(james) i was bound to take the fall

traits de caractère /
à l’origine, il y a la fièvre… celle qui vous pousse à tout dévorer. la séduction en bandoulière, l’empire qu’il fallait apprivoiser. son père lui a légué cet acharnement qui vaut tous les parjures, pourvu qu’il s’agisse de caresser le triomphe. l’avidité du paternel, mais sans doute avec un talent plus consommé dans la négociation, parce que james plaît, parce que sa façon d’être sclérose la violence sous la luxure du charme. le sang versé se dissimule sous l’apparence immaculée. les enfers qu’il enferme s'avouent tout bas, lorsqu’il faut asseoir la domination dans la plus pure violence qui soit. alors la fièvre, la fièvre en héritage, et l’hérésie sous les doigts.

au coeur, il y a la peine… celle qui creuse des tourments qui ne finissent jamais. d’avoir cru conjuguer leurs deux noms fut le rêve le plus impie qu’il ait porté, qui le hante parfois. qui revient sans cesse pour abandonner des murmures qui démontrent qu’il n’a pas su la garder. l’enfermer dans les ombres, c’était aussi délectable que dérisoire, elle y aurait dépéri, peu à peu. parce que ronger ses idéaux jusqu’à avoir mal, ça n’est pas donné à tout le monde. elle ne méritait ni la fureur ni l’enfer. il y règne seul désormais.

au creux des mains, il y a ce contrôle, qui glisse, qui crisse, qu’il faut sans cesse rappeler, aux sous-fifres, aux ennemis, aux alliés. à bout de souffle, il y parvient encore, parce qu’il ne sait faire que cela, s’enfermer dans l’intransigeance pour que l’empire ne vacille jamais, surtout pas par caprice. caprice de femme, le pire qui puisse être. irène s'est mis en tête de tout dévorer, quitte à passer outre sa volonté. depuis, la guerre sourde, les rangs se délient, la veuve voit ses poisons venir ronger ce pragmatisme si cher à son "fils", qu’elle dénigre pour le confondre à la faiblesse dont elle l’accuse. cette ancienne amitié pour les ferreira, l’alliance brisée, qu’il n’est pas parvenu à totalement renier. mais désormais que le crime a été commis, qui saura donc le porter ? qui pourra assumer la corruption du mensonge pour assurer cette paix monstrueuse que chacun voudrait voir broyée ? l’ire aphone, james la ressent, parce qu’il ne comprend pas, il ne comprend pas comment cela a pu arriver. il ne soupçonne pas cette indigne trahison, qui pourrait tout effondrer.

il y a les serments, et tous ceux que l’on se plaisait à bafouer. ils y a tous les rêves, et tous ceux que l’on a brisés. tu t’en rappelles ? dis-moi, dis-moi… il y a les errances que l’on a choisies, il y a les déviances que l’on a embrassées, et puis toute la violence qu’il a fallu déployer. tu t’en rappelles ? dis-moi…

la nuit, la nuit c’est toujours pire, c’est ce qu’il se dit. quand le jour déserte, que le mensonge se dissout dans la froideur des allures qu’il n’a même plus à arborer. la nuit, c’est toujours pire. l’alcool flatte sa langue mais rien ne parvient à le réchauffer, les flammes sont exténuées. au loin, il entend le fracas des rires, le grand bal des personnalités en vue de manhattan, le pire dans le raffinement, l’engeance gainée de soie. son dernier casino vient d’ouvrir, en plein coeur du queens et de ses beaux quartiers. sinners. un nom qui leur va comme un gant, à lui, à eux, à tous. l’établissement est déjà plein à craquer, offrant des services que parfois l’on tait, que l’on se plaît à convoiter sous le sceau du secret. son bureau donne directement sur l’immense salle où les tapis de jeux se parent de toutes les âmes perdues et pourtant friquées. Pas de machines ici, des parties soigneusement organisées, pour la bonne société. un établissement qui vise une caste quand les autres sont dévolus à un plus large public. un test grandeur nature, qu’irène et lui ont mis très longtemps à dessiner. son père y était fermement opposé : sélectionner un public, c’était écarter des rentrées d’argent, c’était aussi attirer l’oeil de la loi sur eux, sur un tout autre genre de trafic. mais rien n’est trop beau pour le clan marlowe depuis que le roi est mort, et que son fils l’a remplacé. rien n’est inaccessible, tout est à portée de l’imaginaire. où qu’il se pose, où qu’il se dévoie…

irène paraît, c’est l’heure où elle vient toujours s’assurer qu’il va bien, qu’il regarde brûler son empire du haut de ses firmaments. elle sourit, ce sourire parfait qui parfois l’effraie. il se souvient de son arrivée dans leur existence. le chant de l’accent gaélique, trop appuyé pour qu’il ne soit totalement perdu dans sa tessiture qu’elle voudrait aujourd’hui débarrassée de cet écho du passé. fleur sauvage, reine qui s’ignorait encore, son paternel a perdu la tête ce jour-là, parce qu’elle était celle qui pouvait enfin remplacer l’épouse qu’il avait négligée. l’épouse qu’il avait poussée dans les bras du néant. ça james l’a compris bien plus tard. à l’époque il l’aimait bien, son cher papa. il avait dix ans quand irène est devenue cette nouvelle mère, plus une grande soeur vu la différence d'âge. un nouveau guide dans les premiers émois et la violence. ils ont appris ensemble, ils ont élevé des palais dans leurs imaginaires, ils ont fini par les fortifier. durs, brutaux, l'un et l'autre, l'un comme l'autre. encore plus depuis qu'alix est sorti de l'infernal décor qu'ils se plaisent à habiter...

la nuit, la nuit. c’est pire c’est vrai. parce que tout ressurgit. il fronce les sourcils, il ne voit plus le monde en bas, tout devient flou, tout devient froid. l’aigreur ronge son estomac. irène vient balayer une poussière absente sur son costume impeccable, essaye de chasser la tension de ses épaules. elle se garde bien de lui demander à quoi il songe ce soir, car elle aurait peur de découvrir qu’il s’agit d’elle. la petite ferreira, honnie, répudiée. toujours et encore. elle l’a toujours détestée. c’est ainsi, c’est comme ça. ce qui pouvait donner des élans de douceur à son très grand projet, ça ne lui allait pas. puis elle sait, elle sait que des tracas, elle va en ajouter. alors elle se sert sa boisson favorite, la même que lui, et vient observer les grands de ce monde qui s’avilissent dans leur écrin de velours. les sons ici sont atténués, l’argent a une musique presque délicate.

elle met de longues secondes avant de murmurer. il s’est produit quelque chose. quelque chose de fâcheux. mais elle ne paraît guère contrariée. ce quelque chose ne l’enchante pas tout à fait mais c’est le début d’une autre aventure, celle qu’elle a ourdie fort longtemps, bien plus vaste que l’inauguration du sinners. james ne répond pas, seul son regard précis vient interroger ses prunelles pour savoir. pour comprendre ce qui peut l’arrêter ainsi dans ses explications toujours volubiles. derrière sa nuque, il sent ramper une sensation assassine. ces prédictions aux atours d’apocalypse. il se tend, imperceptiblement : le monde disparaît, il n’y a plus qu’eux deux, et leurs vilénies conjuguées.

tu te souviens, dis-moi. dis-le moi enfin ! tu te souviens de ce qu’il y avait. de ce qui ne peut pas crever. tu te souviens ?! abjure l’amour sur tes lèvres et renie la passion si tu le souhaites, mais je resterai-là, ancré dans ta tête, enfoncé sous ta peau. la même maladie que tu as su déclencher chez moi. des ombres à la lumière. de la lumière aux ombres, toujours. toujours.

irène prend ses précautions, elle connaît ses humeurs fourbes quand la colère sait venir craqueler son masque. elle est presque mal à l’aise sous le poids de son regard, alors qu’elle relève le menton pour statuer, le plus calmement du monde : la gosse a été tuée. ça s’est passé hier.

tu te souviens.
tu te souviens…
dis-le moi.
tu te…

les souvenirs explosent, se brisent, ploient sous l’incandescence d’une sensation qu’il ne reconnaît pas. jamais, jamais. jamais il n’aurait voulu ça. et tous ses avenirs se distillent dans la fourberie de la culpabilité. il retrace cette guerre non assumée, tous les coups-bas, il cherche dans la frénésie de son coeur qui bat jusqu’à sa tempe ce qui a pu lui échapper. l’a-t-il seulement souhaité ? qu’elle ait mal à ce point-là ? non… non… les vieilles habitudes ressurgissent, l’envie de massacrer quiconque aurait pu imaginer la bafouer ainsi. puis il comprend. il comprend que sous l’alliance honnie, ne couvent désormais plus que des cendres. et que les feux couverts sont les plus meurtriers. il la connaît.

le calme apparent n’est plus qu’un forfait, un forfait de trop, même pour lui. pourtant il s’y enferme dans une précipitation notable. il ne dit rien. rien de plus que cela : si tu as quelque chose à te reprocher, c’est l’unique chance que tu auras de le justifier. mais elle ne dit rien à son tour. et le silence les éloigne, les déchire déjà. les suspicions s’appuient sur les mots qu’elle ne dit pas. qu’elle ne dira sans doute jamais. le mal est déjà fait.