Find You ft Zadig

Avant toute chose, se calmer. Elle pose une main sur sa poitrine, là où son coeur bat à vive allure, tant de la cavale que de ce qui l'a provoqué. Elle se force à inspirer et expirer longuement pour reprendre le contrôle de son souffle anarchique. Dans le même élan, elle soulage ses jambes de son poids en s'asseyant au sol, dos contre la bordure. Sévan est encore perché sur un toit, poste d'observation de choix, autant que cache temporaire appropriée. Elle peu prendre le temps de respirer et au passage de poser ses pensées. Le constat n'est pas compliqué à faire: Elle est dans la merde. Elle soupire en secouant la tête, faisant voler quelques boucles souples, pour une fois qu'elle ne cherchait pas les problèmes. Elle passe une main dans ses cheveux pour ramener sa crinière en arrière et lève les yeux vers le ciel.

Ce n'est pas le premier crime qu'elle voit, ni le premier homme aperçu tomber dans une gerbe de sang. Par contre, c'est le premier qu'elle ne voit pas ensuite se relever, même titubant et mal au point. Il se redressera pas celui là. Une balle en pleine tête, ça pardonne pas. C'est aussi la première fois, qu'on la surprend en train de filer. Elle y était presque pourtant, mais il a fallut que ce foutu clébard aboie. Elle s'est retournée, entrevu leurs regards puis a disparu. Ce n'est maintenant qu'elle cesse de cabrioler. Il y a peu de chance qu'ils est pu suivre le rythme de sa fuite et les acrobaties pour passer d'un toit à un autre.

Après la voûte celeste, ses pieds et le bas de son jean, tâché par quelques éclats vermeilles. Elle tire sur la bandoulière de son sac pour le ramener à elle, l'ouvre et en sort une clope qu'elle glisse entre ses lèvres. Elle observe le briquet noir et la courte phrase en lettre blanche inscrite "Bonne Journée". Elle s'allume finalement la cigarette et en tire quelques lattes avant de se redresser. La nuit va tombée, il ne fait pas bon de s'éterniser, elle doit se trouver une piaule. Hors de question de rejoindre les habituelles. En gosse du quartier, elle connait ceux qui y règne, ceux qu'elle a contrariée de son indiscrétion sont sans doute déjà en train de les retourner. Elle observe les environs, s'assure qu'il soit sûr avant de quitter son perchoir, s'aidant des balcons et des gouttières. Quand elle pose pied à terre, elle sait où aller. Elle a repéré une maison abandonnée, coincée entre deux un peu plus vaillantes mais tout aussi branlante. Elle s'y faufile par une fenêtre brisée, la porte condamnée par des lattes des bois cloutés.

Le rez de chaussée n'est compensée que d'une pièce qui devait faire office de cuisine, salon et salle à manger. L'endroit à déjà été dépouillée de la moindre valeur. Elle ne trouvera aucun objet susceptible d'être revendu ici. Elle monte ensuite, les escaliers grinçant à chacun de ses pas. Parfait. Elle dormira en haut, si quelqu'un vient, elle ne pourra pas se faire surprendre. A l'étage, une salle de bain exigus et une chambre. Un matelas usée est posée au sol. Sévan fronce les sourcils quand son regard, s'attardant sur les détails, repère un sac dans un coin. Là depuis peu, il serait déjà volé dans le cas contraire. La poussière est pourtant là pour témoigner d'une absence prolongée. Un squat lâché récemment. Cédant à la curiosité, elle le récupère, l'ouvre et le retourne, pour le vider de son contenu. Quelques vêtements, ceux d'un géant, un chapeau, qu'elle prend et pose sur sa tête, sourire aux lèvres et... un mousqueton. Du matériel d'escalade. Amateur. Aucune adrénaline dans la sécurité.

Elle se décide à rester. Le taudis offre un confort relative mais une planque idéal. Elle n'est pas habituée à ce quartier et jouit de quelques jours pour réfléchir à la suite. La solution la plus simple serait de se faire oublier les prochains mois... Mais elle doute que ce soit si facile. Un nouveau soupire. Elle délaisse ces affaires qui ne sont pas les siennes, dépose le chapeau sur le lit de fortune, prend une poignée de seconde pour l'observer. Elle le reprend  aussitôt et le fixe alors qu'il tourne entre ses doigts. La dernière fois qu'elle en a vu un pareil, c'était juste avant de mettre le feu à la chambre et la photo de l'homme qui le portait. C'est une coïncidente, elle le sait bien... Mais quand même. Son regard dérive sur la montre à son poignet. Celle ci, elle ne l'a pas volée, c'est sa mère qui l'a fait, juste après avoir été rejeté par cet homme qu'elle aimait. Elle sourit un peu, remet le chapeau sur ses cheveux et se relève, s'étirant longuement. Elle finit par monter sur une vielle commode et se hisser sur une des poutres de la charpente apparente. Elle est plus à l'aise en hauteur. Elle s'y sent plus en sécurité. Elle se cale, décale le chapeau sur son visage pour faire l'obscurité sur les lumières perçant les vitres fêlées.

Le sommeil peine à venir. Les images de la soirée défilent en boucle dans son esprit. Elle finit par somnoler sur les possibilités qui lui restent. Dans une demi conscience, elle envisage même d'aller trouver les mafieux, pour leur assurer qu'elle n'est pas une balance et qu'elle sait se taire. Elle n'en sera pas à son premier secret.

Les nouvelles circulent vite, dans le milieu qui le caractérise. Une exécution, un témoin gênant. Il ne faut que quelques minutes à peine avant que son téléphone ne sonne de ces affirmations. Description hasardeuse. Une jeune, blonde, cheveux bouclés et grands yeux bleus. Comme le quart des  filles de cette ville. Le géant se moque et secoue la tête face au verre qui traîne devant lui. Encore un bar. Habitude dont il ne peut se défaire. Probablement connaît il tous les bars du coin. Probablement en a t'il cassé la moitié. Nouveau petit rire moqueur, avant qu'il ne repose le téléphone sur le comptoir, juste à côté du breuvage. De toute façon, personne ne pourra lui en vouloir de ne pas participer à la chasse. Il a sa propre mission, son propre dessein, qui ne saurait être contesté. Au dehors la nuit s'étire et il se décide enfin à déverser sa vodka dans son gosier, avant de quitter les lieux, récupérant au passage son portable.

Solitude imposée quand il se retrouve dans la rue désertée et il hésite un instant. Peut être peut il aller sonner chez sa compagne du moment. Seulement aujourd'hui, ce soir, il n'en a pas envie. Fait suffisamment étrange pour être souligné. Il ne veut la compagnie de personne, combat sa panique inhérente pour prendre la direction de son taudis personnel. Squat qui l'accueille et lui permet de s'évader, en ces rares occasions où il refuse d'être avec quelqu'un. Rare. Si rare. Il se perd un peu dans ses pensées, quand ses pas le mènent par habitude en ce lieux peu recommandable.

Pourtant il revient vite sur Terre, lorsqu'il remarque l'évidence. Quelqu'un est entré chez lui. La différence est subtile, impossible à remarquer pour tous ceux qui pourraient passer devant. Pourtant le piège qu'il avait laissé, est absent. Prudence exacerbée qui l'anime, sans laquelle il ne serait probablement plus en vie. Ses yeux délaissent rapidement la fenêtre, pour observer plus haut. Celle de l'étage. Impossible de dire si quelqu'un est là. Mais il se refuse à entrer par le chemin habituel. Tout comme il refuse de monter l'escalier grinçant. Voie rapide vers une mort certaine, il préfère l'itinéraire bis. Escalade de la façade, sur laquelle il s'est entrainé maintes fois, pour le cas où quelqu'un viendrait bafouer son intimité relative. Et c'est par la fenêtre de la salle de bain qu'il entre finalement, essayant d'être aussi discret que possible. Les lattes craquent légèrement sous son poids, mais rien de vraiment bruyant. Le choix a été évident et cette fenêtre n'est pas le fruit du hasard. Il vient vérifier si son argent physique est encore là, dissimulé dans sa cachette. Pas de soucis de ce côté là, l'exploration ne s'est visiblement pas portée jusque là.

Un brin plus détendu, le quarantenaire reprend sa route et observe directement la silhouette sur la poutre, un sourcil arqué et un fin sourire aux lèvres. Atypique position lorsqu'un lit traîne dans la pièce. L'arménien remarque aussitôt le chapeau vissé sur sa tête et il s'en agace aussitôt. Ce chapeau est beaucoup trop important à ses yeux pour finir sur n'importe qu'elle tête. Il se permet donc de marcher plus lourdement sur le plancher, afin d'attirer son attention sur lui. Bras croisés, regard désormais incendiaire et sourire disparu, il s'efforce d'adopter une position beaucoup plus menaçante qu'il l'est réellement. Sous estimant probablement la demoiselle, il ne croit pas être en danger en sa présence. Pourtant il reste méfiante, incapable de totalement se détendre face à l'évidence... Il y a quelqu'un chez lui... Et toute cette situation risque de tourner au plus mal...

@Sévan Moran

Il y a cet écho sourd, une détonation soudaine puis un silence sifflant à ses oreilles. Il y a l'explosion vermeille, un feu d'artifice écarlate dont la lumière retombe en pluie rubis sur le sol. Il y a ce corps qui choit sans bruit, presque au ralenti. Il y a cette scène en mode replay qui se répète dès qu'elle se termine, boucle infernal dont les détails finissent par se graver à même l'esprit. Jusqu'à la gourmette de celui qui a tiré, brillante quelques secondes à peine à la lueur d'un réverbère. Sévan finit par rouvrir les yeux pour fixer le plafond. Ce n'est pourtant pas ce qu'elle regarde. Sur ses rétines, c'est imprimer le sang. Elle s'y enfonce et lutte pour ne pas s'y noyer. Elle n'est plus une enfant pourtant, la mort; elle sait ce que c'est. Ce n'est pas la première fois qu'elle observe l'ombre de la faucheuse ramasser une âme. Si la violence la marque, la fin inévitable, qui se joue encore et encore, la laisse de marbre. C'est un inconnu qu'elle a vu chuter. Un homme qu'elle ne peut même pas nommer. Son anonymat offre le confort de l'indifférence.

Ce n'est pas le crime qui la tourmente, il y en a des milliers chaque jour. Ce n'est pas non plus d'y avoir assistée. Ce qui la ronge le plus est bien d'avoir été surprise à l'épier. Le danger est là et seulement là. Le reste, n'a pas vraiment d'importance puisqu'elle peut vivre avec. Peut être que les souvenirs hanteront un temps ses nuits et ses cauchemars, mais ça s'arrêtera à ça. Elle soupire longuement, se force à refermer les paupières. Elle a besoin de sommeil. Il lui faut être capable de réfléchir et surtout d'agir sans peser de la fatigue. Pour ne plus réfléchir à rien, elle se concentre sur sa respiration, visualise le cheminement de l'air qu'elle prend. Inspirer, expirer, voyager. Inspirer, expirer, voyager. Voyager... Elle ira un jour en Russie, le pays de sa mère. Celle ci y était née quand bien même elle a grandit ici. Inspirer, expirer, voyager. L'Arménie aussi. Elle sait que c'est celui de son Père, sa mère le lui a dit quand elle délirait sous la maladie. Ce qu'elle sait de lui, c'est ainsi qu'elle l'a apprit. Le besoin d'y accorder du crédit.

Elle se redresse soudainement au plancher qui craque. Coupant court à ce sommeil qui la gagnait et les pensées qui tournaient. Son regard rencontre l'acier du géant. Même haut perché, elle se sent petite. La fierté est piquée et elle se fait un honneur que de ne pas avoir peur de l'homme qui lui fait à présent face. Elle est rapide à se redresser, en équilibre sur cette poutre qui lui servait de matelas. A présent c'est un abri, qui la garde hors de portée. Il n'a pas prit l'escalier, elle l'aurait entendue, habituée à ne jamais relâcher sa vigilance. C'est comme respirer, un automatisme. Il est entré autrement. Une fenêtre au premier. Il connait donc les lieux et il sait grimper. Un court instant, elle dérive ses yeux vers le sac sur le lit. Le squat n'était pas abandonné. Il était juste un, parmi ceux qu'il devait occuper. Il lui faut activer la mécanique de son esprit, réveiller les méninges.

Elle louche ensuite sur le chapeau qu'elle n'a pas ôtée. Le sien, donc. Elle le garde pourtant, peu désireuse de le lui rendre. Elle l'a trouvée, il lui appartient à présent. C'est con, mais elle y tient. Qu'il ressemble beaucoup à celui de son père suffit à s'y attacher, quand bien même elle pourrait le nier. Et tandis que ses iris détaillent le géant, elle se dit que ça pourrait être lui. Elle écrase l'idée sitôt qu'elle se formule. Enfant, elle en a croisé des qui ''pourrait être lui". Ça fait mal de se tromper. Elle croise, comme lui, ses bras contre sa poitrine. - ça ne se fait pas de débarquer ainsi en pleine nuit ! Elle fronce les sourcils. Si il tenait à l'endroit, fallait pas le quitter. Maintenant c'est sa planque. Comme c'est son chapeau. - T'aurai pu m'faire peur. Ouais, elle l'engueule. Elle ne va tout de même pas se laisser impressionner.

Son regard ne quitte pas la petite silhouette qui traîne chez lui. L'amusement traîne dans un coin de son crâne, mais il laisse le tout dissimulé derrière ce masque de froideur qui a su faire sa réputation d'homme à ne pas embêter. Cette poutre qui l'accueille, semble plus confortable que le lit et sa position n'a rien d'inattendue. Certitude qui s'installe quand elle se redresse d'un coup, sans quitter son perchoir. Intelligence de la rue, il le perçoit immédiatement. De toute façon, qui d'autre pourrait venir dans cette maison mal isolée et peu entretenue?  En croisant son regard, le doute s'instille doucement dans ses veines. La description qu'il a reçu en message ressemble étrangement à cette gamine qui se dresse au dessus de lui. La quartier ne correspond pas, mais le reste semble presque trop beau pour être vrai. Seulement pour l'instant, il n'en pipe mot, préférant se concentrer sur deux détails qui le perturbent et le dérangent. Ce chapeau, qui traîne sur sa tête qu'il trouve étrangement raccord avec la tête qu'il décore. Cette montre, qui enferme son poignet et qu'il reconnaît sans trop se souvenir d'où. Plusieurs secondes s'écoulent avant qu'il ne se décide à répondre à la demoiselle. Temps durant lequel il l'observe sans forcément la voir, cherchant dans ses souvenirs diffus, l'histoire de ce bijou qui n'a définitivement rien de féminin.

Elle grogne, elle jappe, elle l'amuse la demoiselle qui n'est pas en détresse. Toujours perdu dans ses doutes, il décide d'entrer dans la danse, afin de se faire une idée de façon différente. Plutôt de que de l'agresser en règle, il préfère le contre pied et s'installe dans une moquerie qui n'a rien de sympathique, mais qui reste bien plus agréable que l'ours qu'il peut être. Tu serais vachement plus crédible si tu traînais pas là haut gamine. Il hausse les épaules dans un sourire moqueur, avant de reprendre, d'un ton beaucoup plus bourru. T'es chez moi. Tu portes mon chapeau. T'es carrément gonflée d'm'en vouloir de t'avoir réveillée. Désormais beaucoup moins discret, il avance vers la demoiselle, incapable de ne pas ressentir un malaise étrange en sa présence. C'est cette montre. Le bracelet en cuir est caractéristique de ce qu'il préfère. Et ses yeux ne quittent pas l'objet. Des initiales y sont gravées, juste à coté de la montre, sur le cuir usé par le temps. Pour la définir comme sienne, il devra s'approcher et attraper la gamine.

Seulement comme un animal effrayé, il va devoir user de plus de délicatesse s'il veut obtenir ce qu'il désire de cette fille. On a l'air dans une impasse là. J'suppose que tu veux pas t'casser. Et ça m'ferait chier de t'remettre dans la rue à cette heure. Mais j'aime pas trop les squatteurs. Alors on fait quoi? Volubile comme jamais auparavant, il conserve un visage presque sombre, mais les mots s'échappent avec une facilité qui ne lui ressemble pas. Chaque seconde de plus le pousse à se poser des questions. Entre cette montre et cette description, tout semble fait pour faire douter le géant quand à l'identité de la blondinette. Qui est elle? Pourquoi est elle là? Et surtout, pourquoi il éprouve ce besoin urgent d'avoir des réponses, au lieu de la remettre dans son élément naturel? Toutes ces questions qui tournent et s'entrechoquent dans son esprit habituellement si calme et pragmatique. Chaos impossible à gérer, à laquelle il répond par un grognement qui semble sortir de nul part. Lentement il vient croiser les bras contre sa poitrine, augmentant le côté impressionnant qu'il dégage souvent.

Elle ne peut s'en empêcher dès lors que son regard se pose sur lui, elle scrute les similitudes entre l'homme qui lui fait face et celui de la photo dont les traits flous se sont imprimés dans sa mémoire. Il faut dire qu'elle l'a souvent regardé... qu'elle lui a souvent parlé aussi. Quand elle avait peur, quand elle doutait, quand ce n'était pas facile. Au final, ce sont surtout les différences qu'elle remarque. Il faut qu'elle arrête de le chercher partout. Le trouver ne servirait de toute façon à rien. Il n'a jamais voulu d'enfant. Il n'en a pas voulu quand elle était encore dans le ventre de sa mère, il n'en a pas voulu quand elle est née, il n'en voudrait pas maintenant. Et ce n'est pas elle qui ira le supplier d'accorder une chance à la paternité. Elle ne fera pas la même erreur que sa mère.

Elle garde les bras croisé contre sa poitrine, chassant vite ses pensées qui la parasitent. Elle doit rester focalisé sur la réalité plutôt que sur l'imaginaire qu'elle a débridée. Avoir quitté son quartier, ne l'assure pas d'être en sécurité. Les hommes qui ont abattu le malchanceux, ne s'arrêteront pas à sa rue. Rester prudente. Rester méfiante. - J'cherche pas à être crédible. Répond t-elle en fronçant un peu les sourcils. Insaisissable par contre,... - D'façon si tu voulais garder ton chapeau et ton chez toi, fallait laisser ni l'un ni l'autre. Elle doute qu'elle lui apprenne cette vérité. Elle se recule dès qu'il se rapproche, tenant à conserver une distance de sécurité. Il a beau usé de matériel d'escalade, elle ne sous estimera pas l'agilité du géant. Si il venait à l'attraper, elle n'aurait pu aucune possibilité pour lui échapper.

Elle suit la course de ses yeux, remarquant vite qu'il observe la montre qu'elle porte au poignet. Hors de question de lui offrir une occasion de la voler. C'est la seule chose à ses yeux qui ait de la valeur. Elle pourrait se séparer de tout le reste, mais pas du bijou. Immobile à présent, elle étudie sérieusement le problème qu'il vient de poser, même si pour elle l'énoncé est un peu différent. Elle ne peut pas le mettre dehors, elle n'en aura pas la force, puis quitter son perchoir serait se mettre en danger. Elle pourrait bien sortir en passant par la charpente, mais ça revient aussi, à se mettre en danger. Elle soupire mesurant celui que représente cet homme si imposant. C'est bien sa veine, tiens. - T'as qu'à dormir sur l'matelas. Moi j'peux l'faire là. Elle réfléchit déjà au lendemain, hors de question d'envisager de squatter plus longtemps. - J'serai partie avant qu'tu te réveille. Aux première lueurs de l'aube, elle disparaitra. Une planque n'est pas sur si une personne sait où la trouver.

Le mordant de la gamine l’impressionne autant qu'il l'amuse. Il suffit d'un rien d'habitude, pour faire perdre aux gens leur verve. Bras croisés et gonflement de poitrine suffisent généralement pour garder le contrôle de la conversation. Là, il pourrait se laisser glisser dans l'espièglerie de la situation et profiter de la présence de la jeune fille pour lâcher prise juste un peu. Pourtant il ne se le permet pas. Trop de questions en suspens, trop de doutes qui l'assaillent et dont il ne comprend pas l'arrivée. Sourcils qui se froncent alors un peu plus, quand elle balance sans une honte qu'elle ne lui rendra pas son chapeau. Bien qu'il chérit malgré lui depuis des années. Qui l'a suivi de la Russie jusqu'à l'Amérique et dont elle ose s'annoncer propriétaire sous un prétexte fallacieux. Tout ce que tu trouves n'est pas à toi. Ni ce chapeau. Ni ce domicile. Ton qui claque malgré le sourire qui décore ses lèvres. Paradoxe entre la sévérité qu'il veut dégager et ce divertissement qu'elle assure malgré elle. Seulement il s'efforce de retrouver un visage neutre voire même légèrement agressif, cessant d'offrir une porte de sortie au petit singe. Chaque minute le pousse à la considérer un peu plus comme une ennemie et un peu moins comme une rencontre opportune.

Questions dans sa caboche qui tournent et défilent, qu'il hésite à poser franchement. Surtout parce qu'il se doute qu'elle n’offrira aucune réponse satisfaisante et moins encore une réponse honnête. Jeu qu'il doit quitter sur le champ, s'il ne veut pas se retrouver enfoui par des sentiments qu'il ne faudrait pas ressentir. Non. Tu ne seras pas partie avant que je ne me réveille. Parce que tu vas pas partir d'ici. Arme qu'il sort de l'arrière de son pantalon pour la pointer sur la jeune demoiselle agile. Il ne l'utilise jamais. Pour ne pas faire de choses stupides, pour ne pas avoir de sang mortel sur les mains. Sécurité qui reste en place alors qu'il la menace sans hésiter. Jeu terminé à regrets alors qu'il voudrait en savoir plus sur elle. Seulement il ne peut s'empêcher de la penser similaire à cette témoin gênante. Tu vas descendre doucement, me rendre mon chapeau... Lentement il penche la tête sur le côté, pour conclure d'un ton plus bourru encore. Simplement parce qu'il ressent un malaise immédiat à lui parler ainsi et la traiter de cette façon. Et me dire où tu étais en début de nuit.

Regard qu'il redresse, qu'il rend presque hautain en attendant les mots de la blondinette. Souffle qui devient court et coeur qui s'affole une seconde, alors qu'il remet enfin la montre. Celle qu'il a "perdu" presque vingt ans auparavant. Et l'âge que tu as! Cette fois, sa voix est beaucoup plus fébrile. Beaucoup de choses qui se passent en même temps de son crâne et qu'il balance sans beaucoup de subtilité. Exemple flagrant qui montre sans équivoque pourquoi il n'aurait jamais pu être un homme de main efficace pour son patron. Les relations avec les autres sont toujours compliquées pour le géant, surtout quand il doit agir avec diplomatie. Là, bien sûr, il aurait du moduler ses questions et ne pas tout balancer d'un coup, mais il ne parvient pas à réfréner tout ça. Surtout quand c'est finalement la dernière réponse qu'il attend le plus et qui l'intéresse inconsciemment.

Est ce qu'elle était prête à renoncer au chapeau ? Elle se pose la question alors que ses mots fouette l'air aussi surement que son sourire fend ses lèvres. Message contradictoire qui ne la renseigne que sur une chose: Il ne renoncera à rien. Elle peut quitter la maison, ça ne l'arrange pas de le faire maintenant, mais si ca s'avérait nécessaire, elle le ferait. Elle est moins sûr pour le couvre chef. Elle voudrait le garder, juste pour ce qu'il représente. ça l'agace de ne pas être en mesure de conserver ce qu'elle a trouvé. Plus grande et plus imposante que lui, la question ne se serait même pas posée. C'est lui qui aurait déguerpie sans demander son reste. Et il n'aurait même pas cherché à discuter. Elle ne répond rien et hausse les épaules. Par fierté, elle ne lui dira pas qu'elle le sait déjà. Il y a au fond qu'une seule loi dans la rue, celle du plus fort. De temps à autre, être la plus maligne lui permet juste de la contourner. Pas cette nuit...

Elle l'a vu venir dès qu'il a achevé sa phrase, dès qu'il a esquissé son geste et c'est trop tard pour fuir. - Alors ça, c'est vraiment pas cool. Elle le dit dès qu'elle le pense. Elle secoue doucement la tête alors que ses yeux restent rivés sur l'arme qu'il pointe à présent dans sa direction. Son cœur s’accélère sous l'adrénaline qui enflamme ses veines mais la peur ne vient pas la paralyser. Non, elle affute ses méninges, repousse les émotions pour se concentrer sur une logique froide. Aura t-elle le temps de filer avant qu'il ne retire la sécurité ? Elle y réfléchit, garde l'idée dans un coin de l'esprit avant de mesurer l'ampleur de sa malchance. Il fallait que la planque qu'elle trouve, dans un quartier qui n'est pas le sien, soit justement celle d'un de ceux qui la recherche... Pourquoi lui demanderait il ce qu'elle faisait à la tombée de la nuit dans le cas contraire ? Génial, simplement génial... Est ce que s'était réellement la peine de quitter le lieu du crime si c'était au final pour se jeter toute seule comme une grande dans la gueule du loup ?

Puisque paniquer ne servirait à rien, elle se rapproche, mais ne descend pas... L'élan arrêté par sa dernière question. Qu'est ce qu'il peut bien en avoir à foutre ? ça changerait quelque chose ? Si oui, quelle est la réponse qu'il attend ? Et pourquoi ça a l'air d'autant l'agiter ? Trop d'interrogations auxquelles elle ne peut répondre. Bon, faire le point sur ce qu'elle sait, autant dire rien. Au moins, elle en avait vite fait le tour. - Moi j'veux bien hein ... J'ai une nette tendance à la coopération quand on braque un flingue sur moi... Elle sourit. Ce n'est pas qu'elle est n'a pas conscience de la situation et de ses conséquences, s'est juste que s'en affoler serait lui donner une arme de plus. - ... Mais une fois que je serai descendue, que j't'aurai passée mon chapeau. Elle n'en démordra pas. - Et t'aurai dit tout c'que tu veux entendre... Euh... comment dire ? Elle tapote le bout de son nez en faisant mine de réfléchir. - Mes chances d'rester en vie risque de tomber à Zéro. Et ça c'est mathématique. Plus les gens ont besoin de toi, moins y a de risque de crever. - Alors oui, je te l'accorde, à ne pas te rejoindre alors que tu l'as d'mandé, j'ai aussi peu de chance de survit mais... Peu c'est toujours mieux que rien.

Lentement, histoire de pas aggraver son cas, elle retire le chapeau... Va falloir qu'elle y renonce malgré tout. Elle s'en trouvera bien un autre qui y ressemble, ce n'est pas comme si c'était l'original. Bon, maintenant attendre que son petit numéro le sorte un peu plus de ses gonds, guetter le moment où il manquera d'attention, lancer le couvre chef pour totalement la détourner et ensuite grimper plus haut dans la charpente. Ca, c'est le plan, en théorie il peut marcher, mais Sévan ne vit pas en Théorie. ça l'empêchera pas de passer à la pratique dès la première faille. Elle préfère essayer que juste se résigner.

Ses lèvres esquissent les prémices d'un sourire qu'il retient in extremis. Les réactions de la blondinette n'ont rien de communes. C'est agréable. Rafraîchissant même. Tant qu'il s'en veut aussitôt de pointer cette arme sur elle. Si seulement ils s'étaient rencontrés dans d'autres circonstances... Seulement la réponse qu'elle lui offre, sur la défensive, le conforte dans son idée d'avoir trouvé la petite vermine trop curieuse, comme nommée dans le message de son téléphone. Sauf qu'il ne sait pas vraiment comment réagir maintenant. Toute cette situation semble pourtant claire que de l'eau de roche. Le destin a fait qu'elle s'est jetée droit dans ses bras bien qu'il ne soit concerné que de très loin par l'affaire l'agitant. Et il devrait simplement lui mettre une balle dans la tête. Ou l'apporter auprès des personnes concernées, mais il sait que ce sort serait bien peu enviable. Connaissant ses camarades, elle risquerait de souffrir beaucoup, pour le même résultat.

Pourtant l'une, comme l'autre des solutions, semblent insurmontables au géant, pour une raison qui lui échappe encore. D'ailleurs sa langue claque contre son palais, alors qu'il se rend compte qu'elle n'a pas répondu à sa question. Elle tente de l'entourlouper. Semble d'ailleurs plonger dans le cliché qu'il véhicule en le prenant pour plus stupide qu'il n'est. Ton chapeau hein? Petit rire qui lui échappe, tandis qu'il conserve le bras ferme et le regard toujours ancré dans le sien, cherchant le moindre signe de fuite. Laisse tomber le reste. T'as quel âge? Il rangerait bien son flingue pour la pousser à la confiance, mais il préfère la conserver en joue, tant qu'il n'a pas la réponse à la question. Probablement stupide d'ailleurs. Le hasard ne serait pas assez cruel pour mettre en face de lui, en ennemie, son sang. Fille qu'il n'a jamais voulu et qui n'est probablement pas devant lui à cet instant. La coïncidence serait bien trop énorme. La fille recherchée par toute sa mafia. La fille qu'il n'a jamais reconnu. Toutes les deux une. Et là, devant ses yeux. Non, les chances que ça puisse être le cas sont proche de zéro, voire même négatives.

Il divague et se perd dans des tergiversations qui semblent sans fin et inextricables. J'te promets de pas t'amener à ceux qui t'recherchent. Ca te garantis pas la survie. Mais au moins, si c'est moi qui te tue, j'ferais ça proprement. Probablement n'aurait il pas du prononcer ces mots là. Bien sûr qu'il risque de la faire paniquer en la menaçant de mort ouvertement. Les mots se joignent aux actes et c'est là qu'elle risque de faire quelque chose de stupide. Alors il baisse son arme. La range là où elle était quelques secondes plus tôt et tend sa main vers l'acrobate. Et si on recommençait gentiment? J'veux pas t'faire peur. Mais t'as vu quelque chose que t'aurais pas du. Ca j'te l'apprends pas. Par contre... T'es dans de sérieux ennuis. Et lui faisait parti des gentils dans ces ennuis là. D'autant plus s'il s'avère que cette montre lui appartient bel et bien.

Et merde, il est pas con. Elle ne retient même pas un soupire alors qu'elle le constate. Il n'est pas tombé dans le panneau et garde ses yeux rivés sur elle, faisant échouer par avance, tout tentative de s'éclipser. Elle voit chuter les probabilités de sa survie. En attendant d'y parer ou de s'y préparer, elle gagne du temps. - T'sais qu'ça fait pervers de faire une fixette comme ça sur mon âge ? ça change quoi ? Il lui faut une réponse, parce qu'à en cherche une  son esprit commence à dériver sévèrement. Cette question qu'il arrête pas de poser, plus importante que les autres, cette montre qu'il arrête pas de regarder, de détailler... Ce chapeau le même que sur la photo. C'est une plus grande torture que l'idée imminente de sa mort. Il faut qu'elle arrête, ça ne sert à rien, sauf à se faire mal.

Elle réfute une fois encore et se concentre sur ce qu'il dit pour ne plus s'égarer. Ça peut sembler horrible, cette promesse, cependant, elle est lucide sur ce qui l'attend si il la ramène à ceux qu'elle a semé. Elle sera pas tué immédiatement, il faut faire des exemples et en prime, elle a contrarié leur orgueil, autant de raison que de lui faire payer à grands renforts de cri et de sang. Dans ces conditions, lui assurée une mort rapide, c'est une faveur - C'est étonnamment sympas d'ta part. Elle le détaille, méfiante... Est ce qu'elle peut seulement lui faire confiance ? Il a beau avoir rangé son arme, elle ne tente pas pour autant de filer. Il a été bien trop vif à la sortir pour espérer fuir sans prendre une balle. Il doit bien une chose qui doit exister et qu'elle puisse tenter pour s'en tirer faut juste qu'elle la trouve.

Elle dévie son regard vers cette main tendue, plissant un peu les yeux, surprise par le geste sans le montrer. - Sérieux ? Tu crois que j'le sais pas non plus ? Sa langue claque contre sa palais alors qu'elle est presque vexée. A t-elle l'air si stupide ? Elle sait, c'est d'ailleurs pour ça qu'elle a filé... Ici. Mauvais choix, mais bonnes raisons. Elle secoue la tête, fixant toujours son bras. - T'auras pas ma montre, tu sais ? Fin si, tu pourras évidemment la prendre après... Un cadavre offre peu de résistance. - ... Mais j'te laisserai pas la prendre avant. Il l'a bien trop regardé pour qu'elle ne le soupçonne pas de vouloir la lui prendre. Ca serait l'occasion parfaite. C'est une technique qu'elle pourrait utiliser d'ailleurs. Après un long débat avec elle même, elle consent cependant à faire preuve de bonne foi. Si elle ne saisit pas sa main, bien trop prudente, elle consent à donner enfin lui répondre. - J'ai 18 ans... Bientôt 19. Tout du moins si elle survit à cette nuit.

Ses lèvres s'étirent lentement mais il ne répond pas. Alternant toujours entre ses yeux et cette montre. Incapable de ne pas douter, face à tous ces détails qui viennent s'accumuler. Mensonges éhontés, s'il venait dire qu'il n'a jamais pensé à sa descendance. Gamine qu'il a rejeté sans hésiter à l'époque, mais qui lui manque parfois, quand il se retrouve seul à attendre l'impossible, à croire invraisemblable. Souvent il s'est imaginé, la vie qu'il aurait pu avoir, si dans son inconscience et sa jeunesse, il avait accepté cette fille, cette femme. Et puis l'évidence venait toujours s'imposer. Tous auraient été malheureux. De ça il est persuadé.

Rien probablement. Il fini par lui offrir quelques mots, avant de redevenir le bourru qu'elle a rencontré quelques minutes plus tôt. Le géant balance, entre la fidélité qu'il éprouve pour son clan, pour sa mafia et ceux qui l'ont fait grandir au fil des années. Et cette envie de protéger la gamine, qui n'a finalement probablement rien demandé. J'suis un type sympa. Yeux rieurs même s'il tient à conserver son sérieux. Il ne veut pas la laisser croire que tout va bien, qu'elle est en sécurité. L'espoir détruit tant qu'il refuse de lui en offrir à cet instant. Elle est condamnée. Le choix lui appartient désormais, entre une mort rapide et une douleur insoutenable.

Enfin il soupire et ramène sa main le long de son corps. Il croiserait bien les bras, pour exprimer cette frustration qu'il ressent à ne pas obtenir de réponse, mais il préfère garder une main mise sur la situation. Tu sais que t'es dans la merde. J'aimerais être sûr que tu sais à quel point c'tout. Il ne répond que ça, alors que son esprit déraille de nouveau. Elle claque la langue de la même façon qu'il le fait quand il est agité ou agacé. Et surtout, elle répond enfin. Lui offre ce nombre qu'il quémandait et qui le perturbe d'autant plus. L'âge correspond. La montre correspond. Du moins de l'extérieur. Et de nouveau il penche la tête, pour l'observer un peu plus en détails. Cherche les similitudes entre son visage et le sien. Les ressemblances entre cette femme qu'il a tenu entre ses bras et cette fille qu'il tenait en joue encore quelques secondes plus tôt. Il ne parvient à rien. Parce que ses traits sont flous dans sa mémoire. Ta montre.. Ton chapeau.. Ton squat.. A croire que ce qui est à moi, est à toi. Sa voix est hasardeuse, presque tremblante. Sûr de rien, il balance ces mots pour lui lancer un appât et chercher à voir si elle est finalement là à dessein. Paranoïa qui s'installe alors qu'il l'imagine assister à cette mort, pour simplement l'obliger à passer du temps avec elle. Imagination débordante qu'il n'arrive pas à réfréner et qui brise enfin la concentration qu'il avait à son égard.

Ses yeux rompent le contact et il recule d'un pas, incapable de supporter le poids de ce qu'il ressent à cet instant. Si cette gamine est bien sa fille... Ils sont tous les deux dans un chaos qu'il ne pourra probablement pas gérer. Tout s'entrechoque et il balance, presque comme une insulte. Et j'suppose que t'es né l'premier jour de l'hiver en prime?  Erratique et presque idiot, il plaint la pauvre gamine qui doit subir ses changements d'humeur soudains. Oubliée la menace qu'il faisait peser sur elle. Il n'est désormais qu'une ombre, qu'elle pourrait désarçonner trop facilement...