ce qu'il faut savoir / identité complète - tyron clay willis. paraît que c'est ta mère qui a tenu à ton deuxième prénom, que ça t'ancrait dans le sol, dans la matière de la terre. toi tu t'es toujours dit que ça t'empêchait de frôler la stratosphère, de t'échapper dans les airs, de voler loin d'un berceau soudé qui t'enchaînait. ton patronyme, c'est celui qu'on murmurait dans ton quartier avec un fin sourire, ouais vous savez, les mômes avec la mère qui s'est barrée. la mère, nan, tu te gourres, l'type en a eue plusieurs, sont jamais restées. comme quoi, y en a qui développent pas l'instinct maternel, juste celui de se barrer. toi t'as eu les deux instincts, la contradiction au creux du coeur, partir, rester, t'enfuir, rentrer.
willis, ce sera toujours pour toi à la fois une obligation, une autre mission, mais avant tout un nom qu'on insulte pas. parce que ton père il est peut-être mort mais il t'a légué l'amour des tiens, même si parfois t'étais loin, il n'y a rien de plus important que ce nom qui vous relie, que ce nom qui vous unit.
lieu de naissance et origines - on t'a semé sur le béton, y a rien qui pousse en général, juste les herbes que la pollution n'éradique pas, et qui reviennent chaque année, qui lézardent le bitume, qui l'éclatent et le fendillent. toi c'est la vie qui t'a fendillé, le queens c'est une sorte d'horizon bouché, les trafics de kenny d'un côté, les rêves tus trop tôt écrasés sous les pieds. maman était afro-américaine, d'elle tu as une photo un peu fânée et des souvenirs embrumés, tu te souviens plus trop de son visage, mais son parfum tu pourrais le recomposer à chaque fois que t'inspires à plein poumons. mais y a longtemps que tu inspires plus grand chose, sinon la came que tu consens à refourguer, pour par abandonner l'aîné dans ses convictions qui l'ont finalement menotté. lui aussi il pousse sur le bitume, à riker, et toi, t'as vu des soleils orangés, que tes yeux prenaient pour des mondes oubliés, le sable, ça n'a rien changé. t'es resté accroché au macadam, celui que ton père italien foulait, avec ses envies de vivre qui ont été contrariées par la maladie. de lui, t'as plus qu'une photo, de lui t'as l'absence, t'as le deuil, t'as même l'agonie. des images gravées, d'un monde bien réel que tu peux pas oublier.
études ou métier - le chemin de l'école, contrairement à ton frère, t'y étais pas fortement allergique, c'est juste que tu te vantais pas d'aimer ça. ton prof d'arts plastiques, il a vu ta sensibilité, toi le petit gars qui voulait jouer les durs, mais qui ne convainquait pas grand monde. puis il a aussi compris ton incapacité à voir ce que chaque môme voyait, t'es né daltonien, les couleurs ne signifient rien, ou disons que pour toi ce ne sont pas les mêmes, elles ont quelque chose d'amputé, qui donne à ta perception une anormalité que tu as très tôt couchée sur le papier, comme pour te l'approprier. tu adores dessiner, peindre, apposer des couleurs qui n'appartiennent qu'à toi, horizons diffus, étranges, que tu es seul à regarder parfois. mais la passion, contrairement à ce qu'on prétend, ça suffit pas, y a des enjeux qui te prennent aux tripes et qui t'emmènent plus loin, les couleurs oubliées, diptyque de la race, noir ou blanc, même si papa vous a pas éduqués comme ça. mais kenny lui, il avait des convictions, et l'envie de se faire du blé, il a bientôt porté fièrement l'appartenance à l'UBN, et toi... toi qu'est-ce qu'on s'en foutait de tes petits dessins, dans le plus grand dessein des conflits intestins qui empoisonnent la vie, les rêves, et les états tout entiers ? le soucis, c'est que les grandes déclarations resserrées sur ta communauté, ça te parlait pas, sandro il avait baisé toutes les couleurs, t'avais des frères et soeurs qui représentaient à la fois un grand bordel, et un putain d'arc-en-ciel. alors t'as emmené le rêve plus loin, incapable de choisir, t'as gardé les souvenirs de la fratrie, de la maladie de ton père, du parfum de ta mère, des yeux de camé de celui qui avait recruté kenny, tes couleurs délavées sur la rétine, la folie qui creusait une peine et une colère dont tu savais pas te débarrasser. bagage armé, qu'il fallait bien poser quelque part. t'as voulu prouver tes idées, que combattre pour un pays, c'était mieux que ce que prônait kenny, tu t'es engagé. t'as servi, plutôt que de balancer des coloris sur une toile, t'as noirci tes mains de cambouis, tes idées se sont mécanisées, c'était simple, c'était clair, t'étais utile et ça suffisait. ça aurait dû, tu te le dis encore aujourd'hui. puis ton père est mort, kenny s'est fait arrêter, et la guerre t'a bousillé. t'es rentré, t'as gardé la mécanique sous les doigts, les idéaux éventrés dans la tête, t'as fini par servir le gang de ton frère, plutôt que de servir à rien. c'est ce que tu t'racontes pour ravaler l'amertume que tu contiens, monochrome, immonde et grisâtre, celle de ceux qui ne voient plus rien.
orientation sexuelle - elles ont parfois su attirer ton regard, elles ne sont pas nombreuses, on peut pas dire que tu saches vraiment causer de sentiments, et puis y a parfois juste l'envie de partir pour ne rien partager, parce que s'ouvrir pour toi, particulièrement aujourd'hui, c'est comme se paumer, plus encore que tu ne l'es. alors les femmes elles te plaisent, elles t'attirent, mais tu t'en méfies aussi, parce qu'elles fouillent toujours dans la fragilité, et que tu veux pas l'exposer, ni la leur donner. t'es persuadé que tu n'as plus rien à offrir de ce côté-là, et celle qu'aurait pu te prouver le contraire, t'as fait que l'amocher, sans même comprendre ce qui te prenais.
statut civil - t'as sans doute pris un peu trop de sandro, le mariage tu comprends pas bien le concept, t'as le coeur qui se pose mais les promesses tu les gardes, soigneusement tues, histoire de ne jamais trahir le sens que tu y trouves. puis tu sais que tu vas crever, sous la morsure de la seringue ou parce qu'une balle t'aura crevé la peau, alors tu préfères encore votre façon de ne rien contraindre, chez les willis. l'avenir, qu'importe si tu le transmets, il est tout autant gravé dans les rires des mômes de kenny, dans les humeurs erratiques de devon, dans la placidité de lamar ou dans la folie d'eli.
pi, scénario ou prélien - pl de la démone
@devon willis.
personnalité et détails / tu les regardes tous. parler d'eux. à un moment, faudra bien parler de toi, et tu sais que tu pourras pas. te taire, te taire, et regarder, c'est ce que t'as fait, admirant le grand-frère, espérant trouver ta place dans ses idées. il a nourri des rêves contradictoires, sans même le savoir. kenny il savait que tu t'imaginais artiste, même qu'il t'encourageait, t'étais fier de ça, d'avoir l'aval d'un frère qu'était plutôt tourné sur la castagne, et qui jouait les gros bras. mais ça l'a pas empêché de t'entraîner dans tous les mauvais coups, histoire de te former, peut-être pour que tu continues à regarder. à regarder et à te taire. puis t'en as eu assez, tu allais lui prouver que t'avais pas besoin d'un gang pour exister, t'allais arborer d'autres couleurs, les couleurs patriotes qui doivent donner un sens à l'existence. même ton père était fier ce jour-là, alors que ton côté artiste ça lui parlait pas. doit y avoir une symbolique qui t'échappe.
tu vas quand même pas leur raconter tout ça, tu regardes la pendule, tu devrais te barrer. te lever, sans rien ajouter, t'as déjà dit bonjour, ça suffira.
puis qu'est-ce que tu devrais dire qui n'a pas été raconté ici ? que tu contrôles plus ton animosité ? que t'es violent quand tu parviens pas à t'exprimer ? leur en foutre une, surtout à celui qui cause plein de compassion là, peut-être que ça sera explicite. peut-être que tu devrais. ou leur parler des rêves en morceaux, avec les tripes d'alvarez dessus. ça en fera bien chialer un ou deux. mais pas toi, toi tu pleures pas, tu dis rien, tu te tais, y a rien à ajouter sur ce que tu ressens. t'essaies pourtant, de te canaliser, de te concentrer sur le trafic, sur le côté minutieux de ton métier, officiel comme officieux, qu'importe, faut le même calme que t'avais, au front. ce putain de calme. celui qui ressemble à un gouffre, et où on ne peut absolument pas tomber. nan. même quand on en a envie. on tombe pas. faut oublier. et puis ça passera.
c'est sans doute ce genre de conneries qu'il va te répondre, l'autre, avec son bâton de parole à la con. tu lui fais la gueule, tu souris pas. tu secoues la tête pour dire que tu passes ton tour, encore une fois.
te taire. puis oublier. c'est tout ce qu'il y a à faire. pour enterrer le môme qui rigolait avec papa, qui essayait de se rappeler de sa mère, pour le retrouver devant son chevaler, avec le prof qu'étais si sympa, alors que c'était même pas pour le cota. la fierté, tu t'en souviens mais tu parviens pas à la retrouver, c'est un vêtement qui te glisse entre les doigts, qui se déchire. y a les tripes d'alvarez dessus. puis les couleurs passés, grises, vertes, désertiques de tes pensées. ça non plus ils peuvent pas comprendre.
alors tu te tais.
tu te tais.