse de thé sans le faire exprès et le liquide chaud se déverse sur la table en bois. Merde. Gênée, elle se sert des manches du t-shirt emprunté pour essuyer sa gaffe, évitant avec force de le regarder. Elle se relève pour mettre de la distance entre eux.« T'as pas peur du bonheur, tu crois?! » Elle échappe un rire narquois. « Alors pourquoi tu veux absolument tout contrôler? Tout limiter? Hein!? » Elle revient près de lui, saisit son menton entre ses doigts, plante ses yeux dans les siens et murmure. « Te fais pas de bile, c'était que pour ce matin. Demain, y aura plus rien, on aura tourné la page et tu redeviendras ce bon à rien incapable de saisir ce qui se trouve sous ses doigts. » Elle sort un billet de sa poche qu'elle glisse sous l'assiette qui servait de dessous de tasse et tourne les talons. Des larmes rageuses coulent sur ses joues tandis qu'elle sort dans le New-York du matin. L'air vif la gifle sans égard et elle se met à courir pour rentrer chez elle, prenant de petites inspirations entrecoupées par les larmes de son désespoir.

Je t'aime. Je t'aime et je te hais.