Nastya Kusakina WALDOSIA (avatar) Grisha, Virgil, Orphée, Messaline, Eleusis 303 969 33 Elle n’a d’yeux que pour son mari. Dans la chaleur du temps et des notes, dans l’ardeur du violon et du piano, de la harpe et de la flûte. Nous pouvons la voir sur quelques scènes qu’elle choisit avec méfiance, toujours son air légèrement inquiet.
Sujet: Je t'inventerai des exils (Césaire) Mer 24 Fév - 15:33
Je t'inventerai des exils
Moi qui suis née avec dans les yeux les couleurs jouissives d'un lagon, je suis ici face à une mer toujours grise, toujours immense, toujours indifférente au sort humain. Ananda Devi
Les regrets viennent s’enfouir dans le giron des sentiments, près de sa harpe, les doigts tissent des notes, construisent des phrases et des beautés, des histoires et des choses qu’on ne dit pas de crainte d’effrayer l’aimé ou les proches, elle exprime les tourments, purge l’indicible peine par les colombes de son qui s’envolent en comblant l’espace du salon. Éclairé par les étincelles des néons, les bibliothèques se parent de quelques mèches de feu, des jouets rangé dans les boites et les canapés se teintent des couleurs argentines de la nuit qui plisse son destin dans le détour d’un soleil couchant. Elle entend Rose s’adonner aux jeux enfantins, un bavardage de petite fille imaginant des situations possibles, rêvant son futur. Sur la table, des feuilles sur lesquels s’exhibent innocemment des dessins barbouillés au jeu de la créativité. Elle a, encore, admiré ce chérubin aux yeux des mers sages, assise près d’elle, quand elles se sont installées pour goûter, elle a admiré les gestes sûrs et affirmés de cette gamine de six ans, ses babillages et ses aventures. Elle a partagé avec elle ce que Céleste n’avait jamais connu, une enfance faîte des joies émerveillées de la journée. Tous les jours semblaient une fête pour cette Rose chérie et choyée.
« J’attends papa pour qu’il vienne me faire un bisou. » En tailleur sur son matelas, elle tourne les pages de son livre d’images, des illustrations des vieux siècles, ouvragés et délicates, détaillées et sublimes dans leur profusion de symbole ; Gustave Doré rutile de féeries quand il conte les légendes qui bâtissent une psyché. Céleste lui sourit, l’air toujours grave sur ses traits de dame blanche. Elle attendra avec elle, comme chaque soir, que Césaire pénètre la grande maison victorienne, l’entoure de ses bras et borde sa fille, avant d’éteindre les lumières et de chuchoter une formule afin de faire fuir les ombres qui effraie l’enfant.
Se dissipent la distance, dans la chambre aux tons harmonieux, un beau bleu mêlé de soleil, Céleste s’installe, reprend son ouvrage ; elle suit les lignes de ce roman qu’elle n’aime pas vraiment, un témoignage qui ne lui apporte pas grand-chose, l’histoire d’une fillette sous emprise d’un homme dont on taira la perversité, elle pense à propre mère, elle pense à son enfance, elle pense à son départ, quand elle a claqué la porte, quand elle a fui cette ambiance, elle a tout laissé pour échapper aux souvenirs tourmentés, à l’incompréhension engendrée par les comportements d’une mère, toxique. Sur le sentier du doute, il est apparu, sa lumière l’avait enchanté, elle avait tout bu de lui. Ainsi ses agates l’observent timidement, discrètement ; ses mouvements, ses pas, sa peau, son corps dans son entièreté et sa voix et ses prunelles et ses cheveux et ses lèvres. Il avait su déplacer pour un temps les terribles blocages dont elle se savait encore empêtrée, à ne jamais parler, à ne jamais s’imposer. Elle aimerait lui dire ses inquiétudes le concernant, l’obsession qu’elle voit, parfois, dans ses pupilles et son air, de chasser les ténèbres à coup de justice et de traque. « Césaire... » mais rien ne vient, l’aveu se paralyse dans la gorge, s’évapore dans l’indicible. Elle ne rougit plus, seules ses mains écorchent les pages, flattent les couvertures. Son corps s’exprime pour elle. Elle aimerait lui dire l’angoisse. Elle aimerait lui dire que la journée elle pense à lui, et que cette pensée pour lui, si forte, si intense, l’entraîne dans des imaginaires sordides, puisqu’elle a failli le perdre, chaque jour est un supplice. « Je suis soucieuse. » Elle s’arrêtera sur cette phrase minimaliste, honteuse de lui avoir donné l’existence.
Sujet: Re: Je t'inventerai des exils (Césaire) Mer 24 Mar - 10:16
je t’inventerai des exils
Céleste & Césaire
« There is never a time or place for true love. It happens accidentally, in a heartbeat, in a single flashing, throbbing moment. »
L’homme s’évertuait à déceler la férocité du monde par le prisme d’un zèle notoire, harassant par la rigueur qu’il imposa aux autres ; intransigeant murmuraient certains; autoritaire, en confieraient d'autres. Césaire ne comptait ni les heures, ni les jours, ni même les nuits, la nuque courbée sur ses dossiers ou la rétine implacable fouillant les scènes de crime. On le savait combatif et intraitable, de par sa justesse et l’amour de son travail. Mais on lui supputait hélas une vie de famille striée par ses absences répétées, ses jours trop longs et ses nuits blanches. Un soupir coupable franchit la barre de ses lèvres lorsqu’il daigna toiser sa montre - de belle manufacture que son épouse avait pris soin de choisir à l’occasion de leur première année de mariage - et les aiguilles annonciatrices de son retard l’enjoignirent à se lever enfin. Césaire avait ainsi promis, de par quelques échanges téléphoniques trahissant le caractère soucieux de sa femme, de la rejoindre plus tôt qu’à l’accoutumée. Ainsi claqua-t-il la porte aux alentours de vingt heures sous les regards interrogatif des collègues, leur avançant quelque belle politesse de sa voix digne, de sa voix des soleils. Il héla un taxi au pied de la bâtisse d’Interpol - l’asphalte toujours bondée d’une houle incessante - et confia au chauffeur l’adresse de sa maisonnée, cocon familial duquel il puisait ses ressources.
Césaire monta quatre à quatre les marches le menant à l’étage, comme pressé par la tendresse de retrouver son enfant. Il trouva Rose endormie, ourla un sourire tissé sous la fierté paternelle, puis la borda de ses bras protecteurs et d’un baiser sur le front. Le rituel nocturne amorcé, l’homme gagna alors la chambre conjugale, et, comme il retrouva Céleste dont les traits semblaient tirés, lui confia d’une voix aussi douce qu’elle paraissait rassurante. « Je m’excuse vraiment de mon retard. » Il l’embrassa alors, et, comme il la toisa de son air soucieux l'interrogea de son regard. « Je suis soucieuse. » confia-t-elle avec pudeur. Alors Césaire vint s’asseoir près d’elle, embrassant le bruissement d’étoffes comme il lui prit tendrement la main et, d’un regard protecteur, la questionna doucement ; « Dis-moi tout. » Et ses yeux ne quittèrent jamais les siens, ses mains ne quittèrent jamais les siennes, son amour, jamais, ne renoncerait au sien.
Nastya Kusakina WALDOSIA (avatar) Grisha, Virgil, Orphée, Messaline, Eleusis 303 969 33 Elle n’a d’yeux que pour son mari. Dans la chaleur du temps et des notes, dans l’ardeur du violon et du piano, de la harpe et de la flûte. Nous pouvons la voir sur quelques scènes qu’elle choisit avec méfiance, toujours son air légèrement inquiet.
Sujet: Re: Je t'inventerai des exils (Césaire) Mer 24 Mar - 14:33
Je t'inventerai des exils
Moi qui suis née avec dans les yeux les couleurs jouissives d'un lagon, je suis ici face à une mer toujours grise, toujours immense, toujours indifférente au sort humain. Ananda Devi
Un regard, elle plonge. Dans les océans perclus de douceur, de tendresse, dans cette mer calme aux lueurs de justice, de droiture, ces côtés brillant comme si le soleil avait choisi son émissaire en la personne de Césaire, un soleil brûlant de bienveillance qui se montrait parfois dur quand il travaillait. Elle se souvient de leurs regards timides, de ses rougissements, de ses fuites, trop effrayée à l’idée de l’aimer, elle qui ne se sentait pas à la hauteur de ce qu’il dévoilait et de ce qu’elle projetait. Césaire représente l’idéal et la beauté, la chaleur et l’amour entier. Un regard, une main, des doigts s’enlaçant sous le silence apaisant mais pétri de doutes et de peur et de craintes, le souvenir bruissant de l’agonie, lui, allongé sur le lit d’hôpital, entre les murs blancs qui la terrorisait. Elle avait touché la mort en observant cet homme lion fatigué, miraculé, échappant comme un coup fatal du destin à la faucheuse. Elle avait pleuré devant les témoins, un séisme de sanglots inutiles, honteux. Céleste manie le mutisme pour se protéger des émotions trop forte, de l’empathie démesurée qui la submerge. Elle avait cru le perdre. Cette idée, une lame plantée profondément dans le coeur : l’imagination se barbouille de noir, puis les questions quand le manque et l’absence se dessinent concrètement. Elle a retiré l’horloge du salon se surprenant à avoir les yeux rivés sur les aiguilles qui avançaient, les heures se bousculaient. Tout va bien. C’est juste qu’il doit être encore absorbé dans son travail, il en a besoin, ne cessait-elle de se rassurer en rationalisant ses angoisses. Mais l’ombre plane, mortelle, au sommet de leur vie idyllique. Celle-ci sans nom et sans identité où l’amoureuse a fabriqué ses pires cauchemars ; elle sait qu’il s’agit d’un homme dangereux puisqu’il a deviné que Césaire s’avançait à le démasquer. Une balle dans le thorax, lui avait-on dit, nous ne savons pas comment il a pu survivre, mais c’est un coriace. Elle s’enracine dans les pupilles de son univers, puisqu’il est tout pour elle. « Quand prends-tu tes vacances ? » Les mots présentent la sécurité, ils détournent les aveux. Je suis si inquiète pour toi Césaire, mais je n’arrive pas, je n’arrive pas à te le dire, si mes paroles tuent mon silence, cela rendra réel ce moment où, perdu et fragile, sur ce lit honni, dans ce lieu honni, attaché à la vie par des tuyaux en plastique, tu semblais partir pour le grand voyage, aspiré par l’outre tombe. Et que serais-je devenue, sans toi ? Peu m’importait d’être seule si tu étais vivant. Céleste serre fort sa main, son visage focalisé sur le plancher, baissé, caché. Il pourrait s’apercevoir de sa retraite, celle de fuir les véritables serments de son coeur oppressé par l’envie puissante de s’avouer fragile quant à son absence. Puis, doucement, parce que Céleste semble se convaincre qu’il faut percer l’abcès, elle chuchote. « Parfois, j’ai du mal… j’ai peur, je l’avoue. Quand on t’a trouvé gisant sur le trottoir après cette tentative de meurtre, je ne cesse de m’imaginer que ça adviendra encore. Nous ne sommes pas naïfs, on sait qu’il continuera. Alors je suis désolée mais j’ai repris mes activités, j’essaie de pirater son ordinateur. » Elle l’avait rangé soigneusement après sa démission, se promettant de ne plus jamais y mettre les pieds, pour se préserver des horreurs, des infamies qui lui rongeaient l’âme et le corps. De sa maigreur de moineau, Céleste possède l’obstination de la protection de ses êtres qu’elle aime. Préférant l’acharnement solitaire, la discrétion des mères éprouvées par l’effroi. De le perdre lui. Comment survivre face à ça ?