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 les wagons de porcelaine -- (côme)

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Message Sujet: les wagons de porcelaine -- (côme)   les wagons de porcelaine -- (côme) Empty Mar 23 Fév - 17:55

les wagons de porcelaine,
@côme bennett


longue journée, nuit éprouvante. la fatigue commence à creuser ses tranchées autour de ton regard fané. tu t’installes sur un banc devant ton ancien temple et tu penses, une heure ou peut-être trois. la foule s’estompe sans même que tu t’en rendes vraiment compte et les habitués laissent la place aux habités à mesure que le jour décline, à ceux qui ont trop de secrets pour arriver à retenir quelques heures à peine les chevaux de leurs pensées. les autres les appellent les insomniaques, tu les surnommes les malheureux.
un rendez-vous improvisé à la faveur d’une nuit sans sommeil, une réponse à peine effleurée que tu te faufiles déjà entre les voitures raréfiées par la lune à son apogée pour rejoindre ton compagnon de secrets. la rame vide s’éloigne à peine du quai que ton téléphone s’agite contre ta cuisse pour te signaler ton retard, perturber le fil de tes pensées. côme doit déjà attendre depuis bien trop longtemps, il a l’habitude de tes éternels retards pourtant. un sourire courroucé, quelques battements de cils, une bise bruyamment claquée sur sa joue gauche à ton arrivée et te voilà probablement déjà pardonnée. tu lui glisses quelques excuses pour la forme et vous prenez la route de votre spot préféré sans un bruit, vous n’avez jamais été doué pour les convenances et loin d’être du genre embarrassés par les silences consolatoires, c’est votre thérapie à vous, un dialecte universel à qui on peut confier tous les regrets le temps de quelques heures.

je suis comme ça,
j’oublie tout de suite ou je n’oublie jamais.


la porte du pub se claque derrière vous alors que tu noues ton écharpe maladroitement. “j’ai juste besoin d’un paquet de papier toilette.” quelques pas supplémentaires et la promesse est déjà oubliée, elle l’a été dès l’instant où la porte de la vieille épicerie a grincé. tu vas t’éterniser, hésiter et côme il va soupirer devant tes incertitudes. comme d’habitude. un coup d'œil empathique vers le vieil homme brinquebalant aussi rouillé que sa devanture. il semble être né dans cet endroit, ne l’avoir jamais quitté. son béret élimé rappelle l’élégance de ses jeunes années. il a les pupilles rivées vers l’antique caisse probablement restée vide depuis bien trop longtemps, un regard qui suffit à te faire comprendre que tu ne sortiras pas de cet endroit sans t’être délestée de tes quelques pièces accumulées et allégée pour quelques instants au moins de ta culpabilité de n’en faire jamais assez.
trop concentrée sur ton dilemme, rose ou blanc en arpentant l’unique rayon, tu remarques à peine l’entrée des nouveaux invités. “tu prendrais lequel toi ?” dans votre silence de convenance vient s’inviter le fracas de la vie en prenant la forme d’éclats de voix. quelques rires et trois silhouettes se dessinent dans votre dos. trois adolescents à peine plus hauts que toi qui ressortent déjà les poches chargées sans avoir pris la peine de les vider, sans même éviter de vous bousculer. le vieil épicier n’a pas eu l’air de les remarquer, probablement trop habitué au manège pour prendre encore la peine de se fatiguer à râler après tant d'années. tu jettes un coup d’oeil par-dessus ton épaule à côme pour t’assurer qu’il ait été témoin de la même scènette. “quelle bande de connards”, tu marmonnes surtout pour toi, à peine plus fort que le grésillement de l’enceinte qui vous domine. un paquet attrapé rageusement, jeté maladroitement sur le tapis qui ne roule plus depuis bien longtemps. tu comptes ta petite monnaie dérobée volontairement à des mains inquisitrices, glisse quelques dollars de trop et attrape ton paquet à la volée avant de t'éclipser pour éviter ses remerciements gênés.
“tu as encore quelques heures à m'accorder ?” politesse contenue, tu ranges ton paquet de papier rose dans un totebag rayé. besoin de compagnie dissimulé derrière quelques syllabes articulées et des yeux baissés. il ne refuse jamais côme et tu ne poses jamais les questions. vous vous contentez d'être deux inconnus estropiés qui trouvent dans la compagnie de l'autre le réconfort de quelques heures empruntées à la nuit. vous savez que les questions ne viendront jamais et vous vous contentez de vos silences incertains, de vos regrets partagés.
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Message Sujet: Re: les wagons de porcelaine -- (côme)   les wagons de porcelaine -- (côme) Empty Sam 17 Avr - 12:45




Jusqu’aux yeux perclus dans le beau vide, aux pardons qu’il a maudit parce qu’ils ne l’ont pas empêché d’attendre et de s’impatienter, il a ravalé les sentiers. Côme haïssait cette légèreté enlacée par Genesis, comme elle méconnaissait l’importance de leurs escapades, et que si peu de choses en avaient pour elle, de l’importance. Mais c’est que la môme flâne, frivole et isolée, et qu’il attend après elle comme après un silence en temps de bruits. La vie l’avait piégé dans un vacarme insoutenable qui intentait à sa lucidité, alors Bennett écrasait tout en fulminant les mégots de sa longanimité. Leurs carcasses rôdent finalement dans un coin de pénombre, s’enlisent dans cette communion discrète où les sons servent à la parole et où tout le reste s’écoule dans la simplicité. Quelques heures plus tard lorsqu’enfin l’effervescence s’est achevée, ils se sont levés et sont partis sous les néons qui derrière eux s’éteignaient.

Côme tenait ses mains enfoncées dans ses poches, ses yeux dardaient ailleurs au moment où la môme s’enroulait dans son écharpe et disparaissait en-dessous du tissus. Il a chaviré le regard vers elle lorsqu’elle proposait ce rendez-vous entre les rayons de produits ménagers et de papiers toilettes, une sobriété qui ne lui arrachait aucune émotion mais qui lui faisait du bien. Il s’ancrait avec elle dans les traditions du quotidien, comme s'il était une partie de son cosmos à elle où le temps se fige pour un rien pour fuir de plus belle. C’était son don à elle, de la poésie du monde, un truc qui à lui ne lui parlait pas vraiment. Et il la suit dans son sillage, n’avise qu’un bref hochement de tête au caissier de la supérette. Encore, il l’attend, adossé contre le rayonnage inconfortable, zieutant par instant un téléphone qu’il range au fond de sa veste. Genesis requiert son avis et ses opales virent d’elle à la chaîne de papiers toilettes qu’il étudie néanmoins avec désintérêt. « Qu’est-ce que ça change, ils essuient pas d’la même manière t’façon? », au même instant une trombe effrénée d’adolescents les piétinent, poussent sans égard la môme contre les étagères en ferraille. Des enfants emportés par le mistral insouciant. « C’est rien qu’des gosses » qu’il réplique alors qu’elle fouille sur la figure impassible des traces de connivence. L’homme continue de la suivre jusqu’au passage en caisse, derrière eux le carillon chante lorsqu’ils passent la frontière du magasin.

« J’ai toujours du temps à t’accorder », mais il lui avait déjà dit il y a longtemps, sans ces émotions qui attifent de certitude la promesse, mais il lui avait dit. Et c’était probablement la seule qu’il n’avait pas brisé pour l’instant, alors en la réifiant encore, Côme sentait une tourbe de sérénité autour de lui, présent démérité pour un homme de sa trempe. Le ciel noir les couve et les protège, il avance désormais à ses côtés. « J’demande jamais t’sais, j’y pense juste pas, mais j’espère qu’toi ça va ». Le regard animal habituellement si froid s’est dulcifié à la rencontre de sa vulnérabilité, de sa rétine à elle qui s’agrège au bitume, il a dit et a pensé trop fort « t’sais qu’j’suis là, pour n’importe quoi ». Le visage dressé vers l’horizon, il s’opacifie, opère un bref retour à l’état sauvage.
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