hors du charnier natal

01/ l'empire familial. l'impasse. ils sont deux, délogés des cuisses de la mère. ils sont deux, à prétendre au trône. lyosha est le second, le délaissé, la marmaille bancale. chiard exilé de l'amour paternel. faiblarde créature qui braille pour l'attention d'autrui.  02/ des carnets noircis de fantaisies. le crayon vissé à la main depuis l'enfance. une nécessité de reproduire, exprimer, loger réalité sur papier. avec le temps sont venus les fantasmes, la débauche du cortex. carnets barbouillés de sa maladie, pages rognées. il a du talent.  03/ gémellité embourbée à de jalouses bacchanales. il surveille, ignore, implore. grisha qu'il déloge, demande, harponne et griffonne. nécessité d'une ombre cannibale, d'une sournoise présence. duo, double. l'un n'allant pas sans l'autre. pile & face. 04/ personnification du mensonge. abjecte publicité de la banalité, d'une norme qu'il a forgé depuis l'enfance. maison, chien, gamin, femme. boulot, bagnole, dodo. on dine, on baise, on se tait, et survient l'ignorance. habile tissage qu'il entretient depuis des années. croyance qu'il peut être comme eux, que le rouge qui circule à ses veines n'est pas vicié, encrassé. véritables envies qu'il musèle. la folie ne saurait gangréner. je suis normal, je suis banal. menteur! 05/ le flingue roule entre les paluches. emprunté au paternel. une ambition de devenir flic, de chasser brigand, de passer menotte contre la pourriture. mauvais camp gamin. la mafia n'devient pas proue de la justice. l'ambition est dictée par le colosse de père. médecin, comme ça, tu n'seras pas totalement inutile, tu pourras réparer les oiselles fracassées. chirurgie s'impose. réparer les tissus, se faire monarque au delà des chairs perforées, malmenées. il agite instruments, se trouve passion pour les décharnés. et survient la fissure du costume, la diablerie qui ricane. compréhension qu'il peut mener vie ou provoquer mort. il abandonne lyosha, délaisse la blouse, quitte le maléfice que représente l'hopital. fuite. reconversion. ostéo. 06/ un fils, un unique petiot largué de son giron, venu becqueter les mots de grisha. la vingtaine trépassée. artyom est l'identité. 07/ calibrage de la journée. actions millimétrées, calculées, ordonnées. une nécessité. que rien ne déroge, implose, vienne créer chaos. 08/ le roi se meurt. le roi n'est plus que charpie, poussière d'os, résidus de chairs. des morceaux épars. aujourd'hui, papa est mort. une bouteille de vin dans la main, il est en retard à l'enterrement, il ne voulait pas, venir, les voir, recroiser cette peuplade qui n'est pas la sienne. le monde noir, le monde déguisé, mafia. c'était un tyran. 08/ colosse vouté arpente les musées, stationne des journées devant une oeuvre, un éclat de couleurs, une structure singulière, des détails feutrés. des toiles bardées de violence, toujours. des furies figées. 09/ le cou et la nuque encrés. des gravures florales pour oublier la chair d'un autre qu'on lui a greffée. accident ? incendie ? comment questionnent les curieux. réponse laconique. il ne saurait avouer la vérité. 10/ cygne noir jusqu'à ses vingt ans. cours de danse classique auxquels il assiste. la mère l'y emmène, autorise, surveille l'oisillon. mensonge formulé au père, on prétend un autre sport, un où ça castagne, un enjeu de mâle comme il dit. puis c'est l'accident en vélo, une glissade, ça dérape, ça dévisse les os de la jambe gauche. foutu pour l'utopie d'une étoile. depuis, il regarde les ballets, amer.