démon de la vérité
tu te recroqueville sur toi-même, les ongles ensanglantés d'avoir trop reçu cette règle sur les mains. les perles qui dévalent le visage. l'éducation rude. violente. pour l'amour de dieu. il n'a toujours rien de plus qu'un mirage à tes yeux. un mensonge après lequel court les hommes pour éviter qu'ils s'avoue la triste vérité : qu'ils sont faibles.
« tu verras. tu comprendras qu'avec ça, tu seras bonne, ma fille. » tu n'as jamais compris. même après les années écoulées. tu t'es rapidement détachée d'eux, surtout depuis ce jour fatidique. vingt ans pour te rendre. c'était là. sous ton nez. bien en évidence.
fentanyl.
acide chloroforme. dans la nef désormais vide. chapelle nimbée de lumière dévoile bien des secrets.
« où est-ce que t'as trouvé ça ? » tu as repris des coups, jean. c'était comme si tu sentais déjà les ecchymoses constellées ta peau. seulement, maintenant, c'était bien différent.
« tu crois que tu vas pouvoir t'en tirer comme ça, suppôt de satan ? » ça a été la dernière gifle.
« je ne sais pas ce que vous tramez avec ça, ici. avec les enfants. » convaincue au plus profond de toi-même, le repos entraîné à des fins que tu n'oses même pas imaginer.
« je le découvrais et je vous ferais mordre la poussière ! » tu as explosé. la rage au ventre. il fallait s'envoler. pour eux. pour ta propre vie.
dans le noir
l'astre lunaire couronne le ciel, fier et conquérant. nébuleux spectacle que tu observes, là, depuis cette fenêtre.
« jean, tu m'écoutes ? » pas vraiment. tu ne prends pas la peine de tourner la tête vers elle, tu sais que les vapeurs d'éthanol lui ont déflagré la cervelle. triste jeunesse déboussolée.
« tu disais ? » que tu demandes d'un ton détaché, les pensées éclairées. le panorama que tu quittes des yeux, tes pas marquent le parquet avec délicatesse.
« je disais qu'jamais tu décroches ? » tu fronces les sourcils en ouvrant un tiroir de la cuisine.
« oui. que tu t'amuses. » tu entends la succube s'approcher, foulée après foulée. lentement. titubante.
« que tu lâches prise. » décibels qui se tarissent, seconde après seconde. dans ton dos, elle se tient. tu te raidis. camarade d'amphithéâtre semble prendre la confiance, embuée. désinhibée. la mâchoire contractée, le temps s'est comme arrêté. suspendu à l'action qui pourrait bien tout faire basculé. tu n'as rien vu venir, jean.
« c'que t'es sexy. » les griffes qu'elle fait se couler dans ta lâche chevelure. souffle de de vie que tu perds, décontenancée. les femmes, tu aimes leur grâce, leurs idéaux mais sans jamais aller au-delà. tu ne finiras pas sous les draps, ce soir. tu te retournes vivement, les opales écarquillées. le corps en retrait, s'appuie de toute ses forces entre le sien et le contreplaqué.
« qu'est-ce que tu fous, là ? » la voix blanche, le teint aussi livide que le linge immaculé. elle émet un rire qui te paraît sinistre, pense avoir déjà tout gagné.
« ça va, t'inquiètes ! » rien ne va plus. « on va bien s'éclater, tu vas voir. » les corps qui s'entrechoquent, collision qui te fait sombrer. le temps catalyse. un acte de défense. ce que tu as toujours voulu te persuader. sous ta main, la lame aiguisée fend l'air.
stupeur et tremblements. a terminé son envolée. a traversé le derme. a sectionné net la jugulaire. l'hémoglobine a fusé, éclabousse ton visage. l'étudiante n'a pas le temps de porter sa main à la blessure qu'elle s'éffrondre telle une poupée désarticulée. les yeux rivés sur le sol. la respiration anarchique. l'état de choc. le véritable. cette tâche carmin qui ne cesse de s'étendre. tu viens d'ouvrir la boîte de pandore, jean. sans le savoir. l'arme s'échoue sur le plan de travail.
du nerf. il faut agir pour te sortir de là. maintenant. connections neuronales qui se réactive. non. tu n’appelleras pas les secours. son cadavre gît déjà sur le sol de ton appartement. ta seule chance de réussir : tu connais le système judiciaire et policier, presque sur le bout des doigts. le corps, tu en fais ton affaire. il a des faits que l'on peut dévoiler. il vaut mieux qu'ils restent cacher, dans les tréfonds de ton esprit désormais souillé.
noces pourpres
l'immense baie laisse entrer la lumière, inonde le lieu de vie. votre domicile. celui que ne peut plus voir en peinture. les murs que tu as envie de déchirer des tes ongles. les hormones en émois. les larmes au coin de l’œil. tu es au bord de l'implosion, jean. jamais tu n'aurais imaginer aborder la quarantaine d'une telle manière. la porte de la demeure finit par claquer, scellant l'arène. les dents contractées pour éviter de fondre en larmes, les doigts caressent le cristal d'un air songeur.
adem. les effluves ambrées qui émanent de ton époux, n'amadouent en rien ton âme tourmentée.
« qu'est-ce qu'il y a ? » qu'il finit par lâcher en soupirant, de la lassitude en fin de souffle. dos à toi, il n'en a pas fallut plus pour te pousser dans les tréfonds de l'abîme. la tête qui tombe vers l'avant, le poids que tu portes sur les épaules. ce traitement, il t'affaiblit. de jour en jour. tu l'as fait pour lui, jean. uniquement pour lui. pas dans ton propre intérêt. seulement, tu ne l'avoueras pas. il dépose à peine un baiser sur le coin de ton front, effleurent la tempe de ses lèvres. tu te détournes à l'opposé, mollement. plus la moindre rage de vaincre. l'envie même s'en est aller, brisant définitivement le semblant de myocarde qui battait encore dans ta chair. tu l'as aimé si fort. bien plus fort que le premier. pourtant, l'attente de cette tant espérée progéniture semble vous avoir réduit à néant.
« je n'en peux plus, adem. je crois qu'il faut que l'on... » « bien évidemment. » sévèrement, il te coupe la parole. les regards se télescopent.
« en presque deux ans, tu n'es pas capable de m'donner un fils. » les poumons qui ne répondent plus.
« arrête d'me regarder comme ça. des semaines qu'on s'est pas touchés. » la lugubre vérité, sonne un coup de canon. dynamite ton cœur, court-circuite tes pensées. tu en viens que la vie prend une revanche sur celle que tu as pris, des dizaines d'années plus tôt. le destin d'acharne. inexorablement. malédiction qui perdure, sans l'ombre d'un doute, jusqu'à la fin de tes jours.
« co... comment tu peux m'dire une chose pareille ? » l'injustice. la voix blanche. la lèvre qui tremble. il s'éloigne de toi, creuse à mesure le fossé entre vous.
« bordel, adem ! » que tu finis par hurler, ton cri retentit dans la maison. le tonnerre gronde. fait déchaîner les éléments.
« tire-toi, j'veux plus t'voir ici, jamais ! » un vif mouvement fait s'envoler le ballon. le vin asperge les environs d'un carmin obscur. macabres images qui défilent devant ton regard embrumé. fracas d'un verre brisé, fracture l'éternité d'une promesse désormais révolue.
« t'es tarée, ma pauvre. faut t'faire soigner. » lâche-t-il alors qu'il monte déjà les escaliers. part faire ses valises. te laisse avec l'étincelle meurtrière contre laquelle tu te bats avec acharnement. le sol se dérobe sous tes pieds nus, fait enfin s'éveiller les sanglots longs de ta détresse. ce qu'il ne savait pas, c'est que tu pouvais porter l'enfant. la stérilité n'était pas la tienne. ce fardeau, c'était le sien.