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| Sujet: amour poussière — Sahel Ven 8 Jan - 23:34 |
| amour poussière Filet noir, défilé sombre des nymphes quittant l’affreux refuge de l’horreur sépulcrale où s’allient les corps et le décor burlesque, mortes-vivantes quittant leurs tombeaux pour en rejoindre un autre, les aiguilles escarpins aux semelles échancrées défonçant les chevilles des danseuses n’ondulant que pour quelques coups amers d’hommes frustrés, ivres, tout à la fois trop souvent, vacillent parfois sur leurs échasses quand Joyss, habillée de la parure de Rosa, se détache de cette nuée d’assassines par le noir profond de la perruque dont les pointes lui effleurent les épaules dénudées à outrance, fondant dans la froideur insensible de la nuit alors que l’aube n’est pas encore venu, épuisée par le charme abandonné aux ingrats, quelques sourires, quelques verres partagés pour le plaisir de les voir sourire, eux, avant tout. Jamais le client ne doit repartir mécontent, il doit sortir de cet havre de paix factice fier comme un paon, heureux, plein d’une jouissance qu’il aura pourtant recraché dans la première putain ayant bien voulu de son corps égoïste, se fichant bien que la nymphe se froisse ses ailes sous ses à-coups indiscrets. Elle ne fait pas partie de celles que l’on a le droit d’abîmer, ce n’est que par les yeux qu’on la caresse et la souille, par les mains baladeuses qui laissent venir les caresses de la solitude face à ses yeux d’enfant peu à l’aise face au plaisir malsain qu’elle génère chez les hommes qui lui font face. Combien ont voulus souiller sa poitrine du sang qui noie leur reins engorgés, combien ont souillés ses cuisses pour le simple plaisir de marquer avant de s’en aller sans demander davantage car peu importe ce qu’elle est, son histoire, ce qui est écrit dans ses veines et son esprit, ils ne sont pas là pour en lire les lignes, pauvres illettrés qui ne savent qu’écrire qu’au travers de leurs billets crachés. Certains sont aimables, elle le confiera si on lui pose la question, certains ne font que bavarder, sans aller davantage plus loin que des œillades qui en veulent beaucoup mais ne feront rien. Elle demeure alors rassurée auprès de ceux-là, de ceux qui ne font rien contre son gré alors que parfois la douleur lui lamine le ventre, le cœur, que la nausée persiste toute la nuit et qu’il lui faut s’échapper entre deux passes pour régurgiter le repas entamé mais jamais terminé avant que la nuit ne s’ouvre à elle, la prenant comme une souris dans son piège noirâtre. Beaucoup de pleurs silencieux lorsqu’elle remontait les escaliers menant vers la garçonnière de son Roi, beaucoup d’envies de faire comme ceux qu’elle a vu céder à la mort, mirant sa fenêtre avec une envie terrible de s’y laisser tomber. Ils sont tous menteurs, ils la prennent pour ne plus faire d’elle qu’une feuille froissée par leurs doigts malhabiles.
Il n’y a eu que toi, le sais-tu ? Il n’y a eu que toi pour me donner l’envie de m’offrir, Sans oser, deux timides aux myocardes entichés. J’ai ton nom au goût de sable sur la langue souvent, Je n’ose plus le dire, de peur de trop en souffrir.
Songeuse Joyss vêtue de la tenue de Rosa, elle a l’allure de la plus belle des putains, jupe de cuir trop courte flirtant avec l’orée de sa croupe discrète, dévoilant ses cuisses sans collant, un pauvre corset fait pour donner l’illusion d’être un peu burlesque, une fausse comédienne recrachée par le Moulin Rouge, prête à aller s’aérer, à fumer quelques clopes en cachette qu’on lui aura bien donné dans les couloirs du cabaret, les fleurs épineuses se faisant parfois bien gâteuses avec elle, celles qui ne sont que peu jalouses de savoir qu’entre elle et Gregor il n’y a pas que le simple lien d’un patron faisant face à sa pouliche. Elle est d’or mais pas de lumière, elle s’éteint pour ne pas qu’on la voit et frigorifiée dans cette nuit assassine, le vice de la mélancolie la surprend. Il y a quelques temps, elle aurait tracé sa route pour quelques instants dans les bras d’un corps désiré mais qu’elle n’osa vraiment toucher, goûtant timidement les lèvres. Combien de baisers auraient pu dérivés vers la fusion la plus parfaite ? Combien de caresses auraient voulues décrire du bout de ses doigts les reliefs des récifs d’un corps de sable qui ne s’étiolait pas sous ses doigts ? Il ne fuyait pas ses yeux, il lui souriait avec une sincérité qu’elle n’avait plus connu depuis longtemps, il la voulait vraiment, il la détenait de son regard d’ailleurs, son accent parvenant à la faire sourire quand le sien jurait face aux r roulés, aux e prononcés d’une façon unique. Elle l’observait dans les matins satinés, regrettant de ne pouvoir être plus. Et puis le bonheur qui ornait leurs visages s’en est allé, brutalement, comme on déchire férocement une feuille, comme un éclat dans le ciel stridulant la nuit d’un éclair. Le soleil s’est caché et le torrent de la pluie a emporté avec lui les couleurs de leurs sourires, de leurs rires, de leurs baisers, de leurs timides amours. Et Joyss s’est forcé à cessé d’aimer. Elle n’est pas faite pour cela, salie, appartenant à un autre, condamnée à l’errance. Se cachant sous l’alcôve d’un perron d’immeuble, elle tente d’allumer la cancéreuse glissé entre ses lèvres pourpres, sa perruque noire au carré sévère la cachant finalement peu de sa véritable identité. Joyss a les mains qui tremblent de froid et de nervosité, refusant de rentrer tout de suite, avide de vivre libre quelques fois. Pleine de tremblements intempestifs, elle s’agace, lâche une injure dans la nuit silencieuse avant de relever la tête et de basculer vers l’arrière. Les escarpins qui lui enserrent les pieds et mortifient ses orteils bien vernis souffrent un instant face à celui qui s’avance, sans le savoir vers elle. Les yeux écarquillés d’effroi, elle n’ose sortir de son ombre. « Sa… » Elle murmure mais ne parvient pas à crier son prénom, son corps se mouvant de lui même pour descendre la marche du perron d’un claquement de talon qui ne pourrait que se faire entendre, se présentant à la lumière des lampadaires, image bien vulgaire jurant avec la Joyss qui parfois, trop souvent d’ailleurs, ne se maquillait pas et refusait de porter des jupes trop courtes.
Sahel, tu n’aurais jamais dû croiser Rosa. Sahel, tu ne devrais pas être là.
Les yeux effarés elle se met sur sa route, sa clope oubliée, son briquet oublié, le froid, un détail car la chaleur de la honte et du dégoût remonte jusqu’à ses joues si prompt à rougir violemment. « Qu-Qu-Qu’est-ce que tu fais là ? » Elle lui semble bien idiote, cette question, ce balbutiement, redevenant aussi bête que lors de leur rencontre où elle perdait ses mots et son anglais, où elle ne savait plus quoi dire ni quoi faire, le cœur ayant battu, pour la première fois, pour quelqu’un sans attente particulière. Les lèvres pourpres s’entrouvrent mais elle ne saurait quoi dire de plus, priant Rosa de lui revenir, de lui offrir cette foutue insolence qu’elle offre aux clients, cette verve bien sentie, cette assurance que Joyss n’a pas réellement. Mais Sahel n’est pas un client. Sahel fut le soleil sous les nuages gris, Sahel ne la souilla pas mais guérit bien des maux, pendant un temps jusqu’à ce qu’ils se déchirent. « J’pensais pas t’revoir un jour, ni … comme ça. » Un souffle qui avoue son effarement, sa surprise, sa honte, se sachant si peu vêtue, refermant vainement sa veste de cuir pour cacher son décolleté trop plongeant, empestant le stupre et le parfum de cocotte qui n’est pas le sien mais celui de Rosa. Car ce soir, elle devait l’être mais jamais devant lui. Jamais. Elle aimerait fuir mais la voilà enracinée au sol, emporté par l’espoir vain, de pouvoir lui parler. Voilà longtemps qu’elle ne l’avait plus vu, longtemps qu’elle n’avait pu l’observer de si près et elle n’oserait s’avancer pour s’assurer qu’il sent toujours le même parfum, que son visage n’a pas changé, que ses cheveux demeurent aussi doux qu’ils l’étaient lorsqu’elle y passait trop souvent les doigts.
Mon interdit, mon poison, Mon sauveur, ma perdition, Je te demande pardon.
(c) corvidae |
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| Sujet: Re: amour poussière — Sahel Sam 16 Jan - 22:14 |
| Oh doux souvenir, dans son esprit assombri, éprit de désir, à la lisière d’une folie sans merci.
Rue saturée, à la portée de ces étudiants à peine conscients, de ces ivrognes sans scrupule, de ces profiteurs, à l’attente de la parfaite proie. Hommes frustrés, hommes dépravés. Ses pas se précipitent, s’évertuant à esquiver chacun de ces individus qu’il ne saurait reconnaitre, qu’il ne saurait un jour apprécié. Il les entend divulguer ces âneries, ces bêtises qu’ils se partagent en guise d’histoires incongrues. Les innocents se mélangeant à ces bêtes de la nuit qui ne surgissent qu’une fois le soleil couché, à la recherche de chair fraîche à souiller. Vite vite, ailleurs. C’est un quartier peu exploré, qu’il n’a pas l’habitude de traverser et malgré ses pas pressants, il se laisse prendre au jeu. Ses iris tressaillent, son regard glissant d’une silhouette à une autre, s’imaginant un instant à leurs places. Cette soudaine jalousie pour une vie qu’il ne saurait connaitre. Bien trop mortelle, bien trop ordinaire. A l’abri des soucis, de cette ombre qui ne cesse de planer au dessus de leurs têtes une fois la porte ouverte. Cette envie de savoir, de se laisser glisser, le temps d’une soirée, dans ce tourbillon qu’est la folie, le plaisir. Mais surtout l’insouciance. Candeur bien trop vite disparue, abrégée par cette nouvelle qu’il aurait préféré ne jamais avoir à entendre. Oh douce candeur, animée de cette innocence impétueuse. Et puis, elle se mêle, à cette sagesse qu’on acquiert au fil des années, avant de lui laisser la place pleinement. Il peine à avancer, à reprendre ce chemin qui le mènerait loin d’ici, loin de ces pensées brumeuses et qui ne cessent de s’immiscer en lui. Et le temps d’un court instant, il s’arrête même. Le regard vitreux et son sac sur son épaule, semblant pesé une tonne. Croquis, esquisses ou bien au contraire, tout ce poids de la jalousie s’abattant soudainement sur lui. On ne sait pas mais son ventre se noue, de dégoût, de désespoir. Jalousie d’une époque révolue, qu’il n’aura jamais connu, qu’il n’aura jamais vécu. Une adolescence détruite et abîmée, une adolescence abrégée pour que ce nouveau monde prenne la relève. Et puis, ses doigts s’agrippent, sur cette lanière maronnée. La jalousie n’avait jamais fait parti de sa vie avant qu’il pose le pied ici, dans le Queens. Sentiment presque inconnu bien qu’imaginé, maître d’une modestie asservie et pourtant, il semblerait que cette ville ait éveillé autre chose. Ce sentiment vil dont il aurait pu se passer. Ame pervertie par la luxure, âme gâtée de cette innocence à double-jeu. A l’image d’une double vie, ce double-jeu d’une vie maquillée de tromperies ; spécialiste d’un quotidien romanesque et pourtant si grand amateur de vérité. Et même si la nuit semblait l’emporter dans ce tourment perpétuel, il n’aurait imaginé à quel point la servitude était proche.
Il venait à peine d’entrer dans cette ruelle aux allures de roman gothique. Embrumée dont la seule source de clarté était ce lampadaire à la fébrilité mystérieuse. La lucidité de son esprit en pleine folie, il ne put la reconnaître. Corbeau trafiquant d’âmes, corbeau trafiquant d’euphorie. Comédienne arrachée à son théâtre. Détresse flamboyante en parfaite harmonie de cet accoutrement parfaitement ciselé le long de ses formes. Et tout ce qu’il y voyait, c’était ce désespoir, aussi violent que la fatalité. Il y avait cette sorte de ressemblance dans leurs histoires et dans cette volonté d’y parvenir. A s’en sortir, à poursuivre ces rêves inachevés. Sûrement, les chemins empruntés ne pouvaient être les bons, cette infinie noirceur ne faisant que de s’approcher, leur promettant mille et une merveilles à la simple condition de s’y plonger entièrement. Et une fois l’âme enrôlée dans ces ténèbres, c’était comme si plus rien ne pouvait les rattraper, les retenir quelques instants afin de leur montrer cette facette cachée qu’est la lumière. Malheureuse obscurité les absorbant tel l’ouragan. Aussi noire, aussi violente qu’est leur destinée, ils avaient juré de s’en libérer. Mais à la lueur de pensées compatissantes, c’est le myocarde au bord de la fatalité qu’il ne put faire autrement que reconnaître ces iris. Aussi bleues que l’océan dont il s’inspire à maintes reprises, ses pupilles se veulent sibyllines, dévastatrices. Joyss. Celle qui hanta ses nuits et ses rêves durant de nombreux jours, celle qu’il crut protéger, en vain, celle qu’il croyait éternellement sienne. Coeur de l’océan à jamais perdu dans la pénombre. Et tout lui revint au visage, aussi brusque qu’une rafale de vent et pourtant si délicieuse. Doux souvenirs d’une passion éphémère. Combien de fois avait-il imaginé pouvoir l’aider autant qu’il l’aurait voulu ? Combien de baisers aurait-il souhaité déposé sur cette peau à peine effleurée ? Premier amour de cette nouvelle vie construite à partir de mensonges. Premier amour qui guérit aussi bien ses lèvres endolories que ses blessures meurtries. Il revit ces instants simples, encrés de tendresse, encrés de timidité mais surtout de peurs. Le torrent avait tout emporté sur son chemin ; aussi bien la passion, cet amour naissant et tremblant que ces mensonges répétitifs. Deux gamins assaillis de calomnies bien trop importantes pour n’être qu’illusions. Mais sous cette perruque et ce cuir contrefait, ce n’était plus celle qu’il qualifiait d’Amour. Fameux double-jeu qu’elle avait tenté de garder pour elle. Ce n’était pas sa Joyss. C’était elle. Ce personnage inventé qu’elle n’avait su abandonné et qu’elle avait éperdument tenté de cacher. Son corps, encré dans le sol, ne trembla même pas, pétrifié de cette rencontre hasardeuse aux allures de cauchemar. Rosa faisait dorénavant partie de cette hantise alors que Joyss, quant à elle, ne pouvait être déplacée de cette case d’idéale.
Cher ange mortifié, divine actrice des sombres nuits, dis-moi comment te regarder, dis-moi comment ne pas en perdre la vie.
Sortant de son ombre, il déglutit en la voyant descendre du perron, piédestal sur lequel elle avait toujours reposé. Qu’était-elle devenue ? Quel était ce personnage qu’il parvenait à peine à reconnaître ? Et sa voix prononçant sa première syllabe ne put s’empêcher d’envahir son coeur, de chaleur comme d’étonnement. Oh Joyss, toi qui a su être mon étincelle. Ses iris corbeaux s’encrèrent dans les siennes, comme s’il refusait de regarder ailleurs, de la perdre à nouveau de vue. « Alors c’est elle ? » Rosa. Celle dont on ne doit prononcer le nom. Et il ne savait quoi dire, quoi penser. Elle était là, devant ses yeux, et il aurait pu lui dire un million de choses, lui balancer un million d’excuses pour cette histoire désastreuse mais aucun mot ne souhaita sortir. Il aurait voulu qu’elle le reprenne, corrige ses erreurs de langue, qu’elle lui sourit de ce sourire à vous en faire perdre la tête mais tout lui sembla impossible. Impossible parce que tout était parti en fumée pour des mensonges bien trop encombrants pour la vie qu’ils souhaitaient. « Je ne pensais pas te revoir un jour, tu sais. Surtout pas… comme ça. » souffla-t-il en reprenant ses mots. Comment étaient-ils censés se parler ? Quels mots se devaient d’être justes ? Aucun ne pourrait être à la hauteur et il le savait parfaitement. « C’est ici que tu… travailles ? » Le coeur débordant de mots, toutes ces futilités lui semblaient bien plus simples à marmonner, laissant alors toutes ces pensées s’enfouir davantage en lui.
Et j’aurais voulu te garder. Là. Tout près de moi, tout près de mon coeur, rien que le temps d’un instant. Pour t’aimer un peu plus longtemps, pour te sauver de ce contre-courant.
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| Sujet: Re: amour poussière — Sahel Mar 2 Fév - 3:29 |
| amour poussière « Alors c’est elle ? »
Que peut-elle dire ? Rien qu’un hochement de tête hasardeux, timide, qui pourrait passer pour un mouvement étrange qu’on identifie mal tant le cou reste bloqué, tant les yeux n’osent quitter l’océan dans lequel elle s’est un jour fondu pour y trouver la paix, la paix parfaite. Le verbe aimer voulait bien dire quelque chose à cette époque, elle souriait bien davantage qu’à présent, arrivait à rire d’un rien car Sahel sait bien se montrer amusant même lorsqu’il ne le veut pas. Elle aimait les matinées beiges où ils s’abandonnaient à l’aube après une nuit blanche et noire tout à la fois, à murmurer les confidences d’une vie qui cachait bien des ombres, pour l’un comme pour l’autre. Elle n’aurait su d’emblée lui avouer qu’elle n’était pas si pure que ses mouvements timorés le laissait penser quand il se perdait au creux du cou sensible, que ses lèvres trouvaient la barrière bien douce des siennes pour des baisers qui avouent tout, bavardent au travers de langues qui savaient s’apprivoiser sans jamais se brusquer. Une perfection qui s’éternisait avant qu’elle ne puisse se forcer à rentrer au bercail pour que le Roi ne se fâche pas, se lavant bien deux fois pour chasser la moindre odeur du premier amour sur sa peau grisée, le cœur chavirant, aimant pour la première fois sans en comprendre les prières qui venaient à elle.
J’ai failli te dire « Je t’aime » trop souvent Mais n’aurait-ce pas été déplacé, Pour une putain qui fait si souvent croire à l’autre, Qu’elle l’aime d’un terrible amour ? Pourtant, tu sais, le mien aurait été d’une sincérité mortelle.
La gorge serrée, elle sent presque la lourdeur du maquillage qui parchemine encore son visage, la perruque tirant sur les vrais cheveux qui ne demandent qu’à être libérée et qu’elle s’empresse d’ailleurs d’arracher pour la ranger dans son sac où se détiennent ses affaires de fille banale et faussement sage, empestant le tabac, le sien et ceux des clients à qui elle s’est donné pour joli tableau à observer et redessiner de doigts grossiers. Les mèches sombres retombent sur son visage pâle, des vagues où quelques fois il osait passer ses doigts, osant sourire, lui qui a tout l’air de ces mélancoliques qui n’oseraient pas sourire à n’importe qui. A elle, il a offert l’intimité de cette joie intérieur et combien de fois a-t-elle pleuré en silence de ce qu’elle savait avoir perdu lorsque la rupture fut annoncée ? Premier cœur brisé pour une vie à peine entamée et elle l’observe comme on observe un être intouchable qui ne pourrait être pris entre ses bras quand le corps entier tremble de l’envie de s’assurer qu’il est réel et loin d’être de l’une de ses illusions, aussi folle que Rosa, sa mère, l’était alors. Mais elle lui ferait mal. Peut-être la repousserait-il dans un geste sec qui lui pourfendrait l’estomac et laisserait s’étaler à ses pieds le sang qui reste à verser à la place des larmes qui ont trop coulées. Sur ses chevilles douloureuses, elle vacille, se souvient de tant de bobards abandonnés au pied de la porte après la douceur d’un baiser timide pour adieu provisoire. J’reviens demain, promettait-elle et parfois, elle ne le pouvait pas, elle se trahissait pour celui qui détient les chaînes de sa destinée et dont il ne sait rien. Gregor l’entrainait dans les bacchanales tragiques et outrageuses de ses soirées divines où les putains se donnent et où elle était comme le dernier fruit que l’on donne à l’autre en ultime tentation mais dont on ne peut qu’effleurer les seins parfois trop dénudés, la courbe d’une hanche, la plaine d’un ventre creux car manger est douloureux, se sentir violé par les simples prunelles des chiens venant trouver en elle un plaisir commun et égoïste. Oui, elle répètera qu’ils ne sont pas tous ainsi, que certains parlent beaucoup trop, leur main passant d’une cuisse à une autre, tentant parfois d’en trouver les rives qui les font se rejoindre mais elle les stop de cette poigne doucereuse, d’un sourire charmeur, d’un verre resservi, d’un rire de gorge qui ne lui appartient pas vraiment. Rosa est un cauchemar, Joyss une terrible menteuse. « Ouais, je travaille là. » Il est terrible cet aveu, il avoue ses mensonges, il avoue que Rosa est réelle, qu'elle n'est pas chimère, il avoue qu'elle n'était pas qu'à lui jusqu'alors. Il avoue tout. Elle sort de son immobilisme par elle ne sait quel miracle comme après un cauchemar qui nous clouerait au matelas et au bout d’un long décompte, le bras s’élève pour venir tirer sur la clope allumée qui a eu le temps de s’incendier toute seule dans la froide nuit qui les entoure, ses cuisses dénudées en ressentant la rudesse. Elle aimerait se débarbouiller maintenant, lui offrir le naturel qu’elle n’avait pas honte de lui offrir même lorsqu’elle se trouvait bien fade dans la lueur grise d’un jour de pluie mais Sahel se fichait de ça, Sahel la décorait de mots doux, de gestes anodins mais tendres qui lui laissaient entrevoir un quotidien qu’elle n’aura plus. Elle recrache la buée pleine de toxine en reprenant « Toi, qu’est-ce que tu fais là ? » Question déplacée. Il ne lui doit rien et elle panique, sent cette vague immonde de tristesse lui revenir des tripes, grimpant comme un immonde serpent dans les tréfonds de sa poitrine où il a laissé un trou béant, le début d’une inspiration semblant à un sanglot mal ravalé alors qu’elle s’empresse d’effacer le rouge qui pigmente ses lèvres d’un coup de manche, se fichant bien de l’étaler, détournant la tête pour qu’il ne voit rien de la détresse qui l’embaume pour l’en faire prisonnière.
Pars. Pars et oublie même que tu l’as vu.
« Putain, j’ai honte. T’aurais jamais dû voir ça. » Rire nerveux, celui de Joyss un peu cassé, un peu enfantin, manquant d’exploser en larmes pour un rien, pour ce trop plein qu’elle avait caché sous les couches noires et rouges que Rosa la force à porter. Et sous l’or d’un réverbère, elle se présente à lui, les yeux luisants, le rouge mal effacé de ses lèvres, barbouillé davantage, comme les courtisanes de bas étages venant d’achever leurs basses besognes aux pieds des hommes repus, soufflant, tirant encore sur la pauvre cigarette qui finit à ses pieds, écrasé par un escarpin dont le talon racle le béton, comme une dégénérescence qui viendra bientôt. « Tu … Tu vas bien ? » Voilà tout ce qu’elle aimerait savoir, l'audace au bord des lèvres alors qu'elle perçoit sa détresse, en descelle le parfum morose, l’observant davantage, enfant qui se fiche bien d’apparaître sous le plus horrible costume, tirant sur sa jupe pour qu’il n’en voit pas plus qu’elle n’osait lui montrer à l’époque, se sentant plus salie encore que face aux miroirs torves des hommes venues la voir pour l’embrasser peu élégamment du regard. Gorge piégée par l’étau qui retient ses larmes, elle le fixe, comme pour ne pas se détourner, pour trouver la force de ne pas reculer, de ne pas fuir aussi loin que possible, sans issus, espérant que personne ne viendra trahir l’instant nocturne d’une rencontre où les plaies se rouvrent et chacun saigne de blessures internes que l’autre a laissé par son absence, par ses mensonges, par ses déboires.
Tu ne l’entends pas ? Tu ne l’entends pas mon cœur qui se débat, simplement pour toi ? Il aurait dû se taire depuis longtemps, ne rien vouloir de plus, Il aurait dû apprendre, comme moi, qu’il n’est pas fait pour battre pour ton nom, Ni pour aucun autre que celui du père qui m’a recueillie en son nid. Et pourtant, il bat, tu ne l’entends pas ?
Je ne l’espère pas. Je le voudrais. Je ne sais plus.
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| Sujet: Re: amour poussière — Sahel Dim 7 Mar - 17:38 |
| Il aurait aimé que cet amour aux allures d’innocence dure bien plus longtemps, ne soit pas qu’un vulgaire souvenir entravé de secrets et de culpabilité. Tous ces réveils à ses côtés, sous la pulpe de ses doigts, cette peau laiteuse et ses yeux azures, d’une intensité à en faire défaillir plus d’un, il les chérissait. Perdant de ce doux bonheur, il s’était vu l’apprivoiser, l’aimer puis la quitter, en boucle et en boucle, se promettant de faire les choses autrement, se promettant de ne plus devenir l’obstacle de leur vie désordonnée. Il aurait voulu lui balancer tous ces croquis qu’il avait fait, d’elle, de cette silhouette dont il était amouraché, de cet esprit vivant qui le faisait détonner, rien que pour lui montrer que ce n’était pas qu’une illusion, que tout avait été bien réel, voir même un peu trop. Lorsque la porte s’était refermée pour la dernière fois, il avait vrillé, l’esprit embrumé de ce chaos à la merci des vipères. Mortel acharné sur une vérité qu’il ne connaissait désormais plus. Et il avait eu envie de la suivre, dans ce travail dont il n’avait rien perçu, dans cette vie sombre qu’elle supportait depuis si longtemps et dont il n’avait jamais rien connu. Mais son coeur, à l’instar de son corps, n’avait su se remettre de ce chancèlement qui lui empêchait de reprendre le cours d’une vie ordinaire. Elle était là, sous sa peau, encrée au fer rouge, encore bien trop vive pour que ses entrailles ne s’en rappellent plus. La marque de l’appartenance se faisant encore bien trop voyante, il avait tout tenté pour l’oublier, ne se rappelant pas de la dernière fois où son bonheur avait été plein. Elle avait été ses premières fois ; à l’ombre d’une nouvelle identité et d’un nouveau monde, elle avait ses premières fois dans cette civilité qu’il tentait d’apprendre, elle avait l’une des premières à reprendre ses mots, lui expliquant la signification de certains, souriant de son accent parfois trop encombrant, et l’aimant de cette nouvelle terre dont il ne connaissait rien. Et sans réellement l’apercevoir, elle avait permis à son coeur d’être sauvé, d’un dépaysement sauvage et d’une vulnérabilité de bas étage. Sous ses doigts, il s’était transformé en artiste inspiré mais surtout, en l’homme qu’elle avait su aimer le temps d’un court instant. Ce temps qui avait semblé duré seulement un été, une passion d’une nuit qu’il n’avait pas même vécu mais une harmonie des âmes qu’il avait embrassé.
Joyss, objet de son désir, esprit qu’il avait tant chérit s’était transformée en Rosa, une inconnue au passé mouvementé. Il ne le reconnaissait plus et sous cet état statistique, la colère s’était peu à peu logé au fond de lui. Une colère qu’il n’avait pas su définir auparavant. La confusion et la tristesse s’était emparés de lui, l’emprisonnant dans un état d’ivresse et de faiblesse qu’il avait préféré faire disparaitre mais cette colère était survenue bien plus tard parce qu’au delà de leur amour, il y avait eu tous ces obstacles qui avaient eu raison d’eux, de leurs sentiments. Et il l’avait haït, bien que pas assez, de l’avoir laissé, de l’avoir laissé espérer et vriller sans elle, sans cette aura qu’elle n’avait jamais cherché à lui transmettre. Alors là, alors qu’elle tente de faire disparaitre celle qu’elle était devenue, cette Rosa au masque impénétrable, il tenta de réfuter cette haine. « Je rentrais chez moi. » Il ne lui devait rien et il détestait cette question. Comment pouvait-elle se permettre de demander une telle chose ? Il n’était pas là pour elle, il n’avait jamais eu l’intention de la rechercher, bien qu’il en eut l’envie il y a bien longtemps. Et il voulait qu’elle sache. Qu’il s’en sortait bien, qu’il avait su reprendre une part de sa vie qu’il avait mis de côté durant quelques temps mais tout cela n’aurait été qu’un mensonge. Encore un. Un énième pour la femme qu’il avait aimé. Et il n’en était pas question, il ne pouvait lui mentir à nouveau, pas alors qu’elle était là, devant lui, dans une situation qu’elle aurait préféré éviter.
Ne me mens pas. Pas ce soir, pas encore.
Son regard s’attardant sur ce rouge étalé qu’il n’avait jamais vu sur ses lèvres auparavant, il ne put s’empêcher d’agir en ce Sahel qu’elle avait trop bien connu. Alors d’un geste presque de compassion, il tira un petit paquet de mouchoirs de sa poche afin de lui en tendre un. Il s’approcha, d’un pas prudent, d’un pas timide, comme s’il avait peur qu’elle recule, qu’elle ne veuille à nouveau avoir une proximité avec lui. « Tiens, prends ça. » Et il aurait voulu l’aider, prendre le papier blanc pour lui retirer ce surplus superficiel qu’il détestait tant mais il n’en fit rien. Elle n’était plus sienne, plus cette Joyss qu’il avait connu et il ne désirait plus emprunter ce chemin sinueux. Sous cet accoutrement qu’elle tentait de tirer, il n’en aperçut rien, tout ce qui l’intéressait, c’était ses pupilles, les seules qui n’avaient pas changé, les seules intactes d’une relation passée, d’un amour poussière. Mais sous ce rouge, le désespoir de cette rencontre à son hécatombe ; la honte en premier plan ne le faisait que plus emphatique à sa situation. La haine en second plan, l’empêchait de lui montrer davantage de tendresse. « Oui, ça va. » et il en put se résigner à retourner la question. Pas tout de suite, pas maintenant. Et pourtant, il avait des tas de questions mais ce dont il avait le plus besoin, étaient du réconfort. Il avait besoin de se sentir rassurer quant à sa position.
La vie était tout de même ficelée étrangement ; il était arrivé ici, à New York, avec pour seul bagage l’illégalité de ses papiers et sur toute la population new-yorkaise, il l’avait rencontré elle, femme de joie, femme des nuits, tout aussi illégale qu’il l’était. L’intrigue d’un film aurait été toute même, à quelques points prêts mais ils n’auraient pu trouver un meilleur scénario que leur idylle abrégée. « Tu sais, j’ai longtemps rêvé cette situation et maintenant que tu es là, devant moi, je ne suis même plus sûre de ce que j’ai envie. » Ses lèvres s’étirèrent en un rare sourire, un rictus trahissant parfaitement cette cassure, au fond de lui. « S’il te plait, dis-moi comment tu vas. Sans mensonge. J’ai besoin de savoir. » Sa main s’avança dangereusement vers la sienne, dans un éclair d’esprit, il frôla le bout de ses doigts. Je suis là. Encore et pour toujours. Il aurait voulu lui crier, lui écrire sur les murs qu’il n’avait pu l’oublier. « Tu veux… mh… je te raccompagne chez toi ? Enfin, je ne sais pas mh si tu as fini de travailler ? » et étonnamment, cette haine qui s’était furtivement épris de lui s’était dissipée parce qu’au fond, il était incapable de lui en vouloir. Et tout ce qu’il souhaitait, c’était sa sécurité. « Travailler » il n’aurait pu utilisé un autre mot pour décrire ce qu’elle faisait, l’incapacité de placer de vrais termes sur son activité, de voir que toute leur relation n’était qu’un leurre. Il ne le voulait pas, la laissant alors dans cette bulle qu’il s’était construite.
Et si je hurle ton nom, m’entendras-tu ? Et si ma peau caresse la tienne, me rejetteras-tu ?
Mon nom ne peut être le tien, et pourtant, j’en rêve tant. Souris-moi, juste cette nuit, juste une dernière fois.
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| Sujet: Re: amour poussière — Sahel Dim 14 Mar - 18:16 |
| amour poussière Transie de honte, puante de stupre et infectée par cette gangue crasseuse dans laquelle on l’enferma et elle se voit davantage enserré sous ses yeux, elle n’ose lever tout à fait les yeux vers lui, se tendant sous ce pas fait vers elle, levant à peine ses prunelles vers les siennes, vers ce visage tant aimé et embrassé, qui lui redonnait le goût du bonheur, celui qui s’échappe bien vite des veines comme le sang s’échapperait de plaies à peine ouverte. Il glissait en elle sans avoir besoin de ces plaisirs charnels qui pourtant pétrissaient leurs ventres quand les embrassades se faisaient fiévreuses, l’envie tendre et romanesque de ne faire qu’un, deux fleurs sans épines qui s’enlaçait, elle qui aurait voulu être cueilli par les doigts de celui dont l’accent la faisait bêtement sourire, rire même dans cette chambre qu’elle espère inchangée, suintant sous les draps dans les matins dorés, aimant comme une première fois, comme une première vie, des battements de cœur qui hurlaient son nom et l’exigeait auprès d’elle lorsque venait le moment de se quitter sur le pas de la porte. Il y eut des larmes qu’il effaça de ses lèvres ou de ses doigts sculptant un nouvel apaisement sur son faciès qu’il savait dessiner comme il le voulait, sans exiger d’elle quoi que ce soit, l’aimant sans poison noir, sans vice. Il l’aima comme elle ne mérite pas d’être aimée. Putain, elle n’est rien d’autre qu’une rose de la souillure méritant bien les coups des reins des mauvais hommes venant chercher refuge sur sa poitrine dévoilée qu’elle a frotté et frotté pour se délivrer du crachin bestial qui souilla sa poitrine. Elle s’engonce dans un monde où tout la fait rougir de l’intérieur, où chaque nuit se fait supplice, sacrifiée sur l’autel de quelques chambres où les âmes masculines sont loin d’être enclines à être douces avec elle. Dans sa gorge s’amoncellent les aveux, les envies de confidence, lui dire que tout est horrible à surmonter, insupportable à vivre, qu’elle suffoque depuis qu’elle ne l’a plus dans son sillage les matins venus où elle savait Gregor loin d’elle. Les larmes gonflent sous les paupières tandis qu’elle essuie les ravages de ses lèvres pourpres, rougissant furieusement sous le regard qu’elle voulait toujours amoureux d’elle, toujours tendre. Tout le demande et ce simple pas vers elle aimerait la faire courir vers lui, se fondre là où elle pense son odeur aussi similaire qu’auparavant. Peu à peu, dans des mouvements timides, elle efface le pourpre qui tâche le coin de ses lèvres, se retenant d’en pleurer face à ce désastre humain qu’elle lui offre en spectacle pour leurs retrouvailles qui seront peut-être unique. Un chapitre simple et une fin définitive. Elle hait son regard sur elle tandis que la jupe portée ne cesse de se plisser, de ceindre ses cuisses, de lui rappeler qu’elle n’est plus accoutrée de la même manière, ses yeux fixant la poitrine où elle venait se poser, se poser encore et encore pour l’entendre vivre et vibrer sous son corps qu’il dessinait du bout de ses doigts. Tout était d’une simplicité si juste et parfaite que les larmes manquent de céder aux rivages ses yeux, remontant ses prunelles embuées vers lui lorsqu’il avoue aller bien. Un mensonge ou une vérité, elle ne saurait le saisir mais ils sont deux souffrants des frontières qui les séparent, elle le sent d’ici.
Le fixant, elle ne saurait quoi dire et le silence s’étend jusqu’à ce qu’il le brise de nouveau de cette voix dont elle s’enivre, à l’accent inchangé, à la voix particulière, une symphonie magnifique qui laisse pourtant s’écouler des paroles qui la heurtent et la voit se tendre sous le halo jaune des loupiotes éclairant la nuit qui les observe se retrouver et se heurter l’un à l’autre dans la même non-violence dans laquelle ils se conjuguent si bien. Incapable. Incapable de lui rendre ce sourire qu’il esquisse et lui donne l’envie brutale d’avancer pour le sentir au plus près d’elle.
Car tu ne fus qu’à moi, il fut un temps, Car tu n’étais qu’à mon corps et mon cœur, Il y a des siècles peut-être, nos âmes ayant traversées bien des périodes, Mais je ne pourrais plus le dire, ni m’en vanter, Je ne pourrais plus sourire de te tenir la main sur une plage ou le long d’un trottoir, Je ne pourrais plus sourire de t’avoir auprès de moi, Ce soir et depuis longtemps, tu n’es plus le soleil qui éclaire mon obscure existence.
Elle le voit avancer cette main sans bouger et le souffle s’étiole et se déloge de sa machinerie lorsque ses doigts l’effleurent et elle ne peut résister, elle ne peut que lier sa main à la sienne, le retenir à elle dans une étreinte qu’elle voudrait moins féroce mais qui témoigne du manque qui lui lamine le corps, son ventre qui papillonne d’un désir inhumain et atroce, laissant ses joues se souiller de quelques larmes qui finissent bien par se laisser glisser sur la terre peu sainte de son visage. « Mal. Je vais mal, Sahel. » Elle ne ment pas, elle ne lui fera pas l’affront d’un mensonge de plus, détestant cette nuit, cette soirée, aurait voulu lui apparaître plus belle et moins vulgaire. Rosa n’est pas pour lui. Rosa n’est pas faite pour le toucher et de son bras libre, elle remonte les bretelles de ce fin corset qui lui étouffe la taille, refusant de s’offrir davantage comme la pire des courtisanes des rues salies d’un New-York dormant où les indésirables errent sans cesse. Sa proposition la fait sursauter et elle hésite, oscille entre l’envie de lui avouer que la plupart du temps elle dort au même endroit, que son habitation naturelle n’est qu’à quelques pas, que le studio qu’elle a pu louer en secret n’est qu’un maigre refuge où elle se cache quelques fois. Mais elle ne peut le lui avouer, elle ne peut lui régurgiter ce flot noirâtre d’une vérité immonde qui la décrierait esclave sexuelle, esclave d’un homme qui lui offrit l’opportunité d’être ce qu’elle est désormais.
Comme si le temps n’avait pas passé, elle s’attache à ses phalanges, les lient aux siennes, les aiment et elle peine à esquisser un sourire, effaçant les larmes dont elle ignore les racines pures, tristesse, nostalgie, amertume, désespoir, joie, amour, elle ne saurait le dire et préfère acquiescer « Oui … Oui, j’ai terminé. » Élevant son regard sur elle, elle allie aussi leurs regards, hésitant avant de l’entraîner dans leur marche, gardant sa main avec la crainte immense qu’il ne la lui arrache. Il en aurait tous les droits, ils ne sont que deux souvenirs l’un pour l’autre mais pour ce soir, elle veut espérer qu’il est possible de l’aimer un peu, de l’avoir auprès d’elle et de ne plus jamais le quitter. Déviant pour ne plus repasser devant le mouroir où l’enferme Gregor, elle l’attire dans les ombres des rues, fixant leurs mains liées sans y croire. « Excuse moi … Je … J’voulais pas que tu me vois comme ça. Je suis loin d’être présentable. »
Je ne voulais pas que tu croises Rosa, Je ne voulais pas même que tu vois son accoutrement léger, Je ne voulais pas que tu aies la malchance de voir le visage que j’arbore pour séduire les chiens galeux.
Quelques rues, quelques silences, le bruit de leurs pas mêlés l’un à l’autre, elle fixe son profil, se rendant compte du lierre entiché qui demeure sous ses seins dévoilés, de ce visage dont elle aima tous les contours. « Tu me détestes, Sahel ? Sois franc. Pas de mensonges ce soir. » Et dans une envie qu’elle ne peut réprimer, de ces besoins viscéraux qui éclatent le ventre elle mène ses doigts jusqu’à ses lèvres pour les embrasser de sa bouche enfin propre, les laissant glisser contre son visage, les voiles bruns de ses cheveux peignant leurs doigts entremêlés, avouant son envie de lui et de l’avoir, purement et simplement. « Pardon. Pardon. Pardon … » chante-t-elle désespérément dans des murmures tremblants tandis qu’elle les fait s’arrêter au milieu du béton pour savourer le simple bonheur d’avoir ses doigts contre sa joue, son nez inspirant l’odeur de sa peau, refusant de voir ce mirage offert par la nuit s’envoler, ne sachant plus très bien pourquoi elle s'excuse. Mais elle ne peut que s’excuser comme une pieuse prierait à en devenir aliénée devant le Très-Haut, comme une aliénée supplierait qu’on lui offre la rédemption pour avoir fait tant de mal, comme une Juliette d’une pièce tragique retrouverait son amant qu’elle a trahie et pleurerait sans honte contre ses doigts car les larmes reviennent et elle ne peut que les laisser souiller leurs mains alliées, comme le sang coulerait de leurs plaies communes pour les marier dans la douleur de leur impossible amour.
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| Sujet: Re: amour poussière — Sahel Lun 22 Mar - 23:18 |
| De ses iris ébènes, reflètent cette tristesse soudaine. Habité par une mélancolie sans faille, qui ne cherche désormais plus la voie extérieure, la tristesse se fait bien plus exigeante, à la merci du cri déstabilisant de son cœur. De cette mélancolie en découlent les souvenirs, un à un se projetant devant lui, à la lueur de ses pupilles vitreuses qui n’osent réellement se poser sur elle, il les revoit, main dans la main, à combattre ce fléau qu’est l’affabulation. Gamins aux cœurs emplis d’histoires et d’acrimonie, gamins aux cœurs meurtris et anéantis. Les récits d’un passé glorieux se rejouant devant lui, son imagination aux allures d’un raz-de-marée, il la revoit, allongée dans ce lit qu’ils avaient l’habitude de partager, entre ces draps froissés de leurs étreintes nocturnes. Et il revoit ce visage habillé des rayons de lumière passant à travers ses rideaux, la dessinant tel l’ange qu’il voyait en elle, tel l’innocence même de leur amour qui venait simplement se personnifier à travers elle. A l’évocation de cette parcelle de vie appartenant maintenant au passé, son esprit la redessine, de ses yeux, de ses doigts, préférant imaginer la douceur de sa peau sous sa pulpe, plutôt que celle du froid laissé par son absence. Mais là, devant lui, se joue un énième film ; le genre de scénario qu’il n’aurait pas souhaité apercevoir, un film aux airs d’horreur, bien que davantage psychologique que physique. Car sous ces souvenirs pluvieux, ses iris cérulés restent inchangés et l’éclat inerte de son palpitant reprend la lumière. A l’image d’une matinée ensoleillée, il la revoit alors comme la rosée délicatement posée sur des pétales acidulées, immaculée et rêveuse de ce jour en préparation. Mais sous cet accoutrement qu’il ne reconnaît pas, la soirée devient brouillard ; dissimulant les secrets à la perfection, détonant de ce voile blanchâtre que dévoile le ciel. Il aurait voulu la voir comme la percée onirique que le soleil procure à ce ciel vierge mais ce soir, elle est autre chose. L’onirisme permanent devenant simplement passager d’une soirée aux allures de désastre.
Quel mensonge qui tente de s’agripper à chaque parcelle de son cœur. Je vais bien. Non, non. Pas du tout. Une simple affirmation en parfaite opposition de son cœur qui bat ; la douleur de l’impuissance se fait bien trop forte, bien trop encombrante pour une seule et même personne. Et il se déteste. De lui mentir, de lui avouer qu’il va bien alors que son quotidien se déchire à chaque nouvelle habitude bousculée par son absence. Ses pensées en perpétuelle agonie se bousculent à chaque nouveau trajet qu’il fait seul, à chaque nouveau message qu’il reçoit, priant pour voir un J apparaître sur son écran. Et puis, son palpitant, broyé dès qu’il entend un nom au même préfixe que le sien, ses joues se retournant dans une hâte déroutante, s'empourprent en remarquant qu’il n’est là pas question de cet amour qu’il s’est interdit.
Reviens-moi, je t’en supplie, avant que je ne plonge dans l’oubli, avant que tu ne t’enfuis dans cette nuit immonde. Mêle ton regard au mien, juste pour que je me souvienne de cette lueur hurlante qui m’éblouissait.
Doucement, l’extase s’éprit de lui, leurs peaux se redécouvrant pour la première fois depuis que tout s’était immolé. Ses doigts effleurant les siens, retrouvant cette chaleur magnétique qu’elle avait tant l’habitude de lui procurer. Cette douceur qu’il aurait pu reconnaître parmi tant d’autres, ces doigts fins épousant les siens à la perfection, comme s’ils n’étaient faits que pour se mouvoir les uns aux autres. Mais sa peau brûle. De désir, de peur, d’amour et pourtant de haine. Une colère qui se veut principalement tournée à son égard, étirée par ces iris qu’il fixe et qu’il tente de déchiffrer mais rien n’y fait. Il hait et il déteste tout ce qui les entoure, de cet engrenage dans lequel elle a chuté, incapable de se rattraper à la première perche, de son propre destin perdu d’avance entre les coups bas de son milieu lugubre et de cet amour qui a su le rendre faible. Totalement à la merci de sa peau laiteuse et de ses lèvres rosées, éperdu de cette tendresse qu’elle n’aurait jamais repoussé si elle était restée dans ses bras. Mais la dure vérité n’est qu’il ne peut s’empêcher de ressentir ce serrement dans sa poitrine, lui dictant de s’éloigner, de ne pas retomber dans cette drogue qu’elle a été durant des mois, de cette dose d’euphorie qu’elle lui a servi pendant tout ce temps. Et pourtant, il reste là, sa peau en feu de son toucher ardent. Je vais mal, Sahel. Et la vérité blesse, se heurte bien plus qu’il n’aurait pu le penser. Il fut un temps où la savoir malheureuse aurait quelque peu atténué son propre chagrin et peut-être que si son esprit était resté ainsi aujourd’hui, il lui aurait ri au nez, lui soufflant que tout n’était que de sa faute. Mais ce Sahel n’existait plus. En fait, il n’avait jamais existé. Il y avait pensé, avait retourné cette rencontre des tas de fois, se demandant de quelle manière il réagirait et là, sous ses yeux charbonneux, rien de tout ce qu’il avait imaginé se produisit. L’ignorance lui était impossible, la condescendance, quant à elle, lui semblait limpide et la sympathie, lui semblait trop irréelle. “Pourquoi tu fais ça, Joyss… ” Sa voix se meurt dans un souffle ; un cri de désespoir, d’incompréhension qu’il pousse. Il le sait, il le voit. Elle n’est plus là, sa Joyss semble inexistante, poussée au bord du vide par cette Rosa qu’il ne connaît pas qu’il se refuse à connaître.
Ne lui fais pas de mal, je t’en supplie. Laisse-la s’en aller, laisse-la redevenir celle qu’elle est. C’est à toi, Rosa, de disparaître, pas à elle.
Sa paume de main se resserre légèrement sur la sienne, réaffirmant leur étreinte qu’il ne peut qu’apprécier, qu’il ne peut que ressentir au fond de lui. Un retour en arrière qui ne lui vaudra qu’une nuit de tristesse. Qu’une seule. “C’est… rien.” Mais si, ça l’était. Il n’aurait jamais voulu la voir ainsi, dans ce costume sortant tout droit d’un film déconseillé aux gosses, dans ce vulgaire apparaît que Rosa lui faisait porter. Mais le malheur braillant à travers ce corset bien trop étriqué, il n’était pas lieu de la quitter, de la laisser à cette vie incertaine et dangereuse. Il ne lui permettrait pas de le laisser à nouveau pour retourner à ces chiens qu’ils ne la voyaient seulement comme ce qu’elle n’était pas. Lui, il l’avait vu. A travers tous ses états d’âme, à travers toutes ses peurs. Mais à présent, il n’en était plus sûr. S’était-elle à un moment donné, moqué de lui ?
Et puis, le silence s’installe, peu à peu, aussi discrètement que cela pourrait être possible. Il ne sait quoi lui dire si ce n’est autre que de la supplier d’arrêter, de le suivre pour lui offrir cette vie qu’ils s’étaient imaginés, loin de tous ces drames dans lesquels elle s’était enfouie. Suis-moi, laisse-moi t’offrir ce que tu souhaites, laisse-moi devenir celui que tu veux. La nuit autour d’eux, semble les envelopper, aussi légère et duveteuse qu’il l’imagine, loin de ce vacarme incessant de la ville et du monde auquel ils appartiennent, loin de ce quotidien qu’ils se sont créés, aux antipodes de leurs rêves. “J’ai essayé de te détester, de te haïr comme jamais j’aurais pu haïr quelqu’un d’autre.” Ses pas s’étaient arrêtés et son visage s’était tourné vers elle. Malgré ces mots à l’apparence robuste, un fin sourire s’était immiscé sur ses lèvres, laissant place à cette incapacité qu’il essayait tant de lui expliquer. “Mais j’peux pas. J’en suis viscéralement incapable, même si je devrais.” Mais tout explose en un fragment de seconde ; son coeur tout autant que son esprit. Embrumé et désarçonné, il se laisse aller à cette délectation qu’il avait tant espéré revivre un jour, qu’il avait tant souhaité ressentir. Et il aurait dû la repousser, lui dire que ce n’était pas possible, qu’il n’était pas prêt, que cela ne rimait à rien mais ses lèvres le trahirent, fondant sur les siennes dans un élan d’accablement et d’ivresse totale. Pardon. Non, c’était à lui de s’excuser, de lui dire à quel point il avait tant attendu pour qu’elle revienne, qu’elle le veuille à nouveau. Pourtant, tout fut bien différent, bien trop rapide. “Non, non… j’peux pas, Joyss, j’peux pas… on peut pas. J’suis pas prêt.” Mais là, son front contre le sien, l’envie de goûter à nouveau à ses lèvres qu’il avait tant connues était bien trop forte, bien trop difficile à combattre mais c’est ce qu’il fit. Ses paupières se fermèrent un instant, s’immobilisant, ne pouvant s’empêcher de se délecter encore un peu de ce désir qu’elle venait d’éveiller en lui. “Je t’en supplie, arrête… j’peux pas supporter ça encore une fois… j’ai pas envie de te voir partir, encore une fois” La pulpe de son index se délectant du contact de sa joue, il laissa un soupire s’échapper, avant de se reculer. “Pourquoi t’as fait ça…” Il osait à peine la regarder, ses émotions se mêlant les unes aux autres, passant de la rancœur à ce désir foudroyant qu’il ne pouvait cacher, qu’il ne pouvait dissimuler devant elle, alors qu’elle le connaissait par cœur.
Ne me hais pas, je t'en supplie. Je ne le supporterai pas.
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| Sujet: Re: amour poussière — Sahel Mar 23 Mar - 21:34 |
| amour poussière Sous l’hospice d’une nuit bien courte, rayonnante presque sous l’aube qui ne tardera pas à venir, ils semblent être deux amants s’étant retrouvés grâce aux fils de soie que la nuit crée lorsqu’elle ne se fait pas capricieuse. Pourtant, le ciel noir au-dessus d’eux se doute bien qu’il n’y aura que le déchirement d’une autre séparation, que l’idylle est impossible, entre une putain et un jeune homme fait pour vivre irradié dans le bonheur, non dans le crime, artiste moderne aux traits bien sibyllins qu’elle redécouvre sous les morceaux d’or des lampadaires qui les surplombent. Ils se retrouvent dans un silence palpitant, où les cœurs s’affrontent, où elle ne saurait quoi dire pour combler l’ange qui passe entre eux, appréciant leurs mains reliées, craignant qu’à tout instant il s’échappe et la délaisse, lui recrache sa haine à la figure. A raison. A raison car la voilà vêtue du plus provocant des accoutrements, fausse déesse de charme, elle rougit à tort et à travers, se voit mise mal à l’aise par l’effet qu’elle produit sur des hommes qui ne devraient pas avoir le mérite de la connaître à demi-nue. La voilà salie et dégueulassée par l’odeur des mâles en souffrance, leurs reins battant tambour pour la moindre oscillation des croupes féminines dans le velours d’un cabaret fringuant, poussant aux audacieuses étreintes. Elle est le diamant brut que le patron ne laissera pas s’éloigner bien longtemps mais son absence tombe bien trop à pic pour qu’elle n’en profite pas ce soir. Pour qu’elle ne se laisse pas prendre par l’envie insidieuse de retrouver le passé, un passé où le satin de la joie l’entourée malgré tout le malheur et ses épines qui tentaient de trouer leur linceul. Elle se bordait dans ses bras et son odeur pour contempler bien des nuits d’étoiles, caressant les moindres reliefs des muscles fins qui ne pouvaient l’étrangler mais prouvant le dur labeur de celui qui sculpte avec une passion damnée. Il suffisait de sourires et de rires d’enfants, il suffisait d’un rien pour la rendre ivre d’un bonheur que jamais plus elle ne connut. L’espoir n’est pas fait pour elle car un jour Sahel s’en alla et pris avec lui toutes les lueurs des matins heureux et des nuits excitantes où ils résistaient bien à la sauvagerie humaine des désirs qui enflamment les premières heures de l’amour, qui ne pourraient s’estomper avec le temps. Elle serrait les dents pour ne pas lui abandonner sa fièvre, pouvait bien en pleurer en attendant qu’il s’endorme, haïssant Gregor d’avoir la main mise sur le voile de sa virginité.
Elle s’endormait en espérant que le lendemain, elle ne serait plus la prisonnière d’une vie où elle combattait et combat encore ses propres démons, des règles étriquées, un carcan de vertu qui jure avec sa silhouette habillée pour tenter les regards masculins, élevant les lunes de leurs yeux trompeurs comme une aube qui n’amène pourtant la nuit noire des envies scabreuses. Elle aimerait confier qu’elle les hait tous, qu’elle voudrait vomir ici même tant elle craint de s’abandonner à ceux qu’elle ne veut pas, vomissant la vie qui la condamne à l’échafaud de la prostitution. La corde se resserre et la voilà qui manque de s’étrangler, s’étant arrêtée à son tour pour observer ses mots comme son visage. Et elle pourrait, pauvre idiote, sourire alors même que la tristesse les lamine, par le simple fait de le voir et le sentir, n’avouant pas que son corps frémit, frustré par les années qui les ont vu s’éloigner et ne les ont jamais vu se consommer l’un l’autre dans le respect d’un amour presque trop pur pour y mêler l’érotisme. Ses doigts serrent entre les siens, donnant l’inévitable impression qu’ils sont un couple comme un autre, loin d’être séparé par des océans d’interdits, de valeurs, de principes, de dégoût et de colère. Et elle se sent fondre, un tas de cendres qui manque de lâcher la cruauté d’un sanglot dans le mutisme de la rue, soupirant contre les phalanges qu’elle embrasse en implorant le pardon, en implorant qu’il puisse la reprendre, aliénée par l’espoir vain et stupide qu’eux deux soient fait pour s’aimer sainement et dans la plus grande douceur. Elle aimerait lui parler de tous ces soirs où elle pensa à lui, où elle revit ses draps, froids, y déposa sa joue sans trouver les battements de son cœur que son esprit lunaire s’amusait à compter, aimant l’entendre vivre sous elle, aimant le myocarde qui s’accélérait lorsqu’elle s’amusait à modeler les reliefs timides de ses veines du bout d’un index joueur, retenant ses rires dans les nuits parfaites qui n’ont plus jamais été les mêmes. Avec lui Sahel prit la Lune comme le Soleil, il prit le sucre de la joie et tout ne fut plus qu’amertume, que le sel des larmes et du chagrin, que les tremblements incessants dans la froideur hivernale, un ennui latent où elle le voulait à s’en faire mal aux tripes, à exploser en sanglots lorsque Gregor n’était pas dans la pièce d’à côté, à regretter une vie qui n’était pas faite pour elle, à se rappeler de toute cette vie où elle n’eut plus ni père ni mère ni même celui qu’elle aima. Elle n’eut rien.
Dans le flot qui brouille sa vue, elle ne le voit pas s’avancer, ne comprend la percussion de leurs lèvres l’une contre l’autre. Gémissement de douleur et d’un soulagement profond, elle s’essaie à le retenir, sa paume prenant sa joue, s’étalant en corolle pour plonger à peine dans les rives de ses cheveux noirs et son corps épouse le sien, se délecte de ce nid retrouvé qu’elle n’espérait presque plus avant qu’il ne s’arrache à elle, bien avant qu’elle ne puisse approfondir l’étreinte mais il a suffit de cela pour rallumer la flamme qui oscille dans son ventre, sa poitrine se soulevant sous les vagues de ses respirations sifflantes et paniquées, l’observant les yeux bouffis de ses larmes, lèvres entrouvertes sur des mots qui refusent de sortir de sa gorge étranglée par la peur, la peur de tomber, la peur de vaciller et de ne plus retrouver la surface s’il la délaisse ainsi. « P-Pourquoi ? » Elle balbutie une question idiote, fermant les yeux pour laisser s’écouler à nouveau le sang qui s’écoule de son cœur agonisant la chaleur de son front contre le sien, de son souffle prêt à embrasser celui qui s’échappe d’entre ses lèvres enfin dénudées de pourpre ne l’aidant pas à retrouver la contenance qui la pousserait sagement à s’éloigner. Ses paumes enrobent tout son visage, ses pouces aux ongles acérés caressant la peau chaude et sableuse contre sa pâleur lunaire, inspirant sporadiquement sous les attaques de ses sanglots, de sa désespérance profonde, chacun de ses mots plongeants des lames en elle pour la faire saigner encore et encore. « Mais si j’partais pas ? Si j’pars pas, Sahel ? » La lubie du désir laisse parler ses plus profondes espérances, déclamant ses vœux de sa voix qui ne peut que murmurer entre eux, déposant ses lèvres contre sa joue comme pour reprendre un contact timide avec lui, comme elle le faisait bien trop souvent durant les quelques mois qui les enlacèrent l’un à l’autre. Sa question la fait se figer contre lui, cillant, fronçant les sourcils « Pourquoi j’ai fait quoi ? Tu crois … que j’ai eu l’choix ? » Délirante dans sa propre détresse qu’il ne pourrait qu’éponger de sa présence, de sa tendresse, de son humanité qu’elle a tant admirée et qui, un jour, la sauva de la nuit dans laquelle elle était plongée, aveugle et fatiguée du monde, elle se raccroche en lui, son buste se tendant vers le sien, ses lèvres papillonnant sur les siennes en des baisers brefs et qui s’envolent aussi vite qu’ils naissent. « Enlace moi. Juste ça … Juste ça, s’il te plait. »
Comme avant que tout ne soit que chaos, Comme avant que nous devenions les ruines humaines d’une relation exsangue, Comme avant que tu ne me dises au revoir sur un ton d’adieu, Comme avant que l’on se déchire en comprenant que tout était compromis depuis le premier regard.
Et elle n’attend pas, elle n’attend pas, goûtant la bouche qu’elle a aimé, sur laquelle elle laissa fondre soupirs et rires mais ce soir ce sont ses sanglots qu’elle y glisse, sans oser davantage, l’entraînant dans l’alcôve sombre d’une entrée d’immeuble assombrie pour percuter le mur sans lâcher ses lèvres, telle une amante ivre d'envies inavouables, ne sentant même pas la douleur, l'embrassant comme si c’était bien la dernière fois qu’elle devait le faire, lui laissant les dernières trainées d’oxygène avant de soupirer son chagrin, de le forcer à s’accrocher à elle, ses bras enlaçant son cou pour cacher son visage loin du sien, inspirer l’odeur de ses cheveux qui n’ont rien perdus. « Me quitte pas. Me quitte pas tout de suite. » Enfant craignant l’abandon, elle se fiche que son corps en flammes épouse le sien, de lui offrir les bruits les plus ridicules de ses reniflements, son nez rougissant, ses pommettes rosées par le désir qui les étrangle depuis longtemps. « Tu m’as manqué. Tu m’as tellement manqué. » Alors elle ne dira plus rien, resserrant sa prise sur lui quitte à lui faire mal, quitte à le pousser à la violence pour qu’il s’arrache à elle, sa haine sûrement plus forte que son amour empoussiéré, fixant un pan de la rue dans les ombres qui les entourent, tremblant de froid contre lui, prouvant qu’avec son départ, il prit toute sa chaleur, toute honteuse de lui imposer son corps serti des plus mauvais atours, à peine lavée de sa nuit écœurante. Il passe un temps, un silence infini où elle pourrait se laisser aller à s’endormir, à se pousser à la folie du vice qui étreint leurs reins mais elle ne demeure qu’ainsi, accrochée à lui, ses doigts passants dans les cheveux bruns pour en retrouver les boucles qui s’enroulent autour de ses doigts incapables des mêmes prodiges que les siens. « Un jour, tu seras prêt ? » Comme une balle traversant le plomb entre eux, elle se sait bien naïve de croire à un retour à la normal, bien naïve de s’espérer assez belle pour lui, assez bien, assez propre. Elle qui n’est devenue qu’une ombre de crasses se laissant embaumer par un désespoir visqueux et tous les pardons du monde ne pourraient rattraper les plaies qu’elle a ouvert en lui, elle le sait. Elle l’a toujours su.
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| Sujet: Re: amour poussière — Sahel Mer 31 Mar - 0:01 |
| Enlacés par le velours scintillant d’une nuit au goût exquis de mélancolie, l’amour lui réchauffe le coeur. Ancré en lui comme un sceau le serait sur du papier grainé, l’amour se veut tortionnaire et dangereux. Alors à la lisière de retomber dans ce trou béant où se trouve le désespoir, l’esprit se renfrogne, partageant ces instants qui ont fait de lui l’homme émerveillé qu’il était lorsqu’elle n’était que sienne. L’idylle brève ayant des arrières-goûts d’éternelle, il s’y était perdu, à de multiples reprises, préférant se cacher à travers ces souvenirs douloureux plutôt que de confronter à la terrible réalité. Et là, sous cet éclat qui s’abattait sur sa pâleur, il revit tous ces moments où son coeur s’était arrêté et où ses poils s’étaient hérissés. Où le mensonge n’existait pas encore. Le passé se voulant bien trop alléchant pour y résister, il s’y laisser emporter, cette joie éphémère reflétant dans ces iris aux allures de voûte céleste. Seulement quelques minutes suffirent pour le faire revenir en arrière, se voyant allongé à ses côtés, ses doigts dessinant sa silhouette d’un toucher à peine perceptible, provoquant ce sourire qui s’agrandissait à chaque arrêt sur sa peau. Et de ses lèvres il tapotait les siennes, la cherchant à chaque instant, ne pouvant résister à l’appel de son palpitant, ne pouvant résister à cet amour qui avait pris l’habitude de les unir comme jamais avant. Il l’aimait. Il l’aimait. Tellement que tout s’était effacé autour d’eux. La ville semblait minuscule et les astres ne pouvaient être aussi scintillants qu’elle l’était. Sur sa peau se couchait le secret du bonheur et sur ses lèvres se couchait son coeur. Le passé semblait, en effet, bien plus alléchant que ce présent aux alentours fanés. Haletant d’une rencontre digne d’un scénario à l’eau de rose, il se revoyait rêver d’un avenir à deux, d’un avenir où son quotidien ce serait stabilisé, où le Dark Mist ne serait devenu qu’un vulgaire souvenir, une erreur de jeunesse, voir un plan de survie. Et elle ne serait plus cette Rosa qu’elle arbore ce soir-là. Non, elle serait devenue sienne, à jamais. Mais le trou béant s’était agrandit. Encore et encore lorsqu’elle avait repris ses affaires et que la ville avait repris sa taille ordinaire. Tout avait semblé sombré à mesure qu’il se noyait dans ce désespoir bien trop attrayant pour l’époque où la sculpture s’était imposée comme une évidence. Si elle, était partie, l’art, lui, restait et en le travaillant, il pourrait la retrouver ; à travers ces oeuvres, à travers ces formes qu’il lissait du bout des doigts, aussi tendres que lorsqu’ils se déposaient sur sa peau, aussi doux qu’un baiser se perdant.
Prisonnier d’un espoir intempestif, prisonnier de ses iris fulgurantes mais surtout, prisonnier d’un amour laissé pour compte. Il rêvait de la retrouver, de la revoir. Chaque jour, chaque heure son coeur s’arrachant en imaginant son visage dans un éclair et là qu’elle était devant elle, tout semblait bien différent. La réalité rattrapait ce schéma idéal, le froissant pour n’en laisser qu’une version déchirée, amochée à l’image parfaite de son palpitant. Et même si lui aurait pu chanceler, lui promettant des mots incertains et complètement démesurés, il pensait à elle. A cette perle grandissante, s’amusant avec des hommes répugnants. Elle-même prisonnière d’une tour d’argent, actrice de ces nuits maudites. Et malgré ces visions horrifiantes où il l’imaginait, son corps heurtant celui des porcs en face d’elle, elle résonnait tel un carillon. Joyss. Joyss. Joyss. Embrumant ses pensées à chaque regard qu’elle posait sur lui.
Le myocarde au bord de l’implosion, sous ses mots, sous ses lèvres. Ses doigts s’accrochent, désespèrent au contact de sa peau, s’entremêlent à ses longueurs brunes et il prie, pour s'arrêter, pour mettre fin à ce rêve qu’il sent brisé, à ce moment désarticulé. Et il aurait aimé déposer des baisers sur ses joues, sur ses paupières, les guérissants de ces perles salants lui ayant brouillé la vue, lui promettant de ses lèvres, une étincelle pour le restant de ses jours. Sous son souffle âpre, ses paupières se ferment, résistant de plus belle à son appel, à sa détresse. Il la sent, cette détresse, qu’elle dégage et qu'elle rejette sur lui. Mais il ne répond pas, ni à sa question parfaitement articulée ni à celle qui se veut discrète. A cet instant, personne ne pourrait les interrompre, enfermés dans cette bulle impénétrable, infranchissable pour le commun des mortels, ils se voient, souffrent mais s’aiment. L’amour, il en crève à chaque fois qu’il pense à elle. Leurs peaux en contact l’une avec l’autre s’implosent, le sang dans ses veines s’activant comme si elles avaient coulés à bat débit depuis des mois, retrouvant alors aujourd’hui leur source d’alimentation. La pulpe de son pouce caressant une parcelle infime de sa nuque, il expire, tentant lui-même de se concentrer, de ne pas reculer devant la réalité qui s’oppose à lui. « T’es déjà partie une fois, tu le referas. » La certitude semble l’aveugler, la mépriser mais tout ce qu’il fait, c’est s’assurer de sa sécurité, de la seule protection qu’il peut avoir face à elle. Alors il secoue la tête, doucement, en signe de protestation, de défaite. Il ne peut se résigner, il sait qu’elle repartira ou qu’elle ne reviendra jamais complètement. Tenue par les griffes de la nuit, prisonnière de ce destin enragé. « J’sais pas, Joyss. J’sais plus c’que j’dois croire. Explique-moi, raconte-moi, s’il te plaît. J’ai besoin de savoir. » Et il n'attend que ça : des réponses. Des réponses à ses questions muettes, des réponses aux interrogations qui ne cessent de le tourmenter, de le pousser dans ces abîmes. Les effleurements de ses lèvres sur les siennes hérissent les cheveux naissants dans sa nuque, laissant apercevoir alors l’effet qu’elle n’a jamais cessé d’avoir sur lui, ces sentiments amers s’éternisant toujours un peu plus, se battant entre eux afin de décider duquel sera à même d’apparaître.
Embrasse moi pour me montrer que tout n’est pas fini, Que tout ne s’envolera pas dans la nuit, Embrasse-moi pour me montrer que tout n’était pas tant compromis, Que tout n’était qu’un cauchemar infini.
C’est un baiser salé, au goût de tristesse qu’il goûte et dont il s’enivre. Leurs lèvres se veulent bien moins curieuses que leur premier baiser, bien plus fiévreuses, bien plus rageuses. Son corps se rapprochant du sien et ses paumes encadrant ce doux visage qu'il connait sur le bout des doigts. Et il aurait pu juré que rien ne s’était arrêté, que tout ceci n'était que la continuité de leur amour, de leur éternité à eux. Puis son parfum lui chatouille le nez, s'embrase alors qu’il ne s'agit là en rien de celui qu’il connait. Rosa remplace Joyss un instant, se rappelant que tout ça n'est qu’une illusion, qu’une histoire sans réelle fin. Mais sa voix lui fait tout oublier et l’accablement s’imprègne de lui, son coeur tombant dans sa poitrine et ses bras l’entourant pour l'attirer davantage à lui. « Je suis là, ya omri. » De ce surnom il avait l'habitude de l’appeler et de l’apaiser. Sa langue natale en source indémodable de sincérité et d’inspiration. De cet accent, il lui transmet toute l’honnêteté qu’il puise en lui, toute la bienveillance qu’il ne peut s'empêcher d’avoir à son égard qui ne cesse de le ronger de l’intérieur. « Toi aussi, si tu savais… j’t’ai cherché partout. T'étais partout et nul part à la fois… » avoue-t-il dans un souffle, presque pour lui-même, pour se rappeler les étapes de son départ. De son étreinte, il essaye de la rassurer, de lui dire tout ce que sa voix se refuse à faire et de retenir toutes ses promesses qu’il aimerait tant pouvoir lui offrir. Et il la sert, comme s'il devait imprimer son corps contre le sien, comme si seule son étreinte deviendrait la preuve de cette rencontre, comme si elle les protègerait du monde extérieur. « Je le souhaite, vraiment mais je sais pas. J’espère. »
Laisse-moi partir, laisse-moi retrouver cette vie morose à laquelle nous nous sommes promis.
Ses bras se resserrent un instant autour d’elle avant de montrer les premiers signes de détachement. L’envie de rester ainsi des heures durant se contraste avec celle de s’en aller, de s’enfuir de cette situation qu’il ne contrôle qu’à moitié, qu’il voit comme une sombre interlude de leur acte théâtrale. « On… on devrait y aller. » lâche-t-il en l’observant, laissant retomber ces bras qui l’encerclaient quelques secondes auparavant. Parce qu’en reculant, il espère oublier. Oublier l’effroi de ces sentiments qu'il espérait éteints, de ce feu ardent dont brûle son esprit.
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| Sujet: Re: amour poussière — Sahel Lun 5 Avr - 19:51 |
| amour poussière Une vindicative négation devrait franchir ses lèvres à l’entente de cette prémonition présageant qu’elle repartira, une envie de lui hurler qu’elle ne pourra jamais le relâcher, qu’elle craint qu’à chaque seconde, elle ne s’éveille et qu’il ne soit qu’un autre de ses fantasmes la laissant pleurante des yeux au ventre dans les matins grisonnants. Non, elle ne veut pas partir mais ce qu’elle veut n’a que rarement eu la moindre importance, ne pesant jamais dans l’équilibre précaire de sa vie tumultueuse, souffrant de la banalité, de la routine dégueulassant sa pureté, monde honni par ses mirettes d’enfant qui n’aurait jamais voulu connaître les plaisirs fins de cette manière. Gregor fut un traître auquel elle s’accroche pourtant encore mais pas autant qu’elle ne l’a fait auprès de Sahel. Jamais elle n’a su rire à ses côtés, comme elle le fit contre les lèvres qui les cueillirent comme des tournesols se détournant toujours vers son visage, s’ouvrant de leurs grands pétales pour lui, pour toutes ces aubes qui ont connus l’enchantement de retrouver le regard ensommeillé de celui qui ne fut même pas un amant mais un compagnon de sa courte route, un amour naissant qui finit par la dévorer. Elle clamait « Je t’aime » dans les moindres œillades glissées à la dérobée, dans ses envies lancinantes qui les hantaient lorsqu’ils se laissaient prendre dans la frénésie des baisers qu’appel l’amour et les premiers émois de la passion qui finit, parfois, par s’estomper. Mais dans un cruel respect qui les pourfendait tous les deux, Sahel cessait d’explorer le corps qui aurait dû lui être abandonné, rien qu’un peu, sans pour autant qu’elle ne soit qu’objet. Sous ses mains, comme en cet instant, elle se sentait un peu jolie, de ces filles qui méritent un peu de respect, sans demande d’obédience à ses désirs masculins, il n’était pas des hommes qui prenaient ses négations pour des affirmations, il acceptait, malgré tout, qu’elle ne pouvait rien lui donner de plus que quelques caresses, que ses lèvres pour les dépuceler d’une première nuit. La frustration la marque encore à présent alors qu’elle l’étreint et qu’elle en pleure franchement, sans chercher à cacher son chagrin, sa peine immense et qu’elle ne pourrait écrire. Il lui faudrait bien plus d’une nuit pour lui offrir le conte de sa détresse depuis qu’il ne fait plus partie de son existence. L’automne est tombé Sahel et même ses couleurs vivifiantes ne ramènent pas le soleil sur mon visage. Et il l’étreint à son tour, lui rend tout avec la fureur qu’il a bien le droit de ressentir, la poussant à continuer à chatouiller les boucles de ses cheveux semblant aussi noirs que les siens dans la nuit mordorée. Alors grogne le cœur quand il avoue ne pas savoir, leurs battements se conjuguant aux siens, poitrine contre poitrine, ils s’embrassent encore comme ils le peuvent et elle chancelle de l’intérieur face à ces doutes, les comprenant sans les accepter.
Sommes-nous irréparables ? Aucun « nous » ne pourra encore être prononcés alors ?
Les frémissements agitent chaque partie de son corps refroidi par la peur de le perdre à nouveau quand elle sait ce que cela fait de l’avoir déjà vu se faire arracher à sa vie et il demeure un trou béant là où il fut un jour. Il demeure, ici, sans rien, Sahel comme un souvenir qu’elle ne peut laisser prendre la poussière ni cacher sous aucun tapis, elle est dans l’obsession même de le voir revenir à ses côtés, le chantant dans les songes de jeune fille perdue qu’elle demeure, se retenant de recomposer les quelques chiffres qui la mèneront à avoir quelques bouts de ses mots de sa part car tout est beau en lui, jusqu’à sa manière d’écrire des banalités jusqu’à cette langue qui fait vaciller un sourire sur ses lèvres, ses paupières closes la poussant à le respirer, à déposer sur sa joue ses lèvres désormais bien sèches. Il n’y aura aucune trace d’elle sur lui, pas même son parfum qu’elle préfère qu’il ne garde pas, ce n’est pas le sien mais celui de Rosa. Ce n’est pas le sien mais celui de la putain qui déguise la puritaine. Elle voudrait lui supplier de laver ses vêtements lorsqu’il rentrera pour l’oublier comme elle aimerait qu’il garde d’elle quelque chose, autre chose que ces retrouvailles violentes, teintées de cette passion provenant du métronome de leurs viscères entichées, de leurs amours frénétiques interrompues dans un orage terrible. Elle respire mal contre sa peau, inspirant pour tenter de faire taire ses sanglots peu élégants. Elle n’a plus rien de celle qu’elle fut, belle et transie d’une tendresse profonde pour lui. Le « Je t’aime » devrait être crié, hurlé aux abois de la lune mais elle n’ose pas, le souffle coupé par ses mots « J’peux pas … J’peux pas respirer. Ca fait trop mal. » Un aveu déchirant dans son oreille alors qu’elle murmure un « Désolée. » qui sonne aussi creux qu’elle l’est actuellement. C’est la panique qui manque de l’emporter lorsque les lierres de ses bras se dérobent peu à peu pour se reculer, pour qu’il ne reste de lui qu’une tiédeur étrange contre elle, l’observant de ses grands yeux clairs bouffés par les larmes, ses sages paroles ne pouvant être réfutées. La gorge douloureuse, comme si elle avait attrapé la maladie du siècle, celle du manque de l’autre, de la peur d’être à nouveau seule et sans rien, elle le fixe avant de hocher lentement la tête, presque absente. Elle ne veut pas résister à mêler de nouveau ses doigts aux siens, épongeant ses larmes du mouchoir qu’il lui offrit comme un premier cadeau bien modeste mais qui signe là toute la douceur et l’humanité dont il est capable. L’un des seuls à la trouver humaine, à la considérer comme tel. Mais il s’en ira, elle le sait. Il devra repartir, comme tous, ils partent en donnant l’excuse d’un voyage, d’une chose à faire, un « A bientôt » qu’elle ne voudra pas entendre. Détournant le regard vers lui au bout d’un moment, prenant son courage elle ne sait où en elle, il lui faut du temps pour oser le regarder, le caresser de la pointe de ses yeux, le désir mangeant ses iris et son ventre, tremblant de l’envie musquée de l’inviter au plus haut de sa tour pour qu’ils se laissent un souvenir. Un dernier, un ultime. Qu’a-t-elle à perdre alors ?
Fou comme le temps passe trop vite lorsque se profile la modeste silhouette de son immeuble, lorsqu’elle voit la grille par laquelle elle passe, le chemin de pierre, le perron à peine éclairé, le hall plongé dans le noir le plus total. A l’orée de ce départ, son cœur se serre et ses phalanges autour des siennes avec, un vertige la saisissant, réfutant l’idée qu’ils ne se revoient plus jamais. Sa main glisse en une caresse bien tendre pour le relâcher, qu’il n’y ait plus de lien entre eux avant de se détourner vers lui, le fixant presque bêtement, de ses joues rougies, de ses yeux qui embrassent déjà ses lèvres avant qu’elle ne revienne entourer son visage pour un baiser qui dévore et laisse parvenir les méandres de soupirs de désespoirs. Elle veut retrouver cette même saveur qui se mêle au sel de leurs chagrins communs avant qu’elle prenne son poignet pour tendre sa main jusque tout près de sa poitrine trop dévoilée, qu’il sente tout le mal et le bonheur qu’il lui inspire tout à la fois. Et elle ne dit rien, elle ne prononce rien mais c’est le bruissement d’un « Je t’aime. » qui s’écoule entre eux dans ce pieux silence qui les entoure toujours quand ils sont deux amants dévorés par l’envie démoniaque de briser leurs chaînes. Il comprendra. Il comprendra ce que ses lèvres viennent d’esquisser sans rien prononcer, esquissant le plus doux des sourires, dessinant une joue d’un pouce à l’ongle bien limé. « Merci … de m’avoir raccompagnée. » Mais elle voudrait dire merci pour tant d’autres belles choses, pour tant de souvenirs où surviennent les mets délicieux d’une joie qu’elle ne connut plus jamais. « M’oublie pas, d’accord ? » Tendant ses lèvres vers lui ce n’est pas pour l’embrasser mais pour murmurer plus proche encore « Et fais tout pour aller bien. Ne te fais pas de mal, Sahel. Sois heureux. » Le timbre se fêle et se brise alors qu’elle manque de s’effondrer, refusant de se laisser emporter par la grisaille de la mélancolie qu’il vient de ramener avec lui, avec cette soirée ignoble. « J’ai pas eu l’choix … J’ai pas eu l’choix. » Sempiternelle excuse pour son accoutrement, pour ce maquillage outrageux, pour cette perruque enlevée, pour cette Rosa qu’il a failli croiser. Essuyant les larmes qui rendent humides la dune au-dessus de sa lèvre supérieur, elle dépose un baiser doucereux contre sa joue « Rentre bien. » Mais tout sonne comme un « Viens près de moi et ne pars plus » qui ne s’entendra pas. Leur histoire et comme ces poèmes finissant sur des vers mystérieux, sur des morts obscures, sur du sang que l’on ne voyait pas aux premières notes comme un couple étendu dans l’herbe qui semblerait heureux mais dont les poitrines se verraient ouvertes au fil de l’histoire contée de la pointe d’une plume bien encrée. L’histoire de deux amants condamnés depuis les premiers mots, qui auront cru que tout était possible. Peut-être n’était-ce qu’une illusion, qu’une traversée passagère là où elle aimerait le garder pour elle, sans que jamais personne ne le touche.
D’un pas puis d’un autre, elle se recule sur ses hauts talons, sa jupe de cuir trop courte, son corset faisant saigner les organes sous ses côtes, se détournant pour couvrir ses sanglots d’une main bâillonnant sa bouche où s’esquisse encore le souvenir de leurs baisers d’amoureux déchirés. Elle qui se pensait guérit se voit repris par les métastases d’un amour qui la détruit alors qu’elle avance vers son nid, s’y enferme pour laisser éclater tous les sanglots les plus bruyants, où personne ne l’entendra, où rien ne la fera s’arrêter avant que ne survienne l’aube, auréolée de sa piètre solitude, fixant un mur où ses doigts glissent jusqu’à retomber quand elle se laisse enfin prendre par le sommeil, grisée par la percussion d’une âme à une autre, une âme qui la marquera à tout jamais. Sahel gravé dans tout le marbre de son épiderme comme les hiéroglyphes d’une vieille entité, hantée par un passé bienheureux, délaissée par un présent désastreux où ne siffle plus que le vent des rires partagés et des amours décharnés.
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| Sujet: Re: amour poussière — Sahel Jeu 15 Avr - 0:03 |
| La douce amertume produit par ses propres mots se faufile jusque dans sa gorge où elle se dépose avec parcimonie. T’es déjà partie une fois, tu le referas. Les regrets tentent à leur tour de s’introduire et il faut avouer qu’ils y parviennent à merveille ; à pas d’ours, ils montent en lui et l’expression sur son visage de poupée ne le pousse que davantage dans les tréfonds du regret. Les mots sortent bien trop vite, bien trop abrupts pour être aussi peu regardants sur leurs conséquences. Pourtant, au fond de lui, la peur de l’abandon se faire ressentir ; chaque nuit lui avait semblé aussi lamentable qu’interminable. De ses paumes, à la recherche de la chaleur émanant de son corps et de ses iris, à la recherche de celle qui l’envoûtait. Mais à son départ, tout n’était devenu que vide, un vent glacial qu’il s’offrait à chaque fois que ses mains tentaient de la retrouver contre lui. Et qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour pouvoir revivre un jour une telle sensation… mais la peur est là, vive, menaçante de ses mots tranchants. La perdre une deuxième fois, il ne pourrait s’y résoudre. Alors il préfère lui dire, de ces mots qui font mal, de ces mots qu’il aurait préféré ne jamais prononcer mais il se sent obligé de les épeler. Après tant de secrets, il n’était plus question de mensonges, de vérités détournées pour le bien de l’autre. Non, il en avait eu assez de tout ça, de tout les désastres qu’ils avaient provoqué à la place de la simple vérité, bien qu’elle ait pu être des plus violentes. Pourtant, malgré tous ces mensonges qu’il s’oblige à pardonner, à oublier, ce sont les rires qui résonnent en lui. Ses éclats de rire lors des discussions interminables, couvrant la nuit de ces instants précieux dont seuls eux avaient le secret, ses baisers joueurs, papillonnant sur leurs peaux moites tandis que leurs corps n’en demandaient que davantage. Et puis, il y avait ces mots d’amour qu’il lui murmurait lorsqu’elle s’excusait sans cesse de ne pas pouvoir lui offrir le désir tant attendu, ces « je t’aime » qu’il aurait pu lui répéter éperdument jusqu’à ce qu’elle comprenne réellement que cela n’avait aucune importance, qu’elle était bien plus que tout ceci. Son coeur avait connu bien plus que ce que leurs corps auraient pu leur offrir ; l’estomac noué à chaque oeillade, le battement sourd contre ses tympans à chaque fois qu’elle prononçait son nom, le souffle court dès que sa peau entrait en contact avec la sienne… et il aurait presque pu jurer être passé au dessus de tout ça, n’y voir ici qu’un désastreux miroir du souvenir mais après ces retrouvailles, il se rendit compte que tout n’était qu’un mensonge. Encore un. Comment pouvait-il passer à autre chose alors que l’évocation de son nom lui coupait encore le souffle ?
De cette étreinte il aurait souhaité ne jamais se séparer et de son cou il aurait souhaité ne jamais se relever. Parce que de cette étreinte terminée, il savait parfaitement que ces retrouvailles prenaient fin et ne deviendraient alors plus qu’un énième épisode dans une relation bancale, au bord de l’inexistence et ce n’est pas ce qu’il voulait, ce n’est pas ce qu’il ressentait. Parce que là, sous les effluves d’un bonheur factice, il aurait pu envoyer valser le monde et ses coutumes pour ne l’avoir auprès de lui qu’une vie entière. « Pardon, pardon. » lâche-t-il en entendant son souffle se couper entre ses mots. Ne t’excuse plus. Je t’ai tout pardonné et je le ferai encore chaque jour. Ses pupilles ne la quittent pas, ne le peuvent pas, bien trop absorbées par ces détails qu’il avait presque oublié, par ces détails qu’il avait tant aimé. A l’image d’une Mona Lisa, elle devient tout ce qu’il a de plus cher, tout ce qu’il désire au monde, le regard impossible à se détourner face au sien. Elle est ce mystère qu’il tente de résoudre à tout prix. La pulpe de son index vient délicatement caresser le coeur de ses lèvres, en absorbant l’eau salée perlant juste là. Et il aurait tant aimé le faire pour toutes celles qui ont su trouver leur chemin sur ses joues, jusque dans son cou, le faire toutes les nuits s’il le devait, le faire jusqu’à ce que les années passent sur sa peau, jusqu’à ce que leurs corps ne deviennent bien trop frêles pour s’aventurer dans leurs souvenirs exquis.
Retiens-moi encore une fois, Retiens-moi une dernière fois.
Et l’esprit s’active, se bouscule, essayant de peser le bien et le mal alors que les deux ne sont que des contextes vagues établis par des théories hasardeuses. Et s’ils n’étaient que ça ? Ce doux espace grisâtre entre les deux définitions incapables de choisir un camp, incapable de n’être que l’un ou l’autre ? Ensemble, ils auraient pu définir le gris, ne plus être entièrement noirs, ni entièrement blancs mais la couleur bâtarde du milieu, celle qu’on choisit lorsqu’on ne peut se résoudre à n’en arborer qu’une seule. Parce que de son noir il complétait son blanc et de son blanc, elle complétait son noir. Ne pars pas. Et ses phalanges se resserrent sur les siennes, dans un simple geste de désespoir, de retenu. Mais il sait que ce n’est pas le moment, que ce n’est pas ce soir qu’ils se retrouveront comme à leurs débuts. Qu’ils ne sont là que des âmes errantes au prix d’une misère déchirante. Mais il s’y autorise ; à voir de ce sourire qu’elle esquisse ces mots qu’elle lui a tant murmuré, tant dessiné. Il le sait. Et peut être n’est-il qu’un fou pour prétendre lire sur ses lèvres ces mots invisibles qu’il attend qu’elle prononce, comme s’ils effaceraient le tout, les laissant à nouveau à leur bonheur sans entracte, mais il y croit. Dur comme fer. Elle lui dit ; de ses lèvres, de ses iris, de ce silence bien trop lourd dans sa signification pour que ce ne soit qu’un simple hasard. Alors il lui relance, la scintillement dans ses pupilles, les lèvres qui s’étirent, laissant apparaitre les trois petits mots un à un, contrairement à ce qu’elle a fait. Il lui dit. Pour la première fois depuis leur séparation, pour la première fois devant elle alors que son coeur ne cesse de pleurer. Je t’aime. Comme un dingue, comme un malade. Il s’y autorise. Une dernière fois avant qu’ils ne retournent à leurs vies respectives, avant qu’ils ne deviennent à nouveau qu’un souvenir. « Je le referais tous les jours, si j’le pouvais. » les mots s’abaissent à mesure que sa phrase se termine et ses lèvres s’étirent, davantage, pendues aux siennes. Deux gamins incapables de se détacher de l’un et de l’autre, incapables de s’avouer que l’attente est insupportable. « Jamais, Joyss. Jamais, c’est promis. » puis son coeur balance, s’étire dans sa poitrine pour rencontrer le sien, pour qu’ils ne puissent que s’unir pour ne former qu’un, pour qu’ils ne deviennent enfin plus que le tout qu’ils tentent de se refuser. « Arrête, ne dis pas ça comme si c’était la dernière fois qu’on se voyait. » mais il comprend. Il comprend qu’elle a besoin de s’éloigner pour ne pas craquer, pour ne pas succomber à cette vie tyrannique dans laquelle elle se sent piégée. Alors il hoche la tête, comme pour lui faire croire qu’heureux, il le sera. Et quelque part, il tente de se persuader lui-même de ses propos, de se dire que le moment est venu pour lui de retrouver le bonheur mais la petite voix en lui le harcèle, lui répète qu’il n’y arrivera pas sans elle. « Je sais. », que rien ne s’est passé comme elle l’aurait voulu, que le piège s’est refermé sur elle sans même qu’elle s’en rende compte et que tout est bien trop dur à supporter. « Fais attention à toi, je t’en supplie. » Mais l’histoire prend fin ce soir, à la lueur d’un espoir perdu, d’une nuit sans fin.
Et peut être l’a-t-il rêvé mais alors que sa main glisse le long de la sienne, il y voit celle qu’elle était auparavant. Non pas Rosa mais Joyss, la douceur tant incarnée, l’amour tant dévoré. Son regard la suit, ne se détache d’elle qu’une fois son champ libre. Et même encore là, il la voit, les yeux rougis par les larmes, le coeur battant d’une nuit ensorcelante, de cette beauté tranchante qu’il revoyait sans cesse. Au creux de sa poitrine, à jamais gravée sur sa peau, il l’aimerait. Encore et encore. Jusqu’au dernier souffle, jusqu’à la dernière nuit.
Ya omri.
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