you better work b*itch. (lyra)

il était arrivé un moment où edoardo avait jugé nécessaire de s'offrir un bureau en plein milieu du queens. l'idée avait été validée, edoardo insistant sur la nécessité pour le journal de quitter manhattan pour s'implanter dans l'effervescent queens. il avait donc emporté avec lui quelques jeunes et brillantes plumes pour écrire sur ce quartier qui lui tenait tant à cœur. c'est ici qu'il était devenu homme, qu'il avait grandi, qu'il gardait les souvenirs heureux de ses sœurs. il les savait proches et c'est exactement ce dont il avait besoin. les nuits étaient solitaires, les cauchemars nombreux. alors il faisait son possible pour que ses soirées soient longues, qu'il rejoigne son appartement le plus tard possible. il commençait ses journées à l'aube, les finissait tard dans la nuit. alors quand il donna rendez-vous à son nouveau sous-fifre, ce fut tard. il avait laissé les déchets de son repas au milieu de plusieurs ébauches d'articles. satisfait de rien, il passait des heures à réécrire, changer une virgule, travailler la tonalité d'un titre. tiens, qu'est-ce que ça t'évoque? il dit à lyra en lui tendant une feuille. il y avait des travaux de réhabilitation de certains quartiers. un truc vivement critiqué à cause de la gentrification engendrée. sans mentir, il attendait le regard d'une lectrice lambda. cette fille, il ne l'avait pas engagée pour ses talents journalistiques. à vrai dire, il la voyait plutôt comme un sujet d'étude. il y avait des histoires de prison dans le bordel, et il s'était senti généreux le jour où il lui avait proposé de lui servir de petites mains. il avait des ambitions pour elle, mais chaque chose en son temps. tu vois, il faut que quelqu'un comme toi, le mec qui lit la couverture du journal de son voisin dans le métro, où la fille qui passe devant un square se sente concernée. si elle devait être amenée à faire ce qu'il avait prévu, il devait lui apprendre deux trois ficelles du métier. puis c'était pas de la mauvaise graine cette gamine, edoardo avait fini par s'en persuader. elle ne lui serait sans doute que reconnaissante de lui donner de quoi se défendre devant un futur employeur. à demi-assis sur le bord du bureau, il leva néanmoins un regard concerné vers la brune. ça te plaît au moins? je sais que c'est pas intéressant pour le moment, mais j'aimerai que tu fasses quelque chose pour moi. un truc en solo, que tu aies un peu de responsabilité. parce que dans l'esprit d'edoardo, le mot "responsabilité" évoquait forcément quelque chose de positif.