when the stars go blue. (arya)

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{ when the stars go blue }
crédit/ tumblr ☾ w/@Arya Warren

Le nuage sombre qui plane au-dessus d’elle depuis des heures, des mois, des années. Il disparaît comme à chaque fois en quelques secondes, l’effet quasi instantané. Une vague puissante de bonheur chimique la submerge. Bonheur à l’état brut, cette fois, qu’elle inhale grâce au matériel improvisé au milieu de la fête. Les musiques deviennent plus fortes, plus intenses, comme l’atmosphère, comme cette chaleur qui la pénètre. Désinhibée, ses tourments évaporés, elle se sent légère. Si légère, Ella, plus qu’elle ne l’a été de toute la semaine. L’euphorie s’empare de tout son être et, l’espace d’un moment, elle a l’impression que rien ne lui est impossible. Que tous ses rêves, des rêves insoupçonnés, des rêves jamais avoués, même pas à elle-même, lui paraissent soudain accessibles. C’est pour ça que t’as toujours eu besoin de la came, Ella. Parce qu’elle te donne la sensation d’être vivante, celle d’être entière, celle d’avoir encore quelque chose à faire sur cette putain de planète. Elle a besoin de la drogue pour supporter l’horreur de ce monde, les travers qui le composent, la vie qu’elle ne supporte plus sans ses petites doses. Mais les doses sont devenues plus importantes. Et, sous couvert de vouloir affronter les démons qui l’entourent, elle leur donne de plus en plus de place. L’herbe fait partie de sa vie depuis une éternité, la tourmentée en fumait déjà quand elle n’avait qu’une douzaine d’années. La cocaïne est arrivée un peu plus tard. Elle a essayé l’héro, la md, encore bien d’autres cames. Mais elle se contentait souvent de ce qu’elle savait maîtriser, plus ou moins. Jusqu’à en avoir de plus en plus besoin. Et c’est maintenant que tu devrais réaliser, maintenant que t’as retrouvé l’être aimé, maintenant que t’es un peu mieux entourée. C’est maintenant que tu devrais prendre conscience, que c’est devenu une véritable dépendance. Parce que ce n’est plus pour supporter l’horreur, là, que t’en as eu besoin, juste pour oublier ce manque. Ce putain de manque. Mais elle a refusé de se l’avouer jusqu’à présent, elle ne va pas le faire maintenant. Trop prise par les effets de la substance nocive, trop bien, pour s’autoriser à être si mal. Elle a fait un pas de plus dans les ténèbres, pourtant, en se rabaissant au crack. Vulgaire camée, avec d’autres âmes tout aussi paumées, elle ne les connaît pas, pour la plupart. Ella, elle s’en carre. Elle voulait juste trouver quelqu'un qui lui fournirait enfin sa dose, chose accomplie. Mais les effets ne durent pas longtemps, ils s’effacent trop vite. C’est l’angoisse qui vient l’engloutir. En une fraction de seconde, elle passe de l’euphorie à la déprime. La tête lui tourne, elle se sent étouffée. Elle se sent brimée. Les autres continuent de s’amuser mais l'écorchée vive a besoin de sortir. Besoin de se retrouver libre. Elle se relève, tangue dangereusement jusqu’à la porte d’entrée. Elle oublie sa veste mais a toujours son sac sur elle. Dehors, enfin, elle croyait se sentir mieux, mais ce n’est pas le cas. L’anxiété trop rapidement retrouvée, la descente lui est difficile. Beaucoup trop difficile pour le corps peu habitué à la substance aussi intense. Même la cocaïne, il y a déjà longtemps, qu’elle n’en a pas pris. Alors le crack, le crack la déglingue complètement. Tu sens toute la noirceur évacuée en début de soirée te revenir de plein fouet. Tu sens tous les malheurs du monde s’abattre sur tes épaules trop frêles. Dans ton cœur empli de détresse, dans ton âme perdue parmi les ténèbres. Elle se sent fatiguée, perdue, déboussolée. Elle s’adosse au premier mur à sa portée, les paupières fermées, elle se laisse doucement retomber. Peut-être que si elle ferme les yeux suffisamment, peut-être qu’elle finira par se rendre compte que ce n’est qu’un cauchemar. Peut-être qu’elle va se réveiller, peut-être que, peut-être…

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{ when the stars go blue }
crédit/ tumblr ☾ w/@Arya Warren

Toute la noirceur de la nuit vient la submerger. Comme un étau qui vient douloureusement l’enserrer. Elle se sent étouffée, Ella, piégée dans ses propres travers. Prise à son propre piège. Elle n’est qu’une poupée émiettée, une poupée dont la vie lui a été ôtée. Tout son corps tremble sous l’angoisse ressentie, la souffrance aussi psychologique que physique. Elle a l’impression que le monde est en train de lui tomber dessus, que chaque ombre qui passe lui veut du mal. Que cela ne s’arrêtera pas, jamais, sauf si elle arrête elle-même. Les pensées suicidaires, l’oiseau privé de ses ailes, se retrouve à terre. Elle se sent incapable de sortir de cet enfer, enfer où elle est confinée. Loin des âmes précieuses aimées, loin des cœurs rares qui se sont risquées à l’aimer. Elle voudrait s’envoler encore plus loin, disparaître complètement. Mais, la rage au ventre, les démons la retiennent sans qu’elle puisse s’en libérer. Sans personne, non plus pour l’aider. Sans rien, sans personne, jusqu’à… Elle.

Elle,
apparaît comme une lumière,

elle,
vient comme un mirage dans cet univers,

qui n’est pas, pour elle.

Ella, elle ne la voit pas tout de suite. Trop chamboulée, trop meurtrie, elle se retrouve déboussolée par tout ce qui arrive. Mais la poupée approche, sans peur, sans appréhension. Sans peur que la sulfureuse ne s’en prenne à elle. Pourtant, de la féline, il ne reste plus qu’une âme en peine. Tu n’es plus rien, si ce n’est peut-être, un chaton abandonné. Un cœur délaissé que la vie a continué encore et encore de briser. Recroquevillée à même le sol, les bras autour des genoux, t’es repliée, comme si t’avais peur d’être remarquée. Peur d’être dévoilée, peur d’être démasquée. La fragilité transparaît pourtant plus que jamais, alors que la princesse ose se baisser. L’écorchée vive relève ses opales assombries, paumées, jusqu’à son visage parfait. Elle ne remarque pas, Ella, les traits fins et délicats. Elle ne remarque pas non plus la tenue élégante, raffinée. Tout, en elle, transpire le luxe autant que la beauté. Il n’y a que la bonté, en vérité, qui transparaît. Chaque parcelle du cygne semble en être dotée. – Non… non, ça va pas… murmure-t-elle, la voix tremblante, alors qu’elle peine à soutenir ce regard si franc posé sur elle. – Il me faut… il me faut un truc… lâche-t-elle soudain en relevant la tête pour la poser contre le mur froid derrière elle. Les prunelles toujours posées sur celles de la beauté, elle la contemple de cet air si tourmenté. Si ravagé par les démons qu’elle n’arrive plus à contrôler. – Il me faut une dose, ou je vais me foutre en l’air. elle lâche, devant cette parfaite inconnue, beaucoup trop vulnérable. L’évidence qu’elle a reniée devant tous ses proches, elle la balance là, Ella, misérable.

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crédit/ tumblr ☾ w/@Arya Warren

La silhouette frêle tremble de tout son être. Le froid la frappe, douloureux, glacial. Des perles de sueur gisent sur son front, bien moins visibles que celles, salées, dans ses opales sombres. Comme un démon qui possède son corps, elle ne le maîtrise plus, la poupée est perdue. C’est la souffrance qui coule dans ses veines, celle qu’elle veut à tout prix faire disparaître. Celle qui s’évapore, l’espace de quelques instants trop courts, chaque fois qu’elle respire sa précieuse poudre. Mais la drogue ne dure jamais bien longtemps. Ses effets disparus, ne restent plus que ses tourments. Ceux qui la détruisent de ce mal atroce, ceux qui la rongent. Ne s’y ajoute que le manque qui effrite un peu plus son âme déjà trop abîmée. Elle a besoin d’oublier, l’écorchée, besoin de s’oublier. Mais la seule personne qui vient à s’intéresser à elle lui refuse son remède. Elle refuse de lui accorder son aide. Impuissante, l’ange à la chevelure dorée reste pourtant à ses côtés, pour lui proposer d’appeler… quelqu’un. Peut-être qu’elle devrait accepter, peut-être que c’est ce dont elle a besoin. Mais Ella, elle ne sait plus ce dont elle a besoin. Elle ne sait plus rien. – Non… non, tu comprends pas… j’en ai besoin. elle lâche, de rage, les prunelles encore baignées dans les larmes. Ses mains qu’elle glisse désespérément dans sa crinière indisciplinée, l’âme en perdition presse ses doigts contre son crâne, comme pour presser tout ce mal. Elle ferme les paupières, prête à s’effondrer, si elle ne trouve pas un moyen de combler ce manque. Ce vide en toi, dans ton corps, dans tout ton être, ce vide qui te brise chaque jour de ta vie. Tu sens, peu à peu, perdre en toi l’envie de la poursuivre. La descente te rend encore plus vulnérable que d’ordinaire, plus fragile pour une existence déjà trop précaire. D’une main fébrile, elle ouvre son sac à main pour se saisir de son téléphone portable. Trouver dans ses contacts quelqu’un… quelqu’un qui la fournira. Elle se rend compte que l’appareil est éteint, fâcheuse manie de ne jamais en vérifier la batterie. – Putain…! Elle le laisse tomber, sans vergogne, sur le bitume. À côté de sa propriétaire déchue. Et à côté d’elle… elle, la douceur dans chaque trait de son visage parfait, elle ne l’a pas quittée. – Pourquoi t’es encore là, toi… Pourquoi reste-t-elle à ses côtés, si elle ne veut pas l’aider ? Pour admirer la détresse d’une âme complètement brisée, pour s’en amuser peut-être, avec ses amis aussi riches et heureux qu’elle doit l’être ? Elle ne la connaît pas mais, assurément, elle n’a rien à faire avec une fille bousillée comme elle. Une fille comme elle.

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crédit/ tumblr ☾ w/@Arya Warren

Elles ne se seraient jamais rencontrées dans des circonstances habituelles. Elle ne se serait jamais approchée d’elle, l’ange lunaire. Elle le sait, Ella, parce que personne n’approche plus depuis longtemps une fille comme elle. Personne n’ose frôler une âme aussi sombre que la sienne. Fille des ténèbres, reine des enfers, elle ne s’entoure que d’autres âmes en peine. Et cette fille, cette inconnue trop joliment apprêtée pour venir du même monde qu’elle, c’est comme si elle venait tout droit d’un autre univers., la princesse. Comme si, jusqu’à présent, vos vies étaient parallèles et que, par un concours étrange de circonstances, elles s’étaient subitement entrechoquées. Emmêlées, sans que tu ne comprennes pourquoi, ni comment, elles peuvent bien être reliées. Ce qui peut bien la retenir, la jolie poupée, auprès de la rose écorchée. La rose qui s’abîme l’âme de ses propres épines. Et qui essaie de se détruire, encore un peu plus, toujours un peu plus. Désespérée, Ella, elle n’essaie pas de manifester une quelconque résistance. Peut-être qu’en réalité, une part d’elle espère toujours que l’ange lui offre sa précieuse substance. Ou peut-être juste qu’elle attend sa délivrance. La mort certaine, qui t’attend, à force de te frapper le cœur comme tu te ronges le corps. La mort certaine, qui t’attend, peut-être par le biais de cet ange. Elle est en train de divaguer, Ella, elle est en train de sombrer. Halluciner une fin qui n’arrive jamais. Espérer en terminer pour de bon avec une existence qui n’a jamais cessé de la tourmenter. – Où est-ce qu’on va… elle se demande si elle est en train de mourir. Mais elle ne souffrirait pas autant si elle était en train de mourir. Elle ne sentirait pas toujours ce manque aussi violent qui la ronge à chaque pas qu’elle fait, alors qu’elle se laisse entraîner. Sa main souillée par les drogues absorbées, s’accroche aux doigts délicats de la belle à la peau éthérée. – Tu devrais pas traîner avec une fille comme moi… elle la met en garde, la princesse, comme si elle était dangereuse, comme si elle pouvait lui faire du mal. Elle la met en garde, comme si elle pouvait lui être fatale. Car c’est ce que tu fais, chaque fois, pour tous ceux qui se risquent à t'approcher. Tu les pousses à vouloir te protéger, vouloir te sauver. Tu les pousses à t’aimer, avant de les ronger, les contaminer de ta noirceur empoisonnée. De ta détresse qui finit, toujours, par les contaminer. Toxique, pour les autres, Ella, presque autant que tu l’es pour toi-même.

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{ when the stars go blue }
crédit/ tumblr ☾ w/@Arya Warren

L’ange blond paraît sortir tout droit du paradis. D’un monde empli de lumière quand Ella n’est que ténèbres. Parfait opposé, sublime opposée, elle n’aurait jamais dû la regarder. Elles n’auraient, même, jamais dû, se retrouver dans la même réalité. L’inconnue est une princesse digne d’un conte de fées quand elle n’est, elle, que cette poupée écorchée, poupée ravageuse et ravagée. La comparaison, pour l’âme en peine, n’est pas flatteuse à n’en point douter. Le port altier, le maquillage savamment maîtrisé, le visage tout entier respire le contrôle approprié. Elle est belle, elle est naturellement belle. Mais, aussi, volontairement belle. Comme une magnificence tout en harmonie, elle est simplement splendide. Ella, aussi, a une beauté incontestée. Mais elle est sauvage, presque inapprivoisable. Comme, impossible à dompter. Et pourtant… pourtant, elle, parvient à se faire écouter.

Tu ne sais pas comment,
tu ne sais pas pourquoi,
elle arrive à te relever,
et toi, tu choisis de la suivre sans te rebeller.

L’enfant tourmentée se laisse étonnamment faire. Comme si elle n’avait plus la moindre maîtrise d’elle-même. C’est à elle, cette étrangère, qu’elle la donne, sans chercher à s’opposer à sa proposition. Proposition qui n’en est pas une, pas vraiment. La princesse a beau être tout en délicatesse, il émane d’elle une certaine… autorité. Comme un besoin, à tout prix, de tout contrôler. Encore une chose qui pourrait, qui devrait, les opposer. Elle, la poupée de porcelaine mais qui détient une totale maîtrise de tout ce qui doit l’entourer. Et toi… toi… poupée de chiffon farouche qui sent ton existence tout entière t’échapper. Et, quand, en toute innocence, la jeune fille lui offre une alternative de son beau visage d’ange… Ella, elle n’est pas dupe. – Parce que tu me laisses le choix, p’t-être ? elle lui demande, la voix qui se veut sarcastique, mais qui résonne désespérément fébrile. Fragile. Tout ce qu’elle déteste mais qu’elle ne sait plus comment cacher devant cette fille. Les pas nerveux, Ella la suit tant bien que mal, malgré le manque, malgré la souffrance. Le silence absorbe l’atmosphère, mais elle n’y songe même pas. Trop concentrée dans le moindre de ses pas. Puis, cela devient trop difficile, trop douloureux. Une torture qui la submerge alors qu’elle finit par s’arrêter pour s’appuyer sur le mur d’un immeuble. – Attends… je peux pas. elle lance, la voix faible. L’écorchée n’essaie plus de faire la fière, elle est juste… prête à se briser. Les paupières fermées, elle sent le froid, autant que la chaleur. Comme si t’étais malade… malade d’exister. Malade de vivre. Et il y a tes opales qui s’humidifient, tes lunes qui s’assombrissent. Ella, t’es en train de craquer, incapable de te retenir. Incapable de te raccrocher à ta propre vie.